Date : 19990611
Dossier : T-795-99
Ottawa (Ontario), le 11 juin 1999.
DEVANT : MADAME LE JUGE SHARLOW
ENTRE
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,
demanderesse,
et
LES LIGNES AÉRIENNES CANADA 3000 LIMITÉE,
défenderesse,
et
BALBIR SINGH NIJJAR,
défendeur.
ORDONNANCE
Les dépens, d'un montant de 10 000 $, sont adjugés aux Lignes Aériennes Canada 3000 Limitée, la demanderesse devant payer ceux-ci sans délai.
Karen R. Sharlow
Juge
Traduction certifiée conforme
L. Parenteau, LL.L.
Date : 19990611
Dossier : T-795-99
ENTRE
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,
demanderesse,
et
LES LIGNES AÉRIENNES CANADA 3000 LIMITÉE,
défenderesse,
et
BALBIR SINGH NIJJAR,
défendeur.
MOTIF DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SHARLOW
[1] Le 10 mai 1999, j'ai entendu une requête que la Commission canadienne des droits de la personne avait présentée en vue de faire suspendre des procédures engagées devant le Tribunal canadien des droits de la personne. La défenderesse Lignes Aériennes Canada 3000 Limitée (Canada 3000) s'est opposée à la requête. J'ai rejeté la requête et j'ai prononcé mes motifs par écrit, en demandant que des observations soient présentées par écrit au sujet de la question des dépens. De longues observations ont été présentées; je les ai examinées.
[2] Canada 3000 sollicite une ordonnance en vue de se faire adjuger les dépens sur la base avocat-client ou subsidiairement en vue d'obtenir des dépens pour un montant supérieur à celui qui est normalement accordé. L'avocat de la Commission soutient que la demande que Canada 3000 a présentée à l'égard des dépens devrait être limitée aux dépens habituels entre parties et qu'elle ne devrait pas comprendre les frais de la requête principale visant à la suspension de l'instance (laquelle a été abandonnée), du contrôle judiciaire ou de toute procédure engagée devant le Tribunal.
[3] Je n'exposerai pas de nouveau les faits puisqu'ils l'ont été dans le motifs que j'ai prononcés le 10 mai 1999. Il suffit au départ de dire que la Commission a présenté une demande de contrôle judiciaire devant cette cour en vue de contester la décision que le Tribunal avait rendue au sujet de l'admissibilité d'un document et a également demandé la suspension des procédures engagées devant le Tribunal en attendant que ce point soit débattu dans le cadre du contrôle judiciaire. La requête dont je suis saisie visait à l'obtention d'une ordonnance provisoire suspendant l'instance tant que la requête principale relative à la suspension ne serait pas entendue deux jours plus tard. Par suite de ma décision, la requête principale n'avait plus aucun intérêt pratique et elle a été abandonnée.
[4] L'avocat de Canada 3000 soutient que la demande de suspension a occasionné un gaspillage considérable de temps et d'argent. Cela est indéniable. La requête visant à la suspension n'était absolument pas fondée.
[5] Canada 3000 a soumis un mémoire de frais à l'égard de la requête provisoire sur la base avocat-client. Le mémoire comprend les honoraires relatifs aux services rendus par l'avocat, s'élevant en tout à 11 193 $, TPS non comprise, et des débours relatifs à des appels interurbains, à des télécopies et à des photocopies, s'élevant en tout à 469,17 $, TPS non comprise. De plus, on réclame un montant total de 5 548,08 $ pour les frais de comparution, de déplacement et d'hébergement de trois témoins. L'un des témoins est le docteur Spellman, dont le témoignage a été interrompu lorsque l'affaire a été ajournée. Les autres témoins devaient initialement témoigner le 28 avril 1999, immédiatement après le docteur Spellman, mais ils n'ont pa pu le faire parce que l'instance a été ajournée de façon à permettre l'audition de la demande de suspension. Les trois témoins se sont vus obligés de retourner à Toronto lorsque l'audience a repris, le 10 mai 1999, sans que la demande de suspension ait été entendue.
[6] Le mémoire de frais est étayé par des affidavits qui n'ont pas fait l'objet de contre-interrogatoires. En l'absence d'une preuve contraire, j'accepte le mémoire de frais, qui indique selon moi avec exactitude les dépenses engagées par Canada 3000 à l'égard de la requête visant à la suspension provisoire de l'instance. Sur cette base, un montant s'élevant en tout à 18 026 $ a été rejeté.
[7] L'avocat de la Commission attribue le gaspillage au fait que le Tribunal a décidé d'ajourner l'affaire. Toutefois, cette décision a été prise à la demande de l'avocat de la Commission, compte tenu apparemment du fait qu'il avait fait valoir devant le Tribunal qu'il était prêt à présenter une demande de contrôle judiciaire et une demande de suspension en invoquant l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. La décision d'ajourner ne peut pas être séparée du motif de la décision.
[8] La Commission soutient que Canada 3000 n'a pas droit aux dépens sur la base avocat-client. Dans l'arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, à la page 17, la Cour suprême du Canada a dit que les dépens sur la base avocat-client :
[...] |
ne sont généralement accordés que s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties. |
[9] Telle est la norme que cette cour applique : Bland c. Commission de la capitale nationale, [1993] 1 C.F. 541 (C.A.), Amway Corp. c. La Reine, [1986] 2 C.T.C. 339 (C.A.F.).
[10] L'avocat de Canada 3000 soutient que cette norme a été satisfaite parce que : (1) l'avocat de la Commission a fait savoir au Tribunal, le 29 avril 1999, qu'on lui avait expressément demandé de présenter immédiatement une demande de contrôle judiciaire et qu'il ne l'a pas fait; (2) l'avocat de la Commission a allégué que le Tribunal s'était montré partial afin d'obtenir un ajournement alors qu'il ne disposait d'aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation; (3) l'avocat de la Commission n'avait pas pris de mesures en vue de faire entendre la demande de suspension à bref délai.
[11] Les deux premiers points laissent entendre qu'il y a délibérément eu tromperie de la part de l'avocat de la Commission dans le cadre des procédures engagées devant le Tribunal. Les éléments dont je dispose ne démontrent pas qu'il y a délibérément eu tromperie. Quant au premier point, je ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de ce qui s'est passé entre la Commission et son avocat. Quant au deuxième point, je ne puis blâmer l'avocat de la Commission pour avoir fait ces remarques. Il se peut bien qu'il se reportait à la décision que le juge McGillis a rendue dans l'affaire Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone (19 décembre 1997), T-1257-97 (C.F. 1re inst.).
[12] Le troisième point laisse entendre que l'avocat de la Commission a fait preuve d'un certain manque de diligence, mais eu égard aux circonstances de l'espèce, cela ne justifie pas l'adjudication des dépens sur la base avocat-client.
[13] À mon avis, il convient en l'espèce d'accorder un montant beaucoup plus élevé que normalement, en tenant dûment compte des débours gaspillés. Les dépens, d'un montant de 10 000 $, sont adjugés à Canada 3000, la Commission devant les payer sans délai.
Karen R. Sharlow
_______________________________
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 11 juin 1999
Traduction certifiée conforme
L. Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-795-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : La Commission canadienne des droits de la personne |
c. Lignes Aériennes Canada 3000 Limitée et Balbir Singh Nijjar |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 mai 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SHARLOW en date du 11 juin 1999
COMPARUTIONS :
René Duval pour la demanderesse |
Peter M. Jacobsen pour les Lignes Aériennes Canada 3000 Limitée, défenderesse |
Personne n'a comparu pour Balbir Singh Nijjar, défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Direction des services juridiques
Commission canadienne des droits
de la personne, Ottawa pour la demanderesse
Paterson, MacDougall
Toronto (Ontario) pour les Lignes Aériennes Canada 3000 Limitée, défenderesse |
Aucun avocat inscrit pour Balbir Singh Nijjar, défendeur