Date : 20041014
Dossier : T-224-02
Référence : 2004 CF 1418
Toronto (Ontario), le 14 octobre 2004
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
SELWYN PIETERS
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le demandeur, par voie de requête écrite présentée en vertu de l'article 369 des Règles, sollicite une ordonnance le déclarant impécunieux et l'autorisant ainsi à bénéficier d'une dispense des frais à l'égard de la présente procédure et de toute autre procédure instruite à la Cour fédérale. Il demande également que la taxation des dépens soit faite par un juge de la Cour fédérale ou sinon par un officier taxateur qui n'est pas un employé du Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ). Finalement, il demande d'être exempté de la taxation des dépens relatifs à la procédure de contrôle judiciaire.
[2] Le défendeur qui s'oppose à la dispense demandée sollicite l'audition de la requête. Malgré les arguments du défendeur, je suis d'avis que l'affaire peut être tranchée sans que les parties aient à comparaître en personne.
[3] La demande de contrôle judiciaire à laquelle le demandeur fait référence est celle qui a été rejetée par le juge O'Reilly le 11 mars 2004. Le demandeur a alors été condamné à payer les dépens. Le 4 septembre 2004, le défendeur a déposé un mémoire de frais pour la taxation des dépens au montant de 1 398,92 $. Le demandeur a répliqué en déposant la présente requête le 16 septembre 2004.
[4] Il n'existe aucun fondement législatif particulier pour ordonner qu'une partie soit autorisée à conduire une procédure avec dispense des frais. Néanmoins, la Cour peut autoriser, en vertu de l'article 55 des Règles, une partie à procéder sans être tenue au paiement des frais judiciaires (voir Pearson c. Canada (2000), 195 F.T.R. 31 (1re inst.), conf. à 2002 CAF 326; Spatling c. Canada (Solliciteur général) (2003), 233 F.T.R. 6 (prot.)). Le demandeur doit démontrer l'existence de circonstances particulières justifiant cette ordonnance. L'existence de ces circonstances particulières sera démontrée seulement si le demandeur peut établir que l'obligation de payer les frais l'empêchera de poursuivre une cause d'action existante devant le tribunal (voir Polewsky v. Home Hardware Stores Ltd. (2003), 66 O.R. (3d) 600 (C. div.), à la page 627).
[5] Le demandeur n'a pas allégué que l'obligation de payer les frais judiciaires l'empêchera de poursuivre une cause d'action existante. Sa requête est centrée sur la demande de contrôle judiciaire qui a été rejetée le 11 mars 2004. Aucun appel n'a été interjeté à l'encontre de l'ordonnance du juge O'Reilly et rien n'indique que le demandeur avait l'intention de faire appel. Par conséquent, tout ce qu'il reste est la taxation des dépens à l'égard de laquelle aucuns frais judiciaires ne sont payables. Bref, le seul aspect en suspens dans la présente affaire est la taxation des dépens. Il n'y a aucuns frais à payer relativement à une taxation des dépens. On ne peut donc pas dire que le demandeur se voit empêcher de participer à ce qui reste à faire, à savoir la taxation des dépens. Par conséquent, il n'existe aucunes circonstances particulières justifiant une ordonnance dispensant le demandeur de l'obligation de se conformer aux dispositions des Règles concernant le paiement des frais judiciaires.
[6] Je conviens avec le défendeur qu'il n'est pas du tout évident que le demandeur est indigent. L'affidavit qu'il a souscrit révèle que, à la date de l'ordonnance du juge O'Reilly, le demandeur travaillait comme agent chargé de la protection des réfugiés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) et touchait un salaire annuel d'environ 55 000 $. La CISR lui a accordé un congé sans solde pour lui permettre de terminer le cours de formation professionnelle 2004-2005 offert par le Barreau du Haut-Canada. Du 15 mars au 25 juin 2004, le demandeur était en congé de maladie non payé et il a touché des prestations d'assurance-emploi de 415 $ par semaine pendant 15 semaines. Il a présenté une demande concernant la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents de travail, laquelle n'a pas encore été examinée.
[7] Son revenu net comme stagiaire en droit pour la période allant du 29 juin au 27 août 2004 atteignait tout au plus 238,97 $ par semaine. Tenant compte de son revenu net total pour cette période, le demandeur prévoit que son revenu net annuel sera inférieur à 8 000 $. Le défendeur souligne (à juste titre) que la période de juin à août était entièrement consacrée à la phase théorique du cours de formation professionnelle du barreau au cours de laquelle le demandeur devait passer des examens. Aucune preuve n'a été présentée relativement aux revenus gagnés durant la période de stage qui a commencé le 1er septembre, soit environ trois semaines avant qu'il souscrive son affidavit.
[8] Les dépenses mensuelles « de base » du demandeur totalisent 2 120,43 $. Ce total comprend des frais de 150 $ pour le transport, de 150 $ pour les fournitures personnelles, de 80 $ pour le nettoyage à sec et la blanchisserie, de 30 $ pour les produits cosmétiques et les articles de toilette et de 80 $ pour la coiffure, mais il ne comprend pas les frais relatifs au logement, au téléphone, aux services publics, à l'épicerie, aux aliments, aux repas du midi et aux boissons. Je conviens avec le défendeur que le critère pour déterminer si le demandeur est « indigent et pauvre » ou « dans le besoin » est un critère objectif. Même si le demandeur se considère pauvre, le fait que son compte de télédistribution au montant de 103,32 $ est en souffrance et que le compte qu'il détient à la Banque Royale est à découvert ne fait pas de lui une personne pauvre.
[9] En ce qui concerne sa demande de faire taxer les dépens par un juge de la Cour fédérale, le demandeur fait valoir que la direction du SATJ a donné des directives au défendeur relativement à la demande de contrôle judiciaire. Il produit des copies de courriels entre différents membres de la direction, à l'appui de la prétention selon laquelle un employé du SATJ ne serait pas en mesure de procéder à la taxation de façon impartiale.
[10] La décision qui fait autorité relativement au critère de crainte raisonnable de partialité est l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369. La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires. La question consiste à se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Les motifs doivent être sérieux et le critère ne doit pas être celui d'une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne. Il faut établir une réelle probabilité de partialité car un simple soupçon est insuffisant.
[11] Les courriels produits ne soulèvent pas de crainte quant à savoir si un officier taxateur du SATJ aura un parti pris dans la taxation des dépens à venir. Il n'y a pas de preuve qu'une personne susceptible d'être appelée à procéder à la taxation des dépens aurait joué un rôle, même de façon indirecte, dans la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Il incombe à la personne qui en allègue l'existence de faire la preuve de la partialité. Compte tenu de la preuve présentée par le demandeur, il n'est pas raisonnable de proposer qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique conclurait qu'un officier taxateur du SATJ aurait un parti pris contre le demandeur.
[12] Finalement, en ce qui a trait à la demande visant à exempter le demandeur du paiement des dépens relatifs à la procédure de contrôle judiciaire, je considère que cette demande n'est rien d'autre qu'une contestation indirecte de l'ordonnance du juge O'Reilly. Le demandeur ne peut remettre en cause une ordonnance rendue par un tribunal compétent dans des procédures subséquentes (sauf celles prévues par la loi dans le but exprès de contester l'ordonnance) (voir Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, page 474). Le demandeur ne s'est prévalu d'aucun des recours prévus par les Règles quant à l'ordonnance d'adjudication des dépens. Il ne peut maintenant se plaindre. De surcroît, même si j'avais décidé de faire droit à une ordonnance dispensant le demandeur de l'obligation de se conformer aux dispositions des Règles en vertu desquelles il est tenu de payer des frais judiciaires, il n'y aurait eu aucune incidence sur son obligation de payer les dépens adjugés par le juge O'Reilly (voir Spatling, précité).
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée dans son intégralité.
« Carolyn Layden-Stevenson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-224-02
INTITULÉ : SELWYN PIETERS
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 369 DES RÈGLES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE 14 OCTOBRE 2004
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Selwyn A. Pieters, B.A., LL.B. POUR SON PROPRE COMPTE
James Gorham POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Selwyn A. Pieters, B.A., LL.B. POUR SON PROPRE COMPTE
Toronto (Ontario)
MORRIS ROSENBERG POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20041014
Dossier : T-224-02
ENTRE :
SELWYN PIETERS
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE