Date : 20020108
Dossier : IMM-2890-01
Référence neutre : 2002 CFPI 17
ENTRE :
AIME BAGAMBIKI
demandeur
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 19 février 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Il s'agit de déterminer si la Commission a violé les principes d'équité en ne fournissant pas les services d'un traducteur compétent à l'audience et si elle a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas été forcé de s'enrôler dans l'armée rwandaise en juillet 1999.
[3] Le demandeur soutient que la Commission a violé les principes d'équité en ne fournissant pas les services d'un traducteur compétent à l'audience et qu'il y a eu de nombreuses erreurs de traduction à l'égard de points sur lesquels la Commission a tiré des conclusions relatives à la crédibilité contre lui. Il s'est plaint de ne pas comprendre la traduction deux heures après le début de l'audience. La Commission a ajourné l'audience, a obtenu les services d'un nouveau traducteur pour le reste de l'audience et a déclaré qu'elle ferait effectuer une vérification relativement aux préoccupations du demandeur.
[4] Les deux parties conviennent que les principes de droit en la matière ont été énoncés dans l'arrêt Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 14 Imm. L.R. (3d) 130, [2001] 4 C.F. 85 (C.A.F.). Dans cette affaire, en première instance, le juge Pelletier avait certifié les questions suivantes en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration (la Loi) :
L'analyse de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Tran, précité, qui porte sur l'application de l'article 14 de la Charte dans des procédures de nature criminelle, s'applique-t-elle aux procédures devant la SSR, notamment :
1. L'interprétation fournie aux demandeurs doit-elle être continue, fidèle, compétente, impartiale et concomitante?
2. Les demandeurs doivent-ils démontrer qu'ils ont subi un préjudice réel suite à la violation de la norme d'interprétation pour que la Cour puisse intervenir face à la décision de la SSR?
3. Lorsqu'il est raisonnable de s'attendre à ce que le demandeur le fasse, comme c'est le cas lorsqu'il a de la difficulté à comprendre l'interprète, le demandeur doit-il présenter ses objections au sujet de la qualité de l'interprétation devant la SSR afin de pouvoir soulever la question de la qualité de l'interprétation comme motif justifiant le contrôle judiciaire?
La Cour d'appel a répondu par l'affirmative aux première et troisième questions et par la négative à la deuxième question. En l'espèce, le demandeur a respecté la condition de la troisième question car il a soulevé le point à l'audience à la première occasion opportune. La question qui se pose est toutefois de savoir si l'interprétation fournie au demandeur était fidèle et compétente. À mon avis, il ressort des faits de la présente affaire que l'interprétation n'était pas fidèle. Les erreurs n'étaient pas majeures mais il s'agissait d'erreurs de traduction susceptibles d'influencer les conclusions de la Commission relativement à la crédibilité. J'estime qu'une vérification de trois segments de cinq minutes sur deux heures d'interprétation ne suffit pas pour satisfaire à l'exigence d'interprétation fidèle et compétente lorsqu'il y a un affidavit d'un traducteur indiquant l'existence d'erreurs.
[5] La présente affaire n'est pas semblable à l'affaire Varaich c. Canada (MEI) (1994), 75 F.T.R. 143, où la décision de l'arbitre a été confirmée parce que celui-ci avait demandé directement au demandeur ce qu'il n'avait pas compris et avait assez longuement interrogé l'interprète sur ses qualifications avant de conclure que celui-ci était compétent et d'ordonner la poursuite de l'audience. Dans l'affaire dont je suis saisi, l'agent des visas n'a pas posé ce genre de questions au demandeur et, comme je l'ai dit auparavant, le demandeur lui a rapidement fait part de ses préoccupations. J'estime que si, à ce moment-là, il avait été question des différences entre la teneur des propos et l'interprétation, les conditions de l'arrêt Mohammadian, précité, auraient été respectées, mais il ne s'agit pas des faits dont je suis saisi aujourd'hui.
[6] En conséquence, le manque de fidélité et de compétence de la traduction constituait une atteinte à l'équité et l'affaire doit être renvoyée pour réexamen par une formation différente de la Commission. À la lumière de ma conclusion quant à la traduction, je ne traite pas de la conclusion relative à la question de savoir si le demandeur a été forcé de s'enrôler dans l'armée rwandaise en juillet 1999 puisqu'il est possible que des erreurs de traduction aient influencé cette conclusion.
[7] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 19 février 2001 de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission pour réexamen par une formation différente.
« W.P. McKeown »
JUGE
TORONTO (ONTARIO)
Le 8 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : IMM-2890-01
INTITULÉ : AIME BAGAMBIKI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 18 DÉCEMBRE 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE McKEOWN
EN DATE DU : JEUDI 8 JANVIER 2002
ONT COMPARU : M. Robert W. Young
Pour le demandeur
M. Marcel Larouche
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Sullivan, Festeryga, Lawlor and Arrell
Barristers & Solicitors
1, James Street South
11e étage
Hamilton (Ontario)
L8P 4R5
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20020108
Dossier : IMM-2890-01
ENTRE :
AIME BAGAMBIKI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Date : 20020108
Dossier : IMM-2890-01
Toronto (Ontario), le mardi 8 janvier 2002
En présence de : Monsieur le juge McKeown
ENTRE :
AIME BAGAMBIKI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 19 février 2001 de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission pour réexamen par une formation différente.
« W.P. McKeown »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.