Ottawa (Ontario), le 27 mars 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
(Prononcés à l'audience puis mis par écrit pour plus de clarté et de précision)
[1] Le 4 mai 2005, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de rouvrir la demande d'asile du demandeur.
[2] Dans les motifs justifiant la décision défavorable au sujet de la demande d'asile, rendus le 24 octobre 2003, la Commission avait rejeté la demande en raison d'un manque de crédibilité. Elle avait conclu, entre autres :
Pour établir son identité, le demandeur prétend que les agents de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) auraient saisi deux documents, une attestation de naissance et un permis de conduire. Ces documents ne figurant pas dans le dossier, le tribunal a demandé à la CIC de les lui faire parvenir. La CIC fait parvenir la copie de son acte de naissance et déclare qu'elle n'a jamais saisi de permis de conduire. Le tribunal en déduit que le demandeur veut l'induire en erreur.
[3] Le 31 mars 2005, le demandeur s'est présenté à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour mettre au point les dispositions en vue de son renvoi. À ce moment, on lui a dit que l'ASFC avait en sa possession quelques-uns de ses documents. Son permis de conduire faisait partie de ces documents, alors que, lors de l'audition de la demande d'asile du demandeur, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada avait déclaré qu'il ne l'avait jamais saisi.
[4] Le demandeur a alors déposé une requête en réouverture de sa demande d'asile, en vertu du paragraphe 55(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, au motif d'un manquement aux règles de justice naturelle.
[5] La requête a été rejetée. Les motifs manuscrits justifiant la décision défavorable se lisaient comme suit :
[TRADUCTION]
La décision de la SPR n'est pas fondée uniquement sur la question du permis de conduire. La commissaire mentionne la destruction du passeport et subsidiairement, la possibilité pour le demandeur de trouver refuge dans une autre partie du pays. Je ne peux pas conclure que la décision de la commissaire constituait un manquement aux règles de justice naturelle, parce que le permis de conduire était seulement un des éléments de la décision, et non l'élément central.
[6] Un examen de la décision originale rejetant la demande d'asile du demandeur permet de noter que la Commission avait fondé sa décision sur trois points qui portent tous sur la crédibilité du demandeur. Premièrement, le demandeur aurait tenté d'induire la Commission en erreur en déclarant que l'ASFC avait saisi son permis de conduire, ce qu'elle n'avait pas fait. Deuxièmement, la destruction d'un passeport n'est pas une action à laquelle on s'attendrait de la part d'une personne éduquée, soit un avocat, et ce fait a miné sa crédibilité. Troisièmement, il existait une possibilité de refuge intérieur pour le demandeur dans la ville de Douala. Comme le tribunal l'avait noté :
Il incombait au demandeur de se décharger du fardeau de convaincre le tribunal de la véracité de ses allégations. Ce n'est malheureusement pas le cas. Le tribunal ne croit pas en son histoire.
[7] La Commission avait clairement noté que « [c]'est essentiellement sur le volet de la crédibilité que le tribunal a pris une décision négative » . La crédibilité du demandeur avait été irrémédiablement minée par la conclusion suivante que la Commission avait tirée de façon injustifiée (injustifiée compte tenu des faits que nous connaissons maintenant) :
Ces documents ne figurant pas dans le dossier, le tribunal a demandé à la CIC de les lui faire parvenir. La CIC fait parvenir la copie de son acte de naissance et déclare qu'elle n'a jamais saisi de permis de conduire. Le tribunal en déduit que le demandeur veut l'induire en erreur.
[8] Comme la décision originale de la Commission avait été prise, selon ses propres termes, « essentiellement sur le volet de la crédibilité » , maintenir le refus de rouvrir la demande constituerait un manquement au principe de justice naturelle.
[9] Par conséquent, la demande sera accueillie.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE : la demande est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un tribunal de la Commission différemment constitué pour un nouvel examen.
« Konrad W. von Finckenstein »
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2938-05
INTITULÉ : CYPRIAN AKOEKOKOBE KEBBIANYOR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 23 mars 2006
ET JUGEMENT : Le juge von Finckenstein
DATE DES MOTIFS : Le 27 mars 2006
COMPARUTIONS :
Solomon Orjiwuru |
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Sharon Stewart-Guthrie |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Solomon Orjiwuru |
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John H. Simms, c.r. Sous-procureur général du Canada
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