Date : 20030825
Dossier : IMM-3360-02
Référence : 2003 CF 995
ENTRE :
MOHAMOUD SHEIKH MURSAL
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
INTRODUCTION
[1] Ces motifs sont prononcés à la suite de l'audition d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel (la Section d'appel) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté l'appel que le demandeur avait interjeté contre une mesure d'expulsion dont il était frappé. La mesure d'expulsion est datée du 4 décembre 2001. La décision de la Section d'appel est datée du 21 juin 2002. Le demandeur sollicite, à titre de réparation, un bref de certiorari annulant la décision de la Section d'appel.
LES FAITS
[2] Le demandeur est un citoyen somalien. Au mois de février 1991, il s'est enfui de la Somalie. Il est arrivé au Canada le 23 août 1991, après être passé par la Malaisie et par le Japon. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu au demandeur et à sa conjointe par une décision en date du 19 novembre 1993. Par la suite, le demandeur et sa conjointe ont sollicité le droit d'établissement au Canada.
[3] Le traitement de la demande d'établissement du demandeur a été suspendu au mois de février 1995 à la suite de la préparation du rapport visé à l'article 27 de la Loi sur l'immigration[1] (l'ancienne Loi). Dans le rapport, il était allégué que le demandeur appartenait à une catégorie de personnes non admissibles visées à l'alinéa 19(1)l) de l'ancienne Loi en ce sens qu'il était un haut fonctionnaire au service du régime de Siad Barre en Somalie, régime qui se livrait à des violations graves et répétées des droits de la personne.
[4] Les passages pertinents du paragraphe 19(1) et le paragraphe 19(1.1) de l'ancienne Loi sont ainsi libellés :
19.(1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible [...] |
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19.(1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes: ... |
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(l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l'humanité, au sens du paragraphe 7(3.76) du Code criminel, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. |
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(l) persons who are or were senior members of or senior officials in the service of a government that is or was, in the opinion of the Minister, engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations or war crimes or crimes against humanity within the meaning of subsection 7(3.76) of the Criminal Code, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest. |
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(1.1) Les personnes visées par l'alinéa (1)l) sont celles qui, du fait de leur présentes ou anciennes fonctions, sont ou étaient en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par leur gouvernement, notamment : |
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(1.1) For the purpose of paragraph (1)(l), "senior members of or senior officials in the service of a government" means persons who, by virtue of the position they hold or have held, are or were able to exert a significant influence on the exercise of government power and, without limiting its generality, includes |
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a) le chef d'état ou le chef du gouvernement; |
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(a) heads of state or government; |
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b) les membres du cabinet ou du conseil exécutif; |
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(b) members of the cabinet or governing council; |
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c) les principaux conseillers des personnes visées aux alinéas a) and b); |
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(c) senior advisors to persons described in paragraph (a) or (b); |
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d) les hauts fonctionnaires; |
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(d) senior members of the public service; |
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e) les responsables des forces armées, des services de renseignement ou de la sécurité intérieure; |
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(e) senior members of the military and of the intelligence and internal security apparatus; |
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f) les ambassadeurs et les membres du service diplomatique de haut rang; |
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(f) ambassadors and senior diplomatic officials; and |
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g) les juges. [je souligne] |
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(g) members of the judiciary. [emphasis added] |
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[5] En Somalie, le demandeur avait été fonctionnaire pendant environ vingt-trois (23) ans. Le poste le plus élevé qu'il avait occupé dans la fonction publique somalienne était celui de sous-ministre des Postes et des Télécommunications, poste qu'il a occupé du mois de février 1980 au mois de juin 1984, ainsi que celui de sous-ministre des Ressources minérales et des Ressources en eau, poste qu'il a occupé du mois de juin 1984 au mois de mars 1988. Le demandeur a également été député à l'assemblée nationale somalienne du mois de février 1980 au mois d'octobre 1990. Du mois de mars 1988 au mois d'octobre 1990, il était président du Comité des services sociaux de l'Assemblée nationale.
[6] À la suite d'une audience, le demandeur a fait l'objet d'une mesure d'expulsion.
[7] Le demandeur a interjeté appel devant la Section d'appel contre la mesure d'expulsion dont il avait fait l'objet. Par une ordonnance en date du 30 janvier 1997, la mesure d'expulsion a été annulée et il a été ordonné au défendeur d'examiner le cas du demandeur en tant que personne demandant à être admise à un point d'entrée.
[8] L'avocat du demandeur a présenté au défendeur des arguments en vue d'obtenir une dispense de l'application de l'alinéa 19(1)l) de l'ancienne Loi pour le motif que l'admission de son client au Canada [TRADUCTION] « [...] ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national » .
[9] Dans une décision en date du 29 mars 2000, le défendeur a rejeté les arguments selon lesquels l'admission du demandeur au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. Une deuxième enquête a donc été menée devant un arbitre le 4 décembre 2001. Devant cet arbitre, le demandeur a admis avoir occupé, pendant les périodes susmentionnées, les postes de sous-ministre dont il a ci-dessus été fait mention. Encore une fois, l'arbitre a conclu que le demandeur était une personne visée à l'alinéa 19(1)l) de l'ancienne Loi et, en l'espèce, une personne qui n'avait pas réussi à convaincre le défendeur que son admission au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. Une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur.
[10] Le demandeur a interjeté appel devant la Section d'appel contre la deuxième mesure d'expulsion dont il avait fait l'objet. Dans une décision en date du 21 juin 2002, la Section d'appel a rejeté le deuxième appel du demandeur en statuant que la prise de la mesure d'expulsion ne mettrait pas en cause, entre autres choses, l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[2] (la Charte), qui est ainsi libellé :
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. |
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7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice. |
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[11] Le demandeur avait allégué devant la Section d'appel que la prise de la mesure d'expulsion dont il avait fait l'objet mettait en danger [TRADUCTION] « sa vie, sa liberté et la sécurité de sa personne » en Somalie et qu'il était privé de ce droit d'une façon non conforme aux principes de justice fondamentale.
[12] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour est saisie de cette deuxième décision que la Section d'appel a rendue à l'égard du demandeur.
POINTS LITIGIEUX
[13] Dans l'exposé des points d'argument qu'il a déposé, l'avocat du demandeur décrit succinctement comme suit les questions qui sont ici en litige :
[TRADUCTION] En décidant que l'application de l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration ne violait pas les droits reconnus au demandeur par l'article 7 de la Charte :
1. Le membre de la Section d'appel a-t-il commis une erreur en concluant que les droits reconnus au demandeur à l'article 7 de la Charte n'étaient pas en cause?
2. Le membre a-t-il commis une erreur en concluant que l'application de l'alinéa 19(1)l) était conforme aux principes de justice fondamentale?
[14] Lorsqu'elle a entendu la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour a noté qu'aucun avis de question constitutionnelle n'avait été signifié aux procureurs généraux conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale[3]; elle se demandait si l'applicabilité ou l'effet de l'ancienne Loi sur le plan constitutionnel était en cause. La Cour se demandait également si les documents mis à sa disposition indiquaient clairement que la Section d'appel avait commis une erreur en concluant que les droits reconnus au demandeur à l'article 7 de la Charte n'étaient pas en cause. L'audience a donc été ajournée; elle a repris le 8 août 2003, à la suite de la signification d'un avis de question constitutionnelle et du dépôt de documents supplémentaires.
ANALYSE
[15] Je suis convaincu que la Section d'appel n'a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que la procédure qui a abouti à la prise de la deuxième mesure d'expulsion et la prise de cette mesure ne mettaient pas en cause les droits reconnus au demandeur à l'article 7 de la Charte. Je suis également convaincu que la conclusion susmentionnée est pleinement déterminante dans cette demande de contrôle judiciaire.
[16] Les remarques ci-après énoncées figurent dans les motifs de la décision ici en cause que la Section d'appel a prononcés :
L'appelant fait valoir que, en tant que réfugié au sens de la Convention, son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne est mis en péril par la mesure de renvoi en vertu de l'alinéa 19(1)l). Son renvoi le priverait de ses droits décrits à l'article 7. Par conséquent, son retrait du Canada doit être en conformité avec les principes de justice fondamentale. L'appelant fait valoir que l'alinéa 19(1)l) va à l'encontre des principes de justice fondamentale, parce que les personnes décrites à cet alinéa n'ont pas la possibilité de réfuter la présomption qu'elles sont ou ont été capables d'exercer une influence importante sur l'exercice du pouvoir gouvernemental. Le tribunal estime que l'appelant n'a pas été privé de ses droits en vertu de l'article 7 et que l'alinéa 19(1)l) respecte les principes de justice fondamentale. Le tribunal s'appuie sur le raisonnement du tribunal de la Section d'appel dans l'affaire Shirdon. Dans la cause Shirdon, l'appelant était un réfugié au sens de la Convention qui s'est révélé être une personne décrite à l'alinéa 19(1)l). Il était ambassadeur au sein du gouvernement de Siad Barre. Dans la présente cause, à l'instar de l'affaire Shirdon, la ministre est tenue, en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi sur l'immigration, de ne pas renvoyer l'appelant dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées. La ministre n'a pris aucune mesure contre l'appelant en ce qui a trait au paragraphe 53(1) de la Loi. Dans l'affaire Suresh, la Cour suprême a fourni des lignes directrices quant aux procédures qu'elle considère acceptables sur le plan constitutionnel, lorsque la ministre exerce son pouvoir en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi. La ministre est tenue d'agir en conséquence. Il est donc prématuré d'affirmer que les droits de l'appelant en vertu de l'article 7 ne sont pas respectés.
[renvois omis, non souligné dans l'original]
[17] Le paragraphe 53(1) de l'ancienne Loi est ainsi libellé :
53.(1) Par dérogation aux paragraphes 52(2) et (3), la personne à qui le statut de réfugié au sens de la convention a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements, ou dont la revendication a été jugée irrecevable en application de l'alinéa 46.01(1)(a), ne peut être renvoyée dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, sauf si, selon le cas : |
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53.(1) Notwithstanding subsection 52(2) and (3), no person who is determined under this Act or the regulations to be a Convention refugee, nor any person who has been determined to be not eligible to have a claim to be a Convention refugee determined by the Refugee Division on the basis that the person is a person described in paragraph 46.01(1)(a), shall be removed from Canada to a country where the person's life or freedom would be threatened for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion unless |
a) elle appartient à l'une de catégories non admissibles visées à l'alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)(c.1)(i) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada; |
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(a) the person is a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c) or subparagraph 19(1)(c.1)(i) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada; |
b) elle appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)(e), f), g), j), k) ou l) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour la sécurité du Canada; |
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(b) the person is a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(e), (f), (g), (j), or (l) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the security of Canada; or |
c) elle relève du cas visé au sous-alinéa 27(1)a.1(i) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada; |
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(c) the person is a person described in subparagraph 27(1)(a.1)(i) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada; or |
d) elle relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada. |
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(d) the person is a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed and the Minister of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada. |
[18] À ce stade, il est loin d'être certain que la mesure d'expulsion dont le demandeur est frappé et le rejet de l'appel interjeté contre la prise de cette mesure d'expulsion auront inévitablement pour effet d'entraîner l'expulsion du demandeur en Somalie, soit un pays à l'égard duquel il a été conclu, en vertu de l'ancienne Loi et de son règlement d'application, qu'il était un réfugié au sens de la Convention et un pays où, allègue-t-il, sa vie ou sa liberté serait menacée pour les motifs énumérés au début du paragraphe 53(1) de l'ancienne Loi.
[19] Les paragraphes 115(1) et (2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[4] (la nouvelle Loi) sont quelque peu semblables au paragraphe 53(1) de l'ancienne Loi. Ces dispositions sont ainsi libellées :
115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée. |
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115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment. |
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'interdit de territoire : a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;
b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada. |
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(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person (a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or |
[20] Étant donné qu'il a été reconnu au Canada que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention venant de la Somalie, en vertu des dispositions précitées, le demandeur ne peut pas être renvoyé en Somalie à moins que le défendeur ne soit d'avis qu'il ne devrait pas être autorisé à rester au Canada en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada. Or, aucun avis de ce genre n'a encore été délivré. Je suis convaincu que, si le défendeur exprimait pareil avis, cette décision pourrait faire l'objet d'un contrôle judiciaire[5].
[21] Dans la décision Jekula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[6], Monsieur le juge Evans, alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale, examinait une conclusion d'irrecevabilité en vertu de l'alinéa 46.01(1)a) de l'ancienne Loi, lequel, comme j'en suis convaincu, a le même effet que la mesure d'expulsion qui a été prise à l'encontre du demandeur; le juge a fait les remarques suivantes aux paragraphes [31] à [33] :
Il se trouve cependant que dans ce contexte, les principes de justice fondamentale n'entrent en jeu que si l'action adminitrative porte atteinte au droit de la demanderesse à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il s'agit donc de savoir si une décision rendue en application de l'alinéa 46.01(1)a) a cet effet. Je ne le pense pas. En premier lieu, s'il est vrai qu'un verdict d'irrecevabilité dénie à la demanderesse l'exercice d'un droit important, ce droit n'est pas compris dans "le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne"; Berrahma c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [...]; Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [...]
En second lieu, il peut y avoir atteinte aux droits protégés par l'article 7 si le gouvernement renvoie une non-citoyenne dans un pays où elle craint d'être probablement violentée ou emprisonnée. Cependant, la conclusion que la revendication n'est pas recevable n'est qu'une étape dans le processus administratif qui pourrait aboutir au renvoi hors du Canada. L'étape suivante, c'est-à-dire la procédure d'appréhension du risque, à laquelle la demanderesse aura droit en application de l'article 53 avant qu'elle ne soit renvoyée, se prête au contrôle au regard des garanties constitutionnelles afin de garantir l'observation des principes de justice fondamentale, bien que cette procédure ne soit prévue ni dans la Loi ni dans les règlements pris pour son application : Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [...] De surcroît, tout en jugeant que la Loi sur l'immigration n'allait pas à l'encontre de l'article 7 en limitant la recevabilité, le juge Marceau, J.C.A., a encore fait observer ce qui suit dans Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [...]
Je serais toutefois d'avis que le ministre violerait carrément la Charte s'il prétendait exécuter une mesure d'expulsion en forçant l'intéressé à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut être mis à mort. Il me semble que ce serait [...] à tout le moins, commettre un outrage aux normes publiques de la décence en violation des principes de justice fondamentale visés à l'article 7 de la Charte.
Pour récapituler, les droits garantis par l'article 7 n'entrent pas en jeu à l'étape de la décision sur la recevabilité et de la mesure d'exclusion. Cependant, la demanderesse ne peut être légalement renvoyée hors du Canada sans une appréciation des risques auxquels elle peut s'exposer une fois de retour en Sierra Leone. Et les modalités de cette appréciation doivent être conformes aux principes de justice fondamentale.
[renvois omis.]
[22] Je suis convaincu que l'analyse qui précède s'applique aux faits de la présente espèce.
[23] En outre, il est toujours loisible au demandeur de solliciter le droit d'établissement depuis le Canada pour des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la nouvelle Loi. Encore une fois, si le demandeur n'avait pas gain de cause, le rejet de la demande pourrait donner lieu à un contrôle judiciaire.
[24] Enfin, il est loin d'être certain que, si la mesure d'expulsion dont le demandeur fait actuellement l'objet était mise à exécution, le demandeur serait renvoyé en Somalie ou dans un autre pays à partir duquel il serait inévitablement renvoyé en Somalie. Or, les articles 238, 239 et 241 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés[7] sont ainsi libellés :
238. (1) L'étranger qui souhaite se conformer volontairement à la mesure de renvoi doit comparaître devant l'agent afin que celui-ci vérifie : |
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238. (1) A foreign national who wants to voluntarily comply with a removal order must appear before an officer who shall determine if |
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a) s'il a les ressources suffisantes pour quitter le Canada à destination d'un pays où il sera autorisé à entrer; |
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(a) the foreign national has sufficient means to effect their departure to a country that they will be authorized to enter; and |
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b) s'il a l'intention de se conformer aux exigences prévues aux alinéas 240(1)a) à c) et s'il sera en mesure de le faire. |
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(b) the foreign national intends to voluntarily comply with the requirements set out in paragraphs 240(1)(a) to (c) and will be able to act on that intention. |
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(2) L'étranger doit ensuite soumettre à l'approbation de l'agent le pays de destination qu'il a choisi; l'approbation n'est refusée que dans les cas suivants : a) l'étranger constitue un danger pour le public; b) il est un fugitif recherché par la justice au Canada ou dans un autre pays; c) il cherche à échapper à des contraintes juridiques au Canada ou dans un autre pays. |
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(2) Following the appearance referred to in subsection (1), the foreign national must submit their choice of destination to the officer who shall approve the choice unless the foreign national is (a) a danger to the public; (b) a fugitive from justice in Canada or another country; or (c) seeking to evade or frustrate the cause of justice in Canada or another country. |
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239. Si l'étranger ne se conforme pas volontairement à la mesure de renvoi, si une décision défavorable est rendue aux termes du paragraphe 238(1) ou si son pays de destination n'est pas approuvé aux termes du paragraphe 238(2), le ministre exécute la mesure de renvoi. [...] |
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239. If a foreign national does not voluntarily comply with a removal order, a negative determination is made under subsection 238(1) or the foreign national's choice of destination is not approved under subsection 238(2), the removal order shall be enforced by the Minister.
... |
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241. (1) En cas d'exécution forcée, l'étranger est renvoyé vers l'un des pays suivants :
a) celui d'où il est arrivé; b) celui où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada; c) celui dont il est le citoyen ou le national;
d) son pays natal. |
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241. (1) If a removal order is enforced under section 239, the foreign national shall be removed to (a) the country from which they came to Canada; (b) the country in which they last permanently resided before coming to Canada; (c) a country of which they are a national or citizen; or (d) the country of their birth.
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(2) Si aucun de ces pays ne veut recevoir l'étranger, le ministre choisit tout autre pays disposé à le recevoir dans un délai raisonnable et l'y renvoie. |
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(2) If none of the countries referred to in subsection (1) is willing to authorize the foreign national to enter, the Minister shall select any country that will authorize entry within a reasonable time and shall remove the foreign national to that country. |
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(3) Malgré l'article 238 et le paragraphe (1), si l'étranger fait l'objet d'une mesure de renvoi du fait qu'il est interdit de territoire au titre de l'alinéa 35(1)a) de la Loi, le ministre le renvoie vers le pays qu'il détermine et qui est disposé à le recevoir. |
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(3) Despite section 238 and subsection (1), the Minister shall remove a person who is subject to a removal order on the grounds of inadmissibility referred to in paragraph 35(1)(a) of the Act to a country that the Minister determines will authorize the person to enter. |
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[25] Le demandeur lui-même ainsi que le défendeur ont donc une certaine latitude lorsqu'il s'agit de déterminer, aux fins du renvoi, un pays de destination autre que la Somalie ou un autre pays qui ne constituerait qu'un point de passage à destination de la Somalie.
[26] Comme il en a ci-dessus été fait mention, en arrivant au Canada depuis la Somalie, le demandeur est passé par la Malaisie et par le Japon. La preuve dont dispose la Cour ne permet pas de conclure que l'un ou l'autre de ces pays servirait d'asile sûr au demandeur. Ceci dit, la preuve n'indique pas non plus qu'aucun de ces deux pays n'accepterait le demandeur et elle n'indique pas qu'il n'existe aucun autre pays de destination sûr et sans danger.
CONCLUSION
[27] Compte tenu de l'analyse qui précède, je conclus que la Section d'appel n'a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant qu'il aurait été prématuré d'effectuer une analyse complète de la question de savoir s'il a été porté atteinte aux droits reconnus au demandeur à l'article 7 de la Charte du simple fait qu'une mesure d'expulsion a été prise contre lui.
[28] La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.
CERTIFICATION D'UNE QUESTION
[29] Ces motifs seront prononcés sans qu'une ordonnance les accompagne. L'avocat du demandeur disposera d'un délai de sept (7) jours à compter de la date de ces motifs pour signifier et déposer des arguments au sujet d'une question grave de portée générale dont le demandeur voudrait proposer la certification. Par la suite, l'avocate du défendeur disposera d'un délai de sept (7) jours pour signifier et déposer des arguments en réponse et l'avocat du demandeur disposera d'un autre délai de trois (3) jours pour signifier et déposer des arguments en réplique. Une ordonnance sera ensuite rendue.
« Frederick E. Gibson »
Juge
Ottawa (Ontario)
le 25 août 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3360-02
INTITULÉ : Mohamoud Sheikh Mursal
c.
le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 8 août 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Gibson
DATE DES MOTIFS : le 25 août 2003
COMPARUTIONS :
M. Michael Bossin POUR LE DEMANDEUR
Mme Lynn Marchildon POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Services juridiques communautaires POUR LE DEMANDEUR
Ottawa (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
[1] L.R.C. (1985), ch. I-2.
[2] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (L.R.C. (1985), appendice II, no 44), annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.
[3] L.R.C. (1985), ch. F-7.
[4] L.C. 2001, ch. 27.
[5] La position énoncée dans ce paragraphe a été prise pour le compte du défendeur et n'a pas été vraiment contestée par le demandeur. Toutefois, depuis la fin de l'audience, la Cour y a apporté certaines réserves. Son bien-fondé est convaincant, mais selon le paragraphe 95(2) de la nouvelle Loi, est appelée personne protégée la personne à qui l'asile est conféré en vertu du paragraphe 95(1) de la nouvelle Loi et dont la demande n'est pas ensuite réputée rejetée au titre de certaines autres dispositions de la nouvelle Loi. Or, le demandeur n'est pas une personne à qui l'asile a été conféré en vertu de la nouvelle Loi, mais il est plutôt un réfugié au sens de l'ancienne Loi. De plus, la preuve dont dispose la Cour n'établit pas qu'en Somalie, il serait reconnu à titre de réfugié au sens de la Convention. Par conséquent, le paragraphe 115(1) de la nouvelle Loi ne peut pas protéger le demandeur contre son renvoi en Somalie. Étant donné que l'application du paragraphe 115(1) au demandeur n'est pas en soi déterminante, la Cour n'a pas cherché à rouvrir l'audience pour examiner cette question.
[6] [1999] 1 C.F. 266 (C.F. 1re inst.), confirmé, [2000] A.C.F. no 1956 (C.A.).
[7] DORS/2002-227.