Date : 20030129
Dossier : IMM-4079-01
Référence neutre : 2003 CFPI 96
ENTRE :
TSHISOLA KANYINDA
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
[1] Je reprend par écrit les motifs que j'ai exprimés oralement en accueillant cette demande de contrôle judiciaire.
[2] La question devant la Section du statut de réfugié (le tribunal), était de savoir si monsieur Kanyinda s'était désisté de sa réclamation de reconnaissance comme réfugié. En effet, le 26 janvier 2001, après une audience de trois heures tenue l'avant-midi sur le mérite de sa réclamation, le revendicateur ne se présente pas devant le tribunal pour la continuation de l'audience en après-midi.
[3] Le tribunal entame le processus de désistement. Le revendicateur se présente avec son nouveau procureur et donne ses explications.
[4] Le tribunal conclut au désistement du revendicateur. Selon lui, le revendicateur ne poursuit pas sa demande d'une façon diligente selon l'article 69.1(6) de la Loi sur l'immigration (la Loi).
[5] Le tribunal écrit « tout au long de ses explications, le revendicateur a invoqué la peur et l'émotivité dues à son hypertension » et tire la conclusion suivante :
Le revendicateur n'est pas crédible quand il déclare qu'il prenait un médicament pour son hypertension. Les 30 comprimés prescrits au mois de mars 2000 n'ont duré que 30 jours, puisqu'il a reconnu qu'il prenait un comprimé de son médicament par jour.
Le revendicateur a rajusté sa preuve lorsqu'il déclare que la veille de son audience il aurait pris un comprimé qui lui restait, alors qu'il aurait prétendu qu'il prenait un comprimé par jour. Ainsi donc, s'il a pris son comprimé comme il le prétend, sa médication se serait terminée au mois d'avril 2000. Il est invraisemblable que neuf mois plus tard, il lui reste encore un comprimé.
En arrêtant de poursuivre sa médication, soit pendant les neuf mois suivants, le revendicateur prouve que son hypertension n'est pas grave comme il le prétend et qu'elle est sous contrôle. Le revendicateur d'ailleurs se contredit à ce sujet, en déclarant qu'il était souvent sous la panique. Si sa panique est due à l'hypertension comme il le prétend, il aurait alors dû poursuivre sa médication et aller consulter le médecin pendant les neuf mois et non après son audience.
[6] Le tribunal « est d'avis que l'évocation de l'hypertension pour justifier son émotivité et son comportement est une fabrication de la preuve pour justifier son refus de poursuivre son audience... » , et que « la question de son état de tension est un alibi pour justifier son refus de poursuivre sa revendication » et « que la question de l'hypertension a été un motif tout trouvé pour expliquer son comportement » .
[7] Le procureur du demandeur m'a démontré que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (voir l'alinéa 18.1 (4)d) de la Loi sur la Cour fédérale).
[8] Il est évident que le tribunal a mal évalué la preuve lorsqu'il a conclu « que les 30 comprimés prescrits au mois de mars 2000 n'ont duré que 30 jours... » . La preuve démontre (Dossier certifié du tribunal p. 31) que c'est depuis le 29 mars 2000 qu'il est traité pour hypertension. Cette information se trouve dans une note du 14 février 2001 du Dr Dong-Ky La. De plus, la preuve établit que le revendicateur a renouvelé sa prescription le 12 décembre 2000. (Dossier du tribunal pages 32 et 33).
[9] Cette mauvaise compréhension de la preuve porte le tribunal à conclure que le revendicateur a arrêté de prendre sa médication pendant les neuf mois suivants et que son hypertension n'était pas grave. De là, le tribunal trouve que le demandeur n'est pas crédible et qu'il a inventé son hypertension pour faussement justifier son absence dans l'après-midi du 26 janvier 2001.
[10] Cette erreur du tribunal, comme on peut le voir facilement, est centrale à sa décision de conclure au désistement du demandeur.
[11] Le procureur du demandeur a vaillamment tenté de sauver cette décision mal-fondée en se référant à plusieurs éléments de preuve qui auraient pu justifier la décision du tribunal. En autre mots, il m'a demandé d'écrire une décision différente que celle rendue par le tribunal.
[12] La Cour d'appel dans Ye c. Le Ministre de l'emploi et de l'immigration (A-711-90, 24 juin 1992) écarte une telle approche.
The respondent attempted to defend these reasons of the Board on the basis of evidence other than that relied on by the Board itself. By way of comment, I can do no better than to echo the words of Mahoney J.A. in Owusu-Ansah v. M.E.I. (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106, at 113 (F.C.A.) that: "if there were any other grounds for disbelieving the Applicant ... they were thought to be of less significance than those catalogued."
[13] Le juge Hugessen, alors juge de la Cour d'appel fédérale, dans : Tagari c. Le Ministre de l'emploi et de l'immigration (A-353-91, 20 juin 1994) écrit « if the reasons given by the Board cannot be rationally supported, it is not for this Court to find others » . Le juge Reed dans Su v. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration [1994] F.C.J. no 70 est du même avis en écrivant « but the Board did not base its decision on that analysis of the evidence and I am not prepared to independantly go down that path and supplant the Board's decision. My job is to review the Board's decision on the basis it was given. »
[14] Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal est cassée et l'examen du désistement du demandeur doit être entamé par une formation différente. Aucune question certifiée s'impose.
François Lemieux
juge
Montréal (Québec)
le 29 janvier 2003
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4079-01
INTITULÉ :
TSHISOLA KANYINDA
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 28 janvier 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE LEMIEUX
DATE DES MOTIFS : 29 janvier 2003
COMPARUTIONS:
Me Jean-Michel Montbriand POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Guy M. Lamb POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Doyon, Guertin, Plamondon & Montbriand POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030129
Dossier : IMM-4079-01
Entre :
TSHISOLA KANYINDA
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE