Date : 19990805
Dossier : IMM-5480-98
Entre :
RASHIT FATIKHOV
Demandeur
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE
LE JUGE DENAULT :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "section du statut") rendue le 29 septembre 1998, selon laquelle le demandeur, citoyen d'Ouzbékistan, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Il appert de la preuve au dossier et de la décision de la section du statut qu'en avril 1995, alors qu"il célébrait la fête de Pâques, le demandeur et sa famille ont été battus par des fondamentalistes islamiques qui ont fait irruption dans son appartement; le demandeur a dû être hospitalisé. À la suite de cet incident, le demandeur a entrepris des démarches auprès de la Milice et du Procureur de sa région en vue d'assurer sa protection, mais ses démarches ont été infructueuses. Au mois de septembre 1995, le demandeur a été battu par son voisin parce qu"il agissait comme jurisconsulte auprès de la société biblique d"Ouzbékistan. En mars 1996, les voisins du demandeur ont mis le feu à la porte de son appartement. Après que le demandeur eût réussi à éteindre le feu, les voisins ont proféré des menaces à son endroit. En mars et en juin 1997, il a de nouveau été attaqué et battu par des fondamentalistes islamiques. Lors de ces attaques, les agresseurs auraient aussi proféré des menaces de mort à l'endroit du demandeur.
[3] La section du statut a conclu que les éléments de preuve qui lui avaient été soumis étaient insuffisants pour établir que le demandeur, en cas de retour dans son pays d"origine, aurait une possibilité raisonnable de persécution. La section du statut était d"avis que le motif d"opinions politiques n"était pas applicable à la revendication du demandeur, que la preuve documentaire contredisait son témoignage à l"effet que le gouvernement ouzbek appuyait ouvertement l"Islam et que bref, le demandeur n"avait pas renversé la présomption selon laquelle l"État peut protéger ses citoyens.
[4] Au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur plaide que la section du statut a erré en concluant qu"il ne s"était pas prévalu de la protection de l"État, qu'il a commis une erreur déraisonnable en ne considérant qu"une partie de la preuve documentaire, et qu'en somme, on n"a pas compris les motifs au soutien de sa crainte.
[5] Concernant la protection de l'État, le demandeur soutient qu'il a renversé la présomption à l'effet que l'État pouvait le protéger. Il appert de la preuve qu'à plusieurs reprises lorsque sont survenus des incidents dont il se disait victime, le demandeur ou son épouse ont averti tantôt la Milice régionale, tantôt le Procureur de la région, la direction de l'intérieur de la Ville de Tachkent, et même le Comité makhaline soit le comité de gestion de l'immeuble où ils habitaient. Lors de son témoignage, le demandeur a pourtant reconnu que tant en 1995 (p. 256 du dossier du demandeur) qu'en 1997 (p. 252), il n'avait pas voulu entreprendre de démarches suite aux refus d'agir de la Milice et du Procureur de la région parce qu'il ne voulait pas créer un conflit inter-ethnique. Dans ces circonstances, j'estime qu'il n'était pas déraisonnable pour le tribunal de conclure que le demandeur n'avait pas démontré, par une preuve claire et convaincante, l'incapacité de l'État dont il est le ressortissant d'assurer sa protection, ni renversé la présomption à l'effet que l'État était capable de le protéger.
[6] Quant au reproche formulé à l'égard de la décision de la section du statut à savoir qu'elle n'aurait considéré qu'une partie de la preuve documentaire, il ne peut être retenu. Il est bien établi en effet que la section du statut est maître des faits, qu'il lui revient de tirer de la preuve les conclusions qu'elle croit raisonnables, et que le fait d'accorder plus de poids à certains documents plutôt qu'à d'autres ou qu'au témoignage d'un demandeur ne peuvent servir de motifs à l'intervention de cette Cour.
[7] En conséquence, la Cour n'étant pas convaincue que la section du statut a commis quelque erreur justifiant son intervention, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n'y a pas ici matière à certification d'une question sérieuse de portée générale.
OTTAWA
le 5 août 1999
Juge