Date : 20030423
Dossier : IMM-5104-01
Référence : 2003 CFPI 474
Ottawa (Ontario), le 23 avril 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
KHEM SINGH BAJWA
PARMINDER SINGH BAJWA
VARINDERJIT SINGH BAJWA
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. et Mme Bajwa ont trois fils d'âge adulte. L'un d'entre eux, Arvinder, est un résident du Canada. Il parraine les autres membres de sa famille qui habitent actuellement en Inde afin qu'ils deviennent des résidents permanents au Canada. Les deux autres fils adultes, Varinderjit et Parminder, sont inscrits dans des programmes de niveau collégial. M. Bajwa les a inclus dans la demande de résidence permanente de la famille au motif qu'ils répondent tous deux à la définition de « fils à charge » aux termes du Règlement sur l'immigration de 1978 (paragraphe 2(1)).
[2] Le Règlement dit qu'un fils qui a 19 ans ou plus demeure à charge si, depuis la date de ses 19 ans, sans interruption, il « est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle. »
[3] Varinderjit a eu 19 ans en 1993. Il a ensuite suivi un cours d'informatique au collège en 1993-1994, qu'il a repris en 1995-1996. Il s'est ensuite inscrit au Industrial Training Institute. Subséquemment, il a étudié pour l'obtention d'un baccalauréat, mais n'a pas réussi à l'obtenir. Depuis 2001, il est inscrit à un cours de qualification dans un collège.
[4] Parminder a eu 19 ans en 1996. Il a terminé à l'école secondaire en 1997 et a ensuite commencé des études pour l'obtention d'un baccalauréat. Il ne l'a pas obtenu. Il s'est ensuite inscrit à un cours d'informatique au collège. De 1999 à 2001, il a encore tenté d'obtenir son baccalauréat, mais sans succès. Toutefois, il était toujours inscrit à un programme de qualification au collège.
[5] L'agente des visas qui a étudié la demande de la famille Bajwa a interviewé les membres de la famille en mai 2001. En particulier, elle a questionné les fils concernant leurs études. En se fondant sur leurs réponses, ainsi que sur les éléments de preuve qui lui ont été soumis en ce qui a trait à leur rendement scolaire, elle a conclu qu'ils ne répondaient pas aux exigences du Règlement. Selon elle, le Règlement exigeait plus que d'être simplement inscrit et présent physiquement. L'exigence de la présence physique a également un aspect qualitatif - c'est-à-dire, que pour être considéré comme un étudiant, le demandeur doit faire preuve d'un certain effort intellectuel.
[6] L'agente a conclu que les deux fils n'avaient pas de connaissances suffisantes du contenu de leurs programmes d'étude pour se conformer à l'aspect qualitatif du Règlement. Par exemple, puisque les deux fils avaient suivi des cours en informatique, elle leur a demandé la signification du terme « DOS » . Ni l'un ni l'autre n'a pu répondre à cette question. Elle leur a demandé ce qu'ils avaient étudié dans leurs cours de science politique, d'histoire et d'anglais. Ils n'ont pas pu fournir de réponses valables. De plus, leurs résultats scolaires démontraient qu'ils n'avaient rien assimilé de la matière enseignée. Varinderjit a échoué quatre de ses cinq cours en 1999-2000, obtenant une note aussi faible que 7 % en anglais. En panjabi, sa langue maternelle, il a obtenu une note de 20,5 %. Parminder a échoué toutes ses matières pendant deux années scolaires. Il a obtenu une note de 1 % en anglais et de 8 % en panjabi. L'une de ses matières portait le nom de R.D., mais il ne savait pas ce que cela signifiait « Rural Development » . Dans cette matière, il obtenu la note de 4 %.
Question en litige
[7] Il n'y a qu'une question dans la présente affaire. Il s'agit de savoir si l'agente des visas a eu raison dans son interprétation du Règlement selon laquelle il contient un élément qualitatif.
A. La jurisprudence
[8] Jusqu'à récemment, la jurisprudence était quelque peu partagée sur cette question. Selon l'interprétation qu'en ont fait certains juges, le Règlement ne requiert qu'une présence physique dans une institution d'enseignement : Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1423 (QL), (1998), 155 F.T.R. 228 (1re inst.); Balasrishnan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1592 (QL) (1re inst.).
[9] D'autres juges ont adopté le point de vue selon lequel le Règlement exigeait quelque chose de plus que la présence physique et comprenait un élément qualitatif ou mental : Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1468 (QL) (1re inst.); Malkana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1659 (QL) (1re inst.), (1996), 125 F.T.R. 71; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1552 (QL) (1re inst.), (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 84; Takhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 635, [2001] A.C.F. no 962 (QL).
[10] Il existe un troisième courant de jurisprudence qui tente de concilier les deux premiers, et prône qu'un échec peut jeter un doute quant à savoir si la personne était vraiment inscrite sans interruption à un établissement d'enseignement : Dhami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 805, [2001] A.C.F. no 1160 (QL).
[11] Le droit a maintenant été clarifié par l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 79. La Cour a confirmé que la définition de « fils à charge » contenue dans le Règlement est rédigée de manière à mettre l'emphase sur la valeur sociale de l'instruction. Par conséquent, il est possible pour les demandeurs de résidence permanente d'inclure dans leur demande les enfants d'âge adulte dont l'engagement envers leurs études fait en sorte qu'ils dépendent du soutien de leurs parents. Par conséquent, le Règlement exige plus qu'une simple preuve que l'étudiant est inscrit au programme et occupe une chaise dans la salle de cours. Il ou elle doit également réellement s'efforcer d'apprendre. Comme l'a dit la Cour, il faut que l'élève « fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il est inscrit » (paragraphe 19). Ce ne sont pas les résultats scolaires qui comptent - un élève peut faire un effort réel et ne pas réussir. Mais, lorsque la preuve démontre clairement - et que l'on inclut dans cette preuve les résultats scolaires - que la personne ne s'est pas vraiment appliquée à ses études, les exigences du Règlement, et les valeurs valeurs sociales qu'elles expriment n'auront pas été respectées.
B. Varinderjit et Parminder Bajwa
[12] Selon l'agente des visas, ni Varinderjit ni Parminder n'ont réussi à démontrer qu'ils ont déployé quelque effort pour apprendre. Elle a conclu que, pour les fins du Règlement, ils n'étaient pas inscrits à un programme de formation au sens qualitatif.
[13] La question est de savoir si la méthode utilisée par l'agente des visas est compatible avec la méthode établie par la Cour d'appel, même si l'arrêt Sandhu a été rendu après que la demande de la famille Bajwa eut été étudiée. À mon avis, la méthode et la conclusion de l'agente des visas étaient bonnes. Elle avait devant elle suffisamment de preuve que Varinderjit et Parminder n'avaient pas fourni un effort réel dans leurs études, même au point que cela jetait un doute quant à savoir s'ils avaient réellement fréquenté l'école à temps complet.
[14] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. La question juridique ayant reçu une réponse claire dans Sandhu, aucune question grave de portée générale ne sera formulée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question grave de portée générale n'est formulée.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5104-01
INTITULÉ : KHEM SINGH BAJWA, PARMINDER SINGH BAJWA et VARINDERJIT SINGH BAJWA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 8 avril 2003
MOTIFS DU JUGEMENT ET
JUGEMENT : le juge O'Reilly
DATE DES MOTIFS : le mercredi 23 avril 2003
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman POUR LES DEMANDEURS
Jamie Todd POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates POUR LES DEMANDEURS
Avocats
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)