Date : 20021126
Dossier : IMM-5850-01
Référence neutre : 2002 CFPI 2004
Entre :
DIALLO Houssainatou
Partie demanderesse
- et -
LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugiéde la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « CISR » ) rendue le 7 décembre 2001 statuant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, telle que définie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).
La demanderesse est citoyenne de la Guinée Conakry. Elle revendique le statut de réfugiée pour le motif d'appartenance à un groupe social particulier, soit le fait d'être une femme victime de mariage forcé.
La CISR a refusé de reconnaître à la demanderesse le statut de réfugiée, concluant qu'elle n'est pas crédible et qu'elle n'a pas présenté une preuve suffisante pour lui permettre de conclure qu'il existe une « crainte raisonnable » de persécution en cas de retour dans son pays. Elle donne les motifs suivants à l'appui :
- Le comportement de la demanderesse n'est pas compatible avec son récit. Dans ce récit, elle se définit comme une jeune femme déterminée et combative vu qu'elle a toujours réussi à imposer ses droits et à les faire respecter.
- Rentrée au Canada le 17 août 2000 après un bref séjour dans son pays, elle n'a revendiqué le statut de réfugiée que le 1er février 2001.
- Le tribunal ne croit pas aux explications fournies par la demanderesse pour le délai, soit qu'elle avait le droit d'être au Canada sous son visa d'étudiante, et qu'elle souffrait de symptômes dépressifs sévères.
- Lorsque la revendicatrice a été invitée à décrire monsieur Barry, elle a été très hésitante et très vague dans ses réponses. Elle a été incapable de donner des détails précis quant à cet homme.
La demanderesse soutient que, puisque la décision de la CISR est silencieuse sur le fait qu'elle a accepté de procéder devant un commissaire siégeant seul, la décision est présumée illégale, comme ayant été rendue sans juridiction, ce qui démontre une absence de compétence ou du moins une erreur de droit sujette à sanction. Je ne suis pas d'accord.
En effet, la Loi ne comporte aucune exigence àl'effet que la décision fasse spécifiquement mention de l'acceptation d'une personne d'être entendue par un commissaire plutôt que deux. Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :
69.1 (7) Le quorum de la section du statut lors d'une audience tenue dans le cadre du présent article est constitué de deux membres.
(8) Si l'intéressé y consent, son cas peut être jugé par un seul membre de la section du statut; le cas échéant, les dispositions de la présente partie relatives à la section s'appliquent à ce membre et la décision de celui-ci vaut décision de la section.
69.1 (7) Subject to subsection (8), two members constitute a quorum of the Refugee Division for the purposes of a hearing under this section.
(8) One member of the Refugee Division may hear and determine a claim under this section if the person making the claim consents thereto, and the provisions of this Part apply in respect of a member so acting as they apply in respect of the Refugee Division, and the disposition of the claim by the member shall be deemed to be the disposition of the Refugee Division.
En l'espèce, tel qu'il appert de la transcription de l'audience devant la commissaire, la demanderesse a indiqué clairement son consentement àprocéder devant un seul commissaire, faisant ce choix de façon éclairée, sur les conseils de son avocat présent.
Par ailleurs, je suis d'accord avec l'argument de la demanderesse voulant que le tribunal a eu tort de fonder sa décision sur son manque de crédibilité.
En effet, les inférences de la CISR, à cet égard, sont essentiellement basées sur l'incompatibilité du récit de la demanderesse avec sa personnalité, son incapacitéà décrire monsieur Barry de façon satisfaisante et sur le délai de sa revendication du statut de réfugiée.
Or, je ne vois pas comment l'intelligence, l'instruction et la détermination de la demanderesse puissent ici miner son témoignage. De plus, la transcription révèle que non seulement les réponses de la demanderesse, au sujet de monsieur Barry, n'étaient pas vagues, mais qu'elles étaient plutôt précises. Enfin, les explications fournies par la demanderesse quant au délai à revendiquer sont bien basées sur la preuve et m'apparaissent tout à fait raisonnables : elle avait le droit d'être au Canada sous son visa d'étudiante et, tel qu'il appert de la lettre de son médecin, elle souffrait de symptômes dépressifs sévères. Il est vrai que le retard à revendiquer peut constituer une considération pertinente, mais il n'est pas en soi un facteur décisif dans la détermination de l'existence d'une crainte bien fondée de persécution, le tribunal se devant de tenir compte des explications offertes (voir Hue c. Canada (M.E.I.) (8 mars 1988), A-196-87, [1988] A.C.F. no 283 (C.A.) (QL)).
La conclusion de la CISR quant à la crédibilité m'apparaissant mal motivée, l'intervention de cette Cour est donc justifiée.
En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accordée et l'affaire, renvoyée devant la CISR différemment constituée pour nouvelles audition et considération.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 26 novembre 2002
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5850-01
INTITULÉ : DIALLO Houssainatou c. LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 22 octobre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : L'honorable juge Pinard
EN DATE DU : 26 novembre 2002
ONT COMPARU :
Me Jean-François Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Caroline Cloutier POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Jean-François Fiset, avocat POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)