Date : 20010920
Dossier : T-2680-97
Référence neutre : 2001 CFPI 1037
Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
MICROFIBRES, INC.
demanderesse
et
ANNABEL CANADA INC.
ALFONS DERUMEAUX
et ANNABEL NV
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Nature de l'instance
[1] Par une requête de la nature d'un appel incident, la demanderesse sollicite une ordonnance accueillant l'appel d'une partie de l'ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière le 13 juillet 2001.
Les faits
[2] La présente requête découle d'une action fondée sur la violation de droits d'auteur que possède la demanderesse sur des dessins artistiques figurant sur des tissus. La demanderesse allègue que les défendeurs ont fabriqué et vendu des reproductions non autorisées de leurs dessins visés par des droits d'auteur alors qu'ils étaient parfaitement au courant de l'existence de ces droits. La déclaration a été déposée le 11 décembre 1997.
[3] Une première requête visant à diviser l'instance engagée par les défendeurs Annabel Canada Inc. et Alfons Derumeaux a été présentée le 11 janvier 2000; elle a été rejetée sur consentement par une ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 18 janvier 2000.
[4] Le 12 octobre 2000, la Cour a permis à la demanderesse de constituer Annabel N.V. à titre de défenderesse.
[5] Le 11 décembre 2000, les défendeurs, dont Annabel N.V., ont présenté une requête visant à diviser l'instance. Cette requête a été rejetée par le protonotaire Lafrenière le 15 décembre 2001. Le protonotaire n'a pas prononcé de motifs à l'appui.
[6] Lors de l'interrogatoire préalable, la question 023 enjoignait à la défenderesse Annabel N.V. de [TRADUCTION] « produire toutes les factures d'Annabel N.V. se rapportant aux ventes du tissu en question, et ce, peu importe que les ventes y afférentes aient été conclues au Canada ou ailleurs » . La défenderesse Annabel N.V. a refusé en invoquant le manque de pertinence et l'absence de compétence. Le 13 juillet 2001, sur présentation d'une requête, le protonotaire Lafrenière a rendu l'ordonnance suivante à l'égard de la question 023 :
[TRADUCTION]
Cette question est pertinente; il est ordonné d'y répondre à moins que dans les 30 jours qui suivent la signature de cette ordonnance la défenderesse Annabel N.V. ne dépose un avis de requête en vue de diviser l'instance conformément à la règle 107 de façon que les questions de responsabilité et les questions de dommages-intérêts et de profits soient instruites séparément, auquel cas cette question n'aura pas à faire l'objet d'une réponse tant qu'il n'aura pas été statué d'une façon définitive sur la requête en question.
[7] Le 23 juillet 2001, les défendeurs ont signifié à la demanderesse une troisième requête visant à diviser l'instance à l'égard du délai de 30 jours imposé par le protonotaire Lafrenière dans l'ordonnance du 13 juillet 2001.
[8] La demanderesse présente la requête ici en cause en vertu de la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, en vue de solliciter une ordonnance :
a) accueillant l'appel de la partie susmentionnée de l'ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière le 13 juillet 2001;
b) remplaçant ladite ordonnance par l'ordonnance suivante : « Cette question est pertinente; il est ordonné d'y répondre » ; et
c) accordant l'autorisation de modifier le délai imparti aux fins de l'introduction de l'appel dont il est ici question et dispensant la demanderesse de l'obligation de déposer un dossier de requête distinct à l'appui de la présente requête.
Les points litigieux
[9] 1. Une autorisation devrait-elle être accordée en vue de la prorogation du délai imparti aux fins de l'introduction de l'appel ici en cause?
2. La décision du protonotaire Lafrenière était-elle fondée sur un mauvais principe de droit ou sur une mauvaise appréciation des faits portant sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause?
Norme de contrôle
[10] La norme de contrôle des ordonnances discrétionnaires rendues par les protonotaires de la Cour fédérale est bien établie. L'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne peut pas être modifiée en appel à moins d'être entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe de droit ou d'une mauvaise appréciation des faits portant sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. [Voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.), (1993), 149 N.R. 273.]
Analyse
[11] La demanderesse a déposé un avis de requête visant à l'introduction d'un appel le 31 août 2001; ce faisant, elle a attendu :
a) trente-neuf (39) jours après le dépôt de l'avis d'appel d'Annabel N.V., lequel était daté du 23 juillet 2001;
b) quarante-neuf (49) jours après le prononcé de l'ordonnance, le 13 juillet 2001; et
c) soixante-dix-neuf (79) jours après l'audience du 13 juin 2001.
[12] En vertu de la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), l'avis de requête visant à l'introduction d'un appel est signifié dans les dix (10) jours suivant la date de l'ordonnance visée par l'appel. Même s'il était reconnu qu'un « appel incident » peut-être interjeté contre un appel d'une ordonnance rendue par un protonotaire conformément à la règle 341, pareil appel incident doit être interjeté dans les dix (10) jours suivant la date d'introduction de l'appel et non dans les trente-neuf (39) jours.
[13] La requête de la demanderesse est clairement prescrite; une ordonnance modifiant le délai imparti aux fins de l'introduction de l'appel ici en cause ne peut être rendue que sur autorisation de la Cour.
[14] La règle 55 desRègles de la Cour fédérale (1998) précise que la partie requérante doit invoquer des « circonstances particulières » justifiant la demande de prorogation de délai.
[15] Dans l'arrêt Canada c. Hennely [1999], A.C.F. no 846 (QL), la Cour d'appel fédérale a énoncé les critères auxquels doit satisfaire la partie qui sollicite une prorogation de délai. Au paragraphe 3 de la décision, le juge McDonald a dit ce qui suit : « Le critère approprié est de savoir si, le demandeur a démontré :
1. une intention constante de poursuivre sa demande;
2. que la demande est bien fondée;
3. que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et
4. qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai. »
[16] Les défendeurs soutiennent que ni la preuve par affidavit ni les observations écrites déposées par les demanderesses ne révèlent l'existence d'un motif justifiant son inaction ou l'impossibilité de respecter le libellé impératif prévu par la règle 51. Un examen de l'affidavit de Kenneth K. Clark et des observations écrites de la demanderesse ne révèle rien qui justifie le retard et aucun élément de preuve ne montre que la demanderesse ait eu l'intention de bonne foi d'en appeler quand elle en avait le droit.
[17] À l'audience, l'avocat de la demanderesse a soutenu que les défendeurs ne subiraient aucun préjudice si l'autorisation était accordée et qu'ils ont présenté un certain nombre de requêtes pour qu'une audience soit tenue le 10 septembre 2001, celles-ci se rapportant toutes à l'objet de la présente requête. Il se peut bien que les défendeurs ne subissent aucun préjudice si l'autorisation est accordée, mais la demanderesse doit néanmoins prouver son intention de bonne foi d'en appeler et que son défaut de le faire était causé par des circonstances spéciales. Or, à mon avis, elle a omis de le faire.
[18] La jurisprudence de la présente Cour a toujours établi que le demandeur doit prouver « son intention de bonne foi d'en appeler quand il en avait le droit et que son défaut d'en appeler était causé par une circonstance spéciale qui excuse ou justifie un tel défaut » . [Voir LeBel c. Canada, [1987] A.C.F. no 607, à la page 3, et Tom Pac Inc. c. Kem-A-Trix (Lubricants) Inc., [1997] 75 C.P.R. (3d) 326.]
[19] Pour les motifs susmentionnés, je ne puis accorder l'autorisation de proroger le délai dans lequel la demanderesse peut en appeler de la partie susmentionnée de la décision que le protonotaire Lafrenière a rendue le 13 juillet 2001. La présente requête est donc rejetée.
[20] Il n'est pas nécessaire que j'examine la deuxième question susmentionnée puisque la conclusion que j'ai tirée au sujet de la première question suffit aux fins du règlement de la présente requête.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête est rejetée avec dépens.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N º DU DOSSIER : T-2680-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : Microfibres Inc.
c.
Annabel Canada Inc. et autres
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 17 septembre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : PAR MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : le 20 septembre 2001
ONT COMPARU
M. Kevin Sartorio POUR LA DEMANDERESSE
Mme Silvana Conte POUR LES DÉFENDEURS
Annabel Canada Inc. et Alfons Derumeaux
M. Daniel Urbas POUR LA DÉFENDERESSE
Annabel N.V.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Gowlings Lafleur Henderson POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Davies Ward Phillips et Vineberg LLP POUR LES DÉFENDEURS
Montréal (Québec) Annabel Canada Inc. et Alfons Derumeaux
Woods et associés POUR LA DÉFENDERESSE
Montréal (Québec) Annabel N.V.