[TRADUCTION FRANÇAISE]
ENTRE :
SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
MOTIFS MODIFIÉS POUR UNE ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Aventis Pharma Inc. et Sanofi-Aventis Deutschland GmbH (collectivement « Aventis ») demande une déclaration selon laquelle la lettre de Pharmascience datée du 11 mars 2004 (l’avis d’allégation) n’est ni un avis d’allégation ni une déclaration détaillée comme le prévoit le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS /93-133 (le « Règlement ») et, en revanche, une ordonnance empêchant le ministre de la Santé de présenter un avis de conformité (AC) à Pharmascience en ce qui concerne les gélules de ramipril à prendre par voie orale de 2,5 mg, 5 mg et 10 mg avant l’arrivée à échéance du brevet canadien 2023089 (le « brevet 089 »).
[2] Le produit de marque Aventis, soit le produit de référence pour la Présentation abrégée de drogue nouvelle de Pharmascience, est ALTACE.
[3] Le médicament ramipril est un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) utilisé depuis longtemps pour soigner l’hypertension artérielle. Le brevet sur le composé en tant que tel, le brevet canadien 1187087 (le « brevet 087 »), a expiré le 14 mai 2002.
[4] Les revendications relatives au brevet 089 se limitent à l’utilisation du ramipril pour le traitement de l’hypertrophie cardiaque et vasculaire (une augmentation générale importante d’une partie d’un organe non attribuable à la formation d’une tumeur) et de l’hyperplasie (une augmentation du nombre de cellules dans un tissu ou un organe, par exemple une augmentation du nombre de cellules qui recouvrent les vaisseaux sanguins). Le brevet 089 a été ajouté par Avantis au registre des brevets pour le ramipril après l’expiration du brevet 087.
Brevets et procédures connexes
[5] Bien que le brevet 089 soit le seul en jeu dans la présente procédure, il est important de souligner qu’au moins trois autres brevets figurant au registre des brevets concernent le ramipril, c’est-à-dire :
a) Le brevet canadien 1341206 (le « brevet 206 ») qui revendique une vaste catégorie de composés qui comprend le ramipril, bien que ce composé en tant que tel ne soit pas mentionné.
b) Le brevet canadien 1246457 (le « brevet 457 ») qui revendique l’utilisation du ramipril pour le traitement de l’insuffisance cardiaque (défaillance cardiaque).
c) Le brevet canadien 2055948 (le « brevet 948 ») qui revendique une nouvelle utilisation du ramipril combiné à un antagoniste du calcium pour le traitement de la protéinurie.
[6] Pharmascience a également signifié un avis d’allégation soutenant l’absence de contrefaçon du brevet 948 et cela a mené à une demande dans le dossier T-1602-04 qui a été entendue avec la présente demande, mais qui sera traité au moyen d’une ordonnance séparée, puisque différents éléments de preuve ont été déposés par les parties.
[7] Les trois brevets décrits au paragraphe 5 ci‑dessus ont fait l’objet d’autres demandes en vertu du Règlement. Dans Aventis Pharma Inc. c. Pharmascience Inc., 2005 CF 340, [2005] F.C.J. no 511, le juge Judith Snider a soutenu que l’allégation de Pharmascience indiquant que le brevet 206 était invalide pour évidence et double brevet n’était pas justifiée et que l’avis d’allégation de Pharmascience lié au brevet 457 était insuffisant. Cependant, le juge Snider n’a formulé aucun commentaire sur le bien-fondé des allégations d’absence de contrefaçon de Pharmascience en ce qui concerne le brevet 457. Au moment de l’audience, cette ordonnance faisait toujours l’objet d’un appel.
[8] Dans Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1381, [2005] A.C.F. no 1691, la juge Sandra Simpson a décidé que l’avis d’allégation d’Apotex qui soutient qu’il n’y aurait aucune violation du brevet 457 n’était pas justifié, car la mesure dans laquelle cela empêcherait son produit d’être utilisé par des patients pour le traitement d’une insuffisance cardiaque n’avait pas été établie. Cette ordonnance fait l’objet d’un appel.
[9] Le juge Anne Mactavish a soutenu dans Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1283, [2005] F.C.J. no 1559, que l’avis d’allégation d’Apotex selon lequel le brevet 206 était invalide était justifié. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2006 CAF 64, [2006] A.C.F. no 208.
[10] Finalement, dans Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc, 2005 CF 1461, [2005] A.C.F. no 1793, le juge Konrad von Finckenstein a décidé que l’avis d’allégation d’Apotex était suffisant et justifié en ce qui concerne son allégation que cela ne violerait pas le brevet 089, puisqu’il vendrait le ramipril précisément pour le traitement de l’hypertension, plutôt que pour le traitement de l’hypertrophie ou de l’hyperplasie. Cette ordonnance fait l’objet d’un appel.
[11] Certaines de ces décisions sont pertinentes, car Aventis a soutenu que la Cour devrait, sur la base de la courtoisie judiciaire, suivre la décision du juge Konrad von Finckenstein en ce qui a trait à une certaine référence dans la monographie de produit de Pharmascience (la référence Benetos) à la suite d’allégation d’absence de contrefaçon de ce dernier.
[12] De plus, il est important de souligner que l’arrêt de vingt-quatre (24) mois dans le présent dossier et dans T-1602-04 arrivera à échéance le 1er septembre 2006 (il a été prolongé par consentement).
[13] Bien que, dans cet avis d’allégation, Pharmascience ait d’abord allégué que le brevet 089 était invalide pour diverses raisons, y compris l’antériorité et le double brevet, les parties ont convenu que, dorénavant, cette procédure portait seulement sur l’allégation de non-contrefaçon et, en particulier, la non-contrefaçon des revendications d’utilisation telles que la revendication 11 qui se lit comme suit :
[traduction]
11. Une utilisation d’un composé de la formule I tel que revendiqué dans l’une quelconque des revendications 1 à 8 ou d’un agent tel que revendiqué à la revendication 10 pour le traitement de l’hypertrophie et l’hyperplasie cardiaques et vasculaires.
[14] Compte tenu des enjeux à traiter dans ce cas, les parties les plus pertinentes de l’avis d’allégation de Pharmascience sont les suivantes :
[traduction]
Brevet 089 revendication 11
[…]
Cette revendication ne serait pas contrefaite par la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente par Pharmascience du médicament relativement auquel la présentation pour l’avis de conformité a été déposée. En particulier, les produits Pharmascience qui contiennent du ramipril pour lequel un avis de conformité a été demandé ne seront fabriqués, construits, utilisés, annoncé promus aux fins d’utilisation et vendus par Pharmascience que pour le traitement de l’hypertension […]
[…]
Le produit Pharmascience et son utilisation
15. Les produits Pharmascience relativement auxquels un avis de conformité est demandé sont les gélules contenant du ramipril pour le traitement de l’hypertension. Ces produits ne seront ni fabriqués ni vendus pour le traitement de l’hypertrophie et de l’hyperplasie cardiaques et vasculaires.
16. En particulier, la monographie de produit n’énumérera pas de telles utilisations, l’avis de conformité n’est pas demandé pour de telles utilisations et la mise en marché du produit de PHARMASCIENCE ne comportera aucune référence à une telle utilisation.
[…]
Absence de contrefaçon de la revendication de nouvelle utilisation
[…]
39. L’octroi d’un avis de conformité pour un ancien produit ne peut être restreint, à moins qu’il soit prouvé qu’une contrefaçon se produira et que la deuxième personne s’est impliquée dans les contrefaçons, par exemple en les incitant ou en les encourageant. AB Hassle c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être) (2002) 22 C.P.R. (4th) 1 (F.C.A.); Lundbeck c. Gerpharm [sic], (supra); Lundbeck c. Apotex (supra).
[15] Aventis a déposé trois affidavits. Les auteurs des affidavits sont :
i) Franca Macino, directeur des affaires réglementaires à Aventis Pharma Inc. Son affidavit sert essentiellement à mettre en évidence le texte du brevet 089 et l’avis d’allégation de Pharmascience.
ii) John David Parker, un médecin praticien en Ontario et au Massachusetts qui enseigne la médecine et la pharmacologie à l’Université de Toronto et qui pratique la cardiologie au University Health Network du Mt. Sinai Hospital. Entre autres, il décrit la pratique des médecins qui prescrivent du ramipril et explique comment lui et les autres utilisent la version générique du ramipril de la même façon que l’Altace est utilisé.
iii) Barbara Marie Berry a travaillé comme pharmacienne titulaire de licence au Manitoba de 1074 à 2004 et a été admise au barreau dans la province en 1993. Elle a également travaillé à titre de consultante en soins de santé et elle est l’auteur d’un manuel intitulé Canadian Pharmacy Law. On a demandé à Mme Berry de donner son opinion sur la question de savoir si le produit ramipril de Pharmascience, une fois accessible sur le marché, sera utilisé par des patients pour le traitement de l’hypertrophie et de l’hyperplasie cardiaques et vasculaires, même si Pharmascience n’a demandé aucune approbation réglementaire fédérale pour une telle utilisation.
[16] Pharmascience s’est appuyé sur les affidavits de :
i) Leonard Neirinck, vice-président des affaires scientifiques de Pharmascience soutient que Pharmascience demande un avis de conformité uniquement pour vendre le ramipril pour le traitement de l’hypertension. Il ajoute que la demande visant l’inscription sur les formulaires des provinces par Pharmascience « sera fondée sur l’approbation de l’utilisation pour le traitement de l’hypertension ». Il joint l’ébauche d’une monographie de produit et d’une étiquette. Il explique également que, si quiconque demande à Pharmascience si sa version de ramipril est « approuvé pour l’hypertrophie et l’hyperplasie cardiaques et vasculaires, Pharmascience répondra « pas à ce stade-ci ».
ii) Michael Kutryk, titulaire d’un doctorat en physiologie cardiovasculaire, est professeur adjoint à l’école de médecine de l’Université de Toronto et cardiologue interventionniste au St. Michael’s Hospital. Le Dr Kutryk formule des commentaires sur la prévalence de l’hypertrophie cardiaque et vasculaire et donne son opinion sur l’incidence de ces conditions qui sont causées par l’hypertension et par n’importe quel autre facteur.
iii) Ronald Henry Kluger, professeur de chimie à l’Université de Toronto, dont l’opinion sur la signification des revendications n’est pas très pertinente pour les enjeux précis à déterminer par la Cour pour des motifs qui seront expliqués plus tard.
iv) Ronald Nefsky, pharmacien titulaire de licence en Ontario dont le mandat était de décrire la façon dont un médicament est sélectionné aux fins de distribution lorsque le pharmacien a le choix parmi plusieurs marques d’un même médicament. M. Nefsky a fondé son explication sur le principe que Pharmascience aurait obtenu un avis de conformité pour l’utilisation du ramipril pour traiter l’hypertension seulement et aurait demandé et obtenu une licence en vertu du Formulaire des médicaments de l’Ontario alors que l’interchangeabilité de son produit serait limitée à l’utilisation pour le traitement de l’hypertension.
[17] Tous ces auteurs d’affidavit ont été contre-interrogés.
Enjeux
[18] Tout d’abord, Aventis soutient, en tant que question préliminaire, que, conformément à ce que le juge Snider a précisé, dans Aventis Pharma Inc. ci-dessus, l’avis d’allégation est insuffisant, car il n’explique pas comment la contrefaçon par des patients serait évitée. À cet égard, l’avis d’allégation ne contient qu’une déclaration catégorique de non-contrefaçon.
[19] Deuxièmement, Aventis soutient que l’allégation de non-contrefaçon de Pharmascience n’est tout simplement pas justifiée, car des témoignages d’experts établissent clairement que la contrefaçon par des patients sera inévitable. Selon Aventis, cela est le cas, même si l’on tient compte de la contrefaçon par des patients qui souffrent d’hypertension ainsi que l’une des utilisations couvertes par le brevet 089, ou si l’on examine uniquement l’utilisation plus limitée par des patients qui souffrent d’hypertrophie ou d’hyperplasie cardiaque ou vasculaire, sans hypertension (Proctor and Gamble Pharmaceutical Canada c. Canada (ministre de la Santé), 2002 CAF 290, communément appelé Genpharm).
[20] De plus, Aventis soutient que, même si la cour adopte l’interprétation de la loi par Pharmascience (voir AB Hassle c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être), 2002 CAF 421), son allégation de non-contrefaçon demeurerait injustifiée. À cet égard, il soumet entre autres que la monographie de produit de Pharmascience contient une référence qui indique clairement que le ramipril renverse l’hypertrophie cardiaque (la référence Benetos). Contrairement à ce qui est affirmé dans l’avis d’allégation, cette référence laisserait entendre à une personne informée que le produit de ramipril de Pharmascience pourrait être utilisé pour une utilisation brevetée.
