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Date : 20020222

Dossier : IMM-648-02

Référence neutre : 2002 CFPI 196

ENTRE :

                                                        NATALIA VOITSEKHOVSKY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                  MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]         Il s'agit d'une requête présentée par Natalia Voitsekhovsky (la demanderesse) en vue d'obtenir une ordonnance sursoyant à son renvoi et à celui de sa fille mineure, Katia, en Israël.

[2]         La demanderesse est entrée pour la première fois au Canada en 1993. Elle a revendiqué sans succès le statut de réfugiée au sens de la Convention. Sa fille et elle ont quitté le Canada le 31 janvier 1996.


[3]         La demanderesse et sa fille sont revenues au Canada en octobre 1998 et ont encore une fois revendiqué, sans succès, le statut de réfugiées.

[4]         En août 2001, la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire de la demanderesse a été rejetée.

[5]         Le 24 décembre 2001, la demanderesse avait déposé une deuxième demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Cette demande est toujours en instance.

[6]         Entre le 24 octobre 2001 et le 14 février 2002, la demanderesse a eu un certain nombre de rencontres avec des agents d'immigration relativement à son renvoi.

[7]         Le renvoi de la demanderesse et de sa fille mineure en Israël est maintenant prévu pour le 25 février 2002.

[8]         Question litigieuse      -            Une ordonnance de sursis à la mesure de renvoi devrait-elle être rendue?

[9]         Analyse et décision

[10]       On accepte maintenant que l'agent de renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certaines circonstances, surseoir au renvoi du demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).


[11]       Pour obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire aux exigences établies dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :

                        

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396 [note 3]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée:

[TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit satisfaire aux trois volets de ce critère.

[12]       La question sérieuse                                  

La demanderesse, sa fille, Ana, qui est citoyenne canadienne, et l'amie de la demanderesse, Natalia Bogomolova, ont toutes trois soumis un affidavit dans lequel elles ont affirmé qu'une agente a encouragé la demanderesse a déposer une deuxième demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. L'agente d'immigration nie cela, mais elle déclare dans son affidavit avoir dit à la demanderesse que [TRADUCTION] « [...] si elle le voulait, elle pouvait retenir les services d'un avocat pour soumettre une autre demande, mais qu'entretemps on donnerait suite aux mesures prises en vue du renvoi » .

   

[13]       Selon les deux parties à l'audition de la requête, il y a peut-être eu une mauvaise communication entre l'agente d'immigration et la demanderesse.


[14]       La fille de la demanderesse, Ana, a déclaré dans son affidavit que l'agente d'immigration lui avait dit [TRADUCTION] « dépêchez-vous de faire votre demande » .

[15]       La demanderesse croyait que l'examen de la deuxième demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire aurait lieu avant son renvoi.

[16]       J'estime que constitue une question sérieuse à trancher la question de savoir si ce qui s'est passé entre la demanderesse et l'agente d'immigration a donné à la demanderesse une attente raisonnable selon laquelle, sur le plan procédural, l'examen de sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire aurait lieu avant son renvoi.

[17]       Le préjudice irréparable

J'ai examiné les notes qu'a prises l'agente d'immigration le 29 novembre 2001 relativement à la conversation qu'elle a eue avec le psychiatre des demanderesses, ainsi que les extraits du rapport psychologique soumis avec la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire (paragraphe 13 du mémoire des arguments de la demanderesse). Il est évident que le renvoi de la demanderesse en ce moment pourrait lui causer une rechute.

[18]       Compte tenu de ces rapports, je suis d'avis que la demanderesse subirait un préjudice irréparable si elle était renvoyée du Canada en ce moment.


[19]       La prépondérance des inconvénients

La demanderesse fait l'objet d'une mesure de renvoi, mais elle ne constitue pas un danger pour le public. Il n'y a aucun doute que le ministre a l'obligation d'appliquer la Loi, mais il pourra toujours le faire si la demanderesse n'a pas gain de cause. J'estime que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de la demanderesse.

[20]       La Cour sursoit par la présente à la mesure de renvoi prise contre la demanderesse et son enfant mineur, et ce, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la demande d'autorisation, et si l'autorisation est accordée, jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire de la mesure de renvoi soit jugée.

ORDONNANCE

[21]       La Cour sursoit par la présente à la mesure de renvoi prise contre la demanderesse et son enfant mineur, et ce, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la demande d'autorisation et, si l'autorisation est accordée, jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire de la mesure de renvoi soit jugée.

« John A. O'KEEFE »

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 22 février 2002

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-648-02

INTITULÉ :                                           Natalia Voitsekhovsky c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 21 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR : le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                        Le 22 février 2002

COMPARUTIONS:

Martin J. Bauer                                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Kim Shane                                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hobson & Company                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

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