Date : 20010813
Dossier : IMM-222-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 13 AOÛT 2001
EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
ENTRE :
ROSITA TAHERI
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« W. P. McKEOWN »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.
Date : 20010813
Dossier : IMM-222-00
Référence neutre : 2001 CFPI 886
ENTRE :
ROSITA TAHERI
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE McKEOWN
[1] La demanderesse cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, en date du 9 novembre 1999, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.
[2] Deux questions sont posées à la Cour :
i) La Commission a-t-elle commis une erreur en fondant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse soit sur des omissions non évidentes à la lecture du dossier soit sur des omissions tellement insignifiantes qu'elles ne sauraient justifier une telle conclusion?
ii) La Commission a-t-elle commis une erreur en favorisant une certaine preuve documentaire qui contredit tant le témoignage irréfuté de la demanderesse qu'une autre preuve documentaire appuyant l'affirmation selon laquelle les lesbiennes font l'objet de persécution en Iran?
[3] La demanderesse allègue que la Commission s'est trompée, dans sa décision, sur quatre points en tirant certaines conclusions défavorables quant à la crédibilité. La Commission a prétendu que la descente effectuée chez la demanderesse par les gardes révolutionnaires en 1997, pendant un rassemblement de femmes chez elle, n'a jamais eu lieu. Cette conclusion est discutable, mais n'est pas déterminante pour la décision si l'on prend en considération les autres conclusions portant sur la crédibilité.
[4] La Commission a également conclu que la demanderesse n'était pas crédible parce qu'elle avait omis, dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), de mentionner qu'elle avait reçu 100 coups de fouet pendant sa détention de 20 jours après la rafle. Dans son FRP, la demanderesse avait déclaré avoir été détenue et battue. Je ne peux cependant pas conclure que le témoignage sur les 100 coups de fouet qu'elle a donné à l'audience était le simple développement des éléments de preuve déjà produits. De plus, ce témoignage a été donné au cours de l'interrogatoire mené par l'agent chargé de la revendication, et non pas au cours de celui mené par son propre avocat. La conclusion défavorable quant à la crédibilité de ce témoignage est donc raisonnable.
[5] La demanderesse conteste aussi deux autres conclusions quant à sa crédibilité. Ces deux conclusions ont trait à son omission de mentionner, dans son récit initial contenu au FRP, deux éléments d'information dont elle a témoigné plus tard, à l'audience. Le premier élément concerne le témoignage de la demanderesse selon lequel les forces de sécurité ont effectué chez elle, pendant sa détention, une descente au cours de laquelle elles ont découvert et saisi son journal intime. Le deuxième élément concerne son témoignage selon lequel elle a fait l'objet d'une accusation d'apostasie en raison de la découverte chez elle, au cours de la rafle, d'une Bible et de quelques textes philosophiques. Étant donné que son journal intime faisait référence à son orientation sexuelle, la Commission a déclaré qu'il serait « invraisemblable » qu'elle ait omis d'inclure ces faits dans son FRP puisqu'ils constituaient le véritable fondement de sa revendication. De plus, les peines sévères prévues pour ceux qui ont des croyances religieuses illégales rendent hautement improbable que la demanderesse ait omis de mentionner la découverte de la Bible et des textes philosophiques dans son récit initial contenu au FRP. Par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que les témoignages visant, d'une part, la confiscation du journal intime, de la Bible et de quelques textes philosophiques de la demanderesse et, d'autre part, la détention et la torture dont elle a été victime en conséquence, n'étaient pas crédibles.
[6] Dans un même ordre d'idées, la demanderesse allègue que la Commission a commis une erreur en rendant une conclusion défavorable quant à sa crédibilité en raison de son omission, dans son récit initial contenu dans le FRP, de mentionner des renseignements concernant la descente effectuée chez elle et la saisie de son journal intime, de sa Bible et de quelques textes philosophiques. En effet, son avocat prétend que la Commission n'aurait pas dû tenir compte de cette omission parce que le récit de la demanderesse a été modifié pour corriger cet oubli au début de l'audience devant la Commission. À cet égard, je me rapporte à la déclaration suivante du juge Simpson dans Kutuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1754 (C.F. 1re inst.) :
Contrairement à l'argument du requérant, j'estime que la Commission était en droit d'examiner la teneur du FRP avant et après sa modification. Elle pouvait également tirer des conclusions défavorables sur la crédibilité si des questions qu'elle considérait comme importantes avaient été ajoutées au FRP seulement au moyen de modifications faites à l'audition.
[7] La Commission a aussi conclu que la preuve documentaire n'indiquait pas que les homosexuels étaient pris pour cibles en Iran et que les autorités ne recherchaient pas les personnes se livrant à des activités homosexuelles si celles-ci se déroulaient sous le « voile de la décence » derrière des portes closes. La Commission a examiné plusieurs documents très récents sur ce sujet et était fondée, selon ces éléments de preuve, de tirer cette conclusion. Dans la décision, il n'est pas fait référence à la preuve documentaire contraire produite devant la Commission, mais cette dernière était en droit de choisir les éléments de preuve qu'elle estimait être exacts. La Commission s'est reportée à la Islamic Punishment Law (code pénal islamique) à l'égard du lesbianisme et des peines sévères de 100 coups de fouet et de mort qui sanctionnent plus de trois infractions. La Commission a d'ailleurs reconnu que :
La preuve n'indique pas que la vie est facile en Iran pour les lesbiennes. En réalité, la preuve reconnaît que la communauté iranienne ne tolère pas bien l'homosexualité et qu'il existe quelques vagues signalements de châtiments sévères contre certaines personnes homosexuelles.
La Commission a malgré tout conclu que la preuve documentaire n'indique pas :
[...] non plus qu'en général, la crainte de persécution en Iran en raison de l'appartenance à un groupe social est une crainte fondée.
[8] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« W. P. McKEOWN »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 13 août 2001
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.