Date : 20050928
Dossier : T-1633-03
Référence : 2005 CF 1205
Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2005
En présence de Madame la juge Heneghan
ENTRE :
PFIZER CANADA INC.
WARNER-LAMBERT COMPANY LLC
et PARKE, DAVIS & COMPANY LLC
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
et APOTEX INC.
défendeurs
MOTIFS D'ORDONNANCE PUBLICS
(Motifs d'ordonnance confidentiels rendus le 2 septembre 2005)
[supprimé] - Mots supprimés pour protéger la confidentialité
INTRODUCTION
[1] Pfizer Canada Inc., Warner-Lambert Company LLC et Parke, Davis & Company LLC (les demanderesses ou Pfizer) font la présente demande aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement AC), DORS/93-133, afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité au titre de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, avant l'expiration des lettres patentes canadiennes no 1,341, 330 (le brevet 330) et no 1,331,615 (le brevet 615). Cette demande a été formulée en réponse à deux avis d'allégation signifiés par Apotex Inc. (Apotex ou la défenderesse), le premier en date du 18 juillet 2003 relativement au brevet 615 et aux lettres patentes canadiennes no 1,291,999 (le brevet 999), et le deuxième, en date du 24 juillet 2003, relativement au brevet 330. Essentiellement, Apotex allègue que le brevet 615 n'est pas contrefait par ses activités qui consistent à fabriquer et à commercialiser son produit pharmaceutique Apo-Quinapril, et que le brevet 330 est invalide.
[2] Les demanderesses sont des sociétés pharmaceutiques multinationales. Le brevet 330 a été délivré à Parke, Davis & Company LLC, et le brevet 615 a été déposé par le cessionnaire Warner-Lambert Company LLC. Conformément au Règlement AC, les demanderesses ont déposé une liste de brevets relatifs aux produits pharmaceutiques pour lesquels un avis de conformité leur a été délivré. Les demanderesses sont les « premières personnes » aux fins de la présente instance en interdiction.
[3] Apotex est une société canadienne qui fabrique des produits pharmaceutiques génériques. Le Règlement AC permet aux fabricants de médicaments génériques de s'appuyer sur l'autorisation antérieure d'un produit pharmaceutique connexe lorsqu'ils demandent l'autorisation de commercialiser la forme générique des produits. Les fabricants qui produisent le même médicament peuvent déposer une demande d'avis de conformité qui fait référence à l'autorisation délivrée à la version du médicament d'origine et s'appuie sur elle. Apotex est une « seconde personne » suivant l'article 2 du Règlement AC.
[4] Le ministre a la responsabilité d'examiner les demandes d'avis de conformité présentées par les sociétés pharmaceutiques. Le Règlement AC interdit au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration de tous les brevets de produit ou d'utilisation pertinents reliés au médicament antérieurement autorisé, qui apparaissent à la liste de brevets. Par conséquent, la seconde personne doit, soit attendre l'expiration du brevet avant la délivrance d'un avis de conformité, soit présenter un avis d'allégation au ministre avec la présentation de drogue nouvelle. Après avoir examiné l'avis d'allégation qui lui a été signifié, la première personne peut demander, en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement AC, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l'avis de conformité. Le ministre est partie à la présente instance, mais n'y participe pas activement.
LE CHLORHYDRATE DE QUINAPRIL
[5] Le chlorhydrate de quinapril est un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (inhibiteur de l'ECA). L'ECA facilite la conversion de l'angiotensine I, forme bénigne, dans la forme activée, appelée angiotensine II, qui élève la pression artérielle, ce qui permet à cette dernière d'agir comme puissant vasoconstricteur pouvant causer l'hypertension. Le chlorhydrate de quinapril est un inhibiteur de l'ECA qui bloque la formation de l'angiotensine II et qui est utilisé pour traiter l'hypertension, l'insuffisance cardiaque congestive et pour prévenir l'insuffisance rénale associée à l'hypertension et au diabète.
[6] Le brevet qui a divulgué pour la première fois l'existence du chorhydrate de quinapril (médicament) était le brevet américain no 4,344,949 (le brevet 949 ou la demande de Hoefle) délivré le 17 août 1982 à M. Milton L. Hoefle et à M. Sylvester Klutchko, et cédé à Warner-Lambert Company LLC. Ce brevet divulgue une classe de composés produits par la substitution de dérivés acyl d'acides 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxyliques (THIQ) et de leurs sels, produits par couplage d'un THIQ convenablement substitué avec un acide aminé convenablement substitué, pour un usage thérapeutique comme antihypertenseurs.
[7] La structure chimique d'une molécule de quinapril consiste en une « tête » THIQ, qui a une structure bicyclique, combinée à une « chaîne latérale » . Dans le quinapril, il y a trois centres chiraux, qui sont situés à l'endroit où un atome de carbone a quatre liaisons avec quatre constituants différents et qui peuvent être configurés de deux façons différentes, l'une étant l'image miroir de l'autre. Une de ces configurations est dite « S,S,S » , alors que l'image miroir, ou l'énantiomère, de cette molécule serait de configuration « R,R,R » .
[8] Les demanderesses commercialisent au Canada, sous le nom d' « ACCUPRILMD » , une gamme de produits contenant du chlorhydrate de quinapril, sous forme de comprimés oraux de 5, 10, 20 et 40 mg. Apotex identifie le produit visé, l'Apo-Quinapril, comme étant une forme générique du chlorhydrate de quinapril, composée de [supprimé], qu'elle désigne comme [supprimé]. Conformément à l'article 5 du Règlement AC, Apotex a signifié aux demanderesses, le 18 juillet et le 24 juillet 2003, des avis d'allégation relativement aux brevets 615 et 330, faisant partie de la liste présentée par les demanderesses en application de l'article 4 du Règlement AC. Ces deux brevets, qui font l'objet de la présente instance en interdiction, sont décrits ci-dessous.
LE BREVET 330
[9] Le brevet 330 est intitulé « dérivés acyl substitué d'acides 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxyliques » . Le brevet s'applique à des composés ayant deux parties, une « tête » constituée d'une structure chimique particulière (THIQ) et une « chaîne latérale » . Ensemble, ces deux parties sont utiles comme inhibiteurs de l'ECA pour le traitement de l'hypertension. Les revendications du brevet 330 ont une grande portée, englobent un genre de composés chimiques qui inclut le quinapril et d'autres inhibiteurs de l'ECA, ayant tous la même structure, c'est-à-dire une tête THIQ et une queue énalapril qu'on prétend être utiles dans le traitement de l'hypertension. Les composés ont trois centres chiraux et tous les stéréo-isomères qui partagent cette même structure, c'est-à-dire les stéréo-isomères à la fois de configurations S et R, sont visés par les revendications.
[10] Le brevet 330 a été déposé au Bureau canadien des brevets le 30 septembre 1981 avec demande de priorité au 3 octobre 1980. Comme il a été délivré par suite d'une demande antérieure au 1er octobre 1989, il est pour l'essentiel régi par les dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, modifiée (la Loi), telle qu'elle était formulée immédiatement avant les modifications du 1er octobre 1989 (la Loi antérieure à 1989). La priorité revendiquée se fondait sur les demandes de brevet américain nos 193,767 (le brevet américain 767) et 236,397 (le brevet américain 397), déposées le 3 octobre 1980 et le 20 février 1981, respectivement.
[11] Entre la date du dépôt de la demande et la date de délivrance du brevet 330 à Parke, Davis & Company LLC le 1er janvier 2002, un certain nombre d'embûches sont apparues, dont la principale a été l'introduction d'une procédure en cas de conflit par le commissaire aux brevets. Lorsque des demandes en instance contiennent une ou plusieurs revendications portant essentiellement sur la même invention, ou lorsque une ou plusieurs revendications d'une demande portent sur l'invention décrite dans une autre demande, l'article 43 de la Loi antérieure à 1989 prévoyait une procédure en cas de conflit afin de déterminer l'identité du premier inventeur à qui le commissaire allait accorder les revendications. Sous le régime de la Loi antérieure à 1989, aucun brevet ne pouvait être délivré avant que le conflit ne soit réglé.
[12] Les revendications du brevet 330 ont été confrontées à un brevet allemand détenu par Hoechst Aktiengessellschaft (Hoechst), et le commissaire aux brevets a décidé que Hoechst était le premier inventeur; il lui a donc délivré le brevet. Toutefois, un jugement par consentement a été inscrit le 22 décembre 1999, par lequel les revendications du brevet 330 ont été accordées aux demanderesses, mais pour le Canada seulement. Le brevet 330 n'a pas été délivré avant la levée de cet obstacle, près de 21 ans après le dépôt de la demande.
[13] Les revendications du brevet 330 qui ont un lien avec la présente demande sont les suivantes :
_ La revendication deux (2) concerne les dérivés acyl substitués de la formule II décrite et leurs sels d'addition acides pharmaceutiquement acceptables ou leurs formes solvatées. La formule II inclut un composé ayant la structure du quinapril mais sans aucune restriction quant à la configuration stéréochimique.
_ La revendication trois (3) du brevet 330 revendique le quinapril, le quinaprilate et un analogue du quinapril avec un méthyle (CH3) à la place de l'éthyle (C2H5) dans le groupe COO de la chaîne latérale. Tous les stéréo-isomères possibles sont inclus dans la portée de cette revendication. Celle-ci concerne des dérivés acyl substitués de la formule IIa décrits dans le brevet et pharmaceutiquement acceptables ainsi que leurs sels d'addition ou leurs formes solvatées, notamment un composé ayant la structure du quinapril mais dont la configuration stéréochimique n'est pas restreinte.
_ La revendication quatre (4) a trait à une composition pharmaceutique comprenant un dérivé acyl substitué tel que revendiqué dans la revendication 2 ou 3 ou un sel pharmaceutiquement acceptable ou une forme solvatée de ce dérivé, et un véhicule pharmaceutiquement acceptable.
_ La revendication cinq (5) englobe tous ces composés, de même que des groupes carbone plus importants dans deux positions. Tous les stéréo-isomères possibles sont inclus dans la portée de cette revendication. Cette dernière concerne une autre classe de composés de la formule A générale décrite dans le brevet, qui inclut un composé ayant la structure du quinapril mais sans aucune restriction quant à la configuration stéréochimique, et inclut des sels pharmaceutiquement acceptables de ce composé.
LE BREVET CANADIEN 1,331,615 (le brevet 615)
[14] Le deuxième brevet qui fait l'objet de la présente demande est le brevet 615, intitulé « Dérivés acyl substitué d'acides 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxyliques » . Une demande de brevet a été déposée le 23 juin 1992 par le cessionnaire d'alors, Warner-Lambert Company LLC, qui a déposé deux demandes divisionnaires de brevet dérivées du formulaire de demande de brevet pour lequel le brevet 330 a été délivré. Les demandes divisionnaires ont trait à des « espèces » particulières, notamment le quinapril sous diverses formes solides. Les demandes divisionnaires ont été autorisées le 23 août 1995; un des brevets résultants était le brevet 615 et le second était le brevet canadien 1,331,614 (le brevet 614). Le brevet 615 comme le brevet 614 ont la même date de dépôt, les mêmes dates de priorité et sensiblement la même divulgation parce qu'ils découlent d'une demande divisionnaire, divisée à partir de la demande de brevet 330. Les revendications liées à la présente sont les suivantes :
_ La revendication un (1) revendique, entre autres, un dérivé acyl substitué du THIQ sous la forme de l'isomère (S,S,S), avec un atome d'hydrogène ou un radical éthyle sous l'une des formes de sel acide suivantes : chlorhydrate hydrate; chlorhydrate; et le chlorhydrate hémihydrate.
_ La revendication deux (2) concerne un composé spécifique, notamment un ester de benzyle particulier, l'isomère (S,S,S) du maléate.
_ La revendication trois (3) a trait à un composé spécifique, c.-à-d. un ester diméthyléthylique particulier du produit (isomère (S,S,S)).
_ La revendication quatre (4) concerne un composé spécifique, notamment le chlorhydrate hydrate de quinapril (S,S,S).
_ La revendication cinq (5) concerne un composé spécifique, notamment le chlorhydrate hémihydrate de quinaprilate (S,S,S).
LES AVIS D'ALLÉGATION
[15] Dans une lettre datée du 18 juillet 2003, Apotex a signifié un avis d'allégation aux demanderesses, conformément au paragraphe 5(3) du Règlement AC, relativement à ses comprimés d'Apo-Quinapril. Apotex a allégué qu'aucune des revendications pertinentes des brevets 999 et 615 ne serait contrefaite, notamment parce que les revendications de procédé de ces brevets ne sont pas pertinentes au regard du Règlement AC, et aussi parce que ses comprimés ne contiendraient aucun des composés décrits dans les revendications pertinentes des brevets 999 et 615. En particulier, l'avis d'allégation fournit un énoncé détaillé des faits et du droit sur lesquels est fondée l'allégation de non-contrefaçon dans les termes suivants :
[traduction] Les revendications 1et 2 du brevet 999 et toutes les revendications du brevet 615 se limitent à des composés spécifiques. Nos comprimés ne contiendront aucun de ces composés, et aucun ne sera fabriqué, utilisé ou incorporé à nos comprimés. En conséquence, aucune de ces revendications ne sera contrefaite.
De plus, aucun des composés revendiqués n'est le médicament se trouvant dans nos comprimés, ni le médicament se trouvant dans vos comprimés d'AccuprilÔ. Aucune des revendications ne porte donc sur le médicament en soi ou sur son utilisation.
[16] Dans une lettre datée le 24 juillet 2003, Apotex a signifié un autre avis d'allégation distinct aux demanderesses, alléguant que toutes les revendications pertinentes du brevet 330 sont invalides pour un certain nombre de raisons. Plus précisément, la base légale et factuelle de l'invalidité présumée est ainsi décrite dans l'avis d'allégation :
[traduction]
Double brevet
[...]
En reconnaissance du fait que l'objet des revendications des brevets 330, 614 et 615 a trait à une seule invention et n'englobe pas un objet brevetable distinct d'une autre revendication, nous nous appuyons également sur le brevet américain no 4,344,949 [la demande de Hoefle].
[...]
Revendications de plus large portée que l'invention divulguée
[...]
Vu que la divulgation du brevet 330 enseigne que la configuration (S) sur le centre chiral du groupement acide 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxylique est nécessaire pour que les composés dans l'invention aient une activité biologique, les revendications ont une portée plus large que l'invention divulguée vu qu'elles englobent des composés de configuration (R) au centre chiral du groupement acide 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxylique.
Revendications de portée plus large que l'invention et inutilité
[...]
À la date pertinente, qui, selon nous, est en l'espèce la première date du dépôt prioritaire du brevet 330 (3 octobre 1980), les présumés inventeurs du brevet 330 n'ont pas fabriqué, isolé, caractérisé ni testé chacun des composés visés par les revendications en litige, notamment les composés quinapril et quinaprilate, ni ne pouvaient avoir prévu de façon raisonnable la portée des composés contenus dans les revendications en litige.
[...]
Nous alléguons également que chacune des revendications en litige est invalide pour cause d'inutilité vu qu'elles englobent des composés qui ne possèdent pas le niveau d'activité requis ni le profil pharmacologique et toxicologique requis leur permettant d'être utilisés comme inhibiteurs de l'ECA pouvant être administrés par voie orale ou parentérale afin de fournir des compositions utiles pour atténuer ou soulager l'hypertension chez les mammifères.
[...]
Antériorité
[...]
Nous alléguons néanmoins que les revendications en litige sont devancées, en ce qu'elles étaient déjà connues ou utilisées par les inventeurs de Hoechst qui ont déposé la demande de brevet canadien no 384, 787 contre laquelle une instance a été déposée, et que le jugement sur consentement du 22 décembre 1999 ne lie pas Apotex vu qu'Apotex n'était pas partie à cette procédure et compte tenu de la preuve claire exposée ci-dessus suivant laquelle les présumés inventeurs du brevet 330 n'avaient pas inventé l'objet des revendications en litige avant la date du dépôt prioritaire de la demande 384,78 de Hoechst (la date de dépôt de la demande DE 30 32 709 - 30 août 1980).
Absence d'inventivité - Évidence
[...]
Comme indice de l'absence d'activité inventive, nous nous appuierons sur le fait qu'au moins trois inventeurs distincts, ou groupe d'inventeurs, sont arrivés indépendamment à l'objet visé par chacune des revendications en litige.
[...]
Revendications de portée plus large que l'invention réalisée ou divulguée
[...]
En conséquence, les revendications en litige englobent l'objet que les présumés inventeurs n'ont pas inventé et pour lequel une propriété ou un privilège exclusifs ont été auparavant accordés. Par suite de la délivrance du brevet 330, la population ne pourra plus appliquer l'objet revendiqué par le brevet canadien no 1,292,999, prolongeant ainsi de fait le monopole accordé par le brevet canadien no 1,292,999 jusqu'à la date d'expiration du brevet 330, le 1er janvier 2019.
Apotex a fait référence à 119 articles, brevets et autre matériel représentant l'état actuel des connaissances pour appuyer ses affirmations concernant l'invalidité du brevet 300. Figurent parmi les antériorités deux brevets qui ont précédé le brevet 330, à savoir le brevet pour l'énalapril, publié le 25 juin 1980, et le brevet de Tanabe, publié le 9 juillet 1980.
[17] Le 5 septembre 2003, les demanderesses ont déposé une demande conformément aux Règles de la Cour fédérale, 1998, DORS/98-106, modifiées, la Loi et le Règlement AC, en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex pour son produit Apo-Quinapril.
LA PREUVE
A) Les demanderesses
[18] Les demanderesses et Apotex ont déposé les affidavits de plusieurs témoins experts et ordinaires. Les qualités des experts ne sont pas contestées, et une brève description des témoins des parties adverses suit.
[19] Les demanderesses ont déposé un affidavit souscrit par Mme Madeleine Pesant,
Directrice adjointe - Veille réglementaire et politique de réglementation, Service de la réglementation et de l'innocuité des médicaments au Canada, chez Pfizer. Mme Pesant a annexé à son affidavit des copies des listes de brevets déposées auprès de Santé Canada relativement aux brevets 615 et 330, entre autres.
[20] Les demanderesses ont aussi déposé les affidavits de Mme Rose Lombardi, technicienne juridique, y joignant des copies de l'historique des brevets 330 et 615, des documents concernant la décision du commissaire aux brevets relative à la procédure en cas de conflit touchant le brevet 330 et l'ordonnance sur consentement subséquente portant qu'au Canada seulement, les revendications faisant l'objet de cette procédure pourront être accordées aux demanderesses. De plus, Mme Lombardi a annexé des copies de la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) d'Apotex pour ses comprimés d'Apo-Quinapril.
[21] Une preuve par affidavit a aussi été fournie par M. John G. Topliss, ancien directeur de chimie chez Warner-Lambert Company LLC, ainsi que par M. Clifton J. Blankley, ancien chimiste chez Warner-Lambert Company LLC et membre de l'équipe de développement qui a travaillé sur certains composés antihypertenseurs, notamment le quinapril. La transcription du contre-interrogatoire de M. Blankley a aussi été déposée.
[22] Les demanderesses ont déposé des affidavits des inventeurs des brevets en litige, notamment l'affidavit de M. Milton L. Hoefle, ancien chimiste et directeur de la section de la recherche cardiovasculaire chez Warner-Lambert Company LLC et de M. Sylvester R. Klutchko, ancien chimiste et chercheur associé chez Warner-Lambert Company LLC.
[23] Les demanderesses ont présenté une preuve d'expert provenant des témoins experts suivants :
1. Edward G. Fiorito, avocat conseil en matière de propriété intellectuelle résidant à Dallas, Texas. M. Fiorito était l'ancien président de la section propriété intellectuelle de l'American Bar Association (ABA) (2000-2001), président de la section propriété intellectuelle du barreau de l'État du Texas (1990-1991), et président de la section science et technologie et du comité de témoins experts de l'ABA (1984-1985, 1995-1998). Pfizer a déposé son affidavit, souscrit le 13 octobre 2003 (affidavit Fiorito), ainsi que la transcription du contre-interrogatoire sur celui-ci datée le 20 janvier 2005.
2. M. Paul S. Anderson, chimiste médical, ancien chimiste chercheur principal et ensuite vice-président, chimie chez Merck Sharpe & Dohme (Merck), a obtenu son doctorat en chimie de l'université du New Hampshire en 1963 et a plus récemment été employé comme vice-président, recherche de nouveaux médicaments chez Bristol Myers Squibb (BMS) à Wilmington, Delaware. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 12 janvier 2004 (le premier affidavit Anderson) et le deuxième, un affidavit en réponse, le 10 septembre 2004 (le deuxième affidavit Anderson). Il a été contre-interrogé sur le contenu de ces deux affidavits le 5 avril 2005.
3. M. Gerald S. Brenner, conseiller pharmaceutique, ancien directeur principal de la recherche et développement pharmaceutique et ancien chef du département de recherche pharmaceutique chez Merck. M. Brenner a obtenu son doctorat en chimie organique de l'université du Wisconsin en 1961 et a travaillé dans l'industrie pharmaceutique pendant 33 ans. Il possède une vaste expérience en recherche dans le domaine de la préformulation et en développement de préparations pharmaceutiques, et a participé à la préformulation et à la formulation de plusieurs centaines de produits pharmaceutiques. M. Brenner a plus de cinquante publications et exposés à son crédit. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 14 janvier 2004 (le premier affidavit Brenner) et le deuxième, un affidavit en réponse, le 10 septembre 2004 (le deuxième affidavit Brenner). Il a été contre-interrogé sur le contenu de ces deux affidavits les 5 et 6 janvier 2005.
4. M. Jan Wasley, chimiste médical anciennement au service de Ciba-Geigy, ancien directeur de chimie et vice-président, développement de l'entreprise, à la Neurogen Corporation à Branford, Connecticut. M. Wasley a obtenu son doctorat en chimie à l'université de Nottingham en 1962. Son affidavit, déposé en réponse à la preuve d'Apotex, a été souscrit le 9 septembre 2004 (l'affidavit Wasley), et il a été contre-interrogé sur son contenu le 11 mars 2005.
B) Apotex
[24] Apotex a déposé l'affidavit de Francis Ng-Cheng-Hin, agent des brevets stagiaire, auquel sont jointes des copies de 119 références d'antériorité recensées dans l'avis d'allégation du 24 juillet 2003, ainsi que l'affidavit de John Hems, directeur des affaires réglementaires chez Apotex. M. Hems a décrit la présentation de drogue nouvelle relative à l'Apo-Quinapril ainsi que la préparation et le dépôt de la PADN relative aux comprimés d'Apo-Quinapril.
[25] La preuve d'opinion invoquée par Apotex a été fournie par un certain nombre de déposants, dont les suivants :
1. M. Regis Leung-Tong, directeur du département de pharmacie chimique chez ApoPharma Inc. M. Leung-Tong a reçu son doctorat en chimie de l'université de Toronto en 1989. Son affidavit a été souscrit le 22 avril 2004 (l'affidavit Leung-Tong) et le contre-interrogatoire sur son contenu a eu lieu le 10 décembre 2004.
2. M. Sergei M. Danilov, chercheur à l'université de Chicago, centre de recherche du département d'anasthésiologie. M. Danilov a reçu son doctorat en sciences médicales (pharmacologie) du Centre national de recherche en cardiologie de Moscou (Russie), en 1980, et son doctorat en cardiologie et en biochimie, en 1994. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 28 avril 2004 (le premier affidavit Danilov) et le deuxième le 14 octobre 2004 (le deuxième affidavit Danilov). M. Danilov a été contre-interrogé le 10 décembre 2004.
3. Matthew Alexander Buck, associé de recherche et de développement chez Brantford Chemicals Inc. M. Buck a obtenu son diplôme de maîtrise en sciences de l'université de Waterloo en 2003. Son affidavit a été souscrit le 4 mai 2004 (l'affidavit Buck) et le contre-interrogatoire sur son contenu a eu lieu le 14 janvier et le 1er avril 2005.
4. M. David Coffin-Beach, ancien président de TorPharm Inc., filiale d'Apotex qui a fusionné avec Apotex en 2004. M. Coffin-Beach a obtenu son doctorat en pharmaceutique de l'université du Maryland en 1982. Son affidavit a été souscrit le 10 mai 2004 (l'affidavit Coffin-Beach), et le contre-interrogatoire sur son contenu a eu lieu le 18 février 2005.
5. M. Garland Ross Marshall, professeur titulaire de biochimie, de biophysique moléculaire et d'informatique biomédicale à l'école de médecine de l'université de Washington à St. Louis, Missouri, depuis 1976. M. Marshall a obtenu son doctorat de l'université Rockefeller en 1966. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 11 mai 2004 (le premier affidavit Marshall) et le deuxième le 13 octobre 2004 (le deuxième affidavit Marshall). Le contre-interrogatoire de M. Marshall a eu lieu les 8 et 9 mars 2005.
6. M. Robert S. Langer, professeur de génie chimique et biomédical au MIT. M. Langer a obtenu son doctorat en génie chimique du MIT en 1974. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 12 mai 2004 (le premier affidavit Langer) et le deuxième le 14 octobre 2004 (le deuxième affidavit Langer), sur lesquels il a été contre-interrogé.
7. M. Robert Allan McClelland, professeur titulaire au département de chimie de l'université de Toronto depuis 1983. M. McClelland a obtenu son doctorat en chimie de l'université de Toronto en 1969. Il a souscrit deux affidavits, le premier le 12 mai 2004 (le premier affidavit McClelland) et le deuxième le 13 octobre 2004 (le deuxième affidavit McClelland), sur lesquels il a été contre-interrogé.
8. M. Martin Kurt Ehlert, directeur de la fabrication et de la mise à l'échelle chez Apotex Pharmachem Inc., anciennement Brantford Chemicals Inc. M. Ehlert a obtenu son doctorat en chimie de l'université de Colombie-Britannique en 1992 et supervise actuellement la production de [supprimé]. Son affidavit a été souscrit le 13 mai 2004 (l'affidavit Ehlert) et le contre-interrogatoire sur son contenu a eu lieu le 12 janvier 2005.
9. M. Jianguo Wang, directeur du laboratoire de recherche de préformulation du département de recherche pharmaceutique chez Apotex. M. Wang a obtenu son doctorat en chimie organique de l'université de Montréal en 1993. Son affidavit a été souscrit le 13 mai 2004 (l'affidavit Wang) et son contre-interrogatoire a eu lieu le 23 mars 2005.
10. M. Michael J. Cima, professeur titulaire de science des matériaux et de génie au MIT depuis 1995. M. Cima a obtenu son doctorat en génie chimique de l'université de Californie à Berkeley en 1986. Son affidavit a été souscrit le 14 mai 2004 (l'affidavit Cima) et le contre-interrogatoire sur son contenu a eu lieu le 10 janvier 2005.
C) La preuve d'expert
(i) La preuve d'expert des demanderesses
[26] Pfizer a déposé les affidavits de MM. Anderson et Wasley en réponse aux allégations d'invalidité touchant le brevet 330. M. Anderson, chimiste médical détenant une expérience particulière dans la mise au point de molécules pouvant être administrées à l'organisme afin de produire un effet thérapeutique, a été appelé à donner une opinion concernant les allégations d'invalidité soulevées par Apotex relativement au brevet 330. Pour rédiger son rapport, il a étudié différents documents, y compris l'avis d'allégation du 24 juillet 2003, les antériorités mentionnées dans cet avis d'allégation ainsi que les brevets 615, 614 et 330. Son avis était fondé sur une date d'invention présumée pour le brevet 330, soit le 18 juin 1980, plutôt que sur la date indiquée par Apotex dans son avis d'allégation du 24 juillet 2003, soit le 3 octobre 1980.
[27] M. Anderson a examiné la question de l'invalidité du brevet 330 aux motifs de l'évidence, de l'antériorité, de l'inutilité et de la portée excessive, et a formulé des commentaires sur certaines des antériorités citées par Apotex à cet égard. Il s'est dit d'avis qu'une personne ayant des compétences ordinaires dans l'art, en date du 18 juin 1980, serait arrivée directement et sans difficulté uniquement à une tête proline, et qu'une activité inventive aurait été nécessaire pour aller au-delà de la proline comme tête polaire pour un inhibiteur de l'ECA Il s'est aussi dit d'avis que l'invention divulguée dans le brevet 330 n'avait pas été anticipée et que les comprimés démontraient une activité.
[28] M. Wasley est aussi un chimiste médical, actuellement consultant pour l'industrie pharmaceutique. Il a rédigé une déclaration détaillée concernant le brevet 330 et pour ce faire, a examiné les rapports et les affidavits de MM. Marshall et Danilov, témoins experts d'Apotex, ainsi que les affidavits que MM. Anderson, Klutchko, Topliss, Blankley et Hoefle ont déposés au nom de Pfizer.
[29] M. Wasley a dit qu'à son avis, en date du 18 juin 1980, les inventeurs du brevet 330 étaient bien fondés de prédire que tous les composés revendiqués dans les revendications deux (2), trois (3) et cinq (5), auraient un certain degré d'activité. Par extension, on pourrait en dire autant de la revendication quatre (4). Cette opinion est contraire à celle formulée par M. Marshall au nom d'Apotex. M. Wasley a aussi opiné qu'Apotex n'avait pas réussi à faire la démonstration qu'aucun des composés visés par ces revendications n'était actif et qu'aucune des revendications en litige dans le brevet 330 n'avait une portée plus large que l'invention divulguée.
[30] M. Wasley a aussi commenté les résultats des tests d'inhibition de l'ECA pour les composés de type Quinapril et les composés de type Lisinopril obtenus par M. Danilov. Il a critiqué la méthodologie utilisée par M. Danilov pour effectuer les tests ainsi que ses conclusions. Plus particulièrement, M. Wasley a noté que M. Danilov a rapporté des valeurs plus faibles pour les tests in vitro que les autres valeurs recensées pour les mêmes composés, et il a en conclu que les tests de M. Danilov étaient moins sensibles que les autres tests recensés. Ainsi, M. Wasley a dit qu'à son avis, les tests de M. Danilov sous-estimaient l'activité par rapport aux autres tests recensés.
[31] M. Wasley a remarqué que M. Danilov utilisait une technique spectrophotométrique qui, à sa connaissance, est généralement moins sensible que la technique radiométrique utilisée par les inventeurs pour obtenir les résultats mentionnés dans le brevet 330. M. Wasley a aussi fait des commentaires sur la taille de l'échantillonnage et le moment choisi pour effectuer les tests in vivo, sources de problèmes potentiels pour la méthodologie de M. Danilov, et a laissé entendre que ces problèmes méthodologiques avaient pour conséquence de réduire la fiabilité des résultats de M. Danilov.
[32] En ce qui a trait au brevet 615, Pfizer a présenté le témoignage de M. Brenner, expert en chimie organique et en formulation industrielle. Il a été appelé à donner une opinion au sujet des allégations de non-contrefaçon formulées par Apotex dans son avis d'allégation du 18 juillet 2003. Pour rédiger son opinion, M. Brenner a passé en revue différents documents, y compris la fiche maîtresse du médicament d'Apotex, sa PADN relative à l'Apo-Quinapril, ainsi que les procédés de formulation d'Apotex. Il a conclu que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex était non fondée pour les raisons suivantes.
[33] Tout d'abord, il a soutenu qu'Apotex utilise le sel acide du chlorhydrate de quinapril en employant [supprimé]. Il a interprété la revendication un (1) du brevet 650 de la façon suivante :
[TRADUCTION]
À mon avis, lorsque le breveté/inventeur a utilisé le terme « chlorhydrate » dans la revendication I, il voulait parler du chlorhydrate de quinapril sous ses formes organiques [supprimé], non hydratées et amorphes. [Souligné dans l'original.]
[34] Deuxièmement, il a conclu qu'il était possible que le chlorhydrate de quinapril soit présent dans le matériel obtenu grâce à la fabrication d'Apo-Quinapril. M. Brenner a fait référence à la description du fabricant d'Apo-Quinapril dans la PADN d'Apotex, autrement dit la réaction de [supprimé] produisant ce qu'Apotex qualifie de [traduction] « médicament intermédiaire » , décrit comme [supprimé]. Il s'est dit d'avis qu'il pourrait y avoir jusqu'à 20 % de chlorhydrate de quinapril dans le médicament final d'Apotex. Toutefois, il a noté que Pfizer n'avait pu obtenir que 5 mg du produit d'Apotex pour effectuer des tests, et qu'il ne pouvait donc confirmer si l'Apo-Quinapril contenait effectivement cette quantité de chlorhydrate de quinapril.
[35] Troisièmement, M. Brenner a noté qu'Apotex reconnaissait que le quinaprilat, également couvert par le brevet 615, était un sous-produit de son processus de fabrication de produits pharmaceutiques. Il a dit que la revendication un (1) du brevet 615 fait référence à la fois au quinapril et au quinaprilat dans les sels acides de chlorhydrate, de chlorhydrate hydrate et de chlorhydrate semi-hydrate.
(ii) La preuve d'expert d'Apotex
[36] Apotex a répondu aux témoignages des experts présentés par Pfizer par les témoignages parallèles de ses experts. Concernant les allégations d'invalidité relatives au brevet 330, Apotex s'appuie sur le témoignage de MM. Marshall et Danilov. M. Marshall, biochimiste et biophysicien moléculaire ayant une expérience particulière en recherche en matière d'antagonistes de l'angiotensine II, a été invité à donner son opinion relativement à l'allégation d'invalidité du brevet 330, et plus particulièrement sur la question de l'évidence. Pour préparer son opinion, M. Marshall a notamment passé en revue l'avis d'allégation du 24 juillet 2003, les affidavits déposés au nom de Pfizer et d'Apotex, ainsi que le brevet 330.
[37] M. Marshall a exprimé l'opinion que les revendications contestées relatives au brevet 330 visent des composés qui étaient évidents en date du mois de juin 1980. Il a dit que son avis sur la question de l'évidence demeurerait inchangé même en supposant une date d'invention plus tardive au 3 octobre 1980. De plus, il s'est dit d'avis que le brevet 330 a une portée excessive, car même si le brevet exige clairement que le noyau THIQ soit de configuration S, les revendications du brevet ne précisent pas que les chiralités doivent être de configuration S, et visent donc bien des composés n'ayant aucune utilité thérapeutique comme inhibiteurs de l'ECA. De plus, M. Marshall a conclu que les inventeurs du chlorhydrate de quinapril, en date du 3 octobre 1980, n'avaient pas de raisonnement articulé et fondé à partir duquel ils pouvaient déduire le résultat souhaité à partir de ces faits.
[38] Aussi, Apotex a effectué des tests in vitro et in vivo sur deux séries de composés afin de vérifier leur activité d'inhibition de l'ECA. La première série comportait des échantillons de 200 mg de six composés, [supprimé] et cinq autres composés ayant une structure analogue au Quinapril; ces échantillons ont été fournis par M. Buck. Les composés de la deuxième série étaient analogues au Lisinopril et ont été fournis par M. Leung-Tong.
[39] Les deux séries de composés ont été testées par M. Danilov, au moyen d'une technique spectrophotométrique. Pour le test in vitro, l'inhibition de l'ECA dans le rein humain et dans le poumon de rat a été vérifiée dans les deux cas avant et après l'hydrolyse. Pour le test in vivo, les composés ont été administrés à une concentration de 10 mg/kg et l'activité d'inhibition de l'ECA dans le sérum, le poumon et le rein de rat a été évaluée.
[40] M. Danilov a conclu que les tests portant sur les composés analogues au quinapril présentaient des degrés variés d'inhibition de l'ECA in vitro après l'hydrolyse; il n'y avait en général aucune activité d'inhibition in vivo, sauf dans le cas du [supprimé] qui a présenté une excellente activité d'inhibition de l'ECA in vitro comme in vivo. Pour ce qui est de la série de composés analogues au lisinopril, il a constaté qu'aucun des composés ne possédait des propriétés pharmacologiques comme inhibiteur de l'ECA et ne pouvait être utilisé comme agent médicinal.
[41] M. David-Coffin Beach, chimiste spécialisé dans la formulation pharmaceutique qui est actuellement au service d'Apotex, a participé à la mise au point de la formulation de comprimés d'Apo-Quinapril. Il a fait des commentaires sur la préparation et la composition des comprimés d'Apo-Quinapril, [supprimé] et a déclaré que ce processus ne comporte pas de réaction chimique où le [supprimé]. À son avis, les processus de granulation et de fabrication de comprimés suivis par Apotex de même que les processus d'enrobage ne comportent pas de réaction où [supprimé].
[42] M. McClelland et M. Langer ont discuté du brevet 615, plus précisément de la revendication un (1). Selon eux, on ne devrait pas conclure en lisant cette revendication que « le chlorhydrate » inclut une [supprimé] forme de chlorhydrate de quinapril. D'après ces experts, la revendication un (1) du brevet 615 renferme des termes clairs pouvant être interprétés sans qu'on s'appuie sur la divulgation du brevet. M. McClelland comme M. Langer sont d'avis que cette revendication englobe la forme [supprimé], anhydre des composés revendiqués.
[43] Apotex a également soumis les affidavits de M. Cima et de M. Wang, qui ont conclu, après leurs tests, que le matériel contenu dans un comprimé d'ACCUPRILMD correspond à [supprimé] et ne correspond pas à [supprimé] chlorhydrate hydrate de quinapril ni au chlorhydrate de quinapril. Par conséquent, ces témoins ont conclu que les comprimés d'ACCUPRILMD renferment une certaine forme de [supprimé] plutôt que du chlorhydrate de quinapril.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[44] La présente demande soulève plusieurs questions. En ce qui a trait au brevet 330, les questions suivantes ont été soulevées par les parties :
1) l'interprétation des revendications trois (3) et cinq (5);
2) le fondement de l'allégation d'Apotex selon laquelle le brevet est invalide pour les motifs suivants :
a) l'absence de réelle utilité
b) l'absence d'une prédiction valable d'utilité
c) l'antériorité
d) l'évidence
e) les revendications ont une portée plus large que l'invention ou la divulgation;
f) le double brevet
[45] En lien avec le brevet 615, deux questions ont été soulevées, la première pour savoir si l'avis d'allégation du 18 juillet 2003 est suffisant et la deuxième, pour déterminer si l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex est fondée.
EXAMEN ET DÉCISION
A. La nature de la présente instance
[46] La demande présentée en l'espèce vise à empêcher la délivrance d'un avis de conformité à la défenderesse pour son produit contenant une forme générique de chlorhydrate de quinapril composée de [supprimé]. Les demanderesses attaquent les avis d'allégation de la défenderesse aux motifs que les allégations d'invalidité du brevet 330 et de non-contrefaçon du brevet 615 ne sont pas fondées.
[47] L'avis de conformité confère une autorisation de commercialisation de médicaments au Canada. Il est délivré par le gouvernement fédéral, ce qui indique que toutes les conditions prescrites par le Règlement sur les aliments et drogues, précité, pour la protection de la santé et de la sécurité du public ont été remplies. Le Règlement AC autorise les titulaires de brevets de produits pharmaceutiques à soumettre une « liste de brevets » à l'égard des produits pour lesquels un avis de conformité leur a été délivré, la personne qui soumet cette liste étant appelée la « première personne » . En l'espèce, les demanderesses sont la « première personne » .
[48] Le cadre du Règlement AC permet aux fabricants de médicaments génériques de s'appuyer sur l'autorisation antérieure d'un produit pharmaceutique connexe lorsqu'ils demandent l'autorisation de commercialiser la forme générique des produits. Les fabricants qui produisent le même médicament peuvent déposer une demande d'avis de conformité qui fait référence à l'autorisation délivrée à la version du médicament d'origine et s'appuie sur elle. Ce fabricant est désigné la « seconde personne » et c'est la qualité de la défenderesse.
[49] Le Règlement AC interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité avant l'expiration de tous les brevets pertinents de produit ou d'utilisation reliés au médicament antérieurement autorisé, tels qu'ils sont décrits dans la liste de brevets. Par conséquent, la seconde personne doit, soit attendre l'expiration du brevet avant la délivrance d'un avis de conformité, soit présenter un avis d'allégation au ministre avec la présentation de drogue nouvelle.
[50] Le Règlement AC prévoit que l'avis d'allégation est signifié à la première personne. L'article 5 expose les fondements sur lesquels doit s'appuyer cet avis. En résumé, l'avis d'allégation doit déclarer soit que la première personne n'est pas le breveté, soit que le brevet est expiré ou n'est pas valide, soit encore que le brevet ne serait pas contrefait advenant la délivrance de l'avis de conformité.
[51] Après la signification de l'avis d'allégation, le ministre peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne, à moins que la première personne ne fasse valoir son droit, en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement AC, de demander une ordonnance de la Cour fédérale du Canada interdisant au ministre de délivrer l'avis de conformité. Cette mesure doit être prise par la première personne dans un délai de 45 jours suivant la réception de l'avis d'allégation et une fois cette procédure engagée, la délivrance d'un avis d'allégation à la seconde personne est suspendue pour un délai maximal de vingt-quatre mois. En l'espèce, ce délai de vingt-quatre mois expire le 5 septembre 2005.
B. Le fardeau de la preuve
[52] Dans Smith Kline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., [2001] 4 C.F. 518 (1re inst.), confirmé par [2003] 1 C.F. 118 (C.A.F.), le juge Gibson a considéré la question du fardeau de présentation de la preuve dans les instances engagées en vertu du Règlement AC où l'on allègue l'invalidité d'un brevet. Il écrit ce qui suit aux pages 533 et 534 :
Dans cette perspective, je conclus ceci : le « fardeau de présentation de la preuve » qui incombe à Apotex étant d'établir que chacune des questions que soulève son avis d'allégation est mise en jeu, si elle s'acquitte de cette charge, le « fardeau de persuasion » repose ensuite sur SmithKline. Dans l'hypothèse où Apotex parvient à établir que la validité du brevet 637 est mise en jeu, SmithKline a droit de s'appuyer sur la présomption de validité du brevet prévue au paragraphe 43(2) de la Loi.
Toutefois, le caractère de la procédure intentée devant la Cour a des répercussions sur le « fardeau de persuasion » incombant à SmithKline dans les circonstances évoquées au paragraphe précédent. Dans l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) [(1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.)], le juge Hugessen, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit aux pages 319 et 320 :
Si je saisis bien l'économie du règlement, c'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6, en l'espèce Merck, qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale. Cette charge me paraît difficile puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité [. . .]
[. . .]
À ce sujet, il y a lieu de noter que si l'alinéa 7(2)b) [du Règlement] semble prévoir que la Cour rend un jugement déclarant que le brevet n'est pas valide ou qu'il n'est pas contrefait, il ne fait aucun doute que ce jugement déclaratoire ne peut être rendu dans le cadre de la procédure fondée sur l'article 6 elle-même. Cette procédure est après tout engagée par le breveté pour demander une interdiction contre le ministre; puisqu'elle revêt la forme d'un recours sommaire en contrôle judiciaire, il est impossible de concevoir qu'elle puisse donner lieu à une demande reconventionnelle de la part de l'intimé en vue de pareil jugement déclaratoire. L'invalidité de brevet, tout comme la contrefaçon de brevet, n'est pas une question relevant d'une procédure de ce genre.
Par conséquent, la charge qui incombe à SmithKline consiste seulement à réfuter les allégations contenues dans l'avis d'allégation, et non pas à justifier des déclarations de validité et de contrefaçon, ou réciproquement à réfuter les prétentions formulées à l'égard des allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon.
[53] Il incombe à Pfizer, à titre de demanderesse, de réfuter les allégations mises de l'avant par Apotex dans ses avis d'allégation des 18 et 24 juillet 2003. Comme tout autre plaignant ou demandeur, Pfizer a donc le fardeau général ultime de la preuve. Apotex, à titre de défenderesse, doit voir à ce que les allégations formulées dans ses avis d'allégation soient « mises en jeu » .
[54] Pfizer reconnaît que la charge ultime lui incombe en ce qui a trait à l'allégation de non-contrefaçon. Elle plaide toutefois que le fardeau de la preuve incombe à Apotex relativement à l'allégation d'invalidité, en raison de la présomption de validité découlant de l'article 45 de la Loi antérieure à 1989. À cet égard, Pfizer s'appuie sur le récent arrêt de la Cour suprême du Canada, Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, pour fonder son argument selon lequel, dans le cadre d'une instance en interdiction, le fardeau de prouver l'invalidité incombe à la personne qui conteste le brevet, c'est-à-dire à la seconde personne. Elle fait valoir que l'argument retenu par la Cour suprême dans Apotex indique que la Cour ne peut conclure à l'invalidité que si elle est convaincue que le commissaire aux brevets a commis une erreur manifeste ou a pris une décision déraisonnable en décernant le brevet initial. Elle plaide que le raisonnement de la Cour suprême dans le contexte d'une action en contrefaçon de brevet s'applique aussi bien à la présente instance en interdiction.
[55] Apotex conteste cette approche et, s'appuyant sur la décision rendue dans Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 285 (C.A.F.), elle plaide que la présomption de validité ne tient plus lorsque la seconde personne présente une preuve indiquant qu'elle est en mesure d'établir l'invalidité du brevet. La réfutation de la présomption de validité dépendra du poids de la preuve concernant cette question.
[56] Dans Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd. (2004), 35 C.P.R. (4th) 353 (C.F. 1re inst.), le juge Mosley a conclu que dès lors que la seconde personne présente une preuve qui ne tend pas clairement à établir son allégation d'invalidité, la présomption prévue par la loi devient caduque et ne peut venir en aide à la première personne aux fins d'une instance en interdiction.
[57] À mon avis, les demanderesses ont tort d'invoquer l'arrêt Apotex c. Wellcome, précité, en lien avec la question du fardeau de la preuve. Cette décision a été rendue dans une affaire touchant l'invalidité et la contrefaçon d'un brevet. La présente instance est une procédure sommaire en vertu du Règlement AC et des Règles de la Cour fédérale, précitées, régissant les demandes de contrôle judiciaire. Encore une fois, une décision quant à l'invalidité ou à la contrefaçon, pour ce type d'instance, n'est déterminante sur ce point dans aucune action subséquente; voir Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.), à la page 216, où la Cour se prononce ainsi :
[...] ces procédures ne constituent pas des actions touchant la validité ou la contrefaçon d'un brevet : il s'agit plutôt de procédures visant à établir si le ministre peut délivrer un avis de conformité. Cette décision doit être axée sur la question de savoir si la société générique fait valoir des allégations suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives (la délivrance d'un avis de conformité), que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant [...]
[58] Je conclus qu'il incombe à Pfizer d'établir que les allégations d'invalidité d'Apotex ne sont pas fondées.
C. Interprétation des revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330
[59] Pour apprécier les allégations d'invalidité, la première étape consiste à interpréter la revendication contestée du brevet. Dans les arrêts Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, et Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, la Cour suprême du Canada a statué que la revendication du brevet doit être interprétée selon la méthode « téléologique » (en fonction de l'objet) et que la Cour doit prendre en considération tout le mémoire descriptif du brevet afin de comprendre le sens des mots utilisés dans la revendication contestée. Dans Free World Trust, précité, aux pages 1043 et 1044, le juge Binnie dresse une liste des principes qui président à cette méthode d'interprétation téléologique d'une revendication, comme suit :
a) La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.
b) Le respect de la teneur des revendications favorise à son tour tant l'équité que la prévisibilité.
c) La teneur d'une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l'objet.
d) Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s'en remettre à des notions imprécises comme « l'esprit de l'invention » pour en accroître l'étendue.
e) Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l'invention sont essentiels, alors que d'autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés:
(i) en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art dont relève l'invention;
(ii) à la date à laquelle le brevet est publié;
(iii) selon qu'il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l'emploi d'une variante d'un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l'invention, ou
(iv) conformément à l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu'un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;
(v) mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l'intention de l'inventeur.
f) Il n'y a pas de contrefaçon lorsqu'un élément essentiel est différent ou omis. Il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis.
[60] Les arrêts Whirlpool et Free World Trust, précités, indiquent clairement que les revendications doivent être interprétées à la lumière du mémoire descriptif du brevet. En suivant la méthode téléologique pour interpréter les mots ou les phrases d'une revendication, la Cour ne doit pas « excèd[er] les limites du mémoire descriptif » , mais doit se limiter au libellé de la revendication interprétée dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble, en évitant de s'appuyer sur une preuve d'intention extrinsèque; voir Whirlpool, précité, à la page 1095. Une preuve d'expert est admissible, mais seulement pour aider la Cour à interpréter la revendication d'une manière éclairée; voir Whirlpool,précité, à la page 1102.
[61] Le brevet 330 contient sept (7) revendications. Les revendications un (1), six (6) et sept (7) sont des revendications de procédés et les parties conviennent qu'elles ne sont pas pertinentes au regard du Règlement AC. Il est allégué dans l'avis d'allégation du 24 juillet 2003 que les revendications deux (2), trois (3), quatre (4) et cinq (5) sont invalides. Ces revendications concernent des catégories de composés réputés utiles pour le soulagement de l'hypertension. Toutefois, seules les revendications trois (3) et cinq (5) sont visées par Pfizer dans la présente demande et Apotex en a déduit que Pfizer concède les revendications deux (2) et quatre (4).
[62] Pfizer plaide qu'une interprétation téléologique des revendications pertinentes, y compris en se référant au mémoire descriptif, révèle que l'invention du brevet 330 se rapporte à l'inhibition de l'ECA.
[63] Par ailleurs, Apotex prétend que toutes les revendications du brevet 330 promettent des composés utiles pour le soulagement de l'hypertension, ce qui est différent de l'inhibition de l'ECA. Elle fait valoir que ce ne sont pas tous les inhibiteurs de l'ECA qui ont une activité d'inhibition suffisante pour agir comme des agents antihypertenseurs utiles pour traiter l'hypertension.
[64] À mon avis, les revendications du brevet 330 qui sont ici en litige renverraient dans l'esprit d'une personne versée dans l'art à des composés utiles pour le soulagement de l'hypertension. Dans le résumé de ce brevet, il est dit ce qui suit :
[TRADUCTION] Les composés de l'invention, leurs sels et les compositions pharmaceutiques les renfermant sont utiles comme agents antihypertenseurs.
[65] De plus, le mémoire descriptif du brevet 330 confirme cette interprétation de la revendication :
[TRADUCTION] Les composés de cette invention interviennent dans la séquence rénine - > angiotensine I - > angiotensine II en inhibant l'enzyme de conversion de l'angiotensine I et en réduisant ou en éliminant la formation de la substance vasopressive, l'angiotensine II, et sont donc utiles pour atténuer ou soulager l'hypertension. Ainsi, en administrant une composition qui contient un ou une combinaison des composés de la formule I ou de leurs sels pharmaceutiquement acceptables, l'hypertension chez les mammifères qui en souffrent est atténuée.[...]
Les composés de l'invention peuvent être utilisés pour abaisser la pression sanguine dans des compositions comme des comprimés, des capsules ou des élixirs pour administration orale ou des solutions ou suspensions stériles pour administration parentérale. [...] [Non souligné dans l'original.]
[66] Les revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330 doivent être interprétées en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art, au moment où le brevet a été délivré, soit le 1er janvier 2002. Je suis d'accord avec Apotex pour dire que le brevet 330 revendique une famille de composés qui partagent une structure commune, c'est-à-dire avec trois centres chiraux, et qu'il en revendique tous les stéréo-isomères possibles. Je conclus que le but des inventions décrites dans les revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330 est d'utiliser les composés décrits comme l'ingrédient actif du médicament destiné à traiter l'hypertension.
D. Invalidité du brevet 330
[67] Les parties conviennent que la Loi antérieure à 1989 s'applique à l'analyse de l'invalidité alléguée du brevet. Le paragraphe 61(1) est pertinent à cet égard et se lit comme suit :
61. (1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne peut être déclaré invalide ou nul pour la raison que l'invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d'être faite par l'inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu'il ne soit établi que, selon le cas : a) cette autre personne avait, avant la date de la demande du brevet, divulgué ou exploité l'invention de telle manière qu'elle était devenue accessible au public; b) cette autre personne avait, avant la délivrance du brevet, fait une demande pour obtenir au Canada un brevet qui aurait du donner lieu à des procédures en cas de conflit; c) cette autre personne avait à quelque époque fait au Canada une demande ayant, en vertu de l'article 28, la même force et le même effet que si elle avait été enregistrée au Canada avant la délivrance du brevet et pour laquelle des procédures en cas de conflit auraient dû être régulièrement prises si elle avait été ainsi enregistrée. |
|
61. (1) No brevet or revendication in a brevet shall be declared invalid or void on the ground that, before the invention therein defined was made by the inventor by whom the brevet was applied for, it had already been known or used by some other person, unless it is established that (a) that other person had, before the date of the application for the brevet, disclosed or used the invention in such manner that it had become available to the public; (b) that other person had, before the issue of the brevet, made an application for brevet in Canada on which procédure en cas de conflit should have been directed; or (c) that other person had at any time made an application in Canada which, by virtue of section 28, had the same force and effect as if it had been filed in Canada before the issue of the brevet and on which procédure en cas de conflit should properly have been directed had it been so filed. |
Dans la présente instance, Apotex a allégué que les revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330 étaient invalides au motif qu'à la date de priorité, soit le 3 octobre 1980, les inventeurs n'avaient ni démontré l'utilité des composés revendiqués, ni démontré qu'ils pouvaient valablement en prédire l'utilité. De même, Apotex allègue que les revendications pertinentes sont invalides aux motifs de l'antériorité, de l'absence d'activité inventive, de la portée excessive et du double brevet.
(i) L'inutilité
[68] La définition du mot « invention » dans la Loi antérieure à 1989 inclut les notions de nouveauté et d'utilité. L'article 2 prévoit notamment ce qui suit :
« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité. |
|
"invention" means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture, or composition of matter; |
L'inventeur doit établir l'utilité de son invention à la date à laquelle il présente sa demande de brevet, soit par une démonstration ou une prédiction valable de cette utilité à partir de l'information et de l'expertise alors disponibles.
[69] Dans l'arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 , le juge Dickson (alors juge puîné) a examiné la question de l' « utilité » dans les termes suivants à la page 525 :
Il y a un exposé utile dans Halsbury's Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de « inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [TRADUCTION] « que l'invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu'elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu'elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu'elle fera » . On n'a pas prétendu que l'invention ne produirait pas les résultats promis. L'exposé dans Halsbury's Laws of England (ibid.) poursuit :
[TRADUCTION] ... ce n'est pas l'utilité pratique de l'invention ni son utilité commerciale qui importe à moins que le mémoire descriptif ne laisse prévoir une utilité commerciale, il n'importe pas plus que l'invention apporte un avantage réel au public ni qu'elle soit particulièrement adaptée au but visé. [...]
et il conclut [à la page 60] :
[TRADUCTION] ... Il y a suffisamment d'utilité pour justifier un brevet si l'invention donne soit un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile.
[70] À mon avis, Apotex a présenté une preuve qui peut démontrer l'invalidité du brevet 330, et qui est donc suffisante pour réfuter la présomption légale de validité. Elle s'appuie sur les témoignages de MM. Danilov et Marshall, sur l'article de M. Klutchko et sur la déclaration de M. Blankley jointe à l'affidavit Fiorito pour appuyer l'allégation selon laquelle, en date du 3 octobre 1980, à savoir la date de priorité, aucun des composés visés par les revendications trois (3) ou cinq (5) n'avait été synthétisé ou testé in vivo ou in vitro, pour une activité d'inhibition de l'ECA, ou testé dans le but de déterminer s'il était pharmaceutiquement utile pour réduire ou soulager l'hypertension chez des mammifères.
[71] Comme il est dit plus haut, le but des inventions décrites dans les revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330 est d'utiliser ces composés comme ingrédients actifs d'un médicament destiné à traiter l'hypertension, et non seulement comme agents inhibiteurs de l'ECA. Comme j'ai statué qu'Apotex avait présenté une preuve suffisante pour réfuter la présomption de validité, le fardeau de la preuve est déplacé vers Pfizer qui doit réfuter l'allégation d'inutilité faite dans l'avis d'allégation daté le 24 juillet 2003.
[72] Pfizer plaide que selon le mémoire descriptif et la preuve, il est certain que la nécessaire utilité du brevet 330 est l'inhibition de l'ECA. Subsidiairement, elle plaide que même si une activité d'agent antihypertenseur est requise, alors il est raisonnable de s'attendre à une telle activité d'une inhibition effective de l'ECA. Je ne suis pas convaincue par un tel argument.
[73] Il semble qu'un degré suffisant d'inhibition de l'ECA soit requis pour faire en sorte qu'un composé soit utile pour réduire l'hypertension. Il s'ensuit que ce n'est pas toute forme d'inhibition de l'ECA qui permettra de soulager l'hypertension, mais que toute réduction de l'hypertension sera le résultat d'un degré adéquat d'inhibition de l'ECA. Comme j'ai conclu que les revendications trois (3) et cinq (5) visaient des composés utiles au soulagement de l'hypertension chez des mammifères, les arguments de Pfizer à cet égard ne sont guère utiles.
[74] Pfizer a le fardeau de réfuter l'allégation d'Apotex quant à l'absence d'utilité réelle. En me fondant sur la preuve, je ne suis pas convaincue que Pfizer s'est acquittée de ce fardeau consistant à démontrer que l'allégation d'inutilité n'est pas fondée. Les demanderesses n'ont pas établi qu'à l'époque pertinente, il y avait une utilité attestée des revendications trois (3) et cinq (5) du brevet 330.
[75] Toutefois, comme l'a reconnu Apotex, les revendications trois (3) et cinq (5) peuvent toujours être retenues si Pfizer peut démontrer que les inventeurs étaient en mesure de valablement prédire que ces composés, si fabriqués, pouvaient s'avérer utiles pour les fins convenues : voir Monsanto Co. c. Commissaire aux brevets), [1979] 2 R.C.S. 1108.
(ii) L'absence de prédiction valable d'utilité
[76] Dans l'arrêt Apotex c. Wellcome, précité, la Cour suprême du Canada a passé en revue la règle de la prédiction valable. Celle-ci comporte trois éléments. Premièrement, la prédiction doit avoir un fondement factuel. Deuxièmement, à la date de la demande de brevet, l'inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité. Troisièmement, il doit y avoir divulgation suffisante.
[77] À titre préliminaire, les parties ne s'entendent pas sur la date d'invention s'agissant du brevet 330. Pfizer affirme qu'il s'agit du 18 juin 1980, alors qu'Apotex soutient que la date pertinente est le 3 octobre 1980, soit la date de priorité. À cet égard, Apotex plaide qu'en date du 18 juin 1980, les inventeurs avaient seulement « conçu » un seul membre de la classe alléguée de composés inventés, n'avaient aucun fondement leur permettant de faire une extrapolation attribuant différents stéréo-isomères aux différentes classes de composés et aux composés volumineux, et n'étaient pas en mesure de prédire les qualités d'agents antihypertenseurs des composés revendiqués.
[78] À mon avis, ces arguments sont bien fondés. Je note que les inventeurs eux-mêmes font référence au 18 juin 1980 comme étant la date à laquelle ils ont « conçu » une idée qui serait « probablement » utile comme inhibiteur de l'ECA. Je ne suis pas convaincue qu'une idée « conçue » soit synonyme d'une invention. Je conclus que la date d'invention appropriée est le 3 octobre 1980, soit la date de priorité du brevet 330.
[79] Encore une fois, comme il y a une présomption légale de validité, il revient à Apotex de présenter une preuve suffisante pour corroborer son allégation et réfuter cette présomption. Je suis convaincue qu'Apotex s'est acquittée de cette tâche, c'est à Pfizer qu'il incombe de réfuter l'allégation d'invalidité d'Apotex fondée sur l'absence de prédiction valable.
[80] À cet égard, Pfizer se réfère à un certain nombre d'antériorités, notamment le brevet pour l'énalapril et le brevet de Tanabe, ainsi qu'à des articles de journal publiés avant le 3 octobre 1980. Elle plaide qu'il s'agit d'une preuve suffisante pour étayer une prédiction valable d'utilité pour les composés revendiqués dans le brevet 330.
[81] Si la validité d'un brevet qu'on a tenté d'étayer par une prédiction valable est par la suite contestée, la contestation réussira si la prédiction n'était pas valable à la date de la prédiction ou si, indépendamment du caractère valable de la prédiction, « il y a preuve de l'inutilité d'une partie du domaine visé » , Monsanto, précité, à la page 1117.
[82] S'appuyant sur la décision rendue en première instance dans l'affaire Apotex c. Wellcome, précitée, publiée dans (1998), 145 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.), Apotex plaide que la règle de la prédiction valable ne s'applique pas en l'espèce car les inventeurs n'ont jamais démontré l'utilité de la classe de composés revendiqués. Cet argument doit toutefois être rejeté, compte tenu de l'arrêt Apotex c. Wellcome, précité, où la Cour suprême du Canada affirme ce qui suit à la page 185 :
En toute déférence, j'estime que le législateur a voulu obtenir plus que des spéculations en échange du monopole que confère un brevet (question qui sera approfondie plus loin). Par ailleurs, je ne crois pas, en toute déférence, que la règle de la prédiction valable ait seulement la portée étroite que lui a attribuée le juge de première instance. Dès qu'on reconnaît que, dans des circonstances appropriées, il est possible de prédire l'utilité avant d'avoir effectué des tests complets (sur des composés chimiques ou d'autres composés non testés), il semble n'y avoir, en principe, aucune raison de ne pas appliquer la règle de façon plus générale, compte tenu évidemment de la preuve d'expert. Il n'y a pas de doute qu'il faut se garder d'appliquer la règle de la prédiction valable de manière abusive et de la diluer au point d'inclure les voeux pieux ou les simples spéculations. La population a droit à un solide enseignement en contrepartie des droits conférés par un brevet.
Je conclus donc que Pfizer s'est acquittée de son fardeau de réfuter l'allégation d'absence d'utilité relative au brevet 330 formulée par Apotex.
(iii) L'antériorité
[83] Apotex plaide l'antériorité d'un brevet allemand appartenant à Hoechst sur le brevet 330, lequel a fait l'objet d'une procédure en cas de conflit engagée par le commissaire aux brevets du Canada. Pfizer réplique que ce brevet ne répond pas au critère de l'antériorité établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), selon lequel la publication antérieure doit contenir des enseignements suffisamment clairs pour qu'une personne versée dans l'art qui en prend connaissance et s'y conforme puisse arriver infailliblement à l'invention revendiquée.
[84] En vertu de la Loi antérieure à 1989, une référence d'antériorité doit avoir décrit l'objet d'une revendication particulière deux ans avant la date de dépôt du brevet en question. Le paragraphe 27(1) de la Loi antérieure à 1989 se lit comme suit :
27. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'auteur de toute invention ou le représentant légal de l'auteur d'une invention peut, sur présentation au commissaire d'une pétition exposant les faits, appelée dans la présente loi le « dépôt de la demande » , et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l'exclusive propriété d'une invention qui n'était pas : a) connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l'ait faite; b) décrite dans un brevet ou dans une publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mentionnée; c) en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada. |
|
27. (1) Subject to this section, any inventor or legal representative of an inventor of an invention that was (a) not known or used by any other person before he invented it, (b) not described in any brevet or in any publication printed in Canada or in any other country more than two years before presentation of the petition hereunder mentioned, and (c) not in public use or on sale in Canada more than two years prior to his application in Canada, may, on presentation to the Commissioner of a petition setting out the facts, in this Act termed the filing of the application, and on compliance with all other requirements of this Act, obtain a brevet granting to him an exclusive property in the invention. |
[85] Les demanderesses plaident qu'Apotex n'a pas démontré que l'invention antérieure citée, soir le brevet Hoechst, satisfait au critère d'antériorité requis au paragraphe 27(1). Elles soutiennent que seuls les brevets délivrés ou les articles publiés le ou après le 30 septembre 1979 sont visés à l'alinéa 27(1)b).
[86] Le critère de l'antériorité a été décrit dans Beloit, précité, et adopté par la Cour Suprême dans FreeWorld Trust, précité, à la page 1041. À la page 297 de Beloit, précité, la Cour d'Appel a dit ce qui suit :
Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée.
[87] Le mot « infailliblement » est important. La simple possibilité qu'une invention antérieure puisse être visée par la revendication ne suffit pas à établir l'antériorité. Comme nous l'avons vu plus haut, le critère de l'antériorité exige que la Cour examine une à une chacune des références d'antériorité citée par la défenderesse. Cela signifie, en l'occurrence, que la défenderesse doit démontrer que l'antériorité, soit le brevet Hoechst qui a fait l'objet d'une procédure en cas de conflit avec le brevet 330, contenait des instructions « d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art » aurait infailliblement découvert l'invention.
[88] Pour ce qui est de la date pertinente, soit le 30 septembre 1979, je constate que la défenderesse n'a fait référence à aucune preuve établissant que le brevet Hoechst a été délivré à cette date ou à une date antérieure. De plus, aucune preuve n'a été présentée démontrant qu'un brevet canadien a été déposé en lien avec le brevet allemand de Hoechst, et qu'il l'a été le ou avant le 30 septembre 1979. Par conséquent, je conclus qu'Apotex n'a pas mis son allégation d'invalidité pour cause d'antériorité « en jeu » , celle-ci n'étant pas étayée par une preuve suffisante.
(iv) L'évidence
[89] La question de l'évidence doit être analysée à la date de l'invention. Cette date est contestée par les parties. Le brevet 330 revendique le 3 octobre 1980 comme date de priorité. Apotex soutient que les demanderesses n'ont pas présenté de preuve établissant la date de l'invention, et qu'il faut donc accepter que la date pertinente pour la question de l'évidence évolutive ne peut pas être antérieure à la date de priorité la plus reculée possible.
[90] Le choix de la date est une conséquence du fait que le brevet 330 a été délivré sous le régime de la Loi antérieure à 1989. Compte tenu des articles 28 et 29 de cette loi, j'accepte que la date de l'invention est la date de priorité du 3 octobre 1980, et non la date à laquelle le brevet a été délivré. Une allégation d'évidence oblige la Cour à examiner les revendications du brevet contestées à la date de l'invention, et non à la date de délivrance du brevet; voir la décision Janssen-Ortho, précitée.
[91] La Loi antérieure à 1989 ne spécifie pas de critère pour déterminer si une invention est évidente. Ce critère est établi par la jurisprudence et a été défini succinctement par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Beloit, précité, dans les termes suivants à la page 294 :
Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.
[92] Il faut éviter de recourir à un examen a posteriori pour déterminer si une invention est évidente. La question est de savoir si la solution proposée par le brevet serait « simple comme bonjour » pour le technicien versé dans son art à la recherche de quelque chose de nouveau, sans devoir effectuer des expériences ou mener des recherches . Le juge Hugessen, écrivant pour la Cour dans Beloit, précité, a fait une mise en garde à cet égard à la page 295, où il dit :
Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j'aurais pu faire cela » ; avant d'accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l'avez vous pas fait? » .
[93] Un brevet est évident seulement si la solution au problème est évidente. Des indications dans des antériorités ne suffisent pas à rendre un brevet invalide au motif de l'évidence; voir Apotex c. Wellcome, précité; Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58 (C. Ont. Div. gén.); et Hoechst c. Halocarbon (Ontario) Ltd., [1979] 2 R.C.S. 929. La personne versée dans l'art doit être en mesure de dire qu'elle saurait que l'invention fonctionnerait et qu'elle bénéficierait des avantages qui y sont liés à partir des informations publiques disponibles. La personne versée dans l'art doit connaître la solution ou les avantages sans effectuer de tests, sauf vérification de l'information existante.
[94] En matière d'évidence, il n'est pas nécessaire que l'invention soit divulguée dans un seul brevet ou une seule invention antérieure, comme c'est le cas pour l'antériorité. La Cour peut examiner tous les brevets et autres publications qu'un homme de métier pourrait trouver, « grâce à une recherche raisonnable et diligente » , pour déterminer si leur « combinaison » mène directement à l'invention; voir Illinois Tool Works Inc. et al. c. Cobra Anchors Co. (2002), 221 F.T.R. 161, confirmé par (2003), 312 N.R. 184 (C.A.F.).
[95] De plus, les inventions antérieures invoquées à l'appui d'une allégation d'évidence doivent appartenir au domaine public; voir Janssen-Ortho, précité. L'avis d'allégation de la défenderesse, daté le 24 juillet 2003, cite un certain nombre d'antériorités alléguées relativement à la question de l'évidence, y compris la demande de brevet européen no EP 12,845, ainsi que certains articles scientifiques démontrant que d'autres personnes versées dans l'art sont arrivées à l'objet des revendications contestées en même temps.
[96] Les demanderesses, s'appuyant sur le témoignage de M. Anderson, plaident que ces antériorités n'indiquent pas qu'une personne versée dans l'art aurait pu prédire l'existence du chlorhydrate de quinapril avant la date de son invention. Dans son affidavit, M. Anderson déclare que le remplacement de la proline par quelque chose d'hydrophobique comme le THIQ était tout-à-fait impossible à prédire en date du 18 juin 1980. Toutefois, il ne dit rien au sujet de la question de l'évidence à la date du 3 octobre 1980.
[97] À mon avis, l'évidence quant à l'état des connaissances à la date de l'invention, soit celle de la découverte du chlorhydrate de quinapril, n'indique pas que d'autres personnes versées dans l'art auraient su comment créer, constater et documenter les avantages de ce composé à titre d'agent antihypertenseur. Même s'il est vrai que d'autres inhibiteurs de l'ECA efficaces pour soulager l'hypertension pouvaient exister avant le 3 octobre 1980, il reste que personne d'autre, jusqu'alors, n'avait détecté ou créé un composé similaire au chlorhydrate de quinapril.
[98] Comme on l'a signalé précédemment, il est très difficile de satisfaire au critère de l'évidence. Il demande que la personne du métier mais sans imagination étudie les connaissances courantes dans le domaine à la date de l'invention et réalise immédiatement, sans génie inventif, l'invention décrite. À mon avis, l'antériorité citée par Apotex ne satisfait pas à ce critère. Je conclus que Pfizer s'est acquittée de son fardeau de démontrer que cette allégation n'est pas fondée.
(v) Revendications d'une portée plus large que l'invention ou la divulgation
[99] Apotex allègue que les revendications trois (3) et cinq (5) ont une portée plus large que l'invention ou la divulgation. S'appuyant sur les décisions Farbwerke Hoechst AG c. Commissaire aux brevets (1966), 50 C.P.R. 220 (C.S.C.), et Xerox of Canada Ltd. c. IBM Canada Ltd. (1977), 33 C.P.R. (2d) 24 (C.F.1re inst.), Apotex affirme que la règle de la portée excessive comporte deux volets : on jugera qu'une revendication a une portée excessive et qu'elle est donc invalide si elle revendique une propriété ou un privilège exclusif à l'égard de quelque chose que l'inventeur n'a pas réellement inventé, ou à l'égard de quelque chose que l'inventeur n'a pas complètement divulgué dans le brevet.
[100] Apotex soutient que les revendications pertinentes du brevet 330 ont une portée plus large que la divulgation, indiquant que la divulgation limite l'invention à des composés dont le centre chiral sur le THIQ est de configuration S, alors que les revendications trois (3) et cinq (5) englobent tous les stéréo-isomères. À cet égard, Apotex renvoie à la divulgation du brevet 330, qui se lit comme suit :
[traduction] Le [THIQ] utilisé dans cette invention est de configuration L(S). Il a été établi que cette configuration est nécessaire pour obtenir une activité biologique [...]
[101] Apotex soutient que tout lecteur versé dans l'art comprendrait que la déclaration faite par les présumés inventeurs allait dans le sens des documents publiés qui montraient que la configuration S pour la proline dans le captopril et l'énalapril était une condition absolue de l'activité biologique. En outre, les inventeurs n'avaient déjà travaillé avec la configuration S du THIQ que dans le cadre de leurs premiers travaux.
[102] Or, contrairement à la divulgation, les revendications trois (3) et cinq (5) n'imposent pas de limites relativement à la chiralité de la tête THIQ. Par conséquent, Apotex avance que ces revendications ont une portée plus large que l'invention revendiquée. Elle fait valoir qu'il y a une contradiction évidente entre le paragraphe précité et le paragraphe suivant :
[traduction] L'acide 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoline-3-carboxylique utilisé dans cette invention est de configuration L (S). Il a été établi que cette configuration est nécessaire pour obtenir une activité biologique [...]
Les isomères optiques et les diastéréo-isomères produits par la chiralité aux centres marqués d'un astérisque dans la formule I ainsi que les racémates et les mélanges racémiques sont visés par l'invention. La configuration S dans ces centres est préférée.
[103] Les demanderesses soutiennent que les revendications du brevet doivent recevoir une interprétation ordinaire et logique de la part de la personne versée dans l'art à la date de délivrance du brevet, qui lira le mémoire descriptif comme un tout. À cet égard, elles s'appuient sur les décisions Burton Parsons Chemicals, Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555; Xerox, précitée; Whirlpool, précitée et Free World Trust, précitée.
[104] De même, Pfizer allègue que la Cour suprême du Canada a statué qu'il fallait une « portée raisonnablement large » pour protéger la recherche et l'innovation; voir les arrêts Whirlpool et Free World Trust, précités.
[105] Pfizer s'appuie sur le témoignage de M. Anderson et de M. Wasley qui ont exprimé l'opinion qu'en lisant le brevet comme un tout, ils reconnaissaient que la divulgation précisait que tous les stéréo-isomères étaient visés par la portée de l'invention. Comme aucune revendication ne parlait de stéréochimie, ils ont dû examiner la divulgation pour déterminer quels stéréo-isomères étaient revendiqués, examen qui les a conduit à conclure que tous les stéréo-isomères étaient revendiqués.
[106] Les demanderesses font aussi remarquer qu'en contre-interrogatoire, M. Marshall, un témoin d'Apotex, a admis que le brevet précise que tous les stéréo-isomères sont visés par la portée de l'invention. Les demanderesses s'appuient également sur cette preuve pour plaider que les revendications ne peuvent pas avoir une portée plus large que l'invention divulguée.
[107] À mon avis, il faut apprécier ces arguments en lien avec l'interprétation du brevet. Comme j'ai conclu que les revendications trois (3) et cinq (5) doivent être interprétées de manière à inclure les composés utiles pour réduire l'hypertension, et compte tenu de la preuve d'expert selon laquelle la configuration S est la configuration optimale pour un degré élevé d'inhibition de l'ECA menant à la réduction de l'hypertension, je conclus que les revendications englobant tous les stéréo-isomères possibles ont une portée excessive.
[108] Le but de l'interprétation téléologique est de donner un sens aux revendications d'un brevet. Les revendications qui dépassent la portée de l'invention ou la description contenue dans le mémoire descriptif du brevet sont invalides; voir Farbwerke Hoechst c. Commissaire aux brevets, précité. Par conséquent, j'estime que les demanderesses n'ont pas réussi à démontrer que l'allégation d'invalidité, au motif de revendications ayant une portée excessive, n'est pas fondée.
(vi) Double brevet
[109] La dernière allégation d'invalidité avancée par Apotex a trait au double brevet. Apotex allègue que le brevet 330 est invalide en raison d'un double brevet relatif à une évidence. Cet argument a été discuté dans l'arrêt Whirlpool, précité, où le juge Binnie a dit ce qui suit aux pages 1105 et 1106 :
L'interdiction comporte toutefois un deuxième volet qui est parfois appelé le double brevet relatif à une « évidence » . Il s'agit d'un critère plus souple et moins littéral qui interdit la délivrance d'un deuxième brevet dont les revendications ne visent pas un « élément brevetable distinct » de celui visé par les revendications du brevet antérieur. Dans Commissaire aux brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] R.C.S. 49, la question était de savoir si Farbwerke Hoechst pouvait obtenir un brevet pour un médicament qui constituait une version diluée d'un autre médicament qu'elle avait déjà fait breveter. Il n'y avait pas d'identité des revendications. Le juge Judson a néanmoins conclu à l'invalidité du brevet ultérieur en expliquant, à la p. 53:
[TRADUCTION] Une personne a droit à un brevet pour une substance médicinale nouvelle, utile et inventive; toutefois, le fait de diluer cette nouvelle substance une fois que ses usages médicaux sont déterminés ne crée pas une nouvelle invention. La substance diluée et la substance non diluée ne sont que deux aspects de la même invention. En l'espèce, l'addition d'un véhicule inerte, qui constitue un moyen courant d'augmenter le volume et de faciliter ainsi les mesures et l'administration, n'est rien d'autre que de la dilution et ne crée pas une nouvelle invention.
Dans l'arrêt Consolboard, précité, le juge Dickson a qualifié l'arrêt Farbwerke Hoechst d' « arrêt qui fait autorité en matière de double brevet » (p. 536) et qui appuie la proposition selon laquelle un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d'ingéniosité » par rapport au premier brevet:
Le juge Judson a dit, au nom de la Cour, que le second procédé ne comportait pas de nouveauté ou d'ingéniosité et qu'en conséquence le second brevet n'était pas justifié.
[110] C'est ce deuxième type de double brevet qui est en jeu dans la présente demande. La question soulevée est de savoir si les revendications de l'un des brevets en cause sont distinctes de celles de l'autre brevet. La réponse dépend de la relation entre les revendications relatives au chlorhydrate de quinapril énoncées dans les deux brevets, soit le brevet 330 et le brevet 615.
[111] Les demanderesses plaident que les bureaux des brevets canadiens et américains ont tous deux décidé que les revendications des brevets 614 et 615 visaient des éléments brevetables distincts de ceux visés par le brevet 330. Elles prétendent qu'Apotex n'a pas présenté de preuve contraire.
[112] De plus, Pfizer souligne que le brevet 615 n'était pas mis en cause dans la procédure en cas de conflit entre le brevet 330 et le brevet Hoechst, même si la question a été soulevée à l'époque.
[113] Pour sa part, Apotex plaide qu'il n'y a pas eu d'activité inventive pour passer du brevet 330 au brevet 615 parce qu'il était bien connu, tant en juin qu'en octobre, que la configuration S des stéréo-isomères serait la plus efficace pour inhiber l'ECA. De même, aucune activité inventive n'était requise pour passer du brevet 615 au brevet 330 puisque le fait de changer la chiralité du composé qui était de configuration S devait créer des composés ayant une activité réduite plutôt qu'accrue.
[114] Apotex fait aussi valoir que la délivrance des brevets 614 et 615 avant celle du brevet 330 n'est pas concluante quant à la validité du brevet 330.
[115] J'accepte les arguments des demanderesses relativement à la question du double brevet. Le fait que le brevet 615 n'était pas en cause dans la procédure en cas de conflit entre le brevet 330 et le brevet Hoechst constitue une preuve convaincante que le brevet 615 ne donne pas lieu à une situation de double brevet relatif à une évidence. Le dossier indique aussi que le commissaire aux brevets a recommandé qu'une demande complémentaire soit présentée relativement au brevet 615. Je conclus, en me fondant sur la preuve au dossier, que les demanderesses ont démontré que l'allégation d'invalidité au motif du double brevet n'est pas fondée.
E. Le brevet 615
(i) Caractère suffisant de l'avis d'allégation
[116] Les demanderesses remettent en cause le caractère suffisant de l'avis d'allégation daté le 18 juillet 2003, et prétendent qu'il n'est pas conforme au Règlement AC parce que son énoncé des faits et du droit n'est pas suffisamment détaillé. Pfizer soutient notamment que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex n'est pas fondée parce qu'elle n'expose pas les faits pertinents expliquant comment aucune revendication relative au médicament en soi ou à son utilisation ne serait contrefaite.
[117] Les demanderesses plaident que l'allégation vague contenue dans l'avis d'allégation du 18 juillet 2003 selon laquelle le chlorhydrate de quinapril [traduction] « n'est pas le médicament contenu dans vos comprimés d'ACCUPRILMD » ne répond pas à l'objectif visé par l'énoncé détaillé, qui est de fournir à la première personne tous les fondements sur lesquelles l'allégation repose. Puisqu'Apotex n'a pas dit dans son avis d'allégation que les comprimés d'ACCUPRILMD contenaient [supprimé], les demanderesses soutiennent qu'il leur est impossible de s'appuyer sur cette allégation dans la présente demande. À cet égard, les demanderesses invoquent l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.F.).
[118] En réponse, Apotex dit que les arguments des demanderesses au sujet du caractère suffisant de l'avis d'allégation du 18 juillet 2003 sont mal fondés. Elle soumet qu'une seconde personne est justifiée de ne pas divulguer certains renseignements tant qu'une ordonnance de confidentialité n'a pas été prononcée. De plus, l'avis d'allégation satisfera aux critères légaux relatifs au caractère suffisant. L'avis d'allégation sera suffisant si une communication ultérieure donne plus de détails sur les motifs sur lesquels se fonde l'allégation de non-contrefaçon de manière à ce qu'il y ait suffisamment d'information pour apprécier l'allégation et y répondre.
[119] En l'espèce, Apotex prétend qu'elle a fourni cette information dans sa PADN, après qu'une ordonnance de non-divulgation eut été prononcée. À cet égard, elle s'appuie sur les décisions Aventis Pharma Inc. c. Pharmascience Inc. (2005), 38 C.P.R. (4th) 441 (C.F.1re inst.); Pfizer Canada Inc. et al. c. Apotex Inc. et al. (2004), 245 F.T.R. 243 (C.F.1re inst.); Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1993), 51 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.).
[120] Apotex plaide aussi que Pfizer savait très bien au moment de présenter sa preuve d'expert qu'Apotex affirmait que le médicament ACCUPRILMD ne contenait pas de chlorhydrate de quinapril mais plutôt [supprimé]. De toute façon, Apotex soutient qu'il n'était pas nécessaire de révéler à Pfizer l'identité du médicament contenu dans les comprimés d'ACCUPRILMD car il s'agit d'une information que Pfizer elle-même connaissait ou aurait dû connaître.
[121] On trouve au paragraphe 5(1) du Règlement AC un liste détaillée des éléments que doit contenir un avis d'allégation :
5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue : a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet; b) soit une allégation portant que, selon le cas:(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse, (ii) le brevet est expiré, (iii) le brevet n'est pas valide, (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité. |
|
5. (1) Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and compares that drug with, or makes reference to, another drug for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutique and, where applicable, bioavailability characteristics and that other drug has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a brevet list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each brevet on the register in respect of the other drug, (a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the brevet expires; or (b) allege that (i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false, (ii) the brevet has expired, (iii) the brevet is not valid, or (iv) no revendication for the medicine itself and no revendication for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed. |
[122] Dans l'arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné en ces termes le but poursuivi par l'avis d'allégation, à la page 288 :
L'intimée prétend que la liste des antériorités de l'énoncé détaillé ne se veut pas exhaustive, d'où la présence du mot « notamment » , de telle sorte que subsistait la possibilité d'ajouter à cette liste dans le cadre de l'instance relative à la demande visée à l'article 6. Je suis toutefois d'opinion que l'alinéa 5(3)a) n'envisage pas cette possibilité. L'intention serait plutôt que tous les faits sur lesquels on se fonde devraient figurer dans l'énoncé et non pas être révélés pièce à pièce au moment où on en sent le besoin dans le cadre d'une instance relative à la demande visée à l'article 6. La présente Cour a déjà prévenu des personnes dans la position de l'intimée qu'elles assument le risque qu'une allégation en particulier puisse ne pas être conforme au Règlement et que les lacunes ne puissent pas être comblées par le tribunal dans le cadre d'une instance relative à la demande visée à l'article 6 [...]
[123] Les exigences pour que l'avis d'allégation soit légalement suffisant ont récemment été passées en revue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Ltd., [2005] A.C.F. no 1318 (C.A.F.)(QL). La Cour a énoncé le critère en ces termes aux pages 14 et 15 :
Novopharm est tenue de fournir un énoncé détaillé du droit et des faits à l'appui des allégations de non-contrefaçon afin d'informer le breveté (Pfizer) des raisons pour lesquelles son brevet ne serait pas contrefait ou serait invalide (voir AB Hassle 1, au paragraphe 16). Au paragraphe 17 de cette décision, le juge Stone précise ce qui suit :
[traduction] [...] l'énoncé détaillé doit être tel que le titulaire du brevet est pleinement informé des motifs pour lesquels un AC ne donnerait pas lieu à la contrefaçon d'un brevet listé car, autrement, le titulaire du brevet ne serait pas en mesure de décider s'il doit introduire une instance relative à la demande visée à l'article 6.
Dans le même esprit, le juge Noël affirme, dans SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., au paragraphe 24, que :
[traduction] [...] l'énoncé détaillé vise à placer le titulaire de brevet dans la position de décider s'il y a lieu de contester la délivrance d'un avis de conformité en engageant une procédure fondée sur l'article 6 ou de ne pas s'opposer.
[124] Dans la présente affaire, je suis convaincue que l'avis d'allégation du 18 juillet 2003 est en partie conforme aux prescriptions légales quant au caractère suffisant. Une simple lecture du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement AC confirme que la seconde personne, en l'occurrence Apotex, n'a qu'à soulever la question de la non-contrefaçon des revendications relatives au médicament. Le médicament en jeu ici est le chlorhydrate de quinapril.
[125] Lorsque l'avis d'allégation du 28 juillet 2003 a été signifié à Pfizer, aucune ordonnance de confidentialité n'avait été rendue quant à la composition du produit d'Apotex. Dans les circonstances, il était approprié qu'Apotex retienne certaines informations concernant la formulation de ses comprimés d'Apo-Quinapril et leur mode de fabrication jusqu'au prononcé d'une telle ordonnance. L'ordonnance de confidentialité a été prononcée le 25 novembre 2003. Je conclus que l'avis d'allégation satisfait aux exigences de la loi pour ce qui est des éléments de son produit.
[126] Toutefois, je ne crois pas que l'avis d'allégation soit suffisant en ce qui a trait au contenu allégué du produit ACCUPRILMD des demanderesses. Si Apotex allègue que le produit des demanderesses contient [supprimé] plutôt que du chlorhydrate de quinapril, elle aurait dû le préciser dans son avis d'allégation.
[127] Néanmoins, j'estime que ce vice n'est pas fatal. Apotex a clairement soulevé la question de la non-contrefaçon en lien avec l'Apo-Quinapril et le brevet 615. La vaste question de la non-contrefaçon a été « mise en jeu » et Pfizer avait le fardeau de prouver que l'allégation n'était pas fondée.
(ii) La non-contrefaçon du brevet 615
[128] La dernière question en litige a trait à la contrefaçon. Les demanderesses plaident que toute présence avérée de chlorhydrate de quinapril dans le produit d'Apotex, sans égard à l'intention ou aux efforts raisonnables pour éviter la contrefaçon, constitue une contrefaçon du brevet 615. Les demanderesses font valoir que la monographie de produit d'Apotex relative aux comprimés d'Apo-quinapril est la même que celle des inventeurs.
[129] Les demanderesses font valoir qu'Apotex, selon la preuve qu'elles ont présentée, a contrefait toutes les revendications du brevet 615. Elles plaident que la question de la contrefaçon requiert une interprétation de la revendication un (1) du brevet 615. Celle-ci revendique entre autres le chlorhydrate de quinapril. La divulgation précise que les formes [supprimé] sont [traduction] « équivalentes » aux formes [supprimé], même si les revendications elles-mêmes ne traitent pas de cette question. S'appuyant sur les règles d'interprétation énoncées dans l'arrêt Whirlpool, précité, les demanderesses vont valoir qu'il faut interpréter la revendication un (1) comme incluant des formes [supprimé] de chlorhydrate de quinapril, pour les raisons suivantes.
[130] Le brevet 615 contient une revendication relative au quinapril ou au quinaprilat sous les formes suivantes : le chlorhydrate, le chlorhydrate hydrate; le chlorhydrate hémihydrate. La divulgation du brevet 615 contient ce qui suit :
[traduction] ... de façon générale, les formes hydratées et les formes solvatées avec des solvants pharmaceutiquement acceptables sont équivalentes aux formes anhydres ou non solvatées pour les fins de cette invention.
[131] Pfizer soutient qu'une lecture des revendications du brevet 615 qui exclurait les formes [supprimé] mènerait à la conclusion déraisonnable que le titulaire du brevet voulait divulguer une façon de les éluder.
[132] Apotex utilise des formes [supprimé] de chlorhydrate de quinapril connues sous le nom de [supprimé]. Elle a identifié [supprimé] comme étant sa « substance pharmaceutique » pour fins réglementaires, même si [supprimé] est la substance qui est transformée en comprimés. La monographie de produit proposé d'Apotex indique que ses comprimés contiennent du chlorhydrate de quinapril.
[133] Selon M. Brenner, témoin expert ayant témoigné au nom des demanderesses, les mots « le chlorhydrate » , compte tenu du mémoire descriptif qui indique que les formes [supprimé] sont « équivalentes » , comprennent le chlorhydrate hydrate, le chlorhydrate et le chlorhydrate hémihydrate. Il a aussi donné aux mots une interprétation large, au motif que les inventeurs ne voulaient pas désigner un seul composé en utilisant le mot « le » . Enfin, il a appliqué le critère de la personne ayant des compétences ordinaires dans l'art, plutôt que celui du chimiste expert. Selon lui, la personne ayant des compétences ordinaires dans l'art en arriverait à la conclusion que la revendication un (1) du brevet 615 comprend [supprimé].
[134] Les demanderesses plaident qu'il faut préférer le témoignage de M. Brenner à ceux de MM. McClelland et Langer. Elles mettent en doute l'impartialité de M. McClelland, qui a souvent témoigné au nom d'Apotex et dont une partie de l'affidavit, conformément à une ordonnance rendue le 18 août 2004 et confirmée le 14 octobre 2004, a été radiée au motif qu'il s'agissait d'une preuve par ouï-dire inadmissible.
[135] M. Langer a aussi été employé par Apotex sur une base régulière. Selon les demanderesses, il a reçu des instructions incorrectes sur la manière d'interpréter un brevet canadien, et son témoignage à cet égard n'est pas fiable. Plus particulièrement, il semblait être d'avis que si un terme utilisé dans une revendication pouvait être interprété à partir des revendications uniquement, il n'était pas nécessaire de se reporter au mémoire descriptif. Les demanderesses prétendent que cette approche est contraire à l'interprétation téléologique préconisée par la Cour suprême dans les arrêts Whirlpool et Free World Trust, précités.
[136] Les demanderesses attaquent les tests qui ont été menés par Apotex afin de démontrer que l'ACCUPRILmd ne contient pas de chlorhydrate de quinapril. En particulier, elles font valoir que les tests d'émission de gaz effectués par M. Wang ne sont pas fiables, que l'analyse par spectre de masse n'était pas concluante et que les tests FTIR ont reçu des interprétations différentes. Les demanderesses ont aussi cherché à obtenir une ordonnance de la Cour afin que soit radiées des déclarations faites par M. Wang dans son affidavit au motif qu'il s'agissait d'une preuve par ouï-dire inadmissible, mais la Cour, dans une ordonnance rendue le 14 octobre 2004, a jugé qu'il s'agissait davantage d'une question de valeur probante que d'une question d'inadmissibilité.
[137] Les demanderesses plaident aussi qu'Apotex n'a pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu'il n'y a que [supprimé] dans son produit pharmaceutique, et non du chlorhydrate de quinapril. Le chlorhydrate de quinapril a été approuvé par Santé Canada comme étant l'ingrédient pharmaceutique actif de l'ACCUPRILmd. M. Brenner a témoigné qu'il s'attendrait à ce qu'une certaine quantité de chlorhydrate de quinapril demeure dans les comprimés d'ACCUPRILmd, même si Apotex a raison de dire qu'il y a une réaction qui se produit, malgré les limites inhérentes aux tests sur lesquels se fonde Apotex.
[138] Apotex affirme que le médicament qui se trouve dans les comprimés des demanderesses est [supprimé], non du chlorhydrate de quinapril comme le revendique le brevet 615. Par conséquent, le brevet 615 n'est pas applicable à l'Apo-Quinapril puisqu'il ne comporte pas de revendication pour le médicament contenu dans l'Apo-Quinapril, ou de l'ACCUPRILmd, pour les mêmes raisons.
[139] Subsidiairement, Apotex soutient qu'elle ne contrefait pas les revendications pertinentes du brevet 615 puisque celui-ci ne revendique pas [supprimé], la substance utilisée comme intermédiaire dans la formulation de son médicament [supprimé].
[140] À l'appui de son premier argument, Apotex renvoie au Règlement AC qui permet au titulaire de brevet qui obtient un avis de conformité pour une drogue contenant un médicament d'ajouter un brevet à la liste de brevets lorsque ce brevet contient une revendication pour le médicament. La condition essentielle est que le médicament contenu dans la drogue soit le même que celui qui est revendiqué dans le brevet; voir les paragraphes 4(1) et 4(2) du Règlement AC. Apotex soutient que puisque ni l'l'ACCUPRILmd ni l'Apo-Quinapril ne contiennent aucun des composés revendiqués dans le brevet 615, elle n'a pas à s'occuper de ce brevet.
[141] Apotex s'appuie sur la décision Merck Frosst c. Canada (Ministre de la Santé) (2000), 7 C.P.R. (4th) 522 (C.F.1re inst)., confirmée par (2001), 12 C.P.R. (4th) 383 (C.A.F.), où la Cour s'est demandée si un métabolite actif de la drogue zocor pouvait être inclus au registre. Elle a statué que puisque le métabolite actif ne se trouvait pas dans les comprimés de zocor approuvés par Santé Canada, les brevets ne pouvaient être ajoutés à la liste. En confirmant cette décision, la Cour d'appel fédérale a convenu que c'est la substance présente dans la forme posologique finale qui est la substance pertinente pour déterminer la nature du « médicament » .
[142] De même, Apotex plaide que la Cour est arrivée à une conclusion semblable dans l'affaire Aventis c. Pharmascience, précitée, où le brevet en cause contenait des revendications à la fois pour le ramipril et son métabolite actif, le ramiprilat. La Cour a conclu que le « médicament » n'inclut que ce qui est présent dans la forme posologique. Apotex s'appuie aussi sur la récente décision du juge von Finckenstein dans Abbott Laboratories c. Ratiopharm, 2005 CF 1093, où il a conclu que le produit intermédiaire contenu dans la forme II de clarithromycine de Ratiopharm n'est pas fabriqué, utilisé ou vendu comme médicament et qu'on ne peut donc dire qu'il contrefait le brevet d'Abbott en contravention du Règlement AC.
[143] De toute façon, Apotex fait valoir que Pfizer n'a présenté aucune preuve lui permettant de s'acquitter de son fardeau en ce qui a trait à la question de la contrefaçon. De plus, Pfizer s'appuie sur son formulaire IV déposé auprès de Santé Canada relativement au brevet 615. Dans ce formulaire, le chlorhydrate de quinapril est identifié comme étant le médicament et l'ingrédient actif.
[144] Apotex note que M. Brenner, le témoin clé des demanderesses sur ce point, a admis que la liste ne correspond pas toujours à l'identité du composé dans la forme posologique finale. Apotex s'appuie sur la preuve de ses témoins, MM. Cima et M. Wang, qui ont conclu, après avoir effectué des tests, que le matériel contenu dans un comprimé d'ACCUPRILmd était compatible avec [supprimé] mais non compatible avec [supprimé], le chlorhydrate hydrate de quinapril ou le chlorhydrate de quinapril.
[145] Enfin, Apotex plaide que les demanderesses n'ont pas soulevé dans leur avis de demande l'argument portant que ses comprimés d'ACCUPRILmd contiennent une quantité infime de chlorhydrate de quinapril par rapport à la quantité de [supprimé]. En tout état de cause, elle affirme que Pfizer ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver cette affirmation.
[146] Quoi qu'il en soit, Apotex plaide que son allégation de non-contrefaçon est fondée parce que son produit ne contrefait aucune des revendications du brevet 615. Puisque ce brevet ne couvre pas le composé [supprimé], le produit utilisé comme intermédiaire dans la fabrication de ses comprimés, Apotex soutient que son produit n'est pas une contrefaçon. À cet égard, Apotex s'appuie sur Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 67 C.P.R. (3d) 484 (C.F. 1ere inst.), confirmé par (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.), confirmé par (1996), 70 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), et sur AB Hassle c. Apotex Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 23 (C.A.F.). Elle fait valoir que ces décisions appuient l'argument voulant que lorsque les revendications du brevet semblent claires, il n'est pas approprié de faire référence à la divulgation pour interpréter la revendication et plus particulièrement, en modifier la portée.
[147] Apotex soutient que seule la revendication un (1) du brevet 615 est en cause. Elle revendique ce qui suit :
[traduction] un dérivé acyl substitué [...] sous la forme de l'isomère (S,S,S) [...] sous l'une des formes de sel acide suivantes : chlorhydrate hydrate; chlorhydrate; et le chlorhydrate hémihydrate.
[148] Apotex plaide que les revendications du brevet 615 sont claires à première vue et que Pfizer ne peut pas se servir de la divulgation pour en élargir la portée. À cet égard, Apotex s'appuie sur les témoignages de MM. Langer et McClelland. Ces deux experts ont conclu que les mots « le chlorhydrate » utilisés dans la revendication un (1) s'appliquent à la forme [supprimé] anhydride des composés revendiqués. Par conséquent, la revendication un (1) ne couvre pas les [supprimé] composés revendiqués, [supprimé]. La revendication un (1) inclut spécifiquement deux formes [supprimé], soit le « chlorhydrate hydrate » et le « chlorhydrate hémihydrate » . Apotex soutient que si les inventeurs avaient voulu inclure d'autres formes [supprimé], ils l'auraient dit clairement.
[149] Quoi qu'il en soit, Apotex soutient qu'il n'est pas certain que la revendication un (1) inclue [supprimé], que Pfizer ne s'est donc pas acquittée de son fardeau ultime et qu'il n'y a pas lieu de prononcer une ordonnance d'interdiction.
[150] Il incombe aux demanderesses de démontrer que le produit de la défenderesse contrefait toutes les revendications du brevet 615. À mon avis, les demanderesses ne s'en sont pas acquittées.
[151] On a fourni aux demanderesses un échantillon du produit d'Apotex, l'Apo-quinapril, d'un poids de 5 grammes, conformément à une ordonnance de la Cour datée le 25 novembre 2003, qui précise ce qui suit :
5. Apotex doit produire :
a) 5 grammes de l'ingrédient actif utilisé pour fabriquer ses comprimés d'Apo-Quinapril;
sans limiter le droit des demanderesses de déposer une nouvelle requête en vue d'obtenir une plus grande quantité si les 5 grammes étaient insuffisants.
Les demanderesses ont choisi de ne pas tester le matériel, bien que M. Brenner ait témoigné au sujet des tests qui pourraient être effectués.
[152] Voici ces tests : diffraction de rayons X sur poudres, analyse de densité, analyse gravimétrique par procédé thermique, analyse de Karl-Fisher, chromatographie en phase gazeuse, analyse calorimétrique différentielle et analyse élémentaire. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Brenner a répondu à des questions sur les quantités requises pour effectuer certains de ces tests :
[traduction]
196. Q. Vous dites maintenant au paragraphe 58 que pour la diffraction de rayons X sur poudres, vous effectueriez deux tests, ayant besoin pour chacun de 200 milligrammes d'ingrédients actifs; voyez-vous cela?
R. Oui
197. Q. Vous estimez alors que vous auriez besoin pour le test de diffraction de rayons X sur poudres de 400 milligrammes de matériel?
R. Pour le faire en double, oui.
198. Q. La section suivante traite ensuite des tests de densité?
R. C'est vrai.
...
200. Q. Et vous dites que vous effectueriez deux tests de densité; le voyez-vous au paragraphe 60?
R. Oui.
201. Q. Vous auriez alors besoin de deux fois 500 milligrammes?
R. Oui.
202. Q. Cela fait donc 1 000 milligrammes?
R. Exact.
...
204. Q. Si vous allez à la page 23, vous y parlez de l'analyse gravimétrique par procédé thermique (TGA)?
R. Oui.
205. Q. Et vous dites que le test pourrait déterminer si le composé est [supprimé]?
R. C'est vrai.
206. Q. Et au paragraphe 62, vous dites que vous effectueriez trois tests en utilisant 5 milligrammes pour chacun?
R. Oui.
207. Q. Vous utiliseriez donc au total 15 milligrammes?
R. C'est cela.
208. Q. La section suivante traite ensuite de l'analyse de Karl-Fisher (KF)?
R. Oui
209. Q. Et ce test permet de déterminer la teneur spécifique en eau?
R. C'est juste.
210. Q. À cet égard, vous dites au paragraphe 65 que vous auriez besoin de 100 à 200 milligrammes d'ingrédients actifs et vous aimeriez effectuer le test deux fois?
R. C'est exact.
211. Q. Si on prend la plus grande quantité dont vous auriez besoin, ce serait 2 fois 200, dont 400 milligrammes?
R. C'est exact.
...
214. Q. À la page suivante, vous parlez d'analyse calorimétrique différentielle (ACD). À la quatrième ligne, vous dites :
« [...] ... Les données particulières fournies par l'ACD fournissent des renseignements analogues à ceux d'une empreinte sur la nature de l'échantillon testé [...] »
Et vous êtes d'accord avec cela?
R. Oui.
215. Q. Et vous dites au paragraphe 68 que vous effecturiez deux tests avec 2 à 5 milligrammes d'ingrédients actifs?
R. C'est vrai.
216. Q. Alors si on prend la limite supérieure, vous auriez besoin de 2 fois 5 milligrammes ou 10 milligrammes?
R. Exact.
217. Q. Puis au paragraphe 69, vous parlez de l'analyse élémentaire. Je déduis que cela permettrait de déterminer la quantité totale de carbone, d'hydrogène, d'azote et de chlore dans le matériel?
R. Exact.
218. Q. Et cela vous permettrait de déterminer le type exact de composés chimiques utilisés dans le processus d'Apotex?
R. Exact.
219. Q. Et vous auriez besoin de 10 à 20 milligrammes et vous effecturiez deux tests
R. C'est cela.
220. Q. Si l'on prend la limite supérieure, vous auriez donc besoin de 40 milligrammes?
R. Exact.
221. Q. Si vous êtes d'accord avec mes calculs, j'ai pris toutes les limites supérieures et tous les chiffres dont nous avons parlé, auxquels vous avez fait référence dans le présent affidavit, pour l'ensemble des tests et j'en suis arrivé à 1 865 milligrammes; avez-vous des raisons de penser que ce total n'est pas juste?
R. Je présume que vos calculs sont justes.
222. Q. Vous n'avez pas fait l'addition?
R. Je ne l'ai pas faite moi-même.
[153] Il est clair que la quantité de produits requise pour les tests décrits par M. Brenner était inférieure à la quantité qu'on a demandé à Apotex de fournir. Si ce n'était pas suffisant, les demanderesses étaient autorisées à réclamer une quantité additionnelle.
[154] Plus loin dans son contre-interrogatoire, M. Brenner a répondu à des questions sur la capacité de détecter le chlorhydrate de quinapril dans [supprimé] :
[TRADUCTION]
717. Q. La question n'est pas de ne pas pouvoir identifier le chlorhydrate de quinapril. La question est qu'il est possible de ne pas pouvoir l'identifier lorsque les quantités sont trop petites pour que l'équipement existant puisse les détecter. C'est ce dont nous discutons?
R. Cet équipement est associé à certaines méthodes. Différentes méthodes ont différentes capacités.
718. Q. D'accord, mais [...]
R. Il faut en tenir compte.
719. Q. Si l'on présume qu'on utilise la meilleure méthode disponible et le meilleur équipement [...]
R. Équipement, oui.
720. Q. [...] vous dites qu'il serait possible qu'il puisse y avoir des quantités non détectables de chlorhydrate de quinapril même si l'on pouvait utiliser le meilleur équipement et les meilleures méthodes?
R. Oui, je ne pourrais pas garantir qu'on réussisse.
[155] À mon avis, l'incapacité de garantir le succès d'une méthode choisie pour effectuer des tests n'est pas une réponse au fardeau des demanderesses relativement à l'allégation de non-contrefaçon. Le brevet 615 revendique le chlorhydrate de quinapril comme étant le médicament. La présence de cette substance dans le produit d'Apotex signifierait qu'il y a contrefaçon. Une façon de confirmer cette présence est d'effectuer des tests et selon la preuve des demanderesses, aucun test n'a été effectué. Dans ces circonstances, je conclus que les demanderesses n'ont pas réussi à démontrer que l'allégation de non-contrefaçon n'est pas fondée.
[156] Il n'est pas nécessaire de décider si l'ACCUPRILmd contient effectivement du chlorhydrate de quinapril puisque j'ai conclu que l'avis d'allégation est insuffisant en ce qui a trait à cet argument.
CONCLUSION
[157] En conclusion, la demande en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction est rejetée. Les demanderesses n'ont pas démontré que l'allégation d'invalidité relativement au brevet 330, au motif de la portée excessive des revendications, n'est pas fondée. Les demanderesses ne sont pas acquittées de leur fardeau de prouver que l'allégation de non-contrefaçon, relativement au brevet 615, n'est pas fondée. La demande est rejetée et les dépens sont adjugés à la défenderesse, Apotex Inc., le défendeur ministre de la Santé n'ayant pas participé.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : PFIZER CANADA INC., WARNER-LAMBERT
COMPANY LLC et PARKE, DAVIS & COMPANY LLC
c.
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et APOTEX INC.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Du 30 mai au 2 juin 2005
Des observations écrites supplémentaires ont été reçues des demanderesses et d'Apotex Inc., le 29 et le 30 août 2005, respectivement
MOTIFS D'ORDONNANCE
PUBLICS ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : Le 28 septembre 2005
(Les motifs d'ordonnance confidentiels ont été prononcés le 2 septembre 2005)
COMPARUTIONS :
Sheila Block
Andrew Shaughnessy
Andrew Bernstein POUR LES DEMANDERESSES
H.B. Radomski
Andrew Brodkin
Sorelle Simmons POUR LA DÉFENDERESSE
Rick Tuzi APOTEX INC.
Aucune comparution POUR LE DÉFENDEUR MINISTRE DE LA SANTÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Torys LLP
Toronto (Ontario) POUR LES DEMANDERESSES
Goodmans LLP
Toronto (Ontario) POUR LA DÉFENDERESSE
APOTEX INC.
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR
MINISTRE DE LA SANTÉ