Date : 19990624
Dossier : IMM-4473-98
ENTRE :
ZENG PING LIU,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D'ORDONNANCE
LE JUGE McKEOWN
[1] Le demandeur cherche à obtenir le contrôle de la décision, datée du 4 août 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a déterminé qu'en tant que citoyen de la Chine, il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] La question litigieuse est de savoir si la Commission a commis une erreur en tranchant la requête, présentée par l'avocate au début de l'audition, visant à obtenir que la commissaire Siddiqui soit remplacée par un autre commissaire, vu qu'il était raisonnable de craindre qu'elle ne serait pas impartiale. La Commission a mal appliqué le critère pour conclure qu'il existait une crainte raisonnable de partialité, et la présente affaire soulève des sous-questions que j'ai examinées et qui, ensemble, m'incitent à déterminer que la Commission a commis une erreur en tranchant la requête.
[3] À une conférence préparatoire à l'audience, l'avocate du demandeur a avisé la formation qu'elle entendait présenter une requête en bonne et due forme visant à obtenir que l'un de ses membres soit remplacé par une autre personne. À l'audition, l'avocate du demandeur a été avisée qu'elle disposerait de deux à trois minutes pour faire des observations relatives à la requête. Bien que la Commission puisse restreindre le temps alloué aux plaidoiries, j'estime, compte tenu de la gravité de l'allégation, c.-à-d. une crainte raisonnable de partialité, qu'il se pourrait que le fait d'allouer seulement deux à trois minutes pour fonder cette requête soit trop restrictif. Je n'estime pas qu'il s'agit d'une erreur susceptible de contrôle, mais elle est pertinente pour ce qui est de l'approche que la Commission a adoptée.
[4] Les conclusions de la Commission relativement à la requête sont exposées à la page 975, où le commissaire Luciuk dit :
[TRADUCTION] [...] J'ai eu l'occasion de prendre connaissance des documents relatifs à la requête que le cabinet Lewis and Associates a présentés et d'examiner la demande de Mme Sturdy visant à obtenir qu'une nouvelle formation soit constituée. Ces documents semblent traiter principalement de questions procédurales. Je ne vois pas comment une personne raisonnable estimerait que Mme Siddiqui n'est pas impartiale à l'égard de ce revendicateur, bien qu'il semble y avoir un désaccord entre le cabinet Lewis and Associates et Mme Siddiqui. J'ai entendu des douzaines d'auditions en compagnie de ma collègue et je l'ai toujours trouvée très intègre, tant sur les plans professionnel que personnel. Je vais rejeter cette requête et nous allons poursuivre l'audition.
[5] À mon avis, la Commission n'a pas appliqué le bon critère, qui consiste à savoir si une personne raisonnable aurait eu l'impression que la commissaire suscitait une crainte raisonnable de partialité. Le commissaire expose convenablement le critère, mais il poursuit en donnant comme motif principal le fait qu'il estime que la commissaire est une personne très intègre, tant sur les plans professionnel que personnel. Ce n'est pas l'avis du commissaire qui importe mais, chose plus importante, la question de savoir si la personne est intègre n'aide pas à déterminer si elle suscite une crainte raisonnable de partialité.
[6] Cette dernière question n'est pas directement abordée par la Commission. La Commission s'est trompée en considérant que le conflit opposant la commissaire au cabinet auquel appartenait l'avocate du demandeur relativement à une affaire antérieure portait sur des « questions procédurales » . À mon avis, la directive donnée à une avocate de faire ses observations en l'absence de l'un des deux commissaires chargés d'entendre l'audition dans le cadre d'une affaire antérieure ne constitue par un problème procédural. Cela constitue plutôt une atteinte au droit fondamental d'être entendu. La Commission ne semble pas accorder aux inquiétudes soulevées par le demandeur à l'égard du conflit qui avait déjà opposé la commissaire et le cabinet auquel appartenait son avocate l'importance qu'elles méritaient, en considérant que le conflit porte sur des questions procédurales.
[7] La Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a refusé de considérer que la lettre d'un autre cabinet d'avocats sur la question de la partialité faisait partie de la preuve. Cette lettre n'est pas pertinente pour ce qui est de la décision relative à la partialité.
[8] Pour ces motifs, je suis d'avis que la Commission a commis une erreur en tranchant la requête, présentée par l'avocate, visant à obtenir que la commissaire Siddiqui soit remplacée par un autre commissaire au motif qu'il était raisonnable de craindre qu'elle ne serait pas impartiale. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Section du statut de réfugié pour qu'une formation différemment constituée statue sur elle. La décision datée du 4 août 1998 est annulée.
« W.P. McKeown »
juge
TORONTO (ONTARIO)
Le 24 juin 1999
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : IMM-4473-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : ZENG PING LIU
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 23 JUIN 1999
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
EN DATE DU : JEUDI 24 JUIN 1999
ONT COMPARU: Mme Sturdy
Pour le demandeur
Mme Marissa Beata Bielski
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Lewis & Associates
Barrsiters & Solicitors
290, rue Gerrard est
Toronto (Ontario)
M5A 2G4
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990624
Dossier : IMM-4473-98
Entre :
ZENG PING LIU,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D'ORDONNANCE