Date : 20030218
Dossier : IMM-1554-02
Référence neutre : 2003 CFPI 193
Toronto (Ontario), le mardi 18 février 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
demandeur
- et -
HARJIT SINGH MANN
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI), portant la date du 20 mars 2002, par laquelle la SAI a accueilli la demande de parrainage de résidence permanente au Canada de Narinder Kaur Mann, l'épouse du défendeur.
[2] En ce qui concerne la tentative du défendeur de parrainer son épouse, qui est une citoyenne de l'Inde, dans le cadre du programme de parrainage d'un parent, l'agent des visas en poste en Inde a conclu qu'elle ne répondait pas aux critères de parrainage d'un parent, puisque le défendeur et son épouse, en tant que cousins germains, se classaient dans la catégorie des degrés de parenté prohibés aux termes du Hindu Marriage Act, 1955. Ayant conclu que le mariage n'était pas permis en vertu de la loi indienne, il a été déclaré non valide pour les fins du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.
[3] Le défendeur en a appelé de cette décision à la SAI. La SAI a tiré la conclusion de fait qu'il existe dans la communauté à laquelle le défendeur appartient une coutume qui approuve les mariages entre cousins germains. Par conséquent, la SAI a conclu que le mariage était valide en vertu du Hindu Marriage Act, et, par conséquent, que le refus de l'agent des visas d'accorder la demande de résidence permanente n'était pas valide en droit. Le demandeur allègue que la conclusion que la coutume existe est une erreur de droit.
[4] Il est convenu que la SAI a bien formulé la question dont elle était saisie :
La question consiste à déterminer si la preuve déposée par l'appelant prouve l'existence d'une coutume, le régissant lui et la requérante, selon laquelle il est permis à des cousins germains de s'épouser. (Page 2 de la décision)
[5] Il est également convenu, en ce qui a trait à cette question de preuve, que la réponse a été fournie par le juge Pratte dans l'arrêt Canada (Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c.Taggar, [1989] 3 C.F. 576 (C.A.F.), dans lequel, au paragraphe 11, il dit :
Selon le droit indien [et selon notre droit], l'existence de coutumes doit être prouvée de manière irréfutable et le fardeau de la preuve incombe à ceux qui l'invoquent. [Renvois omis.] [Non souligné dans l'original.]
[6] En ce qui concerne la loi indienne mentionnée par le juge Pratte au paragraphe 5 de l'arrêt Taggar, il dit :
[L]e droit indien exige que quiconque invoque une coutume doit se munir de preuves claires et non équivoques puisqu'une telle coutume constitue une dérogation au droit commun. [Non souligné dans l'original.]
Ainsi, dans la présente affaire, la tâche de la SAI était de décider de la qualité de la preuve requise afin de prouver l'existence d'un fait essentiel, c'est à dire, l'existence d'une coutume. À mon avis, afin de bien appliquer la décision du juge Pratte dans l'affaire Taggar, la SAI devait conclure expressément que la preuve de l'existence d'une coutume était « claire » . À mon avis, la SAI avait également l'obligation de préciser les éléments de preuve au soutien de cette conclusion, si une telle conclusion était tirée.
[7] Cependant, dans la présente affaire, je suis d'avis que la SAI n'a pas correctement appliqué la loi en utilisant les mots suivants :
Le tribunal est d'accord avec les conclusions selon lesquelles, suivant la prépondérance des probabilités, il existe en Inde une coutume que l'appelant peut invoquer pour valider son mariage en vertu du droit indien. [Non souligné dans l'original.]
En définitive, en ce qui a trait à la question de preuve essentielle soumise à la SAI pour examen, je suis d'avis qu'une erreur susceptible de révision a été commise.
[8] Étant donné la longue période écoulée depuis que la présente affaire a été soumise à la SAI puis à la Cour pour examen, et puisque le dossier de la preuve soumis à la SAI n'a pas été étudié selon le critère juridique applicable établi plus haut, je suis d'avis que l'affaire doit être renvoyée pour réexamen avec des directives à l'intention du commissaire qui a statué sur la présente affaire.
ORDONNANCE
Par conséquent, la décision de la SAI est annulée et l'affaire est renvoyée au commissaire de la Section d'appel, R. Néron, pour réexamen avec les directives
suivantes :
1. Les motifs de la présente ordonnance seront appliqués à la preuve existante au dossier de la SAI;
2. L'admissibilité de la preuve existante au dossier et le poids qui doit lui être accordé seront réexaminés après présentation d'arguments additionnels;
3. Le demandeur et le défendeur pourront tous deux fournir d'autres éléments de preuve en ce qui a trait à la coutume sous étude dans la présente affaire;
4. Le demandeur et le défendeur seront libres de présenter d'autres arguments; et
5. Le commissaire R. Néron décidera de quelle procédure adopter pour l'exécution de la présente ordonnance et des directives. Quoi qu'il en soit, le réexamen doit être complété d'ici 90 jours.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1554-02
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
c. HARJIT SINGH MANN
DATE DE L'AUDIENCE : le mardi 18 février 2003
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE : le juge Campbell
DATE DES MOTIFS : le mardi 18 février 2003
COMPARUTIONS :
Jamie Todd POUR LE DEMANDEUR
Shoshana T. Green POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Shoshana T. Green POUR LE DÉFENDEUR
Green et Spiegel
390, rue Bay
Bureau 2800
Toronto (Ontario)
M5H 2Y2
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20030218
Dossier : IMM-1554-02
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
demandeur
-et-
HARJIT SINGH MANN
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE