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Date : 20041008

Dossier : IMM 6869 03

Référence : 2004 CF 1391

Ottawa (Ontario), le 8 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN                    

ENTRE :

                                              MOHAMMED SHAHEDUL ISLAM,

TASNIM A JINNAT, SAIYARA ISLAM

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur principal, Mohammed Shahedul Islam (le demandeur), Tasnim A. Jinnat, son épouse et Siyara Islam, sa fille sont tous citoyens du Bangladesh. Le père du demandeur fut autrefois dirigeant politique. Il fut député du parlement du Bangladesh pendant 10 ans et fut élu président de la Ligue Awami (LA) à trois reprises dans la région de Thakurgaon, dans le nord du Bangladesh. Le demandeur, qui est âgé de 30 ans, s'est occupé activement de politique et prétend avoir acquis une assez grande notoriété.

[2]                En 1996, le demandeur prétend avoir été attaqué et battu par ses adversaires politiques. Son père est décédé cette année-là. Le demandeur a tenté de se faire élire à la tête de la LA à deux reprises mais n'a pas réussi parce que le parti estimait qu'il n'avait pas assez d'expérience. Le demandeur a accepté un emploi à l'ambassade du Bangladesh à Tokyo (Japon).

[3]                Le parti du demandeur a perdu l'élection d'octobre 2001 et le Bangladesh Nationalist Party (BNP), nouvellement élu, a prétendument commencé a exercé des représailles contre les membres, les dirigeants et les partisans de la Ligne Awami. La mère du demandeur prétend qu'elle a reçu des appels de menace dans lesquels on lui disait que son fils serait assassiné s'il retournait au Bangladesh et le demandeur lui-même prétend qu'il a reçu des appels semblables à Tokyo dans lesquels on lui disait qu'il perdrait son emploi et serait assassiné à son retour au Bangladesh. Le BNP a mis fin à l'emploi du demandeur à l'ambassade du Bangladesh à Tokyo en mars 2002.

[4]                Le BNP aurait prétendument dressé une liste des noms des personnes qui avaient fait l'objet de nominations politiques sous l'ancien gouvernement. Le demandeur prétend avoir appris que les aéroports étaient surveillés et qu'à leur retour au Bangladesh, les personnes dont les noms figuraient sur la liste seraient arrêtées par les autorités. Les demandeurs craignaient de retourner au Bangladesh. Ils ont quitté pour le Canada où ils ont revendiqué le statut de réfugié.


LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[5]                La Commission a rejeté la revendication en tirant les conclusions suivantes :

1.          La preuve matérielle n'étaye pas la prétention du demandeur parce que :

-            le demandeur n'a pas « le profil des gens les plus menacés par le BNP : il n'a jamais été élu, n'a pas travaillé à l'élection d'octobre 2001 et n'occupe aucun poste au sein de la LA » (la Commission a dressé une liste des personnes qui avaient subi un préjudice (voir pièce R-2) et n'a pas conclu que les activités du demandeur étaient semblables à celles des personnes qui avaient subi un préjudice dans le passé).

-            Il semble que le véritable candidat de la LA se trouve toujours au Bangladesh et constituerait selon toute probabilité une menace plus grande pour le BNP que le demandeur.

-            la famille du demandeur, laquelle a appuyé le candidat, a pu elle également demeurer au Bangladesh (le demandeur se trouvait à Tokyo au moment des élections en octobre 2001.)


2.          La crédibilité du demandeur est douteuse car le demandeur n'a pas fait mention dans son FRP que l'aéroport était surveillé et n'a pas fait mention de la liste des personnes qui avaient fait l'objet de nominations politiques sous l'ancien gouvernement. Comme le FRP est conçu pour décrire les « événements importants et les raisons » qui ont amené le demandeur à revendiquer le statut de réfugié, le fait de ne pas avoir fait mention de ces éléments dans le FRP mène à une absence de crédibilité.

LA NORME DE CONTRÔLE

[6]                Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Conkova c. Canada (M.C.I.), [2000]_A.C.F. no 300; Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

LES QUESTIONS EN LITIGE

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu'il n'existait aucun fondement objectif à la crainte de la persécution du défendeur?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité du demandeur?

3.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tirant pas de conclusions distinctes quant à :

a)          la crainte subjective de la persécution;

            b)          l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR)?


L'ANALYSE                          

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu'il n'existait aucun fondement objectif à la crainte de la persécution du défendeur?

[7]                Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en :

a)          n'expliquant pas pourquoi elle a conclu que la lettre de l'ancien premier ministre du Bangladesh ne suffisait pas pour établir qu'il serait exposé à un risque;

b)          déclarant que sa famille avait pris part à l'élection de 2001;

c)          concluant que le candidat qui n'avait pas été élu vivait toujours au Bangladesh;

d)          n'accordant pas suffisamment de poids à la lettre provenant de sa mère dans laquelle elle mentionnait qu'il courrait toujours un danger;

e)          examinant les « activités » du demandeur plutôt que son identité et ses opinions politiques;

f)           limitant les catégories de personnes qui pourraient être persécutées par le BNP.


[8]                Il est reconnu en droit que la cour siégeant en contrôle judiciaire ne devrait pas examiner la décision de la Commission à la loupe mais devrait plutôt l'examiner dans son ensemble (voir Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741). Chacun des points soulevés par le demandeur est en partie traité par la décision de la Commission. La preuve n'est pas concluante sur chaque point. Par exemple, alors que les frères n'ont pas pris part à l'élection, la mère, elle, a pris part. Cela constitue-t-il de la « famille » ? Autre exemple : le candidat qui n'a pas été élu « ne vit pas dans la région » . Cela signifie-t-il qu'il se trouve toujours au Bangladesh ou qu'il a quitté le pays? La Commission a conclu ce qui suit :

(l)e candidat actuel de la LA, pour autant que je sache, est toujours au Bangladesh.

[9]                Peut-être que la décision de la Commission ne traite pas de chacun des points soulevés par le demandeur aussi explicitement qu'on le voudrait. Toutefois, lue dans son ensemble, il est clair qu'en se fondant sur la preuve dont elle disposait, la Commission a conclu qu'il n'y avait aucune crainte objective de la part du demandeur.

[10]            Sauf preuve du contraire, la Commission est présumée avoir apprécié et examiné l'ensemble de la preuve (Khan c. MCI (1999) 177 F.T.R. 287 ). L'absence de mention d'un fait particulier ou d'une allégation dans les motifs de la Commission ne signifie pas qu'elle ne les a pas examinés. Comme la Cour l'a déclaré dans Singarayer c. MCI (1998), A.C.F. no 870 :

Le fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité.


[11]            Il n'y avait aucun motif sérieux de croire que le renvoi du demandeur au Bangladesh l'exposerait à un risque de torture, à un danger de mort ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités. La preuve présentée devant la Commission n'étayait tout simplement pas une crainte objective et n'étayait pas non plus que le demandeur courrait personnellement un risque. En se fondant sur la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement conclure que le demandeur n'avait pas le profil des gens les plus menacés par le BNP.

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité du demandeur?

[12]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en rejetant l'explication du demandeur quant à savoir pourquoi il n'avait fait aucune mention dans son FRP de la liste des nominations partisanes et du fait que les personnes dont les noms figuraient sur la liste souffriraient à leur retour au Bangladesh. Il a expliqué qu'il ne désirait soulever cette question délicate qu'à huis clos. Il prétend qu'il était déraisonnable que la Commission qualifie sa preuve d' « embellissement » .

[13]            La Commission peut tirer une conclusion négative en raison d'une omission dans le FRP.    La Commission a l'avantage de voir le demandeur, d'observer ses manières et d'entendre son témoignage. Sa conclusion est raisonnable dans les circonstances et ne devrait pas être modifiée. Il incombe au demandeur d'établir qu'aucune personne raisonnable aurait pu tirer la même conclusion que celle que la Commission a tirée. Le juge Richard a déclaré ce qui suit dans la décision Singarayer (précitée) :

À mon avis, la Section du statut de réfugié pouvait raisonnablement rendre les conclusions qu'elle a rendues, compte tenu de l'ensemble de la preuve fournie. [...] Elle a étudié et soupesé l'ensemble de la preuve. Quand le tribunal dispose d'éléments de preuve étayant sa conclusion, la Cour ne modifiera pas facilement le poids attribué à ceux-ci.


3.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tirant pas de conclusions distinctes quant à :

a)         la crainte subjective de la persécution;

b)         l'article 97 de la LIPR?

[14]            Le critère qu'il convient d'appliquer est un critère à deux volets conjonctifs; si le demandeur ne satisfait pas au premier volet, il ne satisfait pas à l'autre. La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas établi l'existence d'une crainte subjective. Il est donc inutile de faire une analyse selon l'article 97.     

[15]            Dans sa décision, la Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, il y avait moins qu'une « simple possibilité » que le demandeur subirait un préjudice s'il était renvoyé au Bangladesh. Dans Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2004] A.C.F. no 771, la Cour a déclaré ce qui suit :

[ ...] même si une analyse distincte selon l'article 97 est souhaitable, l'omission de faire une telle analyse ne sera pas fatale dans des circonstances où aucun élément de preuve ne l'exigerait.

Par conséquent, il n'était pas nécessaire de tirer des conclusions distinctes selon l'article 97.

[16] Compte tenu des conclusions susmentionnées, la demande ne peut pas être accueillie.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« K. von Finckenstein »

                                                                                                                        Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6869-03

INTITULÉ :                                        MOHAMMED SHAHEDUL ISLAM,

TASNIM A JINNAT et SAIYARA ISLAM

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 6 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Rezaur Rahman                                     POUR LES DEMANDEURS

Elizabeth Kikuchi                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rezaur Rahman                                     POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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