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Date : 20050224

Dossier : IMM-10136-03

Référence : 2005 CF 275

Ottawa (Ontario), le 24 février 2005

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF LUTFY

ENTRE :

                                                       VIDAPHONE SAYAVONG

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Les principes régissant le droit aux services d'interprétation, garanti par l'article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés, s'appliquent durant les audiences de la Section de la protection des réfugiés : Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 191, confirmant la décision du juge des demandes, le juge Denis Pelletier (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale), [2000] 3 C.F. 371. L'interprétation doit satisfaire à la norme de la continuité, de la fidélité, de la compétence, de l'impartialité et de la concomitance, mais elle n'a cependant pas besoin de satisfaire à la norme de perfection. Il n'est pas nécessaire de prouver l'existence d'un préjudice réel occasionné par une interprétation comportant des lacunes. En règle générale, une objection quant à la qualité de l'interprétation doit être soulevée à la première occasion au cours de l'audience sur le statut de réfugié.

[2]                En l'espèce, rien ne donne à penser que la demanderesse a renoncé à son droit de contester la qualité de l'interprétation. Le conseil de la demanderesse et le président de l'audience ont tous les deux fait part de leur inquiétude concernant l'interprétation au cours de l'audience. L'interprète a reconnu qu'il n'avait aucune expérience des instances relatives au statut de réfugié. En concluant l'audience, le président a déclaré qu'il ferait faire une vérification concernant la qualité de l'interprétation avant de rendre sa décision sur le bien-fondé de la demande d'asile de la demanderesse.

[3]                Des segments des enregistrements de l'audience ont été analysés. En examinant la première moitié d'un côté de la première bande magnétique, l'analyste a remarqué des omissions et des erreurs importantes. Pour reprendre les propos de l'analyste, l'interprétation était :

[traduction]

. 60 p. 100 fidèle et complète.

L'interprète n'avait pas une connaissance suffisante de la procédure et des termes techniques.

Il avait sauté quelques mots et avait résumé environ 60 p. 100 des mots réellement prononcés par les gens lors de l'audience.

[...]

Le débit est bon (le laotien constitue sa langue maternelle).


La qualité linguistique est limitée au langage de base de tous les jours. Un manque grave de connaissances de la procédure et du vocabulaire techniques crée de la confusion. [...] Ne comprend pas les mots relatifs au gouvernement, les ministères, la procédure et les noms connexes.

Les résultats de l'analyse des autres segments des enregistrements n'étaient pas beaucoup mieux. La difficulté de langage et de vocabulaire se rapportait à des mots directement liés à la demande d'asile de la demanderesse.

[4]                La Section de la protection des réfugiés a reçu les observations de la demanderesse concernant la vérification un mois avant la date de la décision mais deux jours au-delà de la période fixée pour cela. Après avoir examiné le rapport de vérification, le conseil a fait remarquer que le témoignage de la demanderesse n'avait pas été présenté au tribunal de façon complète et fidèle et qu'il y avait eu manquement aux principes de justice naturelle. Le président de l'audience n'a pas vu ces observations.

[5]                Le commissaire a conclu que les problèmes d'interprétation [traduction] « n'étaient pas convaincants au point de rendre l'audience nulle et non avenue » . À mon avis, le tribunal ne pouvait pas tirer cette conclusion en appliquant correctement les principes régissant le droit aux services d'interprétation garanti par la Charte. En se basant sur les lacunes soulignées dans l'analyse, on ne pourrait pas conclure que l'interprétation satisfaisait à la norme de la continuité, de la fidélité, de la compétence. Il y a eu atteinte au droit à l'interprétation de l'instance garanti à la demanderesse par la Constitution. La seule réparation est une nouvelle audience.


[6]                Aucune des parties n'a proposé de question grave en vue de la certification et aucune ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour que celle-ci procède à une nouvelle audition et statue à nouveau sur l'affaire.

                                                                                      « Allan Lutfy »                     

                                                                                          Juge en chef                       

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-10136-03

INTITULÉ :                                                                VIDAPHONE SAYAVONG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 1er DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE EN CHEF LUTFY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 24 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Brena Parnes                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Marghertia Braccio                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brena Parnes                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

(416) 482-9639

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

(416) 952-0910


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