Toronto (Ontario), le 10 mars 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
MIN HUA DONG
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande vise la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) rejetant la demande d'asile du demandeur qui prétend craindre avec raison d'être persécuté en Chine en tant que pratiquant du Falun Gong.
[2] Le rejet de la SPR est fondé sur trois conclusions de non-plausibilité énoncées dans la citation suivante de la décision :
Le demandeur d'asile a affirmé que maître Li avait déménagé à New York en 1995, ce qui est erroné. La bonne réponse est février 1997. On a demandé au demandeur d'asile quelle était la signification du 13 mars 2002. Le demandeur d'asile a répondu que c'était la date à laquelle les adeptes du Falun Gong s'étaient fait dire de ne pas mettre les pieds en République populaire de Chine, ce qui est erroné. Premièrement, le Falun Gong a été interdit en République populaire de Chine en juillet 1999. Deuxièmement, la bonne réponse est qu'il s'agit de la date à laquelle les membres du Bureau de la sécurité publique se sont fait dire qu'ils pouvaient tirer à vue sur les adeptes du Falun Gong. En bref, compte tenu des hésitations du demandeur d'asile lorsqu'il récitait les versets, de son incapacité à effectuer correctement l'un des exercices et d'un certain nombre d'erreurs dans ses réponses à des questions de base au sujet du Falun Gong, je conclus qu'il n'est pas et n'a jamais été un adepte du Falun Gong.
(Décision, page 3)
[3] La norme à laquelle la SPR doit satisfaire à l'égard des conclusions de non-plausibilité est énoncée dans Vodics c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1000, de la manière suivante :
¶ 10 En ce qui a trait aux conclusions défavorables sur la crédibilité en général et les conclusions d'invraisemblance en particulier, le juge Muldoon a énoncé, dans la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, la norme à appliquer :
6. Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.
7. Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le demandeur d'asile le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les demandeurs d'asile proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].
[Non souligné dans l'original.]
[4] Dans la présente affaire, je conclus que la SPR a satisfait à la norme applicable relativement aux questions de réciter les versets du Falun Gong et d'exécuter les exercices. Pour chacun de ces deux aspects examinés, la SPR indique dans sa décision que son haut niveau d'attente, c'est-à-dire la perfection, se justifie par le fait que le demandeur, en tant que pratiquant du Falun Gong, aurait récité les versets et exécuté les exercices des centaines de fois, et qu'il faut donc s'attendre à la perfection absolue. Cependant, je ne peux tirer la même conclusion en ce qui concerne l'incapacité du demandeur à satisfaire au très haut niveau d'attente relativement à sa connaissance des dates exactes.
[5] À mon avis, pour que ses conclusions concernant la question des dates soient valables, la SPR aurait dû indiquer expressément pourquoi elle s'attendait à ce que le demandeur connaisse parfaitement les dates et les évènements qui y correspondent. Il n'est fait nulle mention dans la décision du niveau d'études du demandeur ni de ses aptitudes intellectuelles. Il n'y est pas indiqué pourquoi les dates en question seraient connues de tous les membres du Falun Gong, ce qui est la norme appliquée au demandeur. Selon moi, si l'on applique le critère pour la non-plausibilité énoncé dans Valtchev, l'omission par la SPR d'indiquer clairement et précisément son niveau d'attente quant aux réponses du demandeur aux questions de dates constitue une erreur susceptible de contrôle. Puisque la question des dates est un élément fondamental motivant le rejet de la demande d'asile présentée par le demandeur, je conclus que la décision de la SPR est manifestement déraisonnable.
ORDONNANCE
En conséquence, j'annule la décision de la SPR et je renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.
Il n'y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Elisabeth Ross
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2792-05
INTITULÉ : MIN HUA DONG
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 MARS 2006
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 10 MARS 2006
COMPARUTIONS :
Shelley Levine POUR LE DEMANDEUR
Ladan Shahrooz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shelley Levine POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada