Date : 20031210
Dossier : T-1782-02
Référence : 2003 CF 1423
Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
GREGORY SEAN MESSNER
demandeur
et
PACIFIC SPIRIT AIR LTD.
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Gregory Messner a travaillé comme pilote chez Pacific Spirit Air Ltd. en 1999 et 2000. À la fin de son emploi, il a déposé une plainte contre Pacific Spirit en rapport avec des heures supplémentaires impayées et d'autres avantages qui, selon lui, lui étaient dus, et ainsi de suite. Il a eu gain de cause quant aux autres avantages mais pas quant aux heures supplémentaires. Il a interjeté appel en vertu de l'article 251.11 de la partie III du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, mais un inspecteur du travail a refusé cet appel. L'inspecteur a examiné la preuve relative aux heures travaillées par M. Messner et a conclu qu'il n'avait pas travaillé plus d'heures que le nombre normal d'heures de travail prévu dans le Code canadien du travail. M. Messner a interjeté appel une fois de plus.
[2] M. John Thorne, un arbitre en droit du travail, a examiné l'affaire de nouveau. Il a examiné la preuve qui lui a été soumise par les deux parties. Il a lui aussi conclu que la demande de rémunération des heures supplémentaires de M. Messner n'était pas fondée. M. Messner prétend que les conclusions de l'arbitre ne cadraient pas avec la preuve et qu'elles résultaient d'une vision entachée de partialité. Il m'a demandé d'annuler la décision de M. Thorne et d'ordonner qu'un autre arbitre réexamine la preuve.
[3] M. Messner a fait valoir ses arguments d'une manière habile. Toutefois, après avoir examiné ses arguments ainsi que la preuve, j'estime que l'arbitre n'a commis aucune erreur. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.
[4] Dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, le rôle de la Cour est limité - plus limité, en fait, que dans le cadre d'un appel. Quant aux questions de fait, la Cour n'annulera une décision que si le demandeur démontre qu'elle souffre de graves lacunes. Un demandeur a le fardeau de prouver qu'une erreur de cette importance a été commise pour que la Cour intervienne. Je n'ai constaté aucune erreur de cette importance dans la décision de l'arbitre.
Les questions en litige
[5] M. Messner a prétendu que la décision de l'arbitre était manifestement déraisonnable, compte tenu que celui-ci s'est appuyé sur des conclusions de fait erronées et qu'il n'a pas tenu compte de la preuve. Il a également soutenu que l'arbitre avait fait preuve de partialité.
1. L'arbitre a-t-il omis de fonder sa décision sur la preuve?
[6] L'arbitre a tenu compte des notes dans lesquelles M. Messner consignait par écrit ses heures de travail, de son journal de bord, d'une « feuille de temps de service de vol » créée sur l'ordinateur de Pacific Spirit, et d'un contrat d'emploi, conclu entre les parties, dans lequel il était mentionné que le salaire de M. Messner comprenait les « heures supplémentaires » .
[7] L'arbitre a écarté la preuve présentée par M. Messner. Par exemple, il a estimé qu'il y avait de nombreuses divergences entre ses notes manuscrites et la « feuille de temps de service de vol » . L'inspecteur avait conclu précédemment que les notes de M. Messner n'étaient pas fiables. L'arbitre a également conclu que la « feuille de temps de service de vol » avait probablement était créée avec des renseignements fournis par M. Messner lui-même et était d'une fiabilité douteuse. De plus, il a conclu que le nombre total d'heures que M. Messner prétendait avoir travaillé était disproportionné par rapport au nombre d'heures qu'il avait réellement passées en vol; ce nombre était 3,5 fois plus élevé que le nombre d'heures réellement passées en vol.
[8] M. Messner prétend que l'arbitre n'a pas compris que ses notes manuscrites comprenaient le nombre total d'heures travaillées, alors que la « feuille de temps de service de vol » ne comprenait que le nombre d'heures écoulées entre le moment où il se présentait pour un vol et la fin du vol : paragraphe 101.01(1) Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433, sous-partie I. La « feuille de temps de service de vol » , selon lui, ne tenait pas compte des autres tâches connexes qui n'étaient pas liées à des vols spécifiques. De plus, il a prétendu que, certains jours, selon le propre dossier de vol de Pacific Air, il avait travaillé plus de 8 heures.
[9] Quant à elle, Pacific Spirit a soutenu ce qui suit : M. Messner bénéficiait de beaucoup de temps libre entre les vols, lequel ne pouvait être comptabilisé dans les heures de travail, qu'il était rémunéré séparément pour son travail de chef pilote et pour son travail d'entretien (aucune de ces tâches n'étaient particulièrement exigeante), que son salaire et ses avantages tenaient déjà compte du fait qu'il pouvait travailler plus de 8 heures durant les mois occupés.
[10] Sur la foi de son témoignage, l'arbitre a conclu que le salaire de M. Messner était proportionné à son travail de pilote et qu'il recevait un montant supplémentaire pour les autres tâches qu'il effectuait. Il n'a pas été convaincu que la preuve étayait la prétention de M. Messner selon laquelle il était habituellement occupé à effectuer d'autre tâches lorsqu'il ne pilotait pas. Par conséquent, il a conclu que M. Messner n'avait pas étayé sa prétention selon laquelle il avait travaillé des heures supplémentaires.
[11] Manifestement, M. Messner conteste les conclusions de l'arbitre. Toutefois, je ne constate aucune erreur ou omission dans l'analyse que l'arbitre a faite de la preuve. Je dois rejeter cet aspect de la demande de M. Messner.
2. L'arbitre a-t-il fait preuve de partialité?
[12] Dans ses motifs, l'arbitre a critiqué M. Messner. Il a affirmé que l'on [traduction] « ne peut, quelque soit le point de vue moral ou éthique que l'on adopte, qualifier d'acceptable ce que l'appelant a fait » . Il faisait allusion au fait que, malgré que le contrat conclu entre M. Messner et Pacific Spirit prévoyait expressément que le salaire de M. Messner comprenait les heures supplémentaires, celui-ci avait quand même réclamé des heures supplémentaires. L'arbitre a affirmé qu' [traduction] « un marché est un marché » .
[13] Ces commentaires figuraient à la fin de la décision de l'arbitre, après l'examen approfondi qu'il avait fait de la preuve. Ils faisaient suite à son rejet de l'argument de Pacific Spirit selon lequel elle n'était pas soumise au Code canadien du travail (une conclusion qui n'a pas été contestée devant la Cour). Dans l'ensemble, j'estime que les motifs de l'arbitre sont pondérés et convaincants. Bien que je ne souscrive pas nécessairement à ses derniers commentaires, je ne peux conclure qu'ils étaient entachés de partialité contre M. Messner.
[14] Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens en faveur de la défenderesse.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B., trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1782-02
INTITULÉ : GREGORY SEAN MESSNER
c.
PACIFIC SPIRIT AIR LTD.
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 NOVEMBRE 2003
MOTIFS DU JUGEMENT LE JUGE O'REILLY
ET JUGEMENT :
DATE DES MOTIFS : LE 10 DÉCEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Gregory Sean Messner POUR LE DEMANDEUR
Mark W. Sager POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gregory Sean Messner POUR LE DEMANDEUR
100 Mile House (C.-B.)
V0K 2E0
Sager Anderson
Avocats
235, 15e rue, bureau 300 POUR LA DÉFENDERESSE
Vancouver-Ouest (C.-B.)
V7T 2X1