Date : 20010928
Dossier : IMM-5314-00
Référence neutre : 2001 CFPI 1068
ENTRE :
ALICE ANNE MARIE BERNARD
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision prise par une agente d'immigration, Ava Muir, le 18 septembre 2000, de ne pas recommander une décision favorable en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.
FAITS
[2] La demanderesse est une citoyenne de la Grenade née le 7 décembre 1972. Après ses études secondaires, elle a travaillé comme réceptionniste dans son pays. Elle a cependant dû quitter son emploi à cause d'une grossesse difficile.
[3] Elle a donné naissance à son premier enfant, Jarrell Jedd Junior Bernard, à la Grenade le 10 juin 1994.
[4] La demanderesse, qui élevait seule son enfant, a commencé à avoir des problèmes financiers. Elle ne pouvait pas trouver de travail et la situation financière de ses parents ne leur permettait pas de l'aider.
[5] Elle est entrée au Canada à titre de visiteur le 19 août 1995.
[6] Elle s'est trouvé un travail de gardienne d'enfants immédiatement après son arrivée au Canada.
[7] Elle a donné naissance à son deuxième enfant, Jedd Jerron Bernard, dans un hôpital de Toronto le 6 février 1996.
[8] Elle a repris le travail en avril 1996, après un bref congé de maternité. Elle travaille toujours comme gardienne d'enfants.
[9] La demanderesse a présenté de l'intérieur du Canada une demande d'établissement fondée sur des raisons d'ordre humanitaire en avril 1999.
[10] La demanderesse a une soeur qui a obtenu le statut de résidente permanente au Canada. Elle a été bénévole pour le compte de la Daily Bread Food Bank. Elle n'a jamais commis d'infraction criminelle et n'a jamais demandé une aide financière au gouvernement.
[11] La demanderesse a expliqué que la raison fondamentale pour laquelle elle veut demeurer pour toujours au Canada est que l'un de ses enfants est né ici et qu'il serait très difficile pour elle et pour cet enfant de retourner à la Grenade et de présenter une demande à partir de là. Elle a indiqué également que cette procédure lui causerait des difficultés financières.
[12] Elle a aussi déclaré, dans un affidavit supplémentaire daté du 23 juillet 2001, qu'elle s'est inscrite à un cours d'introduction aux applications informatiques, donné au collège Seneca, à Toronto. Ce cours a débuté en mai 2001 et s'est terminé en août 2001. Elle a expliqué qu'elle souhaitait poursuivre ses études en administration des affaires.
[13] Elle a aussi expliqué qu'elle a essayé d'économiser autant d'argent que possible, tout en envoyant de l'argent pour subvenir aux besoins de son fils à la Grenade et en prenant soin de son autre fils au Canada.
[14] La demanderesse a fait du travail communautaire bénévole trois jours par semaine. Elle a aidé à préparer les petits déjeuners des enfants au Scarborough Crossroads Family Resource Centre. Ce centre offre aussi une halte-garderie pour les enfants de trois à cinq ans.
QUESTIONS EN LITIGE
[15] 1. L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur en ne demandant pas de renseignements additionnels à la demanderesse?
2. L'agente d'immigration a-t-elle omis d'évaluer l'intérêt de l'enfant né au Canada?
3. L'agente d'immigration a-t-elle omis de tenir compte de la preuve et sa décision est-elle raisonnable?
ANALYSE
L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur en ne demandant pas de renseignements additionnels à la demanderesse?
[16] Le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration prévoit :
9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée. |
9. (1) Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry. |
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[17] Le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration prévoit :
(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l'admission de toute autre manière. |
(2) The Governor in Council may, by regulation, authorize the Minister to exempt any person from any regulation made under subsection (1) or otherwise facilitate the admission of any person where the Minister is satisfied that the person should be exempted from that regulation or that the person's admission should be facilitated owing to the existence of compassionate or humanitarian considerations. |
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[18] Le pouvoir du ministre d'accorder la dispense est prévu à l'article 2.1 du Règlement sur l'immigration de 1978.
[19] La demanderesse fait remarquer que les lignes directrices IP 5 - Demandes d'établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires, laissent une grande latitude aux agents chargés de l'examen de ces demandes pour demander des renseignements additionnels aux demandeurs, s'ils estiment que les renseignements dont ils disposent ne sont pas suffisants (voir le point 6.2).
[20] La demanderesse prétend que l'agente d'immigration n'a pas suivi les lignes directrices puisqu'elle ne lui a jamais demandé de renseignements additionnels. La demanderesse aurait fourni tous les renseignements qu'on lui aurait demandés.
[21] Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a expliqué l'étendue de l'obligation d'équité procédurale des agents d'immigration qui prennent des décisions en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration. La Cour suprême du Canada a dit :
Toutefois, on ne peut pas dire non plus qu'une audience est toujours nécessaire pour garantir l'audition et l'examen équitables des questions en jeu. La nature souple de l'obligation d'équité reconnaît qu'une participation valable peut se faire de différentes façons dans des situations différentes. La Cour fédérale a statué que l'équité procédurale n'exige pas la tenue d'une audience dans ces circonstances : voir, par exemple, Said, précité, à la p. 30.
Je conviens que la tenue d'une audience n'est pas une exigence générale pour les décisions fondées sur des raisons d'ordre humanitaire. Il n'est pas indispensable qu'il y ait une entrevue pour exposer à un agent d'immigration les renseignements relatifs à une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et pour que les raisons d'ordre humanitaire présentées puissent être évaluées de façon complète et équitable. En l'espèce, l'appelante a eu la possibilité d'exposer par écrit, par l'entremise de son avocat, sa situation, celle de ses enfants et leur dépendance émotive vis-à-vis d'elle, et de présenter à l'appui de sa demande des lettres d'un travailleur social de la Société d'aide à l'enfance et de son psychiatre. Ces documents étaient à la disposition des décideurs, et ils contenaient les renseignements nécessaires pour la prise de décision. Compte tenu de tous les facteurs pertinents pour évaluer le contenu de l'obligation d'équité, le fait qu'il n'y a pas eu d'audience ni d'avis d'audience ne constituait pas, selon moi, un manquement à l'obligation d'équité procédurale envers Mme Baker dans les circonstances, particulièrement en raison du fait que plusieurs des facteurs militaient en faveur d'une norme plus souple. La possibilité qui a été offerte à l'appelante et à ses enfants de produire une documentation écrite complète relativement à tous les aspects de sa demande remplit les exigences en matière de droits de participation que commandait l'obligation d'équité en l'espèce.
[22] En l'espèce, la demanderesse a eu la possibilité de fournir des renseignements sur sa situation à l'agente d'immigration au soutien de sa demande.
[23] Monsieur le juge Heald a dit ce qui suit dans l'affaire Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 54 (C.F. 1re inst.) :
Le requérant prétend avoir droit à ce qu'il soit tenu compte de toute la preuve pertinente dans le cadre de sa demande invoquant des considérations humanitaires. Je suis d'accord. Cependant, le fardeau de la preuve à cet égard incombe alors au requérant. Il a la responsabilité de porter à l'attention de l'agent des visas toute preuve pertinente relative à des considérations humanitaires.
(Non souligné dans l'original.)
[24] Je ne peux conclure que l'agente d'immigration a commis une erreur en ne demandant pas de renseignements additionnels à la demanderesse.
2. L'agente d'immigration a-t-elle omis d'évaluer l'intérêt de l'enfant né au Canada?
[25] Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui suit, aux paragraphes 73 et 74 :
[73] Les facteurs susmentionnés montrent que les droits, les intérêts, et les besoins des enfants, et l'attention particulière à prêter à l'enfance sont des valeurs importantes à considérer pour interpréter de façon raisonnable les raisons d'ordre humanitaire qui guident l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Je conclus qu'étant donné que les motifs de la décision n'indiquent pas qu'elle a été rendue d'une manière réceptive, attentive ou sensible à l'intérêt des enfants de Mme Baker, ni que leur intérêt ait été considéré comme un facteur décisionnel important, elle constituait un exercice déraisonnable du pouvoir conféré par la loi et doit donc être infirmée. En outre, les motifs de la décision n'accordent pas suffisamment d'importance ou de poids aux difficultés qu'un retour en Jamaïque pouvait susciter pour Mme Baker, alors qu'elle avait passé 12 ans au Canada, qu'elle était malade et n'était pas assurée de pouvoir suivre un traitement en Jamaïque, et qu'elle serait forcément séparée d'au moins certains de ses enfants.
[74] Il en résulte que je ne suis pas d'accord avec la conclusion de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Shah, précité, à la p. 239, qu'une décision en vertu du par. 114(2) « relève entièrement [du] jugement et [du] pouvoir discrétionnaire » (je souligne). Le libellé du par. 114(2) et du règlement montre que le pouvoir discrétionnaire conféré est assorti de limites. Bien que je sois d'accord avec la Cour d'appel que la Loi ne donne au demandeur aucun droit à un résultat précis ou à l'application d'un critère juridique particulier, et que la doctrine de l'attente légitime ne commande pas un résultat conforme au libellé d'instruments internationaux, la décision doit être prise suivant une démarche qui respecte les valeurs humanitaires. Par conséquent, l'attention et la sensibilité à l'importance des droits des enfants, de leur intérêt supérieur, et de l'épreuve qui pourrait leur être infligée par une décision défavorable sont essentielles pour qu'une décision d'ordre humanitaire soit raisonnable. Même s'il faut faire preuve de retenue dans le contrôle judiciaire de décisions rendues par les agents d'immigration en vertu du par. 114(2), ces décisions ne doivent pas être maintenues quand elles résultent d'une démarche ou sont elles-mêmes en conflit avec des valeurs humanitaires. Les directives du ministre elles-mêmes soutiennent cette approche. Toutefois, la décision en l'espèce était incompatible avec cette approche.
[26] Dans l'affaire Mayburov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 953 (C.F. 1re inst.), M. le juge Lemieux a cité l'agente d'immigration au paragraphe 17 :
[17] [TRADUCTION] J'ai tenu compte du fait que l'intéressé a un enfant qui est né au Canada. Ils ont sciemment décidé de faire un enfant au Canada même si leur statut d'immigrant n'était pas déterminé et s'ils étaient susceptibles d'être renvoyés du pays. Par ailleurs, s'ils étaient tenus de quitter le Canada, c'est de leur gré qu'ils décideraient de confier leur enfant à leurs parents qui se trouvent au pays. Les parents sont libres de déterminer l'intérêt de leur enfant canadien. Après avoir examiné tous les renseignements que les demandeurs et leur avocat m'ont fournis, je n'estime pas qu'il existe des motifs humanitaires suffisants pour justifier l'octroi d'une dispense à l'égard de l'exigence d'obtenir un visa. Je recommande qu'ils soient tenus de se rendre à l'étranger pour présenter leur demande.
[27] Le juge Lemieux a aussi abordé la question de l'intérêt de l'enfant né au Canada, après avoir passé en revue, au paragraphe 39, les principes établis dans l'arrêt Baker, précité :
[39] Les demandeurs ont soulevé un certain nombre d'arguments qui, tout bien considéré, ne font qu'énumérer plusieurs inconvénients auquel donne lieu l'obligation de devoir quitter le Canada pour présenter une demande de résidence permanente, ce qui constitue la règle normale que le législateur a établie. L'inconvénient n'est pas le critère des difficultés excessives que prévoient les lignes directrices et plusieurs décisions de notre Cour en matière de demandes traitant de préjudice irréparable et visant à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi. En particulier, l'agente d'immigration a tenu compte de ces intérêts pour ce qui est de l'enfant canadien et, comme il a déjà été souligné, une cour de révision ne peut substituer son opinion à celle de l'agent d'immigration. Je conclus que la présente affaire est très différente de l'affaire Baker, précitée, et que, compte tenu de la preuve, on ne saurait prétendre que la décision de l'agente d'immigration était déraisonnable au point de justifier une intervention, vu le contexte législatif selon lequel les personnes qui cherchent à obtenir le statut de résident permanent doivent habituellement présenter leur demande à l'étranger et le contexte dans lequel se trouve le revendicateur du statut de réfugié débouté qui n'est pas admissible dans le cadre de la catégorie des DNRSRC. Aucun autre critère applicable n'a été rempli en l'espèce, et une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire dans le présent contexte ne peut permettre aux intéressés d'obtenir ce qu'ils souhaitent après avoir été déboutés, conformément au droit canadien, en exerçant tous les recours judiciaires qui s'offraient à eux.
[28] À mon avis, l'agente d'immigration a évalué l'intérêt de l'enfant que la demanderesse a eu au Canada, à la lumière de la preuve présentée. Je ne peux conclure que l'agente d'immigration a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard.
3. L'agente d'immigration a-t-elle omis de tenir compte de la preuve et sa décision est-elle raisonnable?
[29] La Cour suprême du Canada a établi la norme de contrôle applicable à une décision d'un agent d'immigration, au paragraphe 62 de l'arrêt Baker, précité :
[62] Tous ces facteurs doivent être soupesés afin d'en arriver à la norme d'examen appropriée. Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.
[30] Au sujet du caractère raisonnable de la décision de l'agent d'immigration dans l'affaire Baker, Mme le juge L'Heureux-Dubé a déclaré, au paragraphe 63 :
[63] J'examinerai maintenant si la décision dans la présente affaire, et l'interprétation par l'agent d'immigration de l'étendue du pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré, étaient déraisonnables au sens où l'entend le juge Iacobucci dans l'arrêt Southam, précité,au par. 56 :
Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve.
[31] Dans la décision Irimie c. Canada, [2000] A.C.F. no 1906 (C.F. 1re inst.), M. le juge Pelletier a affirmé, aux paragraphes 11 à 13 :
[11] Dans l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, (1999), 243 N.R. 22, Madame le juge L'Heureux-Dubé a souligné que le Guide indique bien la façon dont le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre et exercé au nom de celle-ci par l'agent qui entend la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire doit être exercé :
Les directives révèlent ce que le ministre considère comme une décision d'ordre humanitaire, et elles sont très utiles à notre Cour pour décider si les motifs de l'agent Lorenz sont valables. Elles soulignent que le décideur devrait être conscient des considérations humanitaires possibles, devrait tenir compte des difficultés qu'une décision défavorable imposerait au demandeur ou aux membres de sa famille proche, et devrait considérer comme un facteur important les liens entre les membres d'une famille. Les directives sont une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable du pouvoir conféré par l'article, et le fait que cette décision était contraire aux directives est d'une grande utilité pour évaluer si la décision constituait un exercice déraisonnable du pouvoir en matière humanitaire.
Baker,supra, au par. 72.
[12] Si l'on examine ensuite les commentaires qui figurent dans le Guide au sujet des difficultés inhabituelles ou injustifiées, on conclut que ces difficultés sont appréciées par rapport à la situation d'autres personnes à qui l'on demande de quitter le Canada. Il semblerait donc que les difficultés qui déclencheraient l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour des raisons d'ordre humanitaire doivent être autres que celles qui découlent du fait que l'on demande à une personne de partir une fois qu'elle est au pays depuis un certain temps. Le fait qu'une personne quitterait des amis, et peut-être des membres de la famille, un emploi ou une résidence ne suffirait pas nécessairement pour justifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire en question.
[13] Les demandeurs affirment que l'agente qui a examiné leur demande a tenu compte de facteurs non pertinents et qu'elle a accordé de l'importance à des facteurs non pertinents. Parmi ces facteurs il y avait le fait que la revendication des demandeurs n'avait pas été reconnue. Les demandeurs affirment que cela n'est pas pertinent puisque, par définition, la personne qui présente une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'a pas le statut de réfugié de sorte que le motif pour lequel elle n'a pas ce statut ne devrait pas entrer en ligne de compte. Étant donné que l'un des critères dont il faut tenir compte se rapporte à la question de savoir si les difficultés découlent du fait qu'il n'est pas justifié de quitter le pays, la question de savoir de quelle façon une personne est entrée dans le pays est dans une certaine mesure pertinente. Selon les circonstances, il pourrait s'agir d'un élément favorable ou d'un élément défavorable. En l'espèce, l'agente des visas a placé ce facteur dans la colonne des facteurs favorables, comme elle l'a d'ailleurs fait à l'égard du fait que les demandeurs avaient demandé un visa qui leur avait été refusé. Il serait avec raison possible de tenir compte de ces facteurs en vue de déterminer si les difficultés que les demandeurs subiraient sont injustifiées.
[32] La demanderesse soutient qu'elle s'est établie au Canada et que l'agente d'immigration aurait dû considérer que les facteurs d'établissement étaient suffisants pour l'approbation de sa demande.
[33] Je ne peux conclure que l'agente d'immigration a commis une erreur dans son évaluation de la preuve. Rien n'indique que l'agente d'immigration a écarté des éléments de preuve ou n'a pas examiné la preuve de manière appropriée. À mon avis, la décision de l'agente d'immigration était raisonnable.
[34] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[35] L'avocat de la demanderesse a suggéré que la question suivante soit certifiée :
Est-il dans l'intérêt de la justice que l'agent saisi d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire demande au demandeur, lorsqu'il évalue l'intérêt supérieur de l'enfant, de présenter des éléments de preuve concernant la situation de ce dernier, en l'absence de tels éléments de preuve?
[36] Le défendeur s'oppose à la certification de cette question parce que, à son avis, celle-ci est imprécise et trop large et a essentiellement déjà été tranchée.
[37] L'avocate du défendeur a écrit :
[TRADUCTION] [...] La Cour suprême du Canada devait, dans l'arrêt Baker, statuer sur la teneur du devoir d'équité dans les affaires concernant des demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire et les obligations des agents chargés de trancher ces demandes en ce qui concerne l'évaluation de l'intérêt supérieur des enfants. Selon la demanderesse dans l'arrêt Baker, l'équité exigeait « une entrevue orale devant le décideur, un avis de la tenue de cette entrevue aux enfants et à l'autre parent, un droit pour les enfants et l'autre parent de présenter des arguments au cours de cette entrevue, un avis à l'autre parent de la tenue de l'entrevue et du droit de cette personne d'être représentée par un avocat » . La Cour suprême a décidé que ce qu'il fallait, c'est que le demandeur ait une possibilité valable de présenter les divers types de preuves qui se rapportent à son affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable. Elle était convaincue que la possibilité de présenter tous les renseignements et éléments de preuve pertinents par écrit (y compris ceux concernant la situation des enfants) remplissait l'exigence de donner à un demandeur une possibilité valable de présenter tous les éléments de preuve qui se rapportent à l'affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable par le décideur.
Il est allégué que ce processus approuvé par la Cour confirme que la seule obligation de l'agent chargé de statuer sur une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est d'examiner l'affaire dont il est saisi d'une façon complète et sérieuse, et ne lui impose pas l'obligation d'obtenir des renseignements, ce qui pourrait aussi équivaloir à un processus sans fin.
[38] Je souscris entièrement à l'argument du défendeur selon lequel la question a déjà été tranchée et il ne s'agit pas d'une question grave de portée générale.
[39] Par conséquent, la question proposée n'est pas certifiée.
« Pierre Blais »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 28 septembre 2001
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5314-00
INTITULÉ : ALICE ANNE MARIE BERNARD c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 19 septembre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE BLAIS
DATE DES MOTIFS : Le 28 septembre 2001
COMPARUTIONS :
Leroy A. Crosse POUR LA DEMANDERESSE
Amina Riaz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Leroy A. Crosse POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada