Date : 20010514
Dossier : IMM-2430-00
OTTAWA (Ontario), le 14 mai 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
ENTRE :
VASILE GHEORGHE DIMITRIE LAZARU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
[1] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour réexamen de la demande de résidence permanente conformément aux motifs de l'ordonnance.
« P. Rouleau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.
Date : 20010514
Dossier : IMM-2430-00
Référence neutre : 2001 CFPI 477
ENTRE :
VASILE GHEORGHE DIMITRIE LAZARU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE ROULEAU
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle J.W. Andre Valotaire, agent d'immigration à l'ambassade du Canada à Berlin, en Allemagne, a refusé, le 19 avril 2000, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada.
[2] Le demandeur est né le 21 novembre 1936 à Lipova, en Roumanie; à l'heure actuelle, il réside en Allemagne. Le 2 mars 1999, l'ancien représentant du demandeur, « Intermonde » , a soumis une demande de résidence permanente pour le compte de celui-ci à l'ambassade du Canada, à Bonn, conformément aux critères de sélection applicables aux travailleurs autonomes énoncés dans le Règlement sur l'immigration de 1978. La demande était fondée sur le fait que M. Lazaru croyait que sa longue expérience à titre d'entrepreneur privé lui permettait de se créer une possibilité d'emploi au Canada et qu'il serait en mesure de contribuer de manière significative à la vie économique du Canada.
[3] Le 19 avril 2000, le demandeur s'est présenté à une entrevue personnelle auprès de l'agent des visas J.W. Andre Valotaire, à l'ambassade du Canada, à Berlin. L'agent a refusé la demande de résidence permanente pour le motif que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition du « travailleur autonome » figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration puisqu'il ne pouvait pas démontrer qu'il était en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise rentable de façon à créer un emploi pour lui-même. L'agent des visas est arrivé à cette conclusion en se fondant sur le fait que le demandeur n'avait jamais été propriétaire d'une entreprise individuelle enregistrée et qu'il n'avait jamais géré sa propre entreprise; que le demandeur ne connaissait pas le milieu d'affaires au Canada et qu'il n'était jamais venu au Canada pour étudier les possibilités d'affaires et enfin que le plan d'entreprise du demandeur était déraisonnable.
[4] Le demandeur sollicite maintenant l'annulation de cette décision pour le motif que l'agent des visas a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'il a tirée sans tenir compte des éléments dont il disposait et qu'il a commis une erreur de droit en prenant sa décision.
[5] J'ai minutieusement examiné les observations écrites et j'ai entendu les plaidoiries des parties; je suis convaincu que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et que la décision de l'agent des visas doit être annulée.
[6] Premièrement, je ne puis constater l'existence d'aucun élément de preuve à l'appui des conclusions de fait tirées par l'agent des visas, à savoir que M. Lazaru n'avait jamais possédé une entreprise individuelle enregistrée et qu'il n'avait jamais géré sa propre entreprise. Au contraire, les références qui ont été soumises à l'appui de la demande de résidence permanente, lesquelles ont été versées sous la cote « B » dans le dossier de la requête du demandeur, disent sans équivoque qu'il était un entrepreneur indépendant et qu'une équipe travaillait sous ses ordres. De fait, il me semble que tous les éléments de preuve se rapportant aux antécédents professionnels du demandeur démontrent qu'il s'occupait d'une entreprise individuelle, dans la mesure où il était possible d'exploiter pareille entreprise en Roumanie, sous un régime communiste qui s'opposait énormément à l'entreprise privée.
[7] Quoi qu'il en soit, l'agent des visas a clairement commis une erreur de droit en accordant trop d'importance à ce qui était selon lui le manque d'expérience du demandeur, en ce qui concerne l'exploitation d'une entreprise individuelle. Dans sa décision du 19 avril 2000, l'agent dit ce qui suit : [TRADUCTION] « [...] vous avez déclaré que vous ne possédez aucune entreprise enregistrée, qu'il n'existe aucun document financier à l'égard de ces activités puisqu'elles étaient illégales, qu'aucun revenu n'a jamais été déclaré, etc. »
[8] La jurisprudence établit que l'expérience passée à l'égard d'un travail autonome ne constitue que l'un des facteurs à prendre en considération dans les cas de ce genre. Dans la décision Grube c. Canada (MCI) (1996), 118 F.T.R. 163, Monsieur le juge MacKay, en se fondant sur les décisions rendues par la présente Cour dans les affaires Ho c. Canada (MEI) (1989), 27 F.T.R. 241 et Yang c. Canada (MEI) (1989), 27 F.T.R. 74, a dit ce qui suit :
À mon avis, dans le cas dont je suis saisi, l'agent des visas a mis trop d'accent sur le manque d'expérience professionnelle à titre de travailleur autonome quand il a examiné les demandes de Mme Grube et de M. Khachatryan. Cette expérience peut très bien être un facteur qui doit être positif quand il s'agit de déterminer s'il est possible qu'un requérant s'établisse avec succès en tant que travailleur autonome au Canada, mais ce n'est pas le seul critère dont il faut tenir compte, et celui-ci doit être évalué à la lumière de l'occupation que l'immigrant entend exercer au Canada. Dans certains cas, ce critère aura plus d'importance que dans d'autres.
Dans les circonstances de l'espèce, l'agent des visas a indiqué dans les lettres du 13 avril qu'il ne considérerait pas favorablement les demandes de résidence permanente de Mme Grube ou de M. Khachatryan à moins que soient produits des documents ayant trait à d'anciens comptes commerciaux et à une expérience en tant que travailleur autonome. À mon avis, ces affirmations indiquent que l'agent des visas a mis trop d'accent sur l'expérience. En fait, le manque d'expérience a été le critère décisif dans chaque cas, étant donné que l'agent des visas a indiqué que les demandes des deux requérants ne pourraient être accueillies qu'en présence de ces éléments de preuve. Comme dans la décision Ho, cette importance excessive accordée à l'expérience a fait en sorte qu'il est devenu pratiquement impossible pour les requérants de faire accepter leurs demandes.
[Non souligné dans l'original.]
[9] À mon avis, ce raisonnement s'applique également en l'espèce. De toute évidence, la décision de l'agent des visas était principalement fondée sur le fait qu'à son avis, le demandeur n'avait pas d'expérience en tant que travailleur autonome. Cette conclusion n'est pas étayée par la preuve; de plus, ni les lignes directrices applicables aux travailleurs autonomes ni le Règlement sur l'immigration n'exigent que le demandeur ait exploité une entreprise individuelle. Ils exigent plutôt qu'une personne ait l'intention d'établir une entreprise individuelle et soit en mesure de le faire.
[10] Enfin, je ne suis pas convaincu que les conclusions de l'agent des visas selon lesquelles le demandeur [TRADUCTION] « ne connaissait pas le milieu d'affaires au Canada » et que son plan d'entreprise [TRADUCTION] « n'était pas réaliste » soient étayées par les faits. Encore une fois, ces conclusions semblent aller à l'encontre de la documentation que M. Lazaru a soumise à l'appui de sa demande de résidence permanente, qui démontre qu'il avait au Canada des contacts qui lui avaient fourni tous les chiffres nécessaires pour préparer le plan d'entreprise qu'il a élaboré. Le demandeur était également au courant des permis dont il aurait besoin pour exploiter son entreprise et il connaissait tous les renseignements nécessaires à cet égard.
[11] Pour ces motifs, j'accueille la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, la décision que l'agent des visas J.W. Andre Valotaire a prise le 19 avril 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour réexamen de la demande de résidence permanente conformément à ces motifs.
« P. Rouleau »
Juge
OTTAWA (Ontario)
le 16 mai 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU DOSSIER : IMM-2430-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Vasile Gheorghe Dimitrie Lazaru
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 19 avril 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : Monsieur le juge Rouleau
DATE DES MOTIFS : le 14 mai 2001
ONT COMPARU
Mme Chantal Desloges pour le demandeur
M. Jamie Todd pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Green et Spiegel pour le demandeur
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada