Date : 20010123
Dossier : IMM-2255-00
ENTRE:
ANDREI ROGOV
Requérant
(Partie demanderesse)
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Intimée
(Partie défenderesse)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Il s'agit d'une requête selon la règle 369 visant à annuler l'ordonnance que j'ai rendue le 1er septembre 2000, laquelle aurait été fondée sur un affidavit frauduleux. La requête vise également la réouverture du dossier.
FAITS
[2] Le 17 avril 2000, Mme V. Spyridoulias a rejeté la demande du requérant à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada.
[3] Après avoir reçu cette décision, le requérant a effectué des recherches afin de se trouver un avocat ou organisme qui pourrait l'aider.
[4] Entre le 20 et 23 avril 2000, le requérant a communiqué avec la compagnie D.E.F.I. (Défense et entraide aux familles immigrantes) afin d'obtenir des renseignements sur les programmes d'immigration. Le requérant a obtenu des renseignements par téléphone d'une personne originaire de la Russie qui lui a dit s'appeler Olga.
[5] Mme Olga a indiqué au requérant qu'elle allait discuter avec son patron du cas du requérant et qu'elle rappellerait le requérant. Le 26 avril 2000, Mme Olga a téléphoné au requérant et lui a indiqué que son patron, M. Eddy Reynelg pouvait aider le requérant à résoudre son problème.
[6] Le 27 avril 2000, le requérant a rencontré Mme Olga et M. Reynelg au bureau de la compagnie D.E.F.I. Lors de l'interview par M. Reynelg, le requérant s'est exprimé en russe et Mme Olga a agit comme interprète. M. Reynelg s'exprimait pour sa part en anglais.
[7] M. Reynelg a informé le requérant qu'il pouvait présenter une demande de contrôle judiciaire et qu'il pouvait faire une demande d'immigration indépendante pour le Canada.
[8] Le 28 avril 2000, le requérant a signé un contrat acceptant les services de M. Reynelg comme conseiller en immigration afin que ce dernier présente la demande de contrôle judiciaire du requérant. Le requérant a également signé plusieurs autres documents à la demande de M. Reynelg et Mme Olga.
[9] En juin 2000, le requérant est allé porter la disquette sur laquelle il avait écrit son « histoire » à M. Reynelg.
[10] En juillet 2000, le requérant a téléphoné à M. Reynelg et s'est fait dire que le travail pour la demande de contrôle judiciaire avait déjà été fait. La dernière communication du requérant avec M. Reynelg a eu lieu au mois d'août 2000, alors que le requérant a reçu le mémoire du défendeur.
[11] Le 29 septembre 2000, la demande d'autorisation du requérant est rejetée.
[12] Le 30 septembre, le requérant est allé consulter son avocat, Me Manuel Centurion. En octobre 2000, Me Centurion a renseigné le requérant au sujet de son dossier et lui a montré l'affidavit du 4 juillet 2000.
[13] Le requérant était très étonné de l'existence du document puisqu'il n'avait jamais vu ce document auparavant. Doutant de l'authenticité de la signature, le requérant a demandé à son avocat de consulter un expert en graphologie.
[14] Les services de Madame Henriette Fournier furent retenus afin d'analyser le document.
[15] Le 17 octobre 2000, Madame Fournier et Me Centurion se son rendus au greffe de la Cour fédérale à Montréal afin d'examiner les documents originaux pertinents.
[16] Madame Fournier a fait parvenir sa conclusion à l'égard de l'affidavit dans une lettre datée du 20 octobre 2000. Sa conclusion se lit comme suit:
Les signatures Andrei Rogov sur les pages 22 et 25 de la pièce en litige (Affidavit) et les signatures Andrei Rogov des pièces de comparaison ont été rédigées par la même personne. |
La principale différence retrouvée sur la pièce en litige est la langue du texte. À la page 21 le texte est de langue anglaise, le caractère typographique est le Time New Roman grosseur 11. Les chiffres avant chaque paragraphe sont typographiques. À la page 22 le texte est de langue française, le caractère typographique est le Time New Roman grosseur 10. Le chiffre 54 dans la marge est manuscrit. |
La signature Andrei Rogov de l'affidavit à la page 22 croise une ligne de base et la signature a été faite par dessus la ligne. |
PRÉTENTIONS DU REQUÉRANT
[17] Le requérant prétend qu'il n'a pas fait l'affidavit du 4 juillet 2000 et qu'il est convaincu que cet affidavit a été fait par M. Eddy Reynelg à partir de la disquette que le requérant lui avait remise.
[18] D'après le requérant, il a signé la dernière page de l'affidavit daté du 4 juillet 2000, le 28 avril 2000 lors de sa deuxième rencontre avec M. Eddy Reynelg. Il est donc convaincu que sa signature a été faite avant que l'affidavit daté du 4 juillet 2000 ne soit fait.
[19] La Commissaire à l'assermentation dans l'affidavit était Mme Robillard. Selon le requérant, elle n'était pas présente au moment où le requérant a signé la dernière page de l'affidavit et il n'a pas fait de déclaration solennelle devant elle. Le requérant ne savait pas non plus que Mme Robillard était la secrétaire de M. Eddy Reynelg.
[20] De plus, le requérant ne s'exprime en français et en anglais qu'avec beaucoup de difficulté.
[21] Ainsi, le requérant soutient que l'ordonnance n'était pas juste et équitable et qu'accepter l'affidavit comme étant véridique lui causerait un préjudice sérieux. Selon l'intimée, un affidavit frauduleux équivaut à l'absence d'affidavit. L'absence d'affidavit dans une demande d'autorisation fut considérée un vice de fond dans l'affaire Metodieva c. M.E.I. (1991), 132 N.J.R. 38. Le requérant demande donc l'annulation de l'ordonnance et la réouverture de son dossier d'autorisation et de contrôle judiciaire.
PRÉTENTIONS DE LA PARTIE INTIMÉE
[22] L'intimée soumet que la nouvelle règle 399(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) est assimilable à l'ancienne règle 1733 tel qu'on peut le constater à la lecture du libellé de ces règles. Ainsi, selon l'intimée, les principes établis par cette Cour et la Cour d'appel fédérale, relativement à la règle 1733, sont appropriés afin de traiter de la présente demande en vertu de la règle 399.
[23] Ainsi, selon l'intimée, le requérant doit prouver, selon la balance des probabilités, qu'il y a eu fraude. Il doit également prouver que la fraude est matérielle. De plus, l'intimée doit prouver qu'il n'avait pas connaissance de la fraude lors de l'audience et qu'il a fait preuve de diligence raisonnable.
[24] Selon l'intimée, le requérant n'a pas démontré en quoi le fait qu'il n'a pas signé l'affidavit du 4 juillet 2000 est matérielle.
[25] L'intimée soutient que le requérant n'a pas prouvé qu'il a subi un préjudice. L'intimée n'allègue aucunement que l'affidavit contient des faits erronés ou inexacts qui lui ont causé un préjudice.
[26] Par conséquent, la requête devrait être rejetée.
ANALYSE
[27] À mon avis, le requérant a établi que l'affidavit n'a pas respecté les procédures d'assermentation. Toutefois, le requérant n'indique pas en quoi cet événement est matériel dans sa cause ni l'effet que ce non respect des procédures a sur sa cause. Le requérant n'indique pas si l'affidavit établit des faits erronés et si la décision du 29 septembre 2000 est basée sur des faits erronés.
[28] Je ne crois pas qu'il suffit de démontrer que l'affidavit n'a pas respecté les procédures d'assermentation pour conclure que c'est un fait matériel qui a eu un impact sur la décision. Ainsi, même si la requête était accordée, l'affidavit du requérant lors de sa demande d'autorisation relaterait probablement les mêmes faits. Il ne suffit pas de recommencer le processus avec un affidavit présentant des faits similaires. Le processus n'est pas là pour donner une seconde chance a un demandeur de se reprendre suite à une première demande qui fut rejetée. La règle 399 est plutôt inscrite dans les règles de la Cour afin qu'une personne n'ait pas ses droits brimés suite à une fraude. En l'espèce, je ne suis pas convaincu que la "fraude" soit matérielle à la cause.
Pierre Blais
Juge
OTTAWA, ONTARIO
Le 23 janvier 2001