[21] Pharmascience a admis à l’audience que l’avis d’allégation ne traite pas de la question de la contrefaçon par des patients. Il soutient ne pas avoir eu à le faire. Il indique qu’une telle contrefaçon n’est pertinente que si l’utilisation par des patients a été incitée par Pharmascience.
[22] Bien que Pharmascience ne soit pas d’accord pour dire qu’Aventis a établi que la contrefaçon par des patients serait inévitable, la plupart de ses présentations au cours de l’audience portaient principalement sur le test légal applicable en vertu du sous-alinéa 5.1b)iv) du Règlement et sur la question à savoir si la Cour devait suivre la constatation du juge von Finckenstein indiquant que l’inclusion de la référence Benetos dans la monographie de produit n’est pas suffisante pour justifier une constatation de contrefaçon par incitation (Valmet OY c. Beloit Canada Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 1 à 14 (C.A.F.)).
[23] Au cours de l’audience, les parties ont passé beaucoup de temps à discuter de la signification des décisions de la Cour d’appel dans Genpharm et AB Hassle, dont il est question ci-dessus, ainsi que sur d’autres décisions de cette cour. Dans le même ordre d’idées, la Cour a passé du temps à examiner ces cas. Cependant, avant l’achèvement de ces motifs, la Cour d’appel a rendu sa décision dans Pharmascience Inc. c. Sanofi-Aventis Canada Inc., 2006 CAF 229. Cette décision établit essentiellement les deux premiers enjeux soulevés par Aventis. Ainsi, il ne sera pas nécessaire d’examiner en détail les arguments présentés par les parties, car ils étaient essentiellement les mêmes que ceux qui ont été présentés à la Cour d’appel dans Pharmascience, dont il est question ci-dessus.
Discussion
[24] La nature des procédures ainsi que l’historique du schéma du Règlement ont été décrits et ont fait l’objet de commentaires dans plusieurs affaires (Fournier Pharma Inc. c. Canada (ministre de la Santé), 2004 CF 1718, aux paragraphes 6, 8 et 9), y compris la décision récente de la Cour suprême du Canada dans Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (procureur général), [2005] 1 R.C.S. 533, communément appelé Biolyse.
[25] Les principes à l’égard du fardeau de la preuve dans de telles procédures ont été résumés par le juge Arthur Stone de la Cour d’appel fédérale dans Hoffman Laroche Limited c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être), [1996] A.C.F. no 1333, aux paragraphes 7 et 8.
a) L’avis d’allégation est-il insuffisant?
[26] La Cour est d’accord avec Aventis quant au fait qu’il n’existe aucune distinction factuelle ou probante entre la situation présentée devant le juge Snider dans Aventis Pharma Inc., précisé ci-haut, et le cas présent. La Cour aurait été tenue, sur la base de la courtoisie judiciaire, d’adopter la même conclusion. Puisque la Cour d’appel a déterminé maintenant que l’avis d’allégation dans ce cas était tout à fait adéquat, car Pharmascience n’avait à composer qu’avec le fondement factuel et juridique à l’appui de son allégation qu’il n’a pas lui-même contrefait le brevet 089, la Cour est tenue d’adopter la même conclusion.
[27] À cet égard, il est important de souligner que la Cour d’appel a constaté, au paragraphe 25, que l’avis d’allégation dans Pharmascience dont il est question ci-dessus ne constituait pas une affirmation catégorique de non-contrefaçon, car on faisait clairement référence au fait que sa mise en marché ne viserait pas le traitement de l’insuffisance cardiaque. Le passage de l’avis d’allégation cité au paragraphe 23 de la décision de la Cour d’appel contient davantage de renseignements que ce qui figure dans les passages cités au paragraphe 13 abordé ci-haut.
[28] Je conclus que l’avis d’allégation est adéquat.
b) L’allégation de non-contrefaçon de Pharmascience est-elle justifiée?
[29] Avant d’analyser la preuve, il est essentiel de déterminer le test à appliquer, car cela était le principal point de discorde entre les parties à l’audience. Cela dépend essentiellement de l’interprétation à attribuer au sous-alinéa 5.1b)iv) du Règlement.
[30] Tel que mentionné, les arguments formulés par les parties devant la cour étaient essentiellement les mêmes que ceux qui ont été présentés à la cour d’appel dans Pharmascience, dont il est question ci-haut. Dans cette décision, la Cour d’appel aborde les contradictions apparentes entre les décisions Genpharm et AB Hassle, ci-haut, et clarifie leur signification. Elle examine de nouveau la portée du sous-alinéa 5.1b)iv) à la lumière de la décision récente de la Cour suprême du Canada dans Biolyse abordée ci-haut. En particulier, le juge Karen Sharlow a mentionné :
[traduction]
55. Je passe maintenant aux mots pertinents du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement sur les MB (AC) qui établissent le contenu requis d’une allégation de non-contrefaçon. Il est précisé que, dans une allégation de non-contrefaçon, le fabricant du médicament générique doit alléguer que :
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[...] no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed. |
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[...] aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l’utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l’objet de la demande d’avis de conformité.
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56. Pharmascience soutient que les mots « par elle » signifient que la disposition renvoie uniquement aux actes de Pharmascience qui constitueraient une contrefaçon du brevet 457 (ce qui, si je comprends bien, comprendrait les actes de Pharmascience qui inciteraient à la contrefaçon par d’autres). Aventis fait valoir que le sous-alinéa 5(1)b)(iv) peut être de façon plus générale et devait l’être afin qu’ils comprennent toute contrefaçon par quiconque du brevet 457 qui entraîne d’une façon quelconque l’émission d’un avis de conformité à Pharmascience.
57. À mon avis, l’interprétation proposée par Pharmascience correspond davantage à la signification grammaticale ordinaire du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement sur les MB (AC), ainsi qu’au schéma et au but législatifs. Le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets et, par conséquent, le Règlement sur les MB(AC) ont pour but de prévenir la contrefaçon d’un brevet par Pharmascience, et non par les patients.
58. L’interprétation plus étroite proposée par Pharmascience correspond aussi davantage au schéma général de la Loi sur les brevets. L’entente représentée par le brevet 087 permet à quiconque d’utiliser l’invention brevetée (c’est-à-dire pour faire du ramipril à l’aide de l’un des procédés allégués) une fois que les modalités de ce brevet arrivent à échéance en novembre 2002. Si Pharmascience évite dorénavant d’obtenir un avis de conformité pour ses gélules de ramipril utilisées dans le traitement de l’hypertension seulement parce que le résultat inévitable est la contrefaçon du brevet 457 par des patients qui utilisent le produit de Pharmascience pour traiter une insuffisance cardiaque, le résultat pratique donnera lieu à un élargissement artificiel du monopole représenté par le brevet 087 maintenant expiré. Je ne crois pas que l’intention du Parlement était que le Règlement sur les MB (AC) permette un tel résultat. (Ce point est également souligné dans AB Hassle, au paragraphe 57.)
59. Je reconnais qu’il existe des déclarations dans Genpharm qui pourraient appuyer l’interprétation élargie du sous-alinéa 5(1)b)(iv) proposée par Aventis (voir, par exemple, les paragraphes 45 à 50). Je formule trois observations au sujet de ces déclarations. Premièrement, elles constituent un obiter dicta, elles sont formulées dans le contexte de la preuve que Genpharm mettrait bel et bien son produit en marché pour une utilisation qui correspondaient aux allégations de l’un des brevets inscrits, et cela n’était pas le cas dans AB Hassle, et cela ne l’est pas non plus dans la présente cause. Deuxièmement, la décision liée à Genpharm a été prise devant cette cour et tirait parti de la décision de la Cour suprême du Canada dans Biolyse. À mon avis, les déclarations aux paragraphes 45 à 50 de Genpharm interprètent le sous-alinéa 5(1)b)(iv) d’une façon qui ne correspond pas à Biolyse. Troisièmement, bien que je sois toujours d’avis que Genpharm était correct dans le résultat, les paragraphes 45 à 50 de Genpharm, lus seuls, ne correspondent pas à l’interprétation correcte du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement sur les MB(AC), et dans cette mesure limitée, ils auraient dû être annulés AB Hassle.
60. Pour ces motifs, je conclus que l’interprétation plus étroite du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement sur les MB (AC), tel qu’elle est proposée par Pharmascience, est correcte. Étant donné qu’il n’y a aucune preuve que Pharmascience portera atteinte au brevet 457 ou qu’il incitera à la contrefaçon du brevet 457 par d’autres, l’allégation de non-contrefaçon du brevet 457 est justifiée. Il s’en suit que même avant l’expiration du brevet 457 le13 décembre 2005, aucun fondement valable n’aurait permis à la Cour fédérale d’accorder la demande d’Aventis pour une ordonnance empêchant le ministre d’émettre un avis de conformité à Pharmascience pour ses gélules de ramipril.
[31] Cela signifie que, même si Aventis prouvait qu’une contrefaçon par des patients des revendications d’utilisation du brevet 089 est très probable, voire inévitable, cela ne serait pas suffisant pour établir que l’allégation de non-contrefaçon de Pharmascience n’est pas justifiée.
[32] Dans ce contexte, en temps normal, il serait seulement nécessaire de formuler une constatation à l’égard de l’utilisation par des patients si j’estimais qu’Aventis avait établi que la monographie de produit de Pharmascience ou ses autres actions proposées peuvent soutenir une constatation de contrefaçon par incitation.
[33] Cependant, étant donné que le délai pour demander la permission d’interjeter appel dans Pharmascience, ci-haut, n’est pas arrivé à échéance, la Cour évaluera la preuve relativement à une contrefaçon potentielle par des patients.
[34] À cette fin, il ne sera pas nécessaire de déterminer si les revendications dont il est question devraient ou non être interprétées de façon restrictive. Je suis convaincue que ma conclusion sur cette question serait la même, que les revendications d’utilisation soient interprétées ou non, comme le suggère Pharmascience, pour n’aborder que l’utilisation par des patients souffrant d’hypertrophie cardiaque ou vasculaire non causée par l’hypertension.
[35] Comme dans ce cas-ci, Pharmascience avait présenté la preuve au juge Snider en ce qui concerne l’interchangeabilité limitée (en particulier l’affidavit de M. Nefsky). L’éminent juge avait estimé qu’il s’agissait là d’une tentative inadmissible par Pharmascience d’amplifier les faits de son allégation de non-contrefaçon. La Cour d’appel, dans Pharmascience dont il est question ci-haut, n’a formulé aucune constatation à cet égard (voir le paragraphe 28), mais elle a souligné que le recours dans un tel cas serait de faire fi de la preuve, et non de déterminer que l’avis d’allégation est inadéquat.
[36] Après avoir pris en compte de façon attentive l’avis d’allégation dont je suis saisi, je suis convaincue que Pharmascience n’est pas en mesure de soutenir son allégation de non-contrefaçon en fonction du fait qu’il ne demanderait qu’une inscription d’interchangeabilité limitée sur le Formulaire de l’Ontario et qu’il enverrait une mise en garde distincte aux professionnels de la santé en ce qui concerne l’utilisation limitée pour laquelle son avis de conformité a été accordé. Cela dépasse tout simplement les faits affirmés dans l’avis d’allégation.
[37] Cependant, la Cour a examiné la preuve en évaluant l’intérêt à accorder à la preuve de Mme Berry pour laquelle elle affirme, au paragraphe 14 de son affidavit, qu’il est très probable que le produit de Pharmascience serait inscrit en tant que médicament bioéquivalent générique d’ALTACE dans la Liste des médicaments admissibles et interchangeables du Manitoba, peu importe son utilisation approuvée par le gouvernement fédéral. Pharmascience a le droit de présenter une preuve visant à réfuter cette déclaration.
[38] J’ai aussi examiné très attentivement les transcriptions des divers contre-interrogatoires et pris en considération les arguments soulevés par Pharmascience en ce qui a trait au peu d’intérêt qui devrait être accordé à l’affidavit de Mme Berry et à certaines des contradictions ou des admissions formulées par le Dr Parker.
[39] Selon mon examen de l’ensemble de la preuve, j’estime qu’il est très probable que le produit de ramipril de Pharmascience sera inscrit sans restriction, du moins au Manitoba et en Ontario (Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2006 MBCA 21). Bien qu’il soit concevable de dire que la situation serait la même dans les autres provinces, je n’ai devant moi aucune preuve à cet effet, et je conviens que Mme Berry et M. Nefsky n’ont pas la compétence requise pour formuler une opinion relative à la situation dans ces provinces. J’ai également souligné que ces deux auteurs d’affidavit ne sont pas qualifiés pour se prononcer sur les connaissances et les pratiques des médecins, même dans leur province respective.
[40] J’accepte la preuve du Dr Parker et du Dr Kutryk qui sont tous deux qualifiés en tant qu’experts en ce qui concerne les questions auxquelles ils font allusion dans leur affidavit respectif. J’accepte l’opinion du Dr Kutryk selon laquelle le rythme auquel le ramipril serait prescrit pour le traitement de l’hypertrophie ou de l’hyperplasie, dans des cas dont la cause n’est pas l’hypertension, est très faible. Néanmoins, compte tenu de la popularité de ce médicament et des pratiques de prescription des médecins en Ontario, y compris le fait que les hôpitaux utilisent surtout, voire seulement la version générique des médicaments (même pour le Zoloft, le seul produit inscrit pour une utilisation limitée en Ontario), j’ai conclu qu’il est probable, voire inévitable qu’à un certain point, des patients qui souffrent d’hypertrophie et d’hyperplasie, mais qui ne souffrent pas d’hypertension (bien que peu nombreux) utiliseront le produit de Pharmascience pour les utilisations brevetées.
[41] Cela dit, peut-on faire la preuve que la monographie de produit proposée par Pharmascience ou les mesures qu’il a l’intention de prendre inciteront certains patients à la contrefaçon? Aventis prétend que les utilisations couvertes par le brevet 089 font l’objet d’une discussion dans un article d’Athanase Benetos et al., « Effects of Ramipril on Arterial Hemodynamics » (1991) 18:2 Journal de Cardiovascular Pharmacology 153 (la référence Benetos). Comme je l’ai déjà mentionné, Aventis a formulé ce même argument devant le juge von Finckenstein dans Aventis Pharma Inc. abordé ci-haut. Dans ce cas, la Cour a déterminé qu’il ne fallait pas estimer que la référence Benetos faisait en lien entre le ramipril et le traitement de l’hypertrophie et de l’hyperplasie cardiaques et vasculaires. À cet égard, le juge von Finckenstein a mentionné ceci :
[traduction]
[35] En ce qui concerne l’article de Benetos sur lequel Aventis s’appuie pour citer son avocat, je ne crois pas que cela équivaut à « l’élément supplémentaire » requis pour les motifs suivants :
a) cela n’apparaît ni dans le texte de la monographie de produit ni dans les notes en bas de page; l’article de Benetos est simplement cité comme la première de 18 références.
b) il ne traite pas de l’hypertrophie, mais précise dans l’introduction que :
l’objectif de cette étude était de déterminer les effets artériels de l’IECA ramipril relativement à son action contre l’hypertension aiguë et chronique;
c) le mot hypertrophie n’est mentionné qu’une fois; le mot hyperplasie ne l’est pas du tout;
d) la phrase qui contient le mot « hypertrophie » se trouve dans les renseignements généraux de l’introduction de l’article et elle fait référence à un autre article. La phrase se lit comme suit :
Il a été signalé que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) réduisent la pression sanguine, renversent l’hypertrophie cardiaque (3) et améliorent l’élasticité des grosses artères (4).
En examinant la note en bas de page (3) de l’article de Benetos, on constate la référence suivante :
Asmar R, Journot H, Lacolley P, Santoni JP, Billaud E, Safar M. Traitement pour un an avec périndopril : effet sur l’élasticité de la masse cardiaque et des artères pour l’hypertension essentielle. J Hypertens 1988; 6 (suppl 3): S33-40. (Souligné ajouté)
Il est indéniable que le périndopril est un IECA, mais il est tout aussi indéniable qu’il ne s’agit pas de ramipril;
e) rien n’indique que la référence à l’article de Benetos guidera le comportement des médecins ou des pharmaciens. Le principal témoin expert d’Aventis, le Dr Dagenais dont la compétence n’est pas remise en question par Apotex, ne fait que mentionner dans son affidavit que :
20. La liste de références à la page 45 de l’ébauche de la monographie de produit comprend un document qui traite de l’utilisation des IECA dans le traitement de l’hypertrophie cardiaque. Dans la référence 1 intitulée « Effects of Ramipril on Arterial Hemodynamics », publié en 1991, les auteurs soulignent ceci à la page S153 :
Il a été signalé que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) réduisaient la pression sanguine, renversaient l’hypertrophie cardiaque et amélioraient l’élasticité des grosses artères.
Une copie de la référence est jointe en tant que pièce « B ».
Ni le Dr Dagenais ni aucun autre témoin expert ne fournissent la preuve qui vise à démontrer que l’article de Benetos est lié à la contrefaçon par des médecins, des pharmaciens ou des patients.
