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Date : 20040820

Dossier : T-1856-02

Référence : 2004 CF 1159

ENTRE :

                                                             DAVID F. J. YATES

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE REGISTRAIRE DU TRIBUNAL

                   D'APPEL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision numéro 100000432738 prise par le Tribunal d'appel des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) datée du 9 octobre 2000 (la décision). Cette décision découlait d'une nouvelle audition qui avait été tenue à la suite de la décision de ma collègue, madame la juge Hansen, qui faisait droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l'égard d'une décision antérieure du Tribunal qui accordait au demandeur une évaluation nulle.

[2]                Le demandeur (qui se représente lui-même) souffre d'une légère rétinopathie diabétique, bilatérale et non proliférative. Il est diabétique insulino-dépendant et l'insuline qu'il doit prendre est à l'origine de l'hémorragie des vaisseaux sanguins de la rétine dans ses deux yeux. Cette maladie a entraîné une perte de vision périphérique et de perception de la profondeur.

[3]                Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, énonce que « [l]es estimations du degré d'invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu'il établit pour aider quiconque les effectue » .

[4]                Le Tribunal s'est fondé sur la Table des invalidités du ministère des Anciens combattants du Canada (la Table). Cette table comprend trois parties. Sa table des matières indique que la partie I (chapitres 1 à 7) traite des politiques et renseignements d'ordre administratif. La partie II est intitulée Table des invalidités et comprend les chapitres 8 à 23. Chaque chapitre de la partie II traite d'invalidités associées à différentes parties du corps. Le chapitre pertinent est le chapitre 8 intitulé Yeux et acuité visuelle (chapitre 8). La partie III de la Table est intitulée Directives médicales et la table des matières indique qu'elle contient un index séparé. Elle ne faisait pas partie du dossier du Tribunal. La seule partie de la partie III que le Tribunal a pris en considération est un document de six pages intitulé Directives médicales -- Prisonniers de guerre des Japonais (le rapport sur les prisonniers de guerre).


LA DÉCISION

[5]                Le Tribunal a fait référence au chapitre 8 et au rapport sur les prisonniers de guerre. Le chapitre 8 n'énumère pas la rétinopathie diabétique parmi les types d'invalidités et c'est pour cette raison que le Tribunal a mentionné que le chapitre 8 était d'une « utilité limitée » . Le Tribunal a toutefois conclu que les symptômes dont souffrait actuellement le demandeur ne constituaient pas [traduction] « une situation aussi grave qu'un scotome central » pour lequel une évaluation de 15 p. 100 est proposée mais qu'ils pouvaient être reliés à une hémianopsie du quadrant supérieur avec une évaluation proposée de 5 p. 100.

[6]                Malheureusement, le Tribunal n'a pas expliqué pourquoi le scotome central était plus grave que la maladie du demandeur ni pourquoi il avait conclu que l'hémianopsie du quadrant supérieur était reliée à l'invalidité du demandeur.

[7]                Pour ce qui est du rapport sur les prisonniers de guerre, qui décrit une série de possibilités y compris la diminution du champ visuel périphérique, le Tribunal a noté qu'une évaluation de 5 p. 100 était proposée.


[8]                Le Tribunal s'est fondé sur cette analyse assez laconique pour établir le niveau d'invalidité et pour justifier l'évaluation de 5 p. 100 attribuée au demandeur. Cependant le Tribunal a également déclaré qu'il [traduction] « ... tenait pour acquis que l'appelant serait vu par un ophtalmologue de façon régulière et qu'il aimerait obtenir les commentaires d'un tel spécialiste s'il était en mesure de montrer que la maladie à l'origine de la pension était assimilable à un scotome périphérique ou relatif ainsi qu'à une hémianopsie du quadrant supérieur » .

[9]                J'ai compris de ce passage que le Tribunal invitait le demandeur à demander un réexamen de la décision s'il obtenait une expertise indiquant que l'identification à laquelle il avait procédé entre des invalidités comparables comportait des lacunes. Après l'audience, l'avocat du Tribunal a confirmé qu'il est possible de réexaminer une décision et a fourni à la Cour et au demandeur un passage de la Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi) qui prévoit à son article 32 qu'un comité d'appel peut réexaminer une décision de son propre chef ou sur demande.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]            Le demandeur soulève les questions suivantes dans sa demande de contrôle judiciaire et il avance les arguments suivants :


1.          Le Tribunal a commis une erreur lorsqu'il s'est fondé sur le rapport sur les prisonniers de guerre parce qu'il s'agissait là d'une preuve nouvelle et que son utilisation était contraire à l'article 28 de la Loi. Le Tribunal s'est également fondé sur le rapport sur les prisonniers de guerre sans lui en donner avis et de toute façon, ce rapport n'est pas pertinent.

2.          Le Tribunal a commis une erreur lorsqu'il a conclu que le chapitre 8 était applicable à son cas.

3.          Le Tribunal a commis une erreur parce qu'il n'a pas tenu compte du fait que son invalidité touche plusieurs organes, étant donné qu'elle concerne ses deux yeux.

4.          Le Tribunal aurait dû effectuer son évaluation en se fondant sur le chapitre 15 et non sur le chapitre 8 de la Table.

ANALYSE

Question en litige 1


[11]            J'estime que le Tribunal n'a pas commis d'erreur lorsqu'il s'est basé sur le rapport sur les prisonniers de guerre. Le demandeur a été surpris que ce rapport ait été utilisé mais le rapport sur les prisonniers de guerre figure dans la partie III de la Table et le demandeur connaissait l'existence de la partie III puisqu'il avait la table des matières. Il aurait pu obtenir les documents se trouvant dans la partie III mais ne les a pas demandés parce qu'il n'a jamais pensé qu'ils pouvaient être pertinents. Cela est compréhensible mais le Tribunal n'a pas commis d'erreur en faisant référence à ce document sans informer le demandeur au préalable des parties de la Table qu'il utiliserait.

[12]            L'article 28 de la Loi n'est d'aucun secours pour le demandeur. Il est rédigé ainsi :


Comparution

28. (1) Sous réserve du paragraphe (2), l'appelant peut soit adresser une déclaration écrite au comité d'appel, soit comparaître devant celui-ci, mais à ses frais, en personne ou par l'intermédiaire de son représentant, pour y présenter des éléments de preuve et ses arguments oraux.

Written and oral submissions

28. (1) Subject to subsection (2), an appellant may make a written submission to the appeal panel or may appear before it, in person or by representative and at their own expense, to present evidence and oral arguments.

Éléments de preuve documentés

(2) Seuls des éléments de preuve documentés peuvent être soumis en vertu du paragraphe (1).

Documented evidence

(2) Only documented evidence may be submitted under subsection (1).


[13]            Le demandeur pensait que cet article voulait dire que ni le procureur général ni lui ne pouvaient présenter de nouvelles preuves en appel devant le Tribunal. Il pensait que le Tribunal avait contrevenu à cet article lorsqu'il a utilisé le rapport sur les prisonniers de guerre. J'estime cependant que cet article veut tout simplement dire que l'appelant peut présenter des observations orales ou écrites mais qu'il n'est pas possible de faire entendre des témoins - les preuves doivent être présentées sous forme de documents, comme des affidavits ou des rapports d'experts.

[14]            Enfin, le demandeur affirme que le rapport sur les prisonniers de guerre n'est pas pertinent. Comme je l'ai mentionné plus haut, je ne peux conclure d'après le dossier que le fait d'avoir eu recours au rapport des prisonniers de guerre était manifestement déraisonnable.


Question en litige 2

[15]            J'ai également conclu que la conclusion du Tribunal, selon laquelle les invalidités décrites au chapitre 8 n'étaient pas très utiles, n'était pas manifestement déraisonnable.

Question en litige 3

[16]            Les rapports médicaux du demandeur, dont celui-ci reconnaît qu'ils décrivaient avec précision son état de santé au moment où le Tribunal a examiné son appel, traitaient très clairement de ses deux yeux et l'évaluation à laquelle a procédé le Tribunal concernait les deux yeux. J'estime que les faits de l'espèce n'établissent pas qu'il était manifestement déraisonnable que le Tribunal n'ait pas évalué séparément chaque oeil comme le prévoit l'article 3.03 du chapitre 3 de la Table.

Question en litige 4

[17]            Le chapitre 15 de la Table traite du système endocrinien et de l'évaluation des diabétiques. Le demandeur soutient qu'il faut utiliser le chapitre 15 pour évaluer toutes les invalidités reliées au diabète. Il est toutefois clair que le chapitre 15 ne traite pas des invalidités touchant la vue.


CONCLUSION

[18]            La présente demande sera rejetée. Je ne peux dire que la décision du Tribunal soit manifestement déraisonnable parce qu'il a eu recours au chapitre 8 et au rapport sur les prisonniers de guerre pour en arriver à une évaluation de 5 p. 100. Le demandeur m'a affirmé que la recherche qu'il a effectuée après la décision et les avis de ses médecins me convaincraient que la décision du Tribunal était fondée sur des renseignements désuets concernant des invalidités non reliées entre elles. C'est peut-être vrai mais il n'est pas possible de présenter une nouvelle preuve de ce genre au cours d'une demande de contrôle judiciaire et je suggère au demandeur de les communiquer au Tribunal et de lui demander de réexaminer sa décision comme il a offert de le faire.

                                                                                                                          _ Sandra J. Simpson _             

                                                                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-1856-02

INTITULÉ :                                          DAVID F.J. YATES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE REGISTRAIRE DU TRIBUNAL D'APPEL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

LIEU DE L'AUDIENCE :                    CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 26 AOÛT 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:      LA JUGE SANDRA J. SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                         LE 20 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

David F.J. Yates                                                  POUR LE DEMANDEUR

Ron Nichwolodoff                                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David F.J. Yates                                                  DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

Morris Rosenberg                                                POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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