Dossier : IMM-1702-02
Ottawa (Ontario), le 8 avril 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
ENTRE :
CHANDANA NAUTTUDUWA LIYANAGE
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Carol K. Jong au Haut-commissariat du Canada à Londres, en date du 12 mars 2002, par laquelle a été rejetée la demande de résidence permanente au Canada du demandeur dans la catégorie des « indépendants » .
[2] Le demandeur, M. Chandana Nauttuduwa Liyanage, est un citoyen du Sri Lanka. Il a présenté sa demande de résidence permanente en envisageant la profession de programmeur décrite par la Classification nationale des professions ( « CNP » ) no 2163.0. Il a subi une entrevue le 12 février 2002. Par une lettre en date du 12 mars 2002, reçue par le demandeur le 26 mars 2002, le demandeur a été informé que sa demande avait été refusée.
[3] L'agente des visas a refusé la demande parce qu'elle a conclu que le demandeur n'avait pas les compétences voulues pour son emploi au Canada, et, en particulier, qu'il n'avait pas la formation ou la préparation professionnelle pour cet emploi telles que décrites dans le manuel de la CNP.
[4] Le demandeur a obtenu les points d'appréciation suivants pour chacun des critères de sélection :
Âge (44) 10
Facteur professionnel 00
Formation et stages/
Préparation professionnelle spécifique 15
Expérience 00
Emploi réservé ou profession désignée 00
Facteur démographique 08
Études 15
Anglais 09
Français 00
Points supplémentaires (proche parent au Canada) 00
Personnalité 05
Total 62
[5] Le demandeur a présenté trois arguments. Premièrement, le demandeur a soutenu que l'agente des visas a violé un principe de justice naturelle, deuxièmement, qu'elle a agi sans tenir compte de la preuve en ne lui accordant aucun point pour l'expérience professionnelle malgré ses 20 ans d'expérience professionnelle dans le domaine de la programmation informatique et, troisièmement, qu'elle a omis d'envisager une autre profession, inhérente à l'expérience professionnelle du demandeur, savoir, analyste en informatique.
[6] J'examinerai le deuxième argument en premier lieu. Que l'agente des visas ait agi sans tenir compte de la preuve en n'accordant aucun point pour l'expérience professionnelle malgré les 20 ans d'expérience professionnelle dans le domaine de la programmation informatique est une question de fait qui entre dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas. En conséquence, à moins que la conclusion ne soit clairement erronée ou déraisonnable, la Cour ne doit pas intervenir là-dessus.
[7] À la lecture des notes versées au STIDI par l'agente, de sa décision et de son affidavit, il semble qu'elle a principalement fondé sa décision que le demandeur ne remplit pas les conditions voulues en ce qui a trait à l'expérience professionnelle, sur les réponses de ce dernier aux questions relatives à la programmation informatique et sur le fait que le générateur automatique de programmes (GAP) que le demandeur disait utiliser pour la programmation, est plus un outil pour produire des rapports que pour créer une application indépendante. Malheureusement, le dossier du tribunal ne contient ni copie de ces questions, ni les réponses correctes, mais seulement les réponses du demandeur. En conséquence, il est difficile de comprendre et d'apprécier la signification des réponses et de décider si l'agente des visas était juste dans la correction et sa décision sur ces réponses. Par ailleurs, le demandeur ne précise ni les questions à l'égard desquelles il prétend que ses réponses n'ont pas été correctement appréciées, ni les motifs de ses prétentions. En conséquence, je ne suis pas en droit d'apprécier cette preuve.
[8] En ce qui concerne la conclusion sur le GAP, je conclus que l'agente des visas a limité son analyse à un langage ou à un outil informatique en particulier. Bien qu'elle ait brièvement noté l'expérience du demandeur chez Coopers & Lybrand et à la librairie Jarir, elle a mentionné qu'il avait appris à programmer le GAP, qu'il connaissait le Fortran, le JAVA, et le XML, mais elle semble écarter cette connaissance parce qu'elle aurait été acquise par auto-formation plutôt qu'en suivant une formation régulière. Elle semble également n'avoir tenu compte ni d'autres langages informatiques ni d'outils que le demandeur connaissait ou avec lesquels il a travaillé depuis 1982. Il y a une preuve digne de foi, telle que les lettres de Coopers & Lybrand et de la librairie, montrant le genre de travail et les nombreux outils et langages informatiques utilisés par le demandeur dans le cadre de son emploi. À mon avis, n'accorder aucun point pour l'expérience était déraisonnable vu la preuve soumise. J'ajouterai également qu'il est manifestement injuste de rejeter ou de faire abstraction de la connaissance que le demandeur a acquise par auto-formation et en travaillant avec ou en utilisant des langages ou outils informatiques. Je considère que ce genre de connaissance a été acquis à travers une expérience valable. S'il était dans l'intention de l'agente des visas d'écarter l'expérience professionnelle mentionnée plus haut, cela aurait dû être clairement affirmé. J'ai également essayé de comprendre le raisonnement qui sous-tend l'attribution de la valeur zéro au facteur expérience, mais je n'ai pu le faire à cause de la brièveté de l'explication donnée par l'agente des visas. Je ne pense pas que les agents des visas soient tenus de donner des motifs complets pour l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, mais ils devraient au moins expliquer leur raisonnement.
[9] Je crois que l'agente des visas a commis une erreur déraisonnable dans son appréciation de l'expérience du demandeur et en conséquence, je renverrai l'affaire pour un nouvel examen.
[10] Ayant donné gain de cause au demandeur sur les questions ci-dessus mentionnées, je n'ai pas besoin d'examiner les autres questions soulevées par le demandeur en ce qui a trait au fait que l'agente des visas ne l'a pas apprécié pour un autre emploi et sur la violation possible des principes de justice naturelle.
[11] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, j'accueille la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas.
[12] Les avocats des parties n'ont proposé aucune question pour certification.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée afin qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen.
« Simon Noël »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR FÉDÉRALE DUCANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1702-02
INTITULÉ : CHANDANA NAUTTUDUWA LIYANAGE
c.
MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL
DATE DE L'AUDIENCE : LE 20 MARS 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE SIMON NOËL
DATE DES MOTIFS : LE 8 AVRIL 2003
COMPARUTIONS :
MITCHELL GOLDBERG POUR LE DEMANDEUR
MICHEL SYNOTT POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MITCHELL GOLDBERG POUR LE DEMANDEUR
MICHEL SYNOTT POUR LE DÉFENDEUR