[36] En résumé, Aventis aimerait établir un lien entre Apotex et des contrevenants indirects sur la base d’une simple note en bas de page contenue dans une référence jointe en annexe à la monographie de produit originale, et non sur la base d’éléments quelconques contenus dans le texte de la monographie de produit originale. Cependant, comme le démontre l’analyse qui précède, à l’exception du mot « hypertrophie » mentionné une fois dans le paragraphe des renseignements généraux dans l’introduction de la référence en annexe (qui renvoie à une étude sur le périndopril), il n’existe aucun lien entre l’article de Benetos et l’hypertrophie. Je ne vois pas comment la simple utilisation du mot dans un article mentionné qui ne traite pas de l’hypertrophie peut être interpréter d’une façon quelconque pour établir un lien (c.-à-d. satisfaire à l’exigence relative à un « élément supplémentaire », alors que ce terme a été utilisé par Sexton J.A. dans AB Hassle c. ministre de la Santé et du Bien-être, supra).
(je souligne)
[42] Aventis soutient que la Cour ne devrait pas suivre cette décision, car il est clair qu’elle est mauvaise. Il mentionne que le juge von Finckenstein n’a pas bien examiné le fait que la phrase soulignée dans le passage dont il est question ci-dessus renvoie à l’inhibiteur, et non simplement à l’inhibiteur mentionné dans la référence à la note de passage no 3 de l’article (périndopril).
[43] Même si cela était vrai (et je n’ai pas à faire cette détermination), la Cour ne croit pas que cela pourrait justifier la conclusion souhaitée par Aventis.
[44] Bien que certains éléments prouvent que Pharmascience fournirait des copies de cet article sur demande (Q : 136 du contre-interrogatoire de M. Neirinck), rien n’indique que les professionnels de la santé ont l’habitude de présenter de telles demandes. De plus, il est loin d’être certain que des pharmaciens et des médecins ont l’habitude d’examiner les monographies de produits génériques lorsqu’ils connaissent bien le produit de marque. En fait, le Dr Kutryk a indiqué qu’il est rare qu’il lise la monographie de produit lorsqu’une marque de médicament est généricisée (Q : 179 de son contre-interrogatoire). M. Nefsky a jouté qu’en temps normal, il ne lirait pas la monographie d’un produit générique lorsqu’il le reçoit, puisqu’il aurait déjà lu la monographie du produit novateur et qu’il ne serait pas vraiment nécessaire de le faire. (Q : 76 de son contre-interrogatoire).
[45] On ne connaît pas les incidences qu’aurait la référence Benetos sur les autres professionnels de la santé s’ils ont lu la monographie de produit et demandé une copie de la référence auprès de Pharmascience et s’ils l’ont bel et bien examinée.
[46] Je n’ai aucune raison valable d’adopter la conclusion formulée par le juge von Finckenstein dans Aventis Pharma Inc., dont il est question ci-haut. En fait, je suis convaincue que je serais arrivée à la même conclusion, même en l’absence de ce précédent.
[47] Finalement, j’ai examiné l’autre argument présenté par Aventis sur la base de la déclaration de Pharmascience indiquant qu’il n’enverrait pas de lettres aux professionnels de la santé pour les aviser de la contrefaçon possible du brevet 089.
[48] La preuve et les arguments présentés à la Cour ne peuvent appuyer la conclusion selon laquelle l’allégation de non-contrefaçon de Pharmascience n’est pas justifiée. Aventis ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve.
[49] Cette demande est rejetée et les dépens devraient être évalués en fonction de colonne III du tarif B.
ORDONNANCE
LA COUR DÉCIDE que :
1. la demande est rejetée et que les dépens sont évalués selon la colonne III du tarif B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-836–04
INTITULÉ DE CAUSE : Aventis Pharma Inc. et al. c. Pharmascience Inc. et al.
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATES DE L’AUDIENCE : Les 2, 3 et 4 mai 2006
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : La juge Gauthier
DATE DES MOTIFS : Le 14 juillet 2006
COMPARUTIONS :
Me Gunars A. Gaikas
Me J. Sheldon Hamilton POUR LES DEMANDERESSES
Me Donald H. MacOdrum
Me Mark S. Mitchell POUR LES DÉFENDEURS
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
SMART & BIGGAR POUR LES DEMANDERESSES
Avocats
Toronto (Ontario)
LANG MITCHENER LLP POUR LES DÉFENDEURS
Avocats PHARMASCIENCE INC ET AL.
Toronto (Ontario)
John H. Sims, Q.C. POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada LE MINISTRE DE LA SANTÉ
Ottawa (Ontario)