Date : 19990216
T-1712-97
E n t r e :
AIC LIMITED,
demanderesse,
- et -
INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD.,
INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC.,
RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH,
JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG,
défendeurs.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
LES FAITS
[1] La Cour est saisie d'une requête visant à obtenir une ordonnance déclarant que les défendeurs ont droit sans délai à leurs dépens conformément à l'article 402 des Règles de la Cour fédérale (1998).
[2] Le 25 mars 1998, la demanderesse a introduit une instance en jugement sommaire contre les défendeurs sur le fondement d'un présumé accord de règlement intervenu entre les parties.
[3] La requête en jugement sommaire a été entendue par le juge Rothstein le 30 mars et entre le 1er et le 4 avril 1998 et a été rejetée aux termes d'un jugement rendu le 5 mai 1998.
[4] Par ordonnance en date du 10 juin 1998, le juge Rothstein a adjugé aux défendeurs leurs dépens, qu'il a fixés à la somme de 43 000 $.
[5] Par avis d'appel en date du 15 mai 1998, la demanderesse a interjeté appel du jugement et, par avis d'appel en date du 19 juin 1998, la demanderesse a fait appel de l'ordonnance portant sur les dépens.
[6] Par avis de désistement en date du 23 septembre 1998, la demanderesse s'est désistée des appels qu'elle avait interjetés du jugement et de l'ordonnance portant sur les dépens.
[7] Par suite du désistement, les défendeurs réclament la somme de 800 $ à titre de frais supplémentaires, conformément à l'article 17 du tarif B, qui a été remplacé devant le Tribunal par l'article 18 du tarif B.
QUESTIONS EN LITIGE
1- L'application de l'article 402 des Règles de la Cour fédérale donne-t-elle droit à Infinity (les défendeurs) aux dépens de 43 000 $ sans délai ? |
2- Infinity a-t-elle droit aux dépens, compte tenu du fait qu'elle n'a presque rien fait pour justifier sa réclamation des dépens en question malgré le fait que la demanderesse a décidé de se désister de son appel ? |
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES DÉFENDEURS
[8] Les défendeurs affirment que les dépens qui sont adjugés " sans délai " en vertu de l'article 402 des Règles comprennent tous les frais engagés relativement à la série d'instances qui se sont éteintes par suite du désistement et qu'ils ne sont assujettis à aucune restriction technique. Il est vrai que le Tribunal n'a pas ordonné aux défendeurs de payer sans délai les dépens afférents à la requête en jugement sommaire dont la demanderesse a été déboutée, mais les défendeurs soutiennent que ce fait n'est pas déterminant en l'espèce. Les défenderesses affirment que le nouvel article 402 remplace l'ancien article 1211, qui restreignait les dépens payables à ceux de l'appel.
[9] Dans le nouvel article 402, les mots " frais d'appel " ont toutefois été supprimés et la nouvelle disposition prévoit simplement que la partie visée par l'instance qui a fait l'objet d'un désistement a droit aux dépens sans délai. Les défenderesses soutiennent toutefois que les dépens payables aux termes de l'article 402 des Règles sont tous des dépens se rapportant à la série d'instances qui se sont éteintes par suite du désistement, qu'il s'agisse d'une action, d'une demande, d'un appel ou d'une requête, et que ces dépens ne se limitent pas à une phase déterminée de ces instances.
[10] En ce qui concerne les frais supplémentaires de 800 $, les défendeurs rappellent que M. Arnold Ceballos déclare, au paragraphe 11 de l'affidavit qu'il a souscrit le 3 février 1999 :
[TRADUCTION] Au cours de la période de juin à juillet 1998 les avocats des parties ont discuté et en sont arrivés à une entente au sujet du contenu du dossier d'appel devant être déposé lors de l'appel du jugement. |
Cet affidavit démontre que le travail a été effectué et que les dépens de l'appel devraient être établis à 800 $ (8 heures x 100 $).
PRÉTENTION ET MOYENS DE LA DEMANDERESSE
[11] La demanderesse affirme que les moyens et l'argument des défendeurs au sujet de l'application de l'article 402 des Règles sont mal fondés.
[12] La demanderesse affirme que lorsqu'il y a désistement de l'appel, comme c'est le cas en l'espèce, le défendeur a droit aux dépens de l'appel (une fois taxés).
[13] La demanderesse fait valoir que l'article 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) définit de la manière suivante le mot " appel " : " Instance visée à la règle 335 ". L'article 335, quant à lui, précise que l'appel est une instance introduite devant la Cour d'appel. En conséquence, l'article 402 et les " dépens " qui y sont mentionnés ne sauraient englober la " série d'instances " ou la requête en jugement sommaire présentée par la demanderesse.
[14] La demanderesse affirme que si le juge Rothstein avait voulu que les dépens soient payés sans délai, il n'aurait pas manqué de le préciser.
[15] La demanderesse soutient que l'article 402 des Règles de la Cour fédérale (1998), prévoit la taxation des dépens de l'instance qui a fait l'objet d'un désistement (en l'espèce, les appels).
[16] La demanderesse fait valoir qu'aux termes de l'article 402, une partie a droit uniquement aux dépens de l'instance qui a fait l'objet d'un désistement, en l'occurrence, les appels. Comme le juge Rothstein n'a pas ordonné que les dépens de la requête en jugement sommaire soient " payables sans délai ", les dépens en question sont payables à l'issue de l'action.
[17] La demanderesse soutient également que, si la Cour devait la condamner à payer sans délai des dépens de la requête en jugement sommaire, elle s'écarterait de la décision du juge Rothstein, qui a statué qu'une telle mesure ne pouvait être prise.
[18] Sur le second point, celui des dépens de l'appel, la demanderesse affirme que la preuve produite au soutien de la requête présentée par les défendeurs pour obtenir les dépens en question est insuffisante.
DISPOSITIONS APPLICABLES DES RÈGLES
[19] Voici le texte des articles 2, 335, 401, 402, 405, 406 et 407 et du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998) :
Règle 2, définition d," appel " :
referred to in rule 335. |
" appel " Instance visée à la règle 335. |
335. This Part applies to
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335. La présente partie s'applique aux appels suivants :
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Dépens de la requête
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Dépens de la requête
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Costs payable forthwith
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Paiement sans délai
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Costs of discontinuance or abandonment
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Dépens lors d'un désistement ou abandon
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Assessment by assessment officer
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Taxation par l'officier taxateur
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Obtaining appointment
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Convocation
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Notice of appointment
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Avis de convocation
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Assessment according to Tariff B
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Tarif B
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La règle 1211 des Règles de la Cour fédérale (1993), disposait :
1211. (1) An appellant may discontinue his appeal by filing a notice stating that he discontinues the appeal, and serving the notice on the respondent. (2) Upon a notice having been given under paragraph (1), the appellant shall pay the respondent's costs of the appeal. Such costs may be taxed; and payment may be enforced as if judgment for the amount thereof had been given in favour of the respondent against the appellant. |
1211. (1) Un appelant peut se désister de son appel en déposant un avis indiquant qu'il se désiste de l'appel, et en signifiant cet avis à l'intimé. (2) Après avoir donné un avis en vertu de l'alinéa (1), l'appelant doit payer les frais d'appel de l'intimé. Ces frais peuvent être taxés; et le paiement peut en être poursuivi par exécution forcée comme s'ils avaient été adjugés par jugement rendu en faveur de l'intimé et contre l'appelant. |
ANALYSE
[20] Si l'on se reporte à la table de concordance A, à la page xi, on constate que la nouvelle règle 402 remplace les règles 345, 346(3) et 1211(2).
[21] J'ai examiné la décision rendue par le protonotaire adjoint dans l'affaire Waterfurnace Inc. c. 803943 Ontario Ltd., [1991] F.C.J. No. 912 (C.F. 1re inst.). Le protonotaire adjoint Giles y déclare :
[...] J'adopte le raisonnement tenu dans Banke Electronics pour conclure que les dépens accordés dans le cadre d'une requête interlocutoire ne sont exigibles avant la conclusion du procès, à moins que le paiement immédiat ou le paiement immédiat après taxation n'en soit expressément ordonné. |
[...] |
J'en conclus que les dépens afférents aux procédures interlocutoires ne sont pas exigibles avant que les dépens de l'action principale ne soient fixés, autrement toute idée de compensation serait impossible. |
[22] J'ai également examiné le jugement Mayflower Transit Ltd. c. Marine Atlantic Inc. :
Bien entendu, d'ordinaire, les dépens suivent le sort de l'affaire, et lorsqu'il s'agit de procédures interlocutoires, il est d'usage que les dépens suivent simplement le sort de la cause et soient déterminés à ce stade, car les dépens peuvent être adjugés à l'issue de l'affaire. |
[23] Suivant mon interprétation de la règle 402, les défendeurs ont droit aux dépens de l'appel, lesquels dépens doivent être payés sans délai.
[24] La décision par laquelle le juge Rothstein a rejeté la requête en jugement sommaire et a accordé aux défendeurs 43 000 $ à titre de dépens est un jugement interlocutoire et même s'il n'y a pas de doute que la demanderesse paiera les dépens en question aux défendeurs, le juge Rothstein a décidé de ne pas ordonner leur paiement immédiat. La règle 402 prévoit d'ailleurs que seuls les dépens de l'appel sont payables sans délai.
[25] Les défendeurs ont présenté des éléments de preuve démontrant qu'ils ont droit aux dépens de 800 $ afférents au désistement des appels.
DISPOSITIF
[26] La requête des défendeurs est accueillie en partie seulement.
[27] Les défendeurs ont droit à des dépens qui sont établis à 800 $ relativement au désistement de l'appel, et ces dépens sont payables sans délai, conformément à la règle 402.
[28] Les dépens de 43 000 $ des défendeurs ne sont pas payables sans délai.Les dépens de la présente requête sont établis à 1 000 $, que la demanderesse doit payer sans délai aux défendeurs conformément au paragraphe 400(1) des Règles.
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 16 février 1999.
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
No DU GREFFE : T-1712-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : AIC LIMITED et INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD. ET AL |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
LE 8 FÉVRIER 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE BLAIS
EN DATE DU 16 FÉVRIER 1999
ONT COMPARU :
Me MAY J. SPROAT pour la demanderesse
Me TIMOTHY SQUIRE pour les défendeurs
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
BORDEN & ELLIOT
TORONTO (ONTARIO) pour la demanderesse
LANG, MICHENER
TORONTO (ONTARIO) pour la défenderesse
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990216
T-1712-97
E n t r e :
AIC LIMITED, |
demanderesse,
- et -
INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD., INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC., RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH, JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG, |
défendeurs.
MOTIFS ET DISPOSITIF
DE L'ORDONNANCE |