Date : 19990505
Dossier : T-1232-98
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
Demandeur
ET
RIZKALLAH KADID
Défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE DENAULT
[1] Le Ministre de la citoyenneté et de l'immigration en appelle d'une décision d'une juge de la citoyenneté qui a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur au motif, entre autres, qu'il satisfaisait aux dispositions de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté concernant la résidence. Aux termes de cet alinéa, un requérant doit avoir, dans les quatre (4) ans qui ont précédé sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois (3) ans.
[2] Le défendeur est arrivé au Canada le 25 novembre 1993 avec sa femme et ses enfants. Lorsqu'il a fait sa demande de citoyenneté le 20 mai 1997, moins de quatre (4) ans après son arrivée, il a précisé dans sa demande s'être absenté du Canada pendant une période de cinq cent soixante-dix-sept (577) jours pour des voyages d'affaires dans son pays d'origine l'Arabie Saoudite et d'autres pays arabes. La juge de citoyenneté a estimé que le défendeur satisfaisait au critère de résidence prévu à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté après avoir énoncé les motifs suivants:
"Je suis d'avis, après avoir pris connaissance des documents dans le dossier et après avoir entendu le témoignage du requérant, que le requérant s'est absenté du Canada à cause du fait qu'il ne pouvait pas trouver du travail ici dans sa profession et il était obligé de travailler pour faire vivre son épouse qui est maîtresse de maison et ses quatre enfants qui sont étudiants. Ses enfants sont citoyens canadiens et à mon avis ses attaches avec le Canada sont telles qu'il satisfait aux dispositions de l'alinéa 5(1)c) de la Loi" |
[3] Au soutien de son appel, le demandeur plaide que la juge de la citoyenneté a rendu une décision fondée sur une analyse incomplète de la preuve et qu'à tout événement, quelque courant de jurisprudence qu'adopterait cette Cour dans l'interprétation de la notion de résidence, le défendeur n'y satisfait pas.
[4] Le nombre de jours de présence du défendeur au Canada durant sa période de référence, et partant le nombre de jours d'absence, sont des éléments clés dans ce dossier. Dans un questionnaire sur la résidence qu'il a déposé peu avant l'audition de sa demande devant la juge de la citoyenneté, le défendeur a fait état de la perte de son passeport de sorte qu'il lui était difficile de préciser ses jours d'absence et de présence au Canada. Une photocopie de ce passeport prise avant qu'il ne soit perdu démontre cependant que le défendeur s'est absenté plus fréquemment que sa demande de citoyenneté ne le précise. Ainsi, la vérification du passeport du défendeur démontre qu'en faisant la liste de ses absences du Canada, il n'a pas indiqué entre autres qu'il se trouvait en Arabie Saoudite pour des périodes indéterminées à tout le moins à compter du 7 mars, du 7 mai et du 5 novembre 1995 et du ler mai 1996. À toutes ces dates, s'il faut pourtant en croire la liste de ses absences du pays, fournie par le défendeur lui-même, il devait se trouver au Canada.
[5] La Cour ne peut que conclure que le défendeur a omis de déclarer ou volontairement minimiser ses jours d'absence. Une simple vérification du passeport du défendeur par la juge de la citoyenneté eut révélé l'erreur.
[6] En l'espèce, dans la mesure où le défendeur n'a pas fait la preuve, lors de sa demande de citoyenneté, qu'il satisfaisait au critère de résidence établi par la loi, et que la juge de citoyenneté a erré dans l'application de la preuve, l'appel doit être accueilli.
[7] Par ailleurs, indépendamment des conclusions auxquelles j'en viens en raison de l'erreur dans l'appréciation de la preuve, j'estime, à la lumière de la jurisprudence récente concernant la notion de résidence, que cet appel doit quand même être accueilli, peu importe le courant jurisprudentiel qu'on décide d'appliquer. En effet, il est bien connu que les juges de cette Cour sont depuis longtemps tiraillés entre une application stricte ou plus libérale de la notion de résidence. Or, que la Cour applique l'interprétation stricte de la loi, prônée initialement par le juge Muldoon dans l'affaire Pourghasemi [1993], 19 Imm. L.R. (2nd) 259 (C.F.) exigeant une présence physique rigoureuse durant la période de référence, ou l'interprétation légèrement plus libérale préconisée dans les affaires Papadogiorgakis [1978], 2 C.F. 208 (C.F.) et Koo [1993], 1 C.F. 286, l'appel du demandeur doit être accueilli dans la mesure où d'une part, le défendeur n'a pas établi au Canada une résidence d'au moins trois (3) ans dans sa période de référence et d'autre part, il n'a pas démontré s'être établi au Canada et y avoir centré son mode de vie habituel avant de quitter le pays sporadiquement pour ses fréquents voyages à l'étranger.
Pierre Denault
Juge
MONTRÉAL (QUÉBEC)
Le 5 mai 1999
[8]
Section de première instance de
la Cour fédérale du Canada
Date : 19990505
Dossier : T-1232-98
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
ET
RIZKALLAH KADID
Défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
[9]
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DE LA COUR : T-1232-98
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
ET |
RIZKALLAH KADID |
Défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : le 4 mai 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE DENAULT
EN DATE DU 5 mai 1999
COMPARUTIONS :
Me Jocelyne Murphy pour le demandeur
Me Michelle Langelier pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) pour le demandeur
Me Micheline Langelier pour le défendeur
Montréal (Québec)