Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990114


Dossier : T-2387-92

ENTRE :


SUNTECH OPTICS INC.,


demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION


[1]          Il s'agit d'un appel formé contre une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur, en date du 2 juin 1992, selon laquelle des lunettes de soleil vendues par la demanderesse ne sont pas exemptes de la taxe de vente fédérale.


LES FAITS


[2]          La demanderesse, une compagnie constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique, poursuit des activités d'importation et de distribution de lunettes de soleil vendues sans ordonnance. Les lunettes de soleil fournissent une protection contre les rayons ultraviolets. La demanderesse a importé environ 200 modèles différents de lunettes de soleil au Canada durant la période en cause, c'est-à-dire du 26 août 1988 au 20 juillet 1990. Durant ce temps, la demanderesse a payé la taxe de vente fédérale (TVF) à l'égard des lunettes de soleil importées, conformément à l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (LTA) et à la politique administrative de Revenu Canada (Douanes et Accise).


[3]          Le 22 août 1990, la demanderesse a déposé une demande de remboursement de la somme de 504 131,41 $ en TVF qu'elle a payée sur des lunettes de soleil importées du 26 août 1988 au 20 juillet 1990. La demanderesse faisait valoir que les lunettes de soleil étaient exemptes de la TVF lorsqu'elles étaient importées selon l'article 1 de la Partie XV de l'Annexe III de la LTA et du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures applicable, DORS/84-247 (le Règlement).


[4]          Le ministre du Revenu national a délivré un avis de détermination le 28 septembre 1990, indiquant que les lunettes de soleil n'étaient pas exemptes de la TVF. La demanderesse a déposé un avis d'opposition le 19 décembre 1990, mais le ministre a confirmé l'avis de détermination en délivrant un avis de décision le 14 mai 1991.


[5]          La demanderesse a interjeté appel de l'avis de décision du ministre auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, mais cet appel a été rejeté le 2 juin 1992.


[6]          Par la suite, la demanderesse a formé le présent appel auprès de la Cour fédérale en vertu des articles 81.24 et 81.28 de la LTA et de l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.


LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES


[7]          L'article 1 de la Partie XV de l'Annexe III de la LTA prévoit une exemption pour les objets suivants :

1. Clothing and footwear, including articles and materials for incorporation in home or commercial production thereof, as the Governor in Council may determine by regulation.

1. Vêtements et chaussures, y compris les articles et les matières devant être incorporés dans leur production domestique ou commerciale, que le gouverneur en conseil peut déterminer par règlement.

[8]          L'article 2 du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures dit :

         2. Aux fins de la Partie XV de l'Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, il est déterminé que les vêtements et chaussures comprennent                 
             ...                         
             f)      les coiffures telles que les passe-montagnes, les protège-casquettes, les bonnets, les protège-oreilles, les chapeaux, les capuchons, les coiffures tricotées, les bonnets de nuit, les bonnets de pluie, les bonnets de douche, les toques, les chapeaux et bonnets d'uniformes,                         
             ...                 
             k)      les vêtements et accessoires divers tels que les peignoirs, les maillots de bain, les sorties de plage, les ceintures, les robes de chambre, les porte-jarretelles, les gants, les robes d'intérieur, les mitaines, les cravates, les chemises de nuit, les pyjamas, les foulards, les vestes d'intérieur et les bretelles,                         
             mais ne comprennent pas                         

             ...

             q)      les marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures telles que les couronnes, les harnais pour transporter le matériel, les sacs à main, les fanions, les bourses, les sceptres, les écussons, les parapluies, les portefeuilles et autres accessoires servant à garnir les vêtements et les chaussures.                         

LES ARGUMENTS

1. Les arguments de la demanderesse

[9]          La demanderesse soutient que les lunettes de soleil constituent des vêtements exemptés en vertu de l'article 1 de la Partie XV de l'Annexe III de la LTA et du Règlement parce qu'elles sont visées par le sens ordinaire du mot vêtement.

[10]          Subsidiairement, la demanderesse prétend que les lunettes de soleil constituent des vêtements exemptés en vertu de l'article 1 de la Partie XV de l'Annexe III de la LTA et du Règlement parce qu'elles sont décrites précisément dans les deux alinéas 2f) et 2k) du Règlement ou dans l'un d'eux comme " coiffures " ou " vêtements et accessoires divers ".

[11]          En dernier lieu, la demanderesse soutient que les lunettes de soleil ne sont pas exclues de l'exemption par l'alinéa 2q) du Règlement puisque les lunettes de soleil ne sont pas des marchandises " conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures ".



2. Les arguments de la défenderesse

[12]          La défenderesse fait valoir exactement le contraire des arguments de la demanderesse qui ont été exposés ci-dessus.

L'EXAMEN DE LA QUESTION

[13]          La question porte sur l'interprétation de dispositions législatives pour déterminer si les lunettes de soleil, lorsqu'elles sont bien caractérisées, sont assujetties à la TVF en vertu de la LTA et du Règlement. Il faut procéder en deux étapes : premièrement, on doit interpréter la disposition législative; deuxièmement, on doit déterminer si la preuve établit que les lunettes de soleil sont visées par la disposition.

[14]          C'est un principe bien établi que les lois fiscales doivent être interprétées selon les règles d'interprétation utilisées habituellement pour toute autre loi (Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536). Cela porte à penser qu'il faut accorder aux mots leur sens ordinaire, tout en tenant compte du contexte, de l'esprit et de l'objet du texte législatif ainsi que du but visé par le législateur.

[15]          Les " lunettes de soleil " ne sont pas définies dans la LTA ou le Règlement. Le Règlement énonce effectivement que l'expression " vêtements et chaussures " comprend " les coiffures " et " les vêtements et accessoires divers " mais ne comprend pas " les marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures ". Chaque rubrique fournit des exemples précis de vêtements et de chaussures, mais, comme je l'ai fait remarquer, les lunettes de soleil ne sont pas mentionnées.

[16]          Pour déterminer le sens ordinaire, il faut se reporter aux définitions du dictionnaire. Voici les définitions pertinentes tirées du Webster"s Third New International Dictionary :

         [traduction]                 
         vêtement : ce qui en général couvre le corps humain : tous les objets et les accessoires portés par une personne à n'importe quel moment
         coiffure : objet servant à couvrir la tête         
         lunettes de soleil : lunettes utilisées afin de protéger les yeux des rayons du soleil         
         accessoire : toute pièce d'habillement (comme un foulard, une ceinture ou un bijou) qui met en valeur ou complète le costume d'une personne                 
         habillement : les vêtements que porte une personne         

[17]          Il appert que la question en litige est de savoir si les lunettes de soleil peuvent être désignées comme un accessoire ou, selon le libellé de l'article 2 du Règlement, comme une marchandise qui est conçue pour être utilisée avec les vêtements et les accessoires.

[18]          La demanderesse a assigné Harold Atkinson à témoigner. Il était, durant la période en cause, directeur des ventes de la compagnie demanderesse pour l'Est du Canada. Il est maintenant directeur des ventes et du marketing pour l'Est du Canada.

[19]          La demanderesse a également assigné M. Keith Slater à témoigner. Elle voulait que M. Slater témoigne, à titre d'expert, relativement aux vêtements. L'avocat de la défenderesse s'y est opposé en disant que M. Slater peut être un expert en technologie des textiles [traduction] " ou même peut-être en science des matériaux en ce qui a trait à la science ", mais que ses titres et qualités n'en font pas un expert en vêtements en général.

[20]          Après que les deux avocats eurent questionné M. Slater sur son curriculum vitae (voir l'onglet no 1 du rapport de Slater) et sur ses titres et qualités en général et après que les deux avocats eurent présenté leurs arguments, j'ai jugé que je ne pouvais pas accepter M. Slater comme expert en vêtements. Je ne doute nullement, à la lecture du c.v. de M. Slater, qu'il a les qualités requises à titre d'expert en textiles et a le droit de présenter un témoignage d'expert en matière de technologie des textiles. Dans le dossier conjoint des faits, il est convenu que les lunettes de soleil ne sont pas des textiles et par conséquent ne peuvent pas se classer ainsi. Donc, je ne pourrais pas admettre le témoignage de M. Slater comme celui d'un expert en vêtements.

[21]          M. Slater n'a pas été appelé à témoigner.

[22]          Après le départ de M. Slater, les parties ont convenu de déposer, comme pièce justificative, une bande-vidéo sous la cote P-3B qui est la bande-vidéo qui accompagne la transcription déposée sous la cote P-3A.

[23]          Après avoir examiné la bande-vidéo et avoir lu la transcription de celle-ci, je suis convaincu que les lunettes de soleil font partie de la mode d'aujourd'hui. À partir de ce que contient la bande, je ne peux pas admettre que, parce que les lunettes de soleil peuvent présenter un [traduction] " état important de la mode ", on puisse conclure que les " lunettes de soleil " peuvent être considérées comme des " vêtements " et cela parce que les vêtements peuvent également présenter un " état important de la mode ".

[24]          Il est intéressant de noter que, à aucun moment, Robert Marc, concepteur de lunettes de soleil, ne parle des lunettes de soleil comme d'un " vêtement ". Dans la bande-vidéo, il parle des lunettes de soleil seulement comme d'un accessoire de mode.

[25]          Harold Atkinson est le principal témoin de la demanderesse. Après avoir entendu M. Atkinson, j'accepte son témoignage comme émanant de quelqu'un qui connaît bien l'industrie des lunettes de soleil et est au courant de son importance pour l'industrie de la mode.

[26]          Comme il a été mentionné précédemment, durant la période en cause, soit du 26 août 1988 au 20 juillet 1990, M. Atkinson était directeur des ventes de la compagnie demanderesse pour l'Est du Canada. Au moment de l'audition de la cause, il était directeur des ventes et du marketing pour l'Est du Canada. Selon son témoignage, la demanderesse vend ses lunettes de soleil, principalement, aux pharmacies qui, à leur tour, vendent les lunettes de soleil au public. La demanderesse achète ses lunettes de soleil à l'extérieur du Canada et ses achats sont fondés sur [traduction] " ce qui se passe dans le domaine de la mode ".

[27]          Après avoir entendu ce témoin et avoir examiné son témoignage et les pièces justificatives déposées par lui, je suis disposé à tirer les conclusions suivantes :

         1)      que la demanderesse achète et vend des lunettes de soleil
         2)      que la demanderesse emploie des experts qui conçoivent des lunettes de soleil
         3)      que les employés de la demanderesse, lorsqu'ils conçoivent des lunettes de soleil pour une saison particulière, travaillent en étroite collaboration avec l'industrie de la mode vestimentaire
         4)      que les lunettes de soleil peuvent compléter ce qu'une personne peut porter
         5)      que, pour toujours " être à la mode ", la demanderesse change de 75 à 80 p. 100 de ses modèles chaque année afin de suivre les tendances de la mode                         
         6)      que la demanderesse essaie de concevoir des lunettes de soleil " pour les vedettes " car cela aussi en vient à faire partie de la mode (voir les pièces P-2A et P-2B.

[1]          Ce témoin a également déposé longuement au sujet de la distribution des lunettes de soleil de la demanderesse. Il dit que 80 p. 100 environ des lunettes de soleil de la demanderesse sont distribuées (vendues au public) dans les pharmacies. M. Atkinson a produit les pièces P-1F à P-1R qui sont des photos prises par lui-même et montrant où les lunettes de soleil de la demanderesse sont vendues ainsi que des photos montrant où les concurrents de la demanderesse vendent leurs lunettes de soleil. Tout cela dans le but de montrer que les lunettes de soleil font partie de la mode et sont vendues, dans bien des cas, dans les rayons d'accessoires vestimentaires.

[2]          M. Atkinson a aussi témoigné que les lunettes de soleil, en plus d'être achetées pour suivre la mode, sont achetées également pour protéger les yeux contre les rayons ultraviolets et contre la lumière en général (l'éblouissement).

[3]          Il est intéressant de noter que, en plus de vendre 80 p. 100 de ses lunettes de soleil à des pharmacies, (des magasins, je crois, qui ne sont pas réputés pour leurs vêtements de mode), la demanderesse vend les autres 20 p. 100 à des [traduction] " magasins Canadian Tire " et à " certaines boutiques; à certains pièges à touristes, en l'absence d'une meilleure description ". À part de " certaines boutiques ", la demanderesse ne semble pas vendre ses lunettes de soleil à des magasins spécialisés dans la " mode vestimentaire ".

[4]          Je pense qu'il est important pour la présente décision de relever ce qui suit de l'exposé conjoint partiel des faits qui vient corroborer en grande partie ce que M. Atkinson a dit dans son témoignage sauf en ce qui concerne la vente des lunettes de soleil de la demanderesse dans les magasins à rayons.

         [traduction] Les lunettes de soleil se portent sur la tête et possèdent des propriétés qui protègent les yeux en bloquant certaines bandes de lumière ultraviolet (c'est-à-dire " UV ") du spectre des couleurs. La demanderesse a importé environ 200 modèles différents de lunettes de soleil au Canada durant la période en cause, chaque modèle variant quant à la couleur, à la grosseur et à la forme.                 
         À toutes les époques en cause, la demanderesse a payé la taxe de vente fédérale (TVF) à l'égard des lunettes de soleil importées, conformément à l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise (la LTA) et à la politique administrative de Revenu Canada (Douanes et Accise).                 
         HISTORIQUE DE L'APPEL                 
         Le 22 août 1990, la demanderesse à déposé la demande de remboursement no 224049 (la demande de remboursement), réclamant le remboursement de la somme de 504 131,41 $ en TVF qu'elle a payée sur des lunettes de soleil importées par elle du 26 août 1988 au 20 juillet 1990 (la période).                 
         La demande de remboursement de la demanderesse était fondée sur l'allégation selon laquelle les lunettes de soleil étaient exemptes de la TVF lorsqu'elles étaient importées selon l'article 1 de la Partie XV de l'Annexe III de la LTA (l'article 1) et du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures applicable, DORS/84-247 (le Règlement).                 
         Le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé la demande de remboursement en délivrant un avis de détermination portant le no 22044 le 28 septembre 1990, indiquant que les lunettes de soleil n'étaient pas exemptes de la TVF.                 
         La demanderesse s'est opposée à l'avis de détermination en déposant un avis d'opposition le 19 décembre 1990.                 
         Le ministre a confirmé l'avis de détermination en délivrant un avis de décision portant le no 1011326RE le 14 mai 1991.                 
         La demanderesse a ensuite interjeté appel de l'avis de décision du ministre auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), formant l'appel no AP-91-082 auprès du Tribunal (l'appel).                 
         Le 2 juin 1992, le Tribunal a conclu que les lunettes de soleil n'étaient pas exemptes de la TVF et a rejeté l'appel.                 
         La demanderesse a formé le présent appel auprès de la Cour en vertu des articles 81.24 et 81.28 de la LTA et de l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale.                 
         LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES (citées ci-dessus)                 
         L'article 1 prévoit une exemption pour les vêtements et chaussures suivants :                 
             Vêtements et chaussures, y compris les articles et les matières devant être incorporés dans leur production domestique ou commerciale, que le gouverneur en conseil peut déterminer par règlement.                         
         Le règlement pertinent a été promulgué le 22 mars 1984 et est intitulé Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures, DORS/84-247.                 
         L'article 2 du Règlement prévoit notamment que :                 
             2. Aux fins de la Partie XV de l'Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, il est déterminé que les vêtements et chaussures comprennent                         
             ...                         
             f)      les coiffures telles que les passe-montagnes, les protège-casquettes, les bonnets, les protège-oreilles, les chapeaux, les capuchons, les coiffures tricotées, les bonnets de nuit, les bonnets de pluie, les bonnets de douche, les toques, les chapeaux et bonnets d'uniformes,                         
             ...                 
             k)      les vêtements et accessoires divers tels que les peignoirs, les maillots de bain, les sorties de plage, les ceintures, les robes de chambre, les porte-jarretelles, les gants, les robes d'intérieur, les mitaines, les cravates, les chemises de nuit, les pyjamas, les foulards, les vestes d'intérieur et les bretelles,                         
             mais ne comprennent pas                         

             ...

             q)      les marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures telles que les couronnes, les harnais pour transporter le matériel, les sacs à main, les fanions, les bourses, les sceptres, les écussons, les parapluies, les portefeuilles et autres accessoires servant à garnir les vêtements et les chaussures.                         
         LA POSITION DE LA DEMANDERESSE                 
         La demanderesse soutient que les lunettes de soleil constituent des vêtements exemptés en vertu de l'article 1 et du Règlement parce qu'elles sont visées par le sens ordinaire du mot " vêtement ".                 
         La demanderesse dit également que, si les lunettes de soleil ne sont pas exemptées de la TVF pour les raisons exposées au paragraphe 15, alors, subsidiairement, les lunettes de soleil constituent des vêtements exemptés aux fins de l'article 1 et du Règlement parce qu'elles sont décrites précisément dans les deux alinéas 2f) et 2k) du Règlement ou dans l'un d'eux comme " coiffures " ou " vêtements et accessoires divers ".                 
         La demanderesse dit que les lunettes de soleil ne sont pas exclues de l'exemption par l'alinéa 2q) du Règlement puisque les lunettes de soleil ne sont pas des marchandises " conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures ".                 
         LA POSITION DE LA DÉFENDERESSE                 
         La défenderesse soutient que les lunettes de soleil ne constituent pas des vêtements exemptés en vertu de l'article 1 et du Règlement parce qu'elles ne sont pas visées par le sens ordinaire du mot " vêtement ".                 
         La défenderesse dit également que les lunettes de soleil ne constituent pas des vêtements exemptés aux fins de l'article 1 et du Règlement parce qu'elles ne sont décrites précisément dans aucun alinéa de l'article 2 du Règlement et précisément que les lunettes de soleil ne constituent pas des " coiffures " ou des " vêtements et accessoires divers ".                 
         La défenderesse dit également que les lunettes de soleil sont exclues de l'exemption par l'alinéa 2q) du Règlement puisque les lunettes de soleil sont des marchandises " conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures ".                 
         AUTRES FAITS CONVENUS                 
         La demanderesse vend les lunettes de soleil par l'intermédiaire de réseaux de distribution, dont les pharmacies, les boutiques de cadeaux et les magasins à rayons.                 
         En général, les lunettes de soleil sont portées à l'extérieur et ne sont pas faites de textiles.                 

[5]          Dans le présent appel, il s'agit de la même question que celle dont a été saisi le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 février 1992, c'est-à-dire " si les lunettes de soleil sont exemptes de la taxe de vente fédérale en tant que " vêtements et chaussures " au sens de l'article 1 de la Partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise et du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures ".

[6]          Bien que, selon la preuve, les lunettes de soleil soient un accessoire de mode, la preuve n'indique pas que, parce que les lunettes de soleil peuvent être considérées comme un accessoire de mode, elles seraient visées par l'alinéa 2f) ou 2k), c'est-à-dire comme des coiffures ou des vêtements et des accessoires divers tels que les peignoirs, les maillots de bain, les sorties de plage, etc.

[7]          Je pense qu'il est important de citer monsieur le juge Gibson dans l'affaire Shaklee Canada Inc. c. Canada, (1995) 93 F.T.R. 22, aux pages 35 et 36 (paragraphe 64) et monsieur le juge Hugessen dans l'appel de l'affaire Shaklee, (1995) 191 N.R. 227, à la page 231 (paragraphes 6 et 7).

[8]          M. le juge Gibson dit :

         À l'égard des faits qui me sont soumis, je souscris à la remarque de lord Kilbrandon. Je trouve que les définitions du dictionnaire qui ont été citées ne sont pas très utiles, pour paraphraser le professeur Côté, afin de déterminer la conclusion à laquelle en arriverait en la présente espèce le justiciable type, normalement intelligent et bien informé des faits de la langue dans laquelle est rédigée la Loi sur la taxe d'accise et à qui tous les faits auraient été communiqués. Aucune preuve n'a été présentée sur cette question. Aucune des personnes qui ont témoigné devant moi n'était qualifiée pour exprimer une opinion à ce sujet. Par conséquent, je me fonde sur ma propre analyse.                 

[9]          M. le juge Hugessen déclare :

         La question à trancher est la même que celle qui a été soumise au Tribunal et au juge de première instance, et elle consiste à savoir si les marchandises en litige sont des " aliments ". Naturellement, la réponse à cette question relève de l'interprétation des lois. Les tribunaux ont élaboré à cet égard des règles bien éprouvées, dont plusieurs reviennent dans différentes affaires. Selon l'une de ces règles, les termes d'une loi fiscale doivent être interprétés en tenant compte de tous les facteurs contextuels pertinents. Il s'agit de la méthode qui consiste à examiner les termes dans leur contexte global élaborée par le juge MacGuigan de la Cour d'appel dans l'arrêt Lor-Wes Contracting Ltd. c. Ministre du Revenu national (1985), 60 N.R. 321 (C.A.F.). Il s'agit d'une règle très importante qui a une incidence considérable sur des affaires comme la présente. Une autre règle, également importante en l'espèce, veut que le législateur soit présumé employer les mots dans leur sens ordinaire et courant (Pfizer c. Sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [1977] 1 R.C.S. 456; 6 N.R. 440, à la page 463 R.C.S., le juge Pigeon). Le professeur Côté (P.A. Côté, L'interprétation des lois au Canada, 2e éd. (Cowansville : Les Éditions Yvon Blais, 1990), à la p. 243) énonce cette règle comme suit :                 
             " Comme on présume que l'auteur de la loi entend être compris des justiciables [...], la loi est réputée être rédigée selon les règles de la langue en usage dans la population. "                         
         Les lois sont présumées être rédigées à l'intention des citoyens à qui elles s'appliquent et les tribunaux s'efforcent d'en arriver à des interprétations qui tiennent compte le plus possible de cette présomption dans les limites imposées par d'autres facteurs contextuels concurrents.                 
         L'objectif de toutes ces règles est de donner effet à l'intention du législateur. Pour y parvenir, les tribunaux consultent souvent les dictionnaires. Ils peuvent également prendre en considération les témoignages donnés par les témoins experts ou d'autres sources pertinentes, telles que les publications spécialisées et gouvernementales. Toutefois, il importe de rappeler qu'aucune de ces sources n'est déterminante. En dernière analyse, le tribunal doit exercer son propre jugement et soupeser tous les facteurs pertinents dans le contexte factuel et législatif de l'espèce.                 

[10]          J'infère de ce qui est dit dans l'affaire Shaklee, précitée, qu'on considère la loi fiscale comme un tout pour voir ce que le législateur essaie de faire et, ce faisant, interpréter les termes utilisés dans la loi en leur donnant leur sens ordinaire et courant.

[11]          Avec tout le respect dû à l'argument présenté par l'avocat de la demanderesse, je ne peux pas interpréter les articles de la Loi sur la taxe d'accise et du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures comme traitant des vêtements de façon à comprendre les lunettes de soleil.

[12]          Comme je l'ai dit, la preuve m'a convaincu que les lunettes de soleil sont un accessoire de mode. Dans le sens ordinaire du mot, être un " accessoire de mode " ne fait pas d'une paire de lunettes de soleil, utilisée afin de protéger les yeux contre l'éblouissement ou les rayons ultraviolets, un vêtement selon la définition de vêtement à l'article 1 de la Partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise .

[13]          J'ai lu les motifs de la décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur en date du 2 juin 1992 et je déclare être d'accord avec les conclusions du tribunal.

[14]          La présente action est rejetée avec dépens.

                                

                             " Max M. Teitelbaum "

                                     J.C.F.C.

                                

Ottawa (Ontario)

Le 14 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2387-92
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Suntech Optics Inc. c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 27 novembre 1998
MOTIFS DU JUGEMENT :      MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM
DATE DES MOTIFS :          le 14 janvier 1999

ONT COMPARU :

Robert Kreklewetz                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Edward Livingstone                  POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Millar, Wyslobicky, Kreklewetz          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Ministère de la Justice              POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)


Date : 19990114


Dossier : T-2387-92

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 14 JANVIER 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :


SUNTECH OPTICS INC.,


demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.

     JUGEMENT

     La présente action est rejetée avec dépens, pour les motifs que j'ai exposés.

                             " Max M. Teitelbaum "

                                     J.C.F.C.

                                

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.