Date : 20010515
Dossier : IMM-1818-00
Référence neutre : 2001 CFPI 474
Entre :
MARCOS VINICIO MARCHANT VERGARA
Demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 8 mars 2000 par la Section du statut de réfugié (la « SSR » ) statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention et que de plus il est exclu de l'application de la Convention aux termes de la section Fb) de l'article premier.
[2] Ainsi, indépendamment de sa conclusion d'exclusion en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention, la SSR a jugé que le demandeur n'a pu établir une crainte bien fondée de persécution au sens de la même Convention, tel qu'il appert de l'extrait suivant de la décision :
FONDEMENT DE LA CRAINTE DU DEMANDEUR
De plus, il nous apparaît que le demandeur n'a pas fait la preuve d'une crainte bien fondée de persécution à cause de ses opinions politiques, ou pour quelque autre motif contenu à la définition de réfugié au sens de la Convention, s'il devait retourner au Chili.
En effet, la preuve documentaire rapporte que le Parti communiste constitue un parti politique reconnu légalement au Chili depuis 1990 [renvoi omis]. De même, la preuve documentaire révèle qu'aucune plainte de persécution ou de mauvais traitement n'a été déposée par un membre du Parti communiste au cours des dernières années, sauf à signaler le cas de sa présidente madame Gladys Marin brièvement arrêtée en 1986 pour diffamation à l'endroit de l'ex-dictateur Pinochet.
[3] La SSR a en outre refusé d'ajouter foi à la prétention du demandeur voulant que le 15 janvier 1996 il ait été enlevé par des gens inconnus et ait subi un interrogatoire de deux jours sur les noms et adresses des dirigeants syndicaux. À ce sujet, le tribunal a jugé invraisemblable que le demandeur ait été visé du simple fait qu'il était un ex-prisonnier politique, vu que les syndicats sont légalement reconnus au Chili, que leurs activités s'exercent ouvertement, que leurs dirigeants sont aussi connus publiquement et que le demandeur n'a jamais déposé de plainte aux autorités. La SSR a conclu qu'il s'agissait là d'une invention du demandeur servant de prétexte à sa décision de quitter son pays.
[4] Il est évident à la lecture de l'extrait ci-dessus de la décision en cause que la conclusion du tribunal sur l'absence de crainte raisonnable de persécution chez le demandeur est fondée sur plusieurs constatations d'ordre général, et non seulement sur l'incident du 15 janvier 1996. Ainsi, que le tribunal ait eu tort ou non de ne pas croire à ce dernier incident, cela n'est pas déterminant. En effet, je ne suis pas convaincu que l'erreur, s'il y en a une, ait eu une incidence sur le résultat de la décision (voir, par exemple, les décisions Schaaf c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 2 C.F. 334 et Association canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective (1991), 129 N.R. 296 (C.F., Appel)).
[5] Cependant, comme cinq années ont séparé l'incident de 1991 (où le demandeur a été arrêté, battu et interrogé concernant le projet de réinsertion la FASIC) de l'incident allégué du 15 janvier 1996, j'estime, dans le contexte établi de l'évolution connue par le Chili depuis 1990, que la SSR pouvait fort bien conclure que cet incident de 1996 était invraisemblable.
[6] Le demandeur ne m'a pas convaincu que les inférences tirées par le tribunal administratif spécialisé que constitue la SSR sont déraisonnables (voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.F., Appel)). Au contraire, les conclusions du tribunal reliées à l'absence de crainte raisonnable de persécution m'apparaissent généralement bien supportées par des éléments de preuve au dossier. Il n'est donc pas indiqué de substituer ma propre appréciation des faits à celle faite par la SSR.
[7] Par ailleurs, je ne suis pas davantage convaincu, en regard de l'exclusion en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention, que la SSR a commis une erreur justifiant l'intervention de cette Cour. En décidant que l'exception politique ne pouvait être invoquée dans les circonstances pour empêcher l'application de cette clause 1Fb), le tribunal m'apparaît avoir correctement appliqué les principes enseignés par la jurisprudence, notamment l'arrêt Gil c. Canada (M.E.I.), [1995] 1 C.F. 508 (C.F., Appel). En effet, le tribunal pouvait très bien, en s'appuyant sur cette jurisprudence, ne pas considérer les actes de sabotage et les vols à main armée commis par le demandeur comme des crimes politiques en raison de l'absence de lien logique entre, d'une part, ces crimes graves, visant des populations civiles et comportant pour elles des risques de mort ou de blessures, et, d'autre part, l'objectif politique.
[8] Finalement, l'arrêt Chan c. Canada (M.C.I.), [2000] 4 C.F. 390 (C.F., Appel), qui confirme la possibilité d'une exception à l'exclusion en vertu de la section Fb) de l'article premier dans le cas où un revendicateur a déjà été condamné et a purgé sa peine pour le crime grave de droit commun qui lui a été reproché, ne peut, en l'espèce, profiter au demandeur. Compte tenu de sa propre preuve, il appert que le demandeur n'a jamais été condamné et purgé de peine pour le dynamitage de pylônes électriques ayant privé plusieurs villes d'électricité et pour le vol à main armée commis dans un supermarché fréquenté par des civils non armés. S'agissant là de crimes qui ont servi de base à son exclusion, le demandeur ne peut donc bénéficier de l'exception de l'arrêt Chan, supra.
[9] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[10] Vu qu'aucune des questions proposées par les parties pour fin de certification n'a trait à la conclusion de la SSR voulant que le demandeur n'ait pu établir une crainte bien fondée de persécution; vu, par ailleurs, les principes applicables énoncés dans l'arrêt Gil, supra et, vu les motifs ci-dessus conduisant au rejet de la demande de contrôle judiciaire, les questions proposées ne rencontrent pas les critères particuliers énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Liyanagamage c. M.C.I. (1994), 176 N.R. 4 et ne méritent donc pas d'être certifiées.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 15 mai 2001