Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
3925928 MANITOBA LTD, SHAPES NORTH LIMITED, SHAPES SOUTH LIMITED, SHAPES CO-ED LIMITED, SHAPES CO-ED EAST LIMITED ET SHAPES WOMEN'S EAST LIMITED,
demanderesses
et
101029530 SASKATCHEWAN LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LES NOMS ET DÉNOMINATIONS SHAPES FOR LIFE, SHAPES FOR LIFE - HEALTH, FITNESS AND NUTRITION CENTRES, SHAPES FOR LIFE HEALTH AND FITNESS CENTERS, SHAPES FOR LIFE.NET, SHAPES FOR WOMEN, SHAPES FOR MEN, SHAPES FOR WOMEN.BIZ, SHAPES FOR WOMEN HEALTH AND FITNESS CENTRES, SHAPES FOR WOMEN INC., JOPPA BUSINESS DEVELOPMENT ET WORLD DREAM BUILDERS, ET LADITE 101029530 SASKATCHEWAN LTD., CURTIS MALINOWSKI ET 101016102 SASKATCHEWAN LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LES NOMS ET DÉNOMINATIONS SHAPES FOR LIFE, SHAPES FOR LIFE - HEALTH, FITNESS AND NUTRITION CENTRES, SHAPES FOR LIFE HEALTH AND FITNESS CENTERS, SHAPES FOR LIFE.NET, SHAPES FOR WOMEN, SHAPES FOR MEN, SHAPES FOR WOMEN.BIZ, SHAPES FOR WOMEN HEALTH AND FITNESS CENTRES, SHAPES FOR WOMEN INC. ET FITNESS FOCUS HEALTH & ATHLETIC CENTRE, ET LADITE 101016102 SASKATCHEWAN LTD. ET JASON TENEYKE,
défendeurs
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Dans la requête qu'elles ont déposée devant la Cour le 9 août 2005, les demanderesses cherchent à obtenir, dans ce litige en matière de marques de commerce, un jugement par défaut contre les défendeurs, Curtis Malinowski et 101029530 Saskatchewan Ltd. (collectivement, Malinowski), pour usurpation de leurs différents noms commerciaux et marques de commerce se rapportant à leurs centres de conditionnement physique sous franchise « Shapes for Life » .
[2] Les demanderesses ont intenté la présente action en déposant une déclaration devant la Cour, le 24 septembre 2004. Le 28 avril 2005, j'ai instruit et accueilli la requête en injonction interlocutoire des demanderesses, estimant qu'elles avaient satisfait au critère applicable à la délivrance d'une mesure interlocutoire, tel que défini dans RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 R.C.S. 311. Outre l'injonction interlocutoire, j'ai également rendu, tel que prévu au paragraphe 377(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une ordonnance pour la garde ou la conservation de biens qui font ou feront l'objet d'une instance ou au sujet desquels une question peut être soulevée.
[3] Bien qu'il ait reçu signification des documents relatifs à la requête, Malinowski ne s'est pas présenté à l'audience. En l'état du dossier, compte tenu des documents et des arguments fournis par les demanderesses, je suis convaincue que les demanderesses ont prouvé les éléments de leur réclamation. Plus particulièrement, je conclus que les demanderesses sont titulaires des droits liés à la marque « Shapes for Life » et que Malinowski usurpe de plein gré et en toute connaissance de cause les marques de commerce des demanderesses. De plus, je suis convaincue que, même s'il n'a pas agi en contravention avec l'injonction, Malinowski a omis de se conformer à l'ordonnance pour la garde ou la conservation des biens, tel qu'il y était tenu aux termes de l'ordonnance rendue par la Cour le 28 avril 2005. En conséquence, les demanderesses sont en droit d'obtenir un jugement par défaut. Un jugement en ces termes sera rendu.
[4] En plus d'une injonction permanente et des autres mesures définies dans l'ordonnance délivrée avec ces motifs, les demanderesses réclament deux types de réparations pécuniaires : une restitution des profits et des dommages-intérêts. La question à trancher porte sur la nature et le montant des réparations que la Cour doit accorder.
Textes de loi pertinents
[5] Le pouvoir de rendre des ordonnances en matière de violation de marques de commerce découle de l'article 53.2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-10 (la Loi).
53.2 Lorsqu'il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu'un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu'il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d'injonction ou par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, pour l'imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction, exportation ou autrement des marchandises, colis, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de toutes matrices employées à leur égard.
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53.2 Where a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits and for the destruction, exportation or other disposition of any offending wares, packages, labels and advertising material and of any dies used in connection therewith. |
Analyse
[6] Les arguments des demanderesses ne sont pas contestés.
[7] Les demanderesses souhaitent obtenir les réparations pécuniaires suivantes :
(i) une restitution des profits;
(ii) des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts généraux et spéciaux ainsi que les intérêts;
(iii) des dommages-intérêts punitifs.
La restitution des profits
[8] Les demanderesses demandent une restitution des profits pour un montant de 195 442,24 $, soit les droits de franchise et les droits d'équipement présumés perçus par Malinowski.
[9] La restitution des profits vise à faire en sorte que les profits réels réalisés irrégulièrement par le défendeur soient versés au demandeur. Il appartient au demandeur de prouver le montant des revenus bruts réalisés par le défendeur grâce au produit ou au service usurpé. Le défendeur doit ensuite établir la preuve de toutes ses dépenses compensatoires afin que la Cour puisse déterminer le montant net des profits. La restitution des profits est une réparation en equity aux termes de laquelle le propriétaire d'une marque est habilité à recevoir la totalité des profits réalisés par le contrefacteur. Si le demandeur choisit ce mode de réparation, le préjudice ou les dommages qu'il a subis n'ont plus aucune pertinence et ne sont pas pris en compte. De la même manière, la connaissance, le motif, l'intention ou la malveillance du contrefacteur ne sont plus pertinents. Le contrefacteur doit verser le montant exact des profits au propriétaire de la marque (Teledyne Industries Inc. et al. c. Lido Industrial Products Ltd. (1982) 68 C.P.R. (2d) 204).
[10] En me fondant sur les affidavits de trois témoins, je suis convaincue que Malinowski a perçu des revenus de 101 388,23 $ des ventes de Shapes, ventes faites en contravention avec les droits des demanderesses. Ce montant est réparti comme suit :
Partie Elaine Peterson Nancy Koops Angela Sladen Totaux |
Droits de licence 14 995,00 $ 16 050,00 $ 16 050,00 $ 47 095,00 $ |
Droits relatifs à l'équipement 30 977,00 $ 23 316,24 $ ____--___ 54 293,24 $ |
[11] Dans tous les cas où le défendeur a vendu de l'équipement, aucun élément d'équipement n'a jamais été livré. Il existe certains éléments de preuve par ouï-dire plus ou moins clairs voulant que Malinowski ait peut-être dépensé certaines sommes pour l'achat d'équipement qui s'est ensuite retrouvé dans les mains d'autres personnes. Toutefois, cette preuve n'est pas claire et est loin d'être suffisante pour prouver que Malinowski aurait engagé des dépenses ayant réduit ses « profits » de 101 388,24 $.
[12] Les demanderesses soutiennent en outre que l'on peut raisonnablement conclure que Malinowski a touché des droits comparables de deux autres parties, lesquels s'élèveraient à 32 100 $ pour les droits de franchise ou de licence, plus 61 954 $ en droits d'équipement. En l'absence d'éléments de preuve plus convaincants, je ne suis pas disposée à admettre que Malinowski a gagné ces montants à titre de « revenus » . Les simples conjectures ne doivent pas, à mon avis, servir de fondement à une restitution des profits.
[13] Comme nous l'avons vu, la restitution des profits se veut une mesure pour remettre les profits réalisés irrégulièrement par le défendeur en raison de son utilisation illicite des biens du demandeur. Seuls les profits réalisés par le défendeur doivent être pris en compte. En l'espèce, je suis convaincue que ces profits s'élèvent à 101 388,24 $ et je suis disposée à accorder cette somme aux demanderesses.
Les dommages-intérêts
[14] Les demanderesses réclament également des dommages-intérêts et font valoir qu'elles sont en droit d'obtenir les indemnités suivantes :
• dommages-intérêts généraux : 2 250 000 $,
• dommages-intérêts exemplaires ou punitifs : 1 000 000 $,
• dommages-intérêts spéciaux : 2 210,40 $.
[15] Cette réclamation soulève une première question : après avoir obtenu une restitution des profits, les demanderesses sont-elles en droit de recevoir des dommages-intérêts?
[16] Les demanderesses reconnaissent [traduction] « qu'il n'est pas habituel qu'une partie reçoive à la fois une restitution des profits et des dommages-intérêts généraux » . J'irai même plus loin. Dans les litiges en matière de marques de commerce et de brevets, le demandeur doit choisir de recevoir une indemnisation sous forme de restitution des profits ou de dommages-intérêts. Puisque les dommages-intérêts (exception faite des dommages-intérêts punitifs) visent à indemniser le demandeur, accorder à la fois une restitution des profits et des dommages-intérêts équivaudrait à accorder une double indemnisation. L'emploi du libellé « recouvrement de dommages-intérêts ou de profits » , à l'article 53.2 de la Loi, indique clairement que la Cour ne peut pas accorder ces deux types de réparations dans le même jugement.
[17] Essentiellement, ces deux réparations se distinguent comme suit : la restitution des profits est un recours en equity en vertu duquel le contrefacteur est tenu de verser les revenus qu'il a perçus illicitement à la partie envers laquelle il avait une obligation. Les dommages-intérêts, quant à eux, sont un recours prévu par la loi et ils visent à indemniser une partie de ses pertes. Une partie peut parfaitement réclamer à la fois une réparation en equity et une réparation prévue par la loi, mais la Cour ne devra lui accorder qu'un seul type de réparation, puisque chaque réparation a pour but de réparer le préjudice de manière suffisante.
[18] Même si j'étais disposée à accorder les deux réparations aux demanderesses, subsisterait le problème de l'insuffisance de la preuve déposée au soutien des montants réclamés. Le montant des dommages-intérêts spéciaux réclamés fait toutefois exception, à savoir une somme de 2 210,40 $ correspondant au coût d'une insertion publicitaire dans un quotidien national. Cette annonce a été publiée par les demanderesses pour tenter d'atténuer l'atteinte à leur réputation provoquée par Malinowski.
[19] Les dommages-intérêts sont une méthode de réparation par indemnisation. Dans Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (Harold G. Fox, 4e éd., Toronto, Carswell), on peut lire ce qui suit, à la page 13-46 (références omises) :
[Traduction] Le demandeur est en droit de recevoir des dommages-intérêts qui correspondent à la perte réellement subie, dans la mesure où cette perte est la conséquence naturelle et directe des agissements illicites du défendeur. Cette perte inclut toute perte commerciale réellement subie par le demandeur et qui découle directement des agissements illicites du défendeur et tout préjudice découlant de l'atteinte à la réputation, à l'entreprise, à l'achalandage ou aux relations commerciales ou professionnelles du demandeur en raison des agissements illicites. Même si, comme nous l'avons vu, l'évaluation des dommages-intérêts avec une « certitude mathématique » demeure difficile, les dommages-intérêts spéculatifs ou non prouvés doivent être exclus du montant de l'indemnité. La cour doit évaluer plus ou moins les dommages comme le ferait un jury, et peut à ce titre faire appel à sa connaissance normale des affaires et au bon sens. Elle pourra évaluer les dommages à l'achalandage si le commerce trompeur persiste dans une certaine mesure.
[20] Au chapitre des dommages-intérêts, les demanderesses ont le droit d'être indemnisées pour la perte des ventes, des droits de franchise et des redevances qu'elles auraient pu autrement percevoir de leurs clients éventuels, si Malinowski n'avait pas vendu des licences illicites. Les sommes versées à Malinowski par ses clients peuvent, dans une certaine mesure, servir d'indication quant aux pertes subies par les demanderesses, mais ces sommes ne constituent pas une preuve de ce que les demanderesses reçoivent pour les droits, les redevances et les autres formes d'indemnités liés à la franchise Shapes authentique. En l'absence de renseignements sur ce point, j'en suis réduite à essayer de deviner ce que les demanderesses peuvent bien facturer pour ces franchises et quelle proportion de ce montant représente leur profit.
[21] Il est également important de souligner que les droits de franchise perçus par Malinowski correspondent à des revenus et non à des profits, comme nous le verrons plus en détail. Si l'on prend pour hypothèse, pour le moment, que tous les clients qui ont acquis une franchise de Malinowski auraient conclu un contrat avec les demanderesses, la perte réellement subie par les demanderesses correspond alors aux profits qu'elles auraient réalisés et non aux droits, avant dépenses, qu'elles auraient perçus.
[22] Enfin, en vue de recevoir une indemnité pour la perte de clientèle, les demanderesses doivent prouver un lien de causalité entre la perte de ventes de franchises alléguée et la violation (Fox, précité, page 13-47; Electric Chain Co. of Canada c. Art Metal Works Inc., [1933] R.C.S. 581). Même si, sur ce point, la jurisprudence en matière de marques de commerce est particulièrement rare, cette règle est conforme au bon sens et à l'obligation d'équité qui incombe à la Cour. En l'espèce, rien dans la preuve ne permet de conclure que les demanderesses auraient obtenu les mêmes clients que Malinowski. Les affidavits des clients de Malinowski, dans le stratagème Shapes of Life, indiquent que, la plupart du temps, Malinowski ou ses associés recrutaient les clients un à la fois. Ces clients étaient tous très intéressés à ouvrir un club de remise en forme mais il n'existe aucune élément de preuve démontrant qu'ils connaissaient la franchise Shapes authentique ou qu'ils étaient intéressés par cette franchise avant que Malinowski ou ses associés n'attirent leur attention.
[23] À mon avis, la preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que tous les clients de Malinowski, dans son stratagème Shapes for Life, représentent une perte de clientèle pour les demanderesses. On peut seulement affirmer qu'il existe une simple possibilité que ces clients aient pu découvrir l'entreprise des demanderesses et conclure un contrat avec elles en vue d'ouvrir un centre de remise en forme. Pour moi, il ne s'agit pas d'un lien de causalité évident.
[24] Au chapitre des dommages-intérêts, les demanderesses ont également droit à une protection et à une indemnité pour l'atteinte à la réputation et l'achalandage liés à leurs marques de commerce et à leurs noms commerciaux. Sur ce point, les demanderesses réclament la somme de 2 250 000 $ en dommages-intérêts généraux, soit la totalité de la somme qu'elles ont investie pour établir leurs marques de commerce. Les demanderesses s'appuient sur l'association préjudiciable entre la réputation de Malinowski et les marques Shapes for Life ainsi que sur la preuve voulant que certains clients des demanderesses se soient forgés une opinion défavorable ou aient tiré des conclusions inexactes sur les activités commerciales des demanderesses.
[25] Je suis d'accord avec les demanderesses lorsqu'elles déclarent que l'achalandage lié à leurs marques de commerce et à leurs noms commerciaux a été atteint. La réputation de Malinowski en tant que fraudeur et manipulateur indigne de confiance a été dénoncée à la télévision dans tout le pays, et son nom a été associé aux marques Shapes. Rien ne m'empêche de conclure que certains clients des demanderesses ont été induits en erreur ou ont tiré des conclusions erronées quant à la nature et à la viabilité de l'entreprise des demanderesses.
[26] Toutefois, il n'y a pas suffisamment de preuve pour établir que l'achalandage des demanderesses a été affecté à un point tel qu'il y a lieu d'indemniser les demanderesses pour toutes les sommes qu'elles ont investies en vue de développer leurs marques Shapes. Les demanderesses n'ont pas prouvé qu'elles ont perdu de la clientèle. Les demanderesses n'ont pas prouvé qu'elles ont subi un recul sur le plan financier, ni qu'elles ont été menacées par le spectre de la faillite, ni que certaines personnes ont refusé de faire affaire avec elles. La preuve déposée par les demanderesses pour établir leurs dommages se résume à une simple déclaration voulant que certains de leurs clients leur ont demandé si elles s'apprêtaient à cesser leurs activités et si leurs plans d'expansion nationale étaient menacés. Cela ressemble dangereusement à une réclamation en dommages-intérêts pour perte de profits futurs, ce qui n'a pas été plaidé. En résumé, les demanderesses n'ont prouvé aucun des faits généralement associés, me semble-t-il, à une destruction complète de l'achalandage ou même à une importante dépréciation de l'achalandage. En conséquence, il n'existe aucun élément de preuve justifiant d'adjuger un montant quelconque pour atteinte à l'achalandage ou à la réputation.
[27] Pour ces motifs, aucune indemnité ne sera accordée au titre des dommages-intérêts généraux.
Les dommages-intérêts punitifs
[28] Les demanderesses réclament également la somme de 1 000 000 $ en dommages-intérêts punitifs. Une fois encore, je doute que les demanderesses soient en droit d'obtenir à la fois une restitution des profits et des dommages-intérêts punitifs. Toutefois, pour le cas où ma conclusion serait erronée, j'examinerai cette question sur le fond. Les dommages-intérêts punitifs ou « exemplaires » ne sont pas de nature compensatoire, ils sont plutôt adjugés à titre de punition pour le contrevenant. Ils doivent être suffisamment élevés pour produire un effet dissuasif (Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. [1996] 3 C.F. 40, A.C.F. n ° 454 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 40). La Cour doit en premier lieu évaluer les dommages généraux; les dommages-intérêts punitifs ne devraient être accordés que « dans les situations où les dommages-intérêts généraux et majorés réunis ne permettent pas d'atteindre l'objectif qui consiste à punir et à dissuader » (Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, le juge Cory, aux pages 1208 et 1209).
[29] Les dommages-intérêts punitifs visent à exprimer l'outrage à l'égard « du comportement inacceptable du défendeur » (idem). Dans Lubrizol, précité, la Cour d'appel retient les adjectifs suivants pour qualifier un comportement qui justifie des dommages-intérêts punitifs : dur, vengeur, répréhensible, malicieux, oppressif; « en d'autres termes, il faut que le comportement soit de nature extrême et mérite, selon toute norme raisonnable, d'être condamné et puni » (au paragraphe 30, citant Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 1085, à la page 1108).
[30] En l'espèce, en l'absence de preuve démontrant que Malinowski continue de violer les droits des demanderesses après la délivrance d'une injonction, je ne vois aucune raison justifiant d'accorder des dommages-intérêts punitifs. Je reconnais que Malinowski a omis de respecter l'ordonnance pour la garde ou la conservation de biens. Néanmoins, cette omission n'a pas empêché les demanderesses de demander et d'obtenir une décision finale quant à leurs droits. Je ne vois aucun fondement raisonnable me permettant de qualifier le comportement de Malinowski de vengeur, répréhensible et malicieux, oppressif ou extrême. La Cour n'accordera pas de dommages-intérêts punitifs.
Les dépens
[31] Je suis d'accord avec les arguments des demanderesses concernant les dépens et les intérêts. Plus particulièrement, je conclus que les demanderesses sont en droit de recevoir :
- les dépens avocat-client de l'action et de toutes les requêtes, y compris de la présente requête;
- les intérêts avant et après le jugement, au taux de 2,5 %, à compter du 2 avril 2004.
Conclusion
[32] Pour ces motifs, un jugement sera prononcé en faveur des demanderesses. En ce qui concerne la réparation pécuniaire, les sommes suivantes seront adjugées aux demanderesses :
- une restitution des profits au montant de 101 388,24 $;
- les dépens avocat-client de l'action et de toutes les requêtes, y compris de la présente requête;
- les intérêts avant et après le jugement, au taux de 2,5 %, à compter du 2 avril 2004.
JUGEMENT
LA COUR ordonne ce qui suit :
1. un jugement final est prononcé contre les défendeurs Curtis Malinowski et 101029530 Saskatchewan Ltd.;
2. entre les demanderesses et les défendeurs Malinowski et 101029530 Saskatchewan Ltd., lesdits défendeurs ont violé les droits exclusifs des demanderesses à l'égard des marques de commerce faisant l'objet des enregistrements TMA501,172, TMA589,239 et TMA589,150, en contravention avec le paragraphe 7(6), les articles 19 et 20 et le paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce;
3. il est définitivement interdit aux défendeurs Curtis Malinowski et 101029530 Saskatchewan Ltd., et à leurs dirigeants, administrateurs, préposés, mandataires et employés, directement ou indirectement (ci-après, Malinowski), de violer les droits exclusifs des demanderesses à l'égard des marques de commerce faisant l'objet des enregistrements TMA501,172, TMA589,239 et TMA589,150, d'utiliser d'une manière quelconque le nom « Shapes » dans l'exploitation de toute entreprise et d'ouvrir, d'exploiter ou de conclure une entente en vue d'ouvrir ou d'exploiter tout établissement utilisant le nom ou le mot « Shape » de quelle que manière ou sous quelle que forme que ce soit, aujourd'hui ou dans le futur;
4. Malinowski doit, à ses frais, remettre aux demanderesses les articles suivants afin que les demanderesses puissent procéder à leur destruction, aux frais de Malinowski :
i) toutes les marchandises, notamment la totalité des publications, du papier à en-tête, du matériel de marchandisage, de promotion et de publicité, dont l'utilisation constitue une violation des droits des demanderesses, y compris toute marchandise sur laquelle figure le nom ou le mot « Shapes » et qui se trouve en possession ou sous le contrôle de Malinowski, aujourd'hui ou dans le futur;
ii) tout autre bien contrevenant aux droits exclusifs des demanderesses à l'égard desdites marques de commerce;
iii) tous biens mobiliers utilisés dans la conception ou la fabrication de l'un ou l'autre des articles mentionnés aux paragraphes i) et ii) qui précèdent et qui sont en possession de Malinowski ou de ses mandataires, ou qui sont autrement sous le contrôle direct ou indirect de Malinowski;
5. Malinowski est condamné à verser aux demanderesses la somme de 101 388,24 $ à titre de restitution des profits;
6. Malinowski est condamné à verser aux demanderesses les intérêts avant et après jugement sur la somme de 101 388,24 $, au taux de 2,5 %, lesquels commencent à courir le 2 avril 2004;
7. Malinowski est condamné à payer tous les dépens avocat-client des demanderesses dans la présente instance, y compris les dépens de toutes les requêtes, ainsi que tous les frais raisonnablement engagés.
Judith A. Snider
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1738-04
INTITULÉ : 3925928 MANITOBA LTD et al.
c. 101029530 SASKATCHEWAN LTD. et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : WINNIPEG (MANITOBA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 19 SEPTEMBRE 2005
DATE DES MOTIFS : LE 28 OCTOBRE 2005
COMPARUTIONS:
John A. MacIver
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POUR LES DEMANDERESSES |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Wilder Wilder & Langtry Winnipeg (Manitoba)
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POUR LES DEMANDERESSES |
Cuelenaere, Kendall, Katzman & Watson Saskatoon (Saskatchewan) |
POUR LES DÉFENDEURS |