Date : 20040322
Dossier : IMM-934-03
Référence : 2004 CF 430
Ottawa (Ontario), le 22 mars 2004
Présente : Madame le juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
IQBAL HUSSAIN, YASMIN SHAZIA
FATIMA HUSSAIN, NABGHA HUSSAIN
ZAINAB HUSSAIN
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « le tribunal » ) selon laquelle les demandeurs ne sont pas des personnes à protéger ni des réfugiés au sens de la Convention.
[2] Le demandeur principal, sa femme et ses trois enfants mineurs sont citoyens du Pakistan. Le demandeur fonde sa demande sur son appartenance au Pakistan Muslim League (Nawaz) ( « PML(N) » ). À ce titre, il aurait été ciblé par des membres de la faction Like-minded Group ( « PML(LM) » ) du parti. Le tribunal a conclu que le récit du demandeur principal n'était pas crédible.
[3] Les demandeurs soutiennent que le tribunal a erré en minant leur crédibilité du fait qu'ils ne sont pas retournés devant le tribunal pour une réouverture d'audition alors que leur procureure Me Valois était en congé de maternité. Une première audition a eu lieu le 29 juillet 2002. Lors de cette audience, le tribunal a demandé à l'agente de la protection des réfugiés ( « l'agente » ) de faire une demande d'information pour savoir s'il y avait des traces du passage des demandeurs aux États-Unis. Une deuxième audition s'est déroulée le 7 août 2002. Le 9 août 2002, l'agente a reçu un rapport des autorités américaines qui l'informait qu'elles n'avaient aucune indication que les demandeurs avaient passé par la frontière américaine.
[4] L'agente en informait immédiatement le tribunal. Il était manifeste qu'un complément de preuve serait requis dans le dossier. Le 27 septembre 2002, Me Valois a donné naissance à un enfant (affidavit de Me Valois, para. 13).
[5] Le 16 octobre, soit deux mois après la réception du rapport, le tribunal demandait à l'agente de contacter Me Valois pour lui demander de quelle façon elle voulait procéder et lui indiquant qu'elle pouvait faire des représentations écrites. Celle-ci devait répondre dans un délai de six jours car le tribunal voulait conclure cette affaire le plus tôt possible.
[6] Je reproduis la lettre adressée à Me Valois :
October 16th, 2002
Me Stéphanie Valois 407 St-Laurent suite 300 Montréal, Québec H2Y 2Y5
Subject: IRB File # MA2-00466, HUSSAIN, Iqbal
Dear Me. Valois :
On October 10th, 2002, Mrs. Joan Kouri, presiding member in the above-noted file, requested that I contact you.
You may recall that on August 7th, 2002, this hearing was concluded. On August 9th, 2002, I received from Immigration Canada a response to my letter dated July 31st, 2002. I had requested clarification of a report from the United States Border Patrol. This report indicated that there was no record of the claimants travelling in the United States under what they say are their real names. However, it was not clear whether a search had been done by the U.S. Border Patrol in relation to the aliases used by the claimants to travel. The response of Immigration Canada dated August 9th, 2002, a copy of which was faxed to you and to Mrs. Kouri, confirmed that the search had been done under both the real and assumed names of the claimants.
This information may materially affect your clients' claim. Accordingly, your clients have a right to be heard by the Panel at a hearing reconvened to deal with this new information. However, if you file the claimants' written consent to the use of this information as evidence by the Panel, and, their waiver to the right to an oral hearing before Mrs. Kouri in relation to this information, the hearing will not be reconvened. The case will then be taken under reserve. Along with the claimants' consent and waiver, you may file written submissions concerning the August 9th, 2002 response to my inquiry.
I do apologize for not contacting you sooner in relation to how your clients wish to proceed in light of the information received from the Minister on August 9th, 2002. Mrs. Kouri advises me that she would like to conclude this matter as soon as possible. Therefore, would you please advise us on or before Tuesday, October 22nd, 2002 as to how your clients wish to proceed.
Yours truly,
Gretchen Timmins Refugee Protection Officer
cc: Mrs. Joan Kouri, Commissioner
[7] Me Valois, informée de cette lettre à la maison par la secrétaire de son bureau, a soumis une réponse écrite au tribunal l'informant qu'il n'était pas nécessaire de revenir en salle parce que son client l'avait informée que c'est un passeur qui avait fait les démarches et qu'il ignorait les détails concernant le voyage au Canada.
[8] Trois mois plus tard, soit le 21 janvier 2003, le tribunal rendait sa décision. Il concluait que le récit du demandeur principal n'était pas crédible, entre autres, dû au fait que ce dernier et sa famille ne se sont pas présentés pour une réouverture d'audience.
[9] Les demandeurs prétendent que la conduite du tribunal était inacceptable et qu'en contraignant Me Valois à lui fournir une réponse dans un si bref délai, alors que celle-ci était à la maison en congé de maternité, il n'a pas respecté son obligation d'équité procédurale. Je suis du même avis.
[10] D'abord, il était à la connaissance du tribunal que Me Valois était en congé de maternité pour quelques mois, puisque celle-ci avait comparu devant le tribunal dans les derniers mois de sa grossesse et qu'elle en avait discuté avec le tribunal informellement (affidavit de Me Valois, para. 5).
[11] De plus, le tribunal avait été informé par l'agente de la réception du rapport depuis le mois d'août alors que Me Valois était toujours disponible pour répondre aux questions du tribunal.
[12] Malgré cela, ce n'est que deux mois plus tard qu'à la demande du tribunal, l'agente écrivait à Me Valois ne lui donnant que six jours pour répondre sachant qu'elle était en congé de maternité à ce moment là. À mon avis, cette façon de procéder était d'autant plus inacceptable qu'il n'y avait aucune urgence puisque le tribunal ne rendait sa décision que trois mois plus tard.
[13] Le défendeur soumet que Me Valois aurait pu demander une remise, mais puisqu'elle ne l'a pas fait elle ne peut s'en plaindre aujourd'hui. Bien que je reconnaisse qu'il s'agissait d'une possibilité, il n'en demeure pas moins, vu le bref délai accordé pour répondre, lequel était par ailleurs totalement injustifié, que Me Valois qui était à la maison avec un nouveau-né n'était pas en mesure de prendre une décision éclairée quant à la conduite du dossier et de présenter la position des demandeurs entièrement et équitablement.
[14] Ce manquement à l'équité procédurale justifie à lui seul l'intervention de la Cour.
[15] La demande de contrôle judiciaire est accordée. Le dossier est retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée. Le dossier est retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.
« Danièle Tremblay-Lamer »
J.C.F.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-934-03
INTITULÉ : IQBAL HUSSAIN ET AL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal
DATE DE L'AUDIENCE : Le 17 mars 2004
MOTIFS : L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 22 mars 2004
COMPARUTIONS :
Me Éveline Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Daniel Latulippe POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Éveline Fiset
Montréal (Québec) POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE