Date : 20030306
Dossier : IMM-1114-02
Référence neutre : 2003 CFPI 279
Toronto (Ontario), le jeudi 6 mars 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
SAMUEL DOMINGUEZ GARCIA,
GLORIA REYES DE DOMINGUEZ,
PILAR DOMINGUEZ REYES
et SAMUEL ULISES DOMINGUEZ REYES
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé, le 21 janvier 2002, de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention.
[2] Les demandeurs sont des citoyens du Mexique. Le demandeur principal, Samuel Dominguez Garcia, est accompagné de sa femme et leurs deux enfants. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté parce qu'il a dénoncé un acte criminel ayant un mobile politique (plus particulièrement la disparition de son père et le meurtre de sa mère) perpétré par des individus qui occupent ou occupaient des postes au sein de l'administration publique à titre de policiers fédéraux ou de députés du PRI. Les autres demandeurs fondent leur revendication sur leur appartenance à un groupe social, à savoir la famille du demandeur principal.
[3] Les demandeurs sont entrés pour la première fois au Canada en 1988. Le statut de réfugié leur a été refusé en 1993. Ils ont regagné le Mexique en 1997. En conséquence, la présente demande repose entièrement sur des événements survenus entre 1997 et 2000, lorsqu'ils sont revenus au Canada et ont revendiqué à nouveau le statut de réfugié.
[4] Le demandeur principal prétend que le PRI, un parti politique mexicain, l'a pris pour cible. Il croit que des membres du PRI sont responsables de la disparition de son père en 1988 et du meurtre de sa mère. Selon lui, ces gestes sont attribuables au poste de premier plan qu'occupait son père au sein du PAN (Parti d'action nationale), un parti opposé au PRI. Le demandeur affirme qu'il constitue un risque pour les dirigeants du PRI parce qu'il peut les identifier et révéler leurs crimes. C'est pour cette raison que ces personnes cherchent à le supprimer et à éliminer sa famille. Le demandeur a décrit deux incidents devant la SSR : l'un au cours duquel il a été sauvagement battu et l'autre au cours duquel on a tenté d'enlever sa fille. Il a également reçu des appels téléphoniques de menaces lui enjoignant de ne pas s'adresser aux forces policières.
[5] Il est important de préciser que la SSR a tiré une conclusion favorable spécifique relativement à la crédibilité des faits attestés par les demandeurs. Elle est également arrivée à une conclusion favorable en reconnaissant leur crainte subjective. Elle a par contre tiré, à l'égard du fondement objectif de la crainte des demandeurs, trois conclusions défavorables qui ont été déterminantes :
Bien que le tribunal reconnaît comme crédible le tabassage du revendicateur principal de même que la tentative d'enlèvement, le tribunal n'accepte pas que ces événements soient attribuables aux motifs donnés par les revendicateurs.
[...]
De plus, le tribunal n'accepte pas que les revendicateurs soient pourchassés en raison de renseignements qu'ils ont ou qu'ils auraient relativement à la disparition du père et de la mère du revendicateur.
[...]
Bien que le tribunal accepte que les revendicateurs semblent avoir une crainte subjective de retourner au Mexique et que le revendicateur a été sauvagement battu et qu'une tentative d'enlèvement a eu lieu, il n'est pas vraisemblable que leur crainte soit liée aux motifs donnés.
(Décision, aux p. 2 à 4)
[6] En ce qui concerne les conclusions relatives à la vraisemblance en général, M. le juge Muldoon a énoncé clairement le droit applicable dans la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, aux paragraphes 6 et 7 :
Présomption de véracité et vraisemblance
Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.
Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].
[7] Comme la conclusion défavorable concernant la vraisemblance qui a été déterminante en l'espèce n'est étayée par aucun motif contrairement aux propos du juge Muldoon cités ci-dessus, je conclus que la décision comporte une erreur susceptible de contrôle.
ORDONNANCE
Par conséquent, j'annule la décision de la SSR et je renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.
_ Douglas R. Campbell _
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1114-02
INTITULÉ : SAMUEL DOMINGUEZ GARCIA, GLORIA REYES DE DOMINGUEZ, PILAR DOMINGUEZ REYES et SAMUEL ULISES DOMINGUEZ REYES
demandeurs
- et-
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le mercredi 5 mars 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Monsieur le juge Campbell
DATE DES MOTIFS : Le jeudi 6 mars 2003
COMPARUTIONS :
Neil Cohen POUR LES DEMANDEURS
Kareena R. Wilding POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Neil Cohen POUR LES DEMANDEURS
Avocat
2, rue College, bureau 115
Toronto (Ontario) M5G 1K3
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20030306
Dossier : IMM-1114-02
ENTRE :
SAMUEL DOMINGUEZ GARCIA, GLORIA REYES DE DOMINGUEZ, PILAR DOMINGUEZ REYES et SAMUEL ULISES DOMINGUEZ REYES
demandeurs
- et-
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE