Date : 19990308
Dossier : T-1881-93
OTTAWA (ONTARIO), LE 8 MARS 1999.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON
ENTRE
UNITED STATES POLO ASSOCIATION,
appelante
(requérante),
et
POLO RALPH LAUREN CORPORATION et
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,
intimés
(opposants).
ORDONNANCE
L"appel est rejeté, avec dépens en faveur de l"intimée.
MARC NADON |
JUGE |
Traduction certifiée conforme
C. Bélanger, LL.L.
Date : 19990308
Dossier : T-193-95
OTTAWA (ONTARIO), LE 8 MARS 1999.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON
ENTRE
UNITED STATES POLO ASSOCIATION,
appelante
(requérante),
et
POLO RALPH LAUREN CORPORATION et
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,
intimés
(opposants).
ORDONNANCE
L"appel est accueilli, avec dépens en faveur de l"appelante.
MARC NADON |
JUGE |
Traduction certifiée conforme
C. Bélanger, LL.L.
Date : 19990308
Dossier : T-189-96
OTTAWA (ONTARIO), LE 8 MARS 1999.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON
ENTRE
UNITED STATES POLO ASSOCIATION,
appelante
(requérante),
et
POLO RALPH LAUREN CORPORATION et
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,
intimés
(opposants).
ORDONNANCE
L"appel est accueilli, avec dépens en faveur de l"appelante.
MARC NADON
JUGE
Traduction certifiée conforme
C. Bélanger, LL.L.
Date : 19990308
Dossiers : T-1881-93
T-193-95
T-189-96
ENTRE
UNITED STATES POLO ASSOCIATION,
appelante
(requérante),
et
POLO RALPH LAUREN CORPORATION et
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,
intimés
(opposants).
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE NADON
[1] Je suis saisi de trois appels formés contre des décisions rendues par la Commission d"opposition des marques de commerce (la Commission) accueillant les oppositions
présentées par l"intimée et rejetant, de ce fait, les demandes de l"appelante visant à déposer les marques de commerce projetées.
[2] La Commission a rendu ses décisions en date des 31 mai 1993 (T-1881-93), 30 novembre 1994 (T-193-95) et 22 novembre 1995 (T-189-96).
[3] En ce qui concerne les dossiers T-1881-93 et T-189-96, la Commission a conclu que l"appelante n"avait pu prouver que les marques de commerce dont elle demandait l'enregistrement ne créaient pas de confusion avec les marques déposées de la société intimée, soit POLO PLAYER DESIGN et, dans le dossier T-193-95, la marque déposée POLO.
[4] L"appelante a demandé le dépôt des marques de commerce suivantes :
[5] L"appelante a demandé le dépôt des marques de commerce projetées pour en faire usage au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :
[TRADUCTION] " Vêtements pour hommes, femmes et enfants, notamment pantalons, chemises, shorts, jupes, blouses, manteaux, T-shirts, vestes, chandails et survêtements comprenant blousons, pantalons de survêtement, shorts d"entraînement et vestes molletonnées. " |
[6] Les marques de commerce de l"intimée, visées par les oppositions, sont les suivantes :
[7] Les présents appels ont été interjetés en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. C-13 (la Loi). Le paragraphe 56(5) de cette Loi énonce que les parties à un appel de cette sorte peuvent, en plus de la preuve fournie à la Commission, présenter une nouvelle preuve au tribunal et que ce dernier peut, en conséquence, " exercer toute discrétion dont le registraire est investi ". Dans la décision McDonald"s Corp. c. Sylcorp. Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207, le juge Strayer (tel était alors son titre) a ainsi défini, à la page 210, le rôle de la Cour touchant les appels en matière d"opposition :
Il semble clair qu"en matière d"oppositions, lorsque le litige porte essentiellement sur des faits relatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s"il s"agissait de l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire. La Cour est donc libre d"examiner les faits afin d"établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant, cette décision ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles : voir Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1, à la p. 8, 1 D.L.R. (3d) 462, [1969] R.C.S. 192, aux p. 199 et 200 (C.S.C.). Bien qu"à diverses reprises la Cour d"appel fédérale ait jugé qu"en appel, la Cour avait l"obligation d"établir si le registraire avait ou non rendu une décision " manifestement erronée " ou s"il avait simplement " eu tort ", il semble que le juge saisi d"un appel semblable à l"espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l"exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l"expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui. |
[8] La décision du juge Strayer a été portée en appel devant la Cour d"appel fédérale, mais sans succès. Le juge Stone, au nom de la Cour, a reconnu dans la décision McDonald"s Corp. c. Silcorp. Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 67, à la page 68, que s"il incombait au juge de première instance de trancher les questions qui lui étaient soumises, il ne fallait pas, non plus, porter atteinte à la légère aux décisions de la Commission.
Nous ne sommes pas persuadés que le juge Strayer a commis une quelconque erreur relativement aux questions dont il était saisi, lesquelles confirmaient dans tous ses aspects essentiels la décision de la Commission. Dans les circonstances, nous sommes d"avis que le principe établi par la Cour suprême du Canada, tel qu"énoncé par le juge Ritchie, dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1, aux p. 8 et 9, 1 D.L.R. (3d) 462, [1969] C.S.C. 192, est tout à fait pertinent en l"espèce. Il dit : |
À mon avis, la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d"un grand poids et la conclusion d"un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien doit rendre des décisions sur ce point et sur d"autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère... |
Même si, comme l"indique également ce cas-là, le distingué magistrat n"était pas déchargé de la responsabilité de trancher les questions en litige, compte tenu des circonstances de l"espèce, il s"est bien acquitté, à nos yeux, de cette responsabilité. |
[9] Dans les cas sous étude, les parties ont soumis des preuves dont la Commission n"a pas eu connaissance au moment de rendre les décisions qui font l"objet du présent appel. Je partage entièrement les observations du juge Strayer dans la décision McDonald"s voulant que je doive former mon propre jugement quant au bien-fondé des conclusions de la Commission. Ce faisant, je ne dois cependant pas perdre de vue "l"expérience et [l]es connaissances particulières dont disposent le registraire ou la Commission ", et prendre en compte les nouvelles preuves qui m"ont été fournies. Je suis donc d"avis que l"appelante doit prouver, à la lumière de tous les éléments de preuve, que les décisions de la Commission ne sont pas " exactes ".
[10] J"en arrive maintenant à la nature des oppositions présentées à la Commission. Les motifs d'opposition dans les trois appels sont essentiellement les mêmes et on peut les résumer ainsi. En premier lieu, les marques de commerce visées ne peuvent pas être enregistrées, suivant l"alinéa 12(1)d ) de la Loi, parce qu"elles créent de la confusion avec les marques de commerce de l"intimée. Deuxièmement, l"appelante n"a pas qualité pour demander l"enregistrement en vertu de l"article 16 de la Loi, vu qu"à la date du dépôt de sa demande, les marques de commerce en question créaient de la confusion avec les marques déposées que l"intimée a antérieurement employées au Canada en liaison avec des articles et accessoires d"habillement. En troisième lieu, les marques de commerce projetées à l"enregistrement ne revêtent pas un caractère distinctif, en raison de l"emploi par l"intimée de ses marques et de l"utilisation de certaines d"entre elles par Triton Industries Inc. Le dernier motif d"opposition est que les demandes de l"appelante ne se conforment pas aux prescriptions de l"alinéa 30e ) de la Loi.
[11] Je conviens avec l"appelante que les motifs d"opposition nécessitent que soit établie la vraisemblance de la confusion, au sens de l"article 6 de la Loi, entre les marques de commerce de l"intimée et celles de l"appelante, exception faite du motif de non-conformité des demandes avec l"alinéa 30e ), c"est-à-dire l"intention d"employer. Je suis d"accord sur cet énoncé, considérant qu"il incombe à l"appelante de me persuader que les décisions de la Commission ne sont pas " exactes ".
[12] Les faits pertinents quant aux trois appels peuvent se résumer ainsi. L"appelante est une association à but non lucratif constituée dans le dessein d"encourager et de réglementer le jeu de polo et de coordonner les activités de ses membres, des joueurs et des clubs affiliés. L"association a, entre autres missions, celle d"édicter des règlements, d"assurer la sécurité des joueurs et des chevaux, de renseigner le public et de parrainer des joutes et des tournois de polo nationaux et internationaux. Créée en 1890, c"est le seul organisme qui régit la pratique de ce sport aux États-Unis et au Canada.
[13] Des tournois de polo ont lieu au Canada depuis 1950 et près de dix tournois, ouverts au public, sont organisés chaque année entre des équipes canadiennes et américaines. Neuf clubs de polo canadiens sont membres de l"association appelante et comptent 93 membres à titre personnel.
[14] À l"occasion des tournois de polo, les expressions et marques " U.S.P.A. " et " UNITED STATES POLO ASSOCIATION " sont nettement mises en évidence et en valeur. En outre, l"appelante distribue des livrets d"instruction et des bulletins de nouvelles mensuels à ses membres à titre personnel ainsi qu"aux clubs canadiens affiliés.
[15] En 1985, la U.S.P.A. Properties Inc., filiale en propriété exclusive de l"appelante, a conclu avec Triton Industries Inc. (Triton) un contrat de licence lui accordant le droit exclusif d"employer au Canada divers noms, symboles, emblèmes, dessins et couleurs, propriété de l"appelante, en liaison avec des articles vestimentaires, dont les marques de commerce U.S. POLO ASS"N et U.S. POLO ASSOCIATION, objet des demandes d"enregistrement. Le contrat en question a été résilié en 1992 lorsque Triton a cessé de verser les redevances.
[16] Triton s"est employée à faire connaître, à vendre et à distribuer à des grands magasins et à des détaillants partout au Canada des articles vestimentaires pour hommes et femmes liés aux marques de commerce U.S. POLO ASS"N portant le nom et l"étiquette de cette association. De 1989 à 1991, Triton a vendu pour à peu près 11 millions de dollars de ces marchandises. Ses détaillants clients comprenaient notamment La Baie, Zellers, Woolworth, Eaton, Club Price et Sears. Aucun cas de confusion avec les marques de commerce de l"intimée n"a été rapporté.
[17] En octobre 1992, l"appelante a vendu trois modèles différents de t-shirt, dont deux portaient une marque de commerce accompagnée des mots UNITED STATES POLO ASSOCIATION et POLO. Ce même mois, elle a également vendu trois modèles différents de t-shirt dont deux portaient une marque de commerce identique à la marque 544,477 et, le troisième, un emblème montrant un joueur de polo à cheval s"apprêtant à frapper la balle avec un maillet.
[18] Aucun article vestimentaire portant la marque de commerce et l"emblème U.S.P.A. (552,667), ou la marque de commerce et l"emblème U.S. Polo Association (552,666) n"a jamais été vendu au Canada. Cependant, il semblerait que le contrat conclu avec Triton en 1985 accordait à celle-ci le droit d"employer, entre autres , les deux marques demandées dans le dossier T-1881-93. Toutefois, depuis le 27 février 1992, date de la résiliation du contrat conclu entre l"appelante et Triton, cette dernière n"a pas employé lesdites marques de commerce pour vendre des articles vestimentaires à ses clients canadiens.
[19] L"activité commerciale de l"intimée consiste à concevoir, fabriquer et commercialiser en exclusivité des articles et accessoires vestimentaires haut de gamme créés par Ralph Lauren, designer mondialement connu, ou sous sa direction.
[20] L"intimée est propriétaire d"un éventail de marques de commerce comportant, entre autres, le vocable " polo " ou la représentation d"un joueur de polo à cheval. Lesdites marques de commerce dont j"ai fait état au paragraphe 5 sont déposées comme suit :
[21] Depuis 1967, l"intimée a employé une ou plusieurs de ces marques de commerce aux États-Unis, en liaison avec des vêtements et accessoires masculins comprenant cravates, chemises, costumes, manteaux, vestons, pantalons, chandails, écharpes et ceintures.
[22] Entre 1980 et 1987, les ventes de vêtements Polo aux États-Unis ont dépassé un milliard de dollars (U.S.) et, durant cette période, l"intimée a dépensé plus de 50 millions de dollars (U.S.) en publicité pour faire connaître ses produits. Dans ses annonces publicitaires, l'intimée montrait ses marques de commerce et, parfois, l"emblème du joueur de polo.
[23] Les marques de commerce polo ont été utilisées au Canada depuis 1976 en liaison avec les articles vestimentaires polo, lesquels portent toujours la marque et l"étiquette d"une ou de plusieurs de ces marques de commerce. L"emblème du joueur à cheval est souvent brodé sur les vêtements.
[24] Entre 1986 et 1990, les ventes de vêtements polo ont dépassé 170 millions de dollars canadiens. Elles s"effectuent toujours au Canada par l"entremise des [TRADUCTION] " bons magasins de vêtements pour hommes ainsi que des magasins à rayons réputés comme la Compagnie de la Baie d"Hudson et Eaton ". De 1986 à 1990, plus de 3,5 millions de dollars ont été dépensés en publicité au Canada. À l"instar de la publicité américaine, les annonces canadiennes montraient une ou plusieurs marques de commerce polo et, fréquemment, l"emblème du joueur de polo à cheval. Tant le secteur du vêtement que le public parlent couramment des VÊTEMENTS POLO pour désigner ces articles.
[25] Il ne fait aucun doute que la renommée des marques de commerce de l"intimée est largement répandue au Canada et que ces marques sont bien connues de l"industrie du vêtement et du public canadien.
[26] Dans l'arrêt United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. et al. (1998), 225 N.R. 82, le juge Linden a correctement énoncé la règle de droit applicable lorsqu"il dit ce qui suit aux pages 87 à 90 :
[11] En l"espèce, la question essentielle est de savoir si le juge de première instance a eu raison de conclure qu"il existait un risque que, dans l"esprit du consommateur moyen, la marque de l"appelante crée de la confusion avec la marque de l"intimée. Le droit, à ce sujet, a été codifié à l"article 6 de la Loi sur les marques de commerce , qui est ainsi rédigé : |
6. (1) Pour l"application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l"emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article. |
(2) L"emploi d"une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l"emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. |
[...] |
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l"espèce, y compris : |
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; |
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; |
c) le genre de marchandises, services ou entreprises; |
d) la nature du commerce; |
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"ils suggèrent. |
[12] Dans une demande présentée au registraire, il incombe à celui qui demande l"enregistrement d"une marque d"établir que, dans l"esprit du consommateur moyen, il n"y a aucune probabilité de confusion avec la marque de commerce déposée. Cette charge est établie depuis longtemps en Angleterre et au Canada aux termes de la Loi sur la concurrence déloyale, 1932 . Sous le régime de la loi actuelle, le juge Cattanach, dans la décision Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd., après avoir passé en revue l"histoire du droit, a décidé non seulement que la charge de la preuve incombe au demandeur devant le registraire, mais qu"une procédure d"opposition ne change rien à cette règle. Il conclut : |
[Dans l"arrêt The Wool Bureau of Canada Ltd. c. Queenswear (Canada) Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 11], on a dit que l"interpolation des procédures d"opposition ne change rien au fait que c"est à l"auteur de la demande d"enregistrement d"une marque de commerce de prouver que cette dernière ne présente aucun risque de confusion au sens du paragraphe 6(2). Ces procédures ne sont rien d"autre qu"une autre étape, prévue par la Loi, dans la décision ultime du Registraire d"enregistrer ou de ne pas enregistrer une marque de commerce dont on demande l"enregistrement. Ainsi, il s"ensuit que dans une procédure en opposition, le fardeau de la preuve continue à incomber à l"auteur d"une demande d"enregistrement, exactement comme dans la demande adressée au Registraire. |
Je souscris à ce principe. |
[15] [...] En d"autres termes, de nos jours, la marque déposée sert à assurer que les marchandises ou les services sont les marchandises et les services d"une personne déterminée et de personne d"autre, c"est-à-dire que la marque déposée garantit l"origine ou la source des biens. |
[17] En se prononçant sur des questions de propriété, il s"agit toujours de soupeser le droit public à la concurrence en regard du droit privé à la propriété. Selon moi, le débat dépasse la question de la propriété intellectuelle : un propriétaire ne jouit pas de droits illimités relativement à ses biens meubles et immeubles. La loi et la common law permettent la prise en compte de l"intérêt public (le délit civil de nuisance, par exemple). Dans un tel examen, la Cour ne doit pas oublier que le marché repose sur ceux qui, par leur labeur et leur ingéniosité, contribuent à la solidité de notre économie. Cette solidité nous profite à tous. Il faut prendre soin en se prononçant sur des droits de propriété de tracer équitablement la ligne de démarcation entre le droit à l"utilisation exclusive d"une idée et le droit des personnes d"entrer en concurrence et de gagner leur vie. Madame la juge McLachlin expose intelligemment ce dilemme de la manière suivante : |
Il faut cesser de voir la propriété intellectuelle comme un droit absolu et commencer à la considérer comme une fonction - un processus, qui, s"il veut réussir, doit répondre à divers objectifs : d"une part, il doit assurer une juste récompense aux créateurs et inventeurs et encourager la recherche et la créativité, et, d"autre part, il doit permettre la plus large diffusion possible des idées et des produits dont le monde, et chacun d'entre nous, avons tant besoin. |
[18] L"économie de la Loi, en accord avec la théorie de la source des droits de propriété, permet l"enregistrement de marques de commerce en liaison avec la mise en marché de marchandises ou de services. Conformément à l"article 30 de la Loi, le déposant doit préciser en liaison avec quelles marchandises ou quels services il enregistre la marque. De même, suivant l"article 40 de la Loi, l"enregistrement ne peut avoir lieu que lorsque la marque elle-même est effectivement employée. Une personne peut demander l"enregistrement d"une marque projetée, mais, tant qu"elle n"a pas été employée, la marque de commerce ne peut être déposée. Cet " emploi " ou " usage " est défini dans la Loi et ne renvoie pas au fait d"être en activité. Le paragraphe 4(1) dispose : |
4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu"avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou la possession est transférée. |
Ce qui importe c"est que la marque de commerce soit associée dans l"esprit du public aux biens que produit son propriétaire. C"est l"association d"une marque de commerce à une source précise qui constitue l"élément décisif permettant de comprendre les droits que la Loi protège. |
[19] Cette notion de source en relation avec des biens est également fondamentale dans la définition du terme " distinctive " que contient la Loi. L"article 2 donne la définition suivante : |
2. [...] |
" distinctive " Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d"autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. |
Encore une fois, la Loi pose clairement que la protection ne vise pas le droit exclusif à toute marque qu"une personne peut concevoir, mais le droit exclusif d"employer celle-ci en liaison avec certains produits ou services. Lorsque la marque n"est pas employée ou que le consommateur ne peut s"y fier pour distinguer les produits ou services d"une personne des produits ou services d"une autre, aucune protection n"est alors nécessaire. Dans l"arrêt Western Clock Co. v. Oris Watch Co. , le juge Audette de la Cour de l"Échiquier a fait le commentaire suivant : |
Comme la marque de commerce sert à distinguer les biens d"un commerçant de ceux des autres commerçants, son caractère distinctif est essentiel et constitue une exigence fondamentale. |
[20] Les droits que confère l"enregistrement d'une marque de commerce sont énoncés aux articles 19 et 20 de la Loi. Ces articles indiquent ce qu"est une violation réelle d"une marque de commerce et ce qui constitue une violation réputée d"une telle marque. Le droit exclusif à l"emploi de la marque de commerce que confère l"article 19 est valide seulement en ce qui regarde les marchandises et les services précisés dans l"enregistrement. L"article 20 de la Loi interdit l"emploi de marques de commerce dont la ressemblance crée de la confusion avec des marques déposées, leur emploi étant réputé constituer une violation. La question de la confusion nous renvoie à l"article 6 de la Loi. |
[21] Une marque de commerce est une marque employée par une personne pour distinguer ses marchandises ou ses services de ceux des autres. Par conséquent, la marque ne peut être considérée isolément, mais seulement en liaison avec ces marchandises ou ces services. C"est ce qui ressort du libellé du paragraphe 6(2). La question que pose ce paragraphe ne concerne pas la confusion des marques, mais la confusion des biens ou des services provenant d"une source avec des biens ou des services provenant d"une autre source. C"est pourquoi il n"est pas accordé de protection très étendue aux marques qui se fondent sur des origines géographiques ou sur des mots généralement descriptifs (par exemple, les marques fictives Café du Pacifique ou Soda supérieur). Même si des marques projetées peuvent ressembler à ces marques, il est peu vraisemblable que le public présume que deux produits qui se décrivent comme étant " du Pacifique " ou " supérieur " proviennent nécessairement de la même source. Comme la confusion est peu probable, la protection n"est pas nécessaire. |
[27] Le juge Linden passe ensuite en revue les points énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi. Il en fait un examen approfondi auquel je souscris.
[22] L"insistance sur la source des marchandises ou des services doit guider tout examen de l"article 6 de la Loi. Six facteurs sont énumérés : cinq spécifiques et un général. J"étudierai brièvement chacun d"eux. Des cinq points spécifiques à prendre en compte, il ressort que la Cour doit soupeser le droit du propriétaire d"une marque de commerce à l"emploi exclusif de sa marque en regard du droit de libre concurrence dont jouissent les autres personnes sur le marché. |
a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus |
[23] Le premier élément énuméré au paragraphe 6(5) est la solidité ou le caractère bien établi de la marque. Cet élément se divise en deux : le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu"elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n"aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui, comme je l"ai fait remarquer précédemment, se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d"une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu"elle ne peut faire référence qu"à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande. |
[24] Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d"une source en particulier. Dans la décision Cartier Inc. c. Cartier Optical Ltd. , le juge Dubé a conclu que le nom Cartier possédait peu de caractère distinctif inhérent, puisqu"il n"était qu"un nom de famille, mais qu"il avait néanmoins acquis un caractère distinctif considérable grâce à la publicité. De la même manière, dans la décision Coca-Cola Ltd. c. Fisher Trading Co. , le juge a conclu que le mot " Cola " en scriptes était devenu si célèbre qu'il avait acquis un sens secondaire très spécial distinct de la boisson et qui méritait donc d"être protégé. |
b) La période d"emploi |
[25] La période pendant laquelle une marque a été en usage est manifestement un facteur susceptible de faire naître la confusion chez le consommateur quant à l"origine des marchandises ou des services. Par rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids. Il importe de se rappeler que l"" emploi " ou l"" usage " est un terme défini dans la Loi, et qui a, par conséquent, un sens particulier. |
c) Le genre de marchandises, services ou entreprises |
[26] Il est évident que, lorsque des marques de commerce sont similaires, le degré de similitude entre les marchandises ou les services qui portent ces marques constituera un facteur important pour déterminer s"il en résultera vraisemblablement une confusion. La similarité des marchandises ou des services ne peut être une condition sine qua non dans la détermination de l"existence de confusion, puisque le paragraphe 6(2) indique qu"il peut y avoir confusion " que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ". Toutefois, le critère ultime est la confusion et, si un produit ne fait pas penser à l"autre, c"est là une forte indication de l"improbabilité d"une confusion. Par conséquent, le genre de marchandises, services et entreprises, bien que n"étant pas toujours déterminant, est certainement important. C'est ce qui ressort de l"examen ci-après des marques célèbres. |
[27] Sous cette rubrique, les facteurs à considérer comprendront non seulement la catégorie générale des biens visés, mais aussi leur qualité et leur prix. Il faut tenir compte du prix parce que l"on présume qu"un consommateur fait plus attention lorsqu"il acquiert un article coûteux, comme une automobile, que lorsqu"il achète des biens bon marché. Dans le premier cas, il y a moins de probabilité de confusion même si les marques sont identiques parce qu"un acheteur ou une acheteuse sont présumés s"informer convenablement au sujet des marchandises ou du service qu"il ou elle achète et ne pas se fier simplement à une impression subite produite par une marque de commerce ou un nom commercial. Dans le cas de biens ou de services moins coûteux, le consommateur se fie davantage à ces marques et prend moins le soin de s"assurer que le produit est réellement de la source escomptée. |
[28] Dans l"arrêt Oshawa Holdings Ltd. c. Fjord Pacific Marine Industries Ltd , la Cour a examiné la possibilité de confusion dans le cas de marques de commerce identiques, à savoir DUTCH BOY. L"appelante employait cette marque en liaison avec une entreprise de supermarchés ainsi qu"avec deux produits laitiers. L"intimée employait cette marque en liaison avec du hareng mariné. Estimant qu'il y avait une différence fondamentale entre les entreprises et les marchandises des parties, le juge Heald a conclu : |
Je ne pense donc pas que le public serait porté à croire que les marchandises de l"appelante et de l"intimée sont produites ou mises en marché par la même société. |
Le juge Heald est arrivé à cette conclusion même si les marchandises appartenaient à la même catégorie générale, à savoir des produits et des services alimentaires. |
[29] Par ailleurs, dans la décision Cartier, précitée, le juge Dubé a eu recours à une stratégie d"analyse différente dans son appréciation des marchandises fournies par les parties et de l"effet qui en résultait sur la probabilité de confusion. Après avoir examiné la preuve et conclu que les clients de Cartier appartenaient à une nouvelle génération opulente, en pleine ascension, tandis que Lunettes Cartier avait relevé le niveau de sa publicité pour concurrencer des distributeurs plus sophistiqués, il a déclaré : |
Par conséquent, les articles vendus par les deux parties appartiennent maintenant à la même catégorie de montures de luxe et attirent la même clientèle, bien que la demanderesse Cartier offre une gamme de produits plus dispendieux. |
Dans cette décision, le juge Dubé a mis l"accent sur les consommateurs qui achètent les marchandises plutôt que sur le genre des marchandises elles-mêmes. Cette façon de procéder ne saurait être considérée comme une erreur d"interprétation du facteur énoncé dans la loi, parce que le critère final suppose l"évaluation de l"impression que les marques font sur le consommateur. Ce qui en ressort, c"est la difficulté inhérente qu"il y a à concevoir une méthode définitive et fiable pour aborder la notion de confusion. |
d) La nature du commerce |
[30] S'apparente à l'examen du genre de marchandises ou de services celui de la nature du commerce dans lequel ces marchandises ou services circulent. Le risque de confusion est plus grand lorsque les marchandises ou les services, bien que différents, sont distribués dans le même genre de magasins ou appartiennent à la même catégorie générale de biens. À titre d"exemple, il est plus probable qu"il y ait confusion si les deux articles sont de la même catégorie générale de produits d"entretien domestique et sont vendus dans des endroits semblables. En revanche, si une marque renvoie à des produits d"entretien domestique tandis que l"autre s"applique à des produits automobiles et que ces produits sont distribués dans des boutiques d"un genre différent, la probabilité que les consommateurs confondent une marque avec l"autre sera moins grande. |
[31] L'analyse de la nature du commerce s"étend au genre d"environnement commercial. Si l"un des produits est vendu en gros et que l"autre l"est par l"intermédiaire de magasins de détail, c"est un élément dont il faut tenir compte. Ce facteur concerne tant l"environnement commercial que le type de consommateur. Un consommateur professionnel qui achète en gros risque moins la confusion qu"un acheteur occasionnel dans un établissement de vente au détail. Dans l"affaire Canada Wire & Cable Ltd. c. Heatex Howden Inc ., la requérante avait sollicité l"enregistrement de la marque HEATEX pour du fil de bâtiment destiné à des circuits électriques. L"opposante était propriétaire d"une marque déposée identique en liaison avec la vente de produits industriels de transmission de la chaleur. Le juge en chef adjoint Jerome a conclu qu"il n"était guère probable que les marques identiques créent de la confusion chez les consommateurs. Il a indiqué : |
[C]es produits ne sont pas semblables. À mon avis, le consommateur ordinaire en viendrait à la même conclusion. Dans une certaine mesure, je m"appuie sur le fait que les consommateurs de ces deux produits sont, en grande majorité, des établissements industriels. J"en conclus qu"ils sont passablement au courant lorsqu"ils comparent les produits en vue d"acquérir les matériaux qui se retrouveront d"une part dans leurs projets de construction et d"autre part dans d"importants produits automobiles industriels. |
Même si les marques étaient identiques, on a jugé qu"il n"y avait pas probabilité de confusion parce que les produits et la nature du commerce étaient différents. |
[32] Dans la décision Clorox Co. c. E.I. Du Pont de Nemours and Co., l"appelante s"opposait à une demande d"enregistrement de la marque de commerce IMPACT. L"intimée se proposait d"employer la marque en liaison avec un insecticide. L"appelante employait la même marque en liaison avec des produits chimiques pour le traitement de l"eau des piscines et des baignoires à remous et prétendait qu"il y avait une probabilité de confusion. Le juge Heald a reconnu que, bien que le produit de Du Pont n"était pas distribué dans les magasins de détail, contrairement au produit de Clorox, il était possible que les produits soient vendus dans les mêmes réseaux de vente. Par conséquent, la question à laquelle il fallait répondre n"était pas celle de savoir si les parties vendaient leurs produits dans les mêmes réseaux ou circuits, mais bien si elles avaient le droit de le faire. |
[33] Dans la décision Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al. c. Registraire des marques de commerce et al., le juge MacKay a fait observer que la nature du commerce incluait " les coutumes du domaine et le type de marché où les marques sont censées être employées ". Ainsi, la nature du commerce est un facteur comportant de nombreux éléments différents. C'est l'ensemble des circonstances qui déterminera le poids à accorder à chacun de ces éléments.
e) Le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"ils suggèrent
[34] Bien sûr, il est inutile de procéder à cette analyse lorsque les marques sont identiques. Toutefois, lorsqu"elles sont similaires, le registraire ou le tribunal doivent évaluer l'impression qu'elles font sur le public. Même s"il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public. Dans la décision Ikea Ltd/Ikea Ltée c. Idea Design Ltd ., le juge Dubé a conclu que, même si les marques IKEA et IDEA se ressemblaient phonétiquement, il n"existait pas de risque de confusion. Il a déclaré :
Une seule lettre diffère dans les deux noms mais la lettre " K " dans IKEA se remarque d"une façon frappante et donne à la marque une forte allure scandinave alors que la marque IDEA évoque surtout un concept ou une pensée. |
[35] Par contre, dans l"affaire Frescobaldi et al. c. T.G. Bright & Co., Ltd ., les marques de commerce FRESCOBALDI et FRESCO ROSSO ont été considérées comme créant de la confusion. Selon le président Partington, les idées que suggéraient ces deux marques étaient différentes, mais la similarité de la présentation était susceptible de faire naître la confusion. Ces affaires illustrent à quel point la question à laquelle il faut répondre dans le cadre du paragraphe 6(5) en général dépend de faits précis. Dans l"affaire Ikea Ltd . comme dans l'affaire Frescobaldi, tant le genre de marchandises et de services que la nature du commerce étaient identiques. Dans les deux cas, une marque était employée depuis longtemps et l"autre avait été proposée récemment ou n"avait été que peu employée. Les marques déposées étaient toutes deux très bien connues. Il n"en reste pas moins que la solution a été différente dans chaque cas. Dans l"un, la nature frappante du " K " de IKEA, qui lui prêtait une qualité scandinave distinctive, a été déterminante. Dans l"autre, la similarité générale entre les deux marques a été mise en évidence. Par conséquent, la jurisprudence ne peut guère servir de guide sur ce point.
f) Toutes les circonstances de l"espèce
[36] " [T]outes les circonstances de l"espèce " constituent l"élément général prépondérant. Celui-ci comprend naturellement les facteurs énumérés ci-dessus, mais il donne au juge ou au registraire la souplesse nécessaire pour prendre en compte tout fait propre à la situation qui leur est présentée. Souvent, les cinq facteurs explicitement énoncés comprendront " toutes les circonstances de l"espèce ". Dans certains cas, il pourra, par exemple, exister des antécédents de concurrence entre les marques qui n"entraînent pas de confusion. Bien sûr, toute preuve d"une confusion réelle sera toujours pertinente. De même, toute preuve obtenue par sondage peut être versée au dossier si le sondage a été mené de manière suffisamment objective pour que ses résultats aient une certaine force probante.
[37] La présentation de la marque de commerce dans le contexte du produit lui-même constitue une circonstance importante. L"" habillage ", ou la façon dont un produit est emballé, et donc la manière dont la marque est présentée au public, compte sensiblement dans l'appréciation de la probabilité de confusion. Dans l"arrêt Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. et al ., la demanderesse employait la marque de commerce STINGSILDA en liaison avec des appâts pour la pêche. Elle utilisait un emballage et un habillage distinctifs pour son produit. Le juge de première instance a conclu qu"un genre similaire d"habillage contribuait grandement à la probabilité de confusion entre cette marque et la marque NORSE SILDA de la défenderesse. Il a estimé qu"il s"agissait d"une circonstance pertinente de l"espèce au sens du paragraphe 6(5).
[38] Les circonstances de l"espèce sont également importantes pour décider du poids à attribuer à chacun des facteurs énumérés. Dans la décision Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd ., le juge Joyal a examiné la question de la souplesse dont jouit le tribunal ou le registraire dans l"appréciation de l"importance à accorder à chaque facteur énuméré au paragraphe 6(5). Il a précisé :
Le principe selon lequel les critères énumérés au paragraphe 6(5) n"ont pas tous le même poids est particulièrement pertinent en l"espèce. Chaque cas de confusion peut justifier qu"on accorde plus d"importance à l"un de ces critères. |
Ainsi, le tribunal ou le registraire doivent savoir que, dans chaque cas particulier, il faut apprécier à nouveau l"importance de ces facteurs.
[28] Dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd., 47 C.P.R. (2d) 145, le juge Cattanach a commenté en ces termes la question de la confusion, aux pages 148 et 149 :
Conformément au paragraphe 6(5), en décidant si des marques de commerce créent de la confusion, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l"espèce, mais il faut aussi tenir compte des huit facteurs mentionnés aux alinéas a) à e). À mon sens, l"expression "y compris" au paragraphe 6(5) ne fait que préciser des facteurs déjà compris dans le libellé plus général utilisé jusqu"alors, et elle ne doit pas s"interpréter comme donnant à ce libellé un sens plus étendu. |
Il est évident que tous ces facteurs n"ont pas nécessairement la même importance et que dans certains cas quelques-uns d"entre eux peuvent être absents. À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. |
[29] Je souscris à la position adoptée par le juge Linden dans Pink Panther voulant que le registraire et le juge doivent prendre en considération, en décidant sur la vraisemblance de confusion, " toutes les circonstances de l"espèce ". À l'évidence, ces circonstances comprennent celles énumérées aux alinéas 6(5)a ) à e) et toute autre circonstance pertinente. Je souscris également au point de vue exprimé par le juge Cattanach dans Beverley Bedding, à savoir que, dans la plupart des cas, c"est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou les idées qu"elles suggèrent qui constitue le facteur décisif. Je crois que tel est le cas dans les présents appels.
[30] À mon avis, le critère de la première impression et du vague souvenir constitue le critère appropriée pour déterminer si les marques de l"appelante peuvent vraisemblablement causer de la confusion avec celles de l"intimée. Dans Miss Universe, Inc. c. Bohna, [1995] 1 C.F 614, aux p. 621 et 622, le juge Décary de la Cour d"appel fédérale a clairement fait ressortir que c"est là le critère applicable :
Pour décider si l"emploi d"une marque de commerce ou d"un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la cour doit se demander si, comme première impression dans l"esprit d"une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l"autre marque ou de l"autre nom, l"emploi des deux marques ou deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l"impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale. |
[31] Je vais maintenant traiter des "circonstances de l"espèce" énumérées aux alinéas 6(5)a ) à e) de la Loi. En voici le texte :
6.5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. |
(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including (a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known; (b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use; (c) the nature of the wares, services or business; (d) the nature of the trade; and (e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them. |
a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues : |
[32] Dans les dossiers T-189-96 et T-1881-93 la Commission a conclu, tant en ce qui concerne la requérante que l"intimée, que les marques avaient un caractère distinctif inhérent. Elle a conclu cependant que rien ne prouvait que les marques de commerce dont l'enregistrement était demandé avaient acquis une renommée quelconque au Canada. Dans le dossier T-1881-93, la Commission a jugé que les marques de commerce de l"intimée " POLO PLAYER DESIGN " et " POLO " étaient devenues connues au Canada comme marques de vêtements pour hommes.
[33] Dans le dossier T-193-95, la Commission a conclu que les marques de commerce de la requérante et de l"intimée étaient faibles, mais que la marque de l"intimée "POLO" était devenue connue dans tout le Canada.
[34] À mon avis, la Commission n"a pas commis d"erreur lorsqu"elle a conclu, dans T-189-96 et T-1881-93, que les marques de l"intimée avaient un caractère inhérent distinctif. La preuve déposée auprès de la Commission et de ce tribunal établit clairement, à mon avis, que l"intimée a largement exploité et fait connaître ses marques de commerce POLO PLAYER DESIGN et POLO. Même si j'acceptais l"argument de l"appelante selon lequel les marques de commerce de l"intimée n"ont pas un caractère inhérent distinctif, ces marques ont acquis, à mes yeux, ce caractère par l"usage étendu qu"en a fait l"intimée. Par conséquent, les conclusions de la Commission dans les dossiers T-1881-93 et T-189-96 portant que les marques de commerce POLO PLAYER DESIGN et POLO ont un caractère inhérent distinctif sont, à mon avis, correctes. Je conviens également avec la Commission que les marques de commerce de l"appelante n"ont acquis aucune renommée au Canada.
[35] Dans le dossier T-193-95, la Commission a jugé que la marque de commerce " POLO " était foncièrement faible, mais qu"elle était devenue bien connue au Canada. Encore une fois, je ne constate aucune erreur de la part de la Commission étant donné que la preuve établit, sans l"ombre d"un doute, que la marque " POLO " avait acquis un caractère distinctif inhérent par suite de son usage étendu au Canada. Je suis également d"avis, comme l"était la Commission, que les marques de l"appelante n"avaient acquis aucun renom au Canada.
b) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage |
[36] Dans les trois cas, la Commission a conclu que la période en question favorisait l"intimée. À mon avis, cette conclusion, nonobstant les preuves produites dans le cadre de ces appels, est inattaquable. Je suis tout à fait d"accord avec la Commission pour dire que la période durant laquelle les marques ont été en usage favorise l"intimée.
c) Le genre des marchandises et la nature du commerce : |
[37] Dans les trois cas, la Commission a conclu que les marchandises de l"appelante et celles de l"intimée se chevauchaient et que [TRADUCTION] " leurs commerces pouvaient aussi vraisemblablement se chevaucher". Les marques de commerce dont on demande le dépôt, tel qu"il appert des formulaires de demande, sont destinées à être utilisées en liaison avec des vêtements pour hommes, femmes et enfants. Les marques de commerce de l"intimée sont enregistrées en vue d"être utilisées, et elles le sont, en liaison avec des vêtements.
[38] Les marchandises de l"intimée sont des "vêtements haute couture" et, sans aucun doute, plus "haute gamme" que celles de l"appelante. Cependant, comme l"indique, à juste titre, l"avocat de l"intimée, les états déclaratifs des marchandises des deux parties ne font état d"aucune restriction, quant au commerce ou au prix. Pour le moment, tout ce qu"on peut dire, c"est que les parties ne se livrent pas concurrence. Dans Miss Universe Inc. , le juge Décary explique, à la page 625, qu'il n'est pas nécessaire que les marchandises et les commerces soient les mêmes pour qu'il y ait confusion. Il s"exprime ainsi :
Pour que l"on conclue à la vraisemblance de la confusion, il n"est pas nécessaire que les parties exercent dans le même domaine ou la même industrie, ni que les services soient du même genre ou de la même qualité. Les marques de commerce utilisées en liaison avec des marchandises et des services d"une certaine qualité, destinés à une catégorie d"acheteurs, peuvent causer de la confusion avec les marques de commerce désignant des marchandises et des services d"un genre ou d"une qualité différents, destinés à une catégorie différente d"acheteurs. |
e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"elles suggèrent: |
[39] Dans le dossier T-1881-93, la Commission a jugé que les marques de commerce [TRADUCTION] "se ressemblent beaucoup par l"apparence". Dans les dossiers T-189-96 et T-193-95, elle a conclu que les marques [TRADUCTION]"se ressemblent quelque peu par l"apparence". Dans les trois cas, la Commission a conclu que les idées suggérées par les marques étaient similaires.
[40] Dans le dossier T-1881-93, la Commission a expliqué ainsi ses conclusions sur la ressemblance visuelle :
[TRADUCTION]... Le motif dominant de la marque de l"appelante représente un joueur de polo monté sur un cheval. La marque de la partie opposée [POLO PLAYER DESIGN] n"est également qu"une représentation d"un joueur de polo monté sur un cheval. Ainsi, les idées que suggèrent les deux marques sont également très semblables. Il peut y avoir une différence entre les descriptions orales des marques, bien que ce ne soit pas là un point très clair étant donné que les consommateurs décriraient oralement chacune des marques de l"appelante comme "polo", "polo player" ou quelque chose de semblable, plutôt que USPA qui ne représente que des initiales sans caractère distinctif inhérent. |
[41] Dans la décision relative au dossier T-189-96, la Commission explique ainsi sa conclusion :
[TRADUCTION] ... À cet égard, aussi bien les marques de commerce dont on demande le dépôt que celles de l"opposante, POLO PLAYER DESIGN, ont pour élément conceptuel premier la représentation d"un cheval et d"un maillet de polo (deux maillets dans le cas de la marque de commerce projetée). En outre, la marque dont le dépôt est demandé comprend la totalité de la marque POLO de l"opposante. Les idées que suggèrent la marque demandée et les marques déposées POLO et POLO PLAYER DESIGN de l"opposante se ressemblent puisqu"il s"agit du jeu de polo dans les deux cas. Il est aussi vraisemblable que les consommateurs incorporeraient le mot "polo" dans la description des marques en question. |
[42] Enfin, dans le dossier T-193-95, la Commission a conclu que l"appelante avait intégralement adopté la marque de commerce POLO de l"intimée comme motif dominant des marques dont elle demandait le dépôt, soit U.S. POLO ASSOCIATION et U.S. POLO ASS"N. La Commission a également jugé que les marques concurrentes suggéraient toutes la même idée, c.-à-d. le jeu de polo.
[43] Concernant la décision de la Commission dans le dossier T-189-93, je conviens avec l"appelante que les marques dont elle demandait le dépôt et celles de l"intimée n"ont de commun que le mot "Polo", utilisé dans la marque 544,477 et quelques-unes des marques de l"intimée. La marque 544,478 est constituée des initiales "U.S.P.A." auxquelles a été ajoutée la représentation d"un cheval, de deux maillets et d"une casquette de polo. À mon avis, les marques de l"appelante ne sont pas semblables à celles de l"intimée. Bien que les unes et les autres suggèrent l"idée du jeu de polo, celles de l"appelante suggèrent l"idée d"affiliation à un club de polo, la United States Polo Association, contrairement aux marques de l"intimée qui font penser plutôt à des vêtements créés par Ralph Lauren. À mon avis, les marques de l"appelante ne ressemblent en rien à celles de l"intimée.
[44] Dans le dossier T-193-95, je suis également d"avis que les marques de l"appelante U.S. POLO ASSOCIATION (629,983) et U.S. POLO ASS"N (629,985) ne sont pas semblables à celles de l"intimée. Les unes et les autres suggèrent l"idée du jeu de polo. Il est clair que l"idée qu"évoquent les marques de l"appelante est celle de l"affiliation à un club de polo, la United States Polo Association. Les marques de l"intimée ne suggèrent pas la même idée, mais plutôt