Date : 20001109
Dossier : T-596-98
Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2000
En présence de : monsieur le juge Pinard
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
MILANKA KARIC
intimée
JUGEMENT
L'appel est accueilli. La décision que le juge de la citoyenneté, W. Borosa, a rendue en date du 12 mars 1997 est annulée parce qu'au moment où l'intimée a demandé la citoyenneté canadienne, elle ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. En conséquence, la demande de citoyenneté canadienne de l'intimée est rejetée.
YVON PINARD |
____________________ |
JUGE |
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
Date : 20001109
Dossier : T-565-98
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
BOGOLJUB KARIC
intimé
Dossier : T-596-98
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
MILANKA KARIC
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'appels qu'a interjetés le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (l'appelant) contre la décision rendue à l'audience le 12 mars 1997, dans laquelle le juge de la citoyenneté W. Borosa a fait droit aux demandes de citoyenneté canadienne des intimés1. L'appelant soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que les intimés avaient satisfait aux exigences de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et ses modifications, (la Loi), qui est rédigé comme suit :
5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who [ . . . ] (c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:
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5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois : [ . . . ] c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :
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[2] Les deux intimés sont des citoyens de la Yougoslavie. Ils sont arrivés au Canada à titre de résidents permanents le 8 février 1993 et ont demandé la citoyenneté canadienne le ou vers le 9 juin 1996. Pendant la période pertinente prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, l'intimé Bogoljub Karic a été physiquement présent au Canada pendant 163 jours, de sorte qu'il lui manquait donc 932 jours des 1 095 jours requis. Son épouse, l'intimée Milanka Karic, a été physiquement présente au Canada pendant 153 jours, de sorte qu'il lui manquait 945 jours des 1 095 jours requis. L'intimé M. Karic, qui était généralement accompagné de son épouse, l'intimée Mme Karic, s'absentait alors du Canada pour des raisons d'affaires.
[3] Mon collègue, le juge Muldoon, dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la page 260, a énoncé les objectifs sous-jacents à l'alinéa 5(1)c) de la Loi :
... garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes. |
[4] La Cour a conclu que, suivant une interprétation appropriée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, il n'est pas nécessaire d'être physiquement présent au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours de résidence prescrits dans cette disposition, quand il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles. J'estime, toutefois, que la présence réelle au Canada demeure le plus pertinent et le plus important facteur dont il faille tenir compte pour établir si une personne a « résidé » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai affirmé à de nombreuses reprises, une absence prolongée du Canada, bien que temporaire, au cours de cette période minimale de temps, va à l'encontre de l'esprit de la Loi qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent la date de sa demande de citoyenneté.
[5] Par conséquent, vu qu'en l'espèce, les intimés ont été absents du Canada pendant de longues périodes, j'estime que la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle ils satisfaisaient aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi est tout à fait déraisonnable et qu'elle résulte d'une application erronée de cette disposition législative.
[6] Les appels sont donc accueillis et la décision que le juge de la citoyenneté a rendue à l'audience le 12 mars 1997 est annulée parce qu'au moment où les intimés ont demandé la citoyenneté canadienne, ils ne satisfaisaient pas aux exigences de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi. En conséquence, les demandes de citoyenneté canadienne des intimés sont rejetées.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 9 novembre 2000
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-565-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Bogoljub Karic |
NO DU GREFFE : T-596-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Milanka Karic |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : le 5 octobre 2000 |
MOTIFS DU JUGEMENT DE monsieur le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : le 9 novembre 2000 |
ONT COMPARU :
M. Lori Hendriks POUR L'APPELANT |
Stephen W. Green POUR L'INTIMÉ |
Peter K. Large AMICUS CURIAE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) POUR L'APPELANT |
Green and Spiegel
Avocats
Toronto (Ontario) POUR L'INTIMÉ |
Peter K. Large
Avocat
Toronto (Ontario) AMICUS CURIAE |
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1 Il s'agit d'une action par voie de nouvelle audition conformément à la Règle 912 des anciennes Règles de la Cour fédérale , C.R.C. 1978, ch. 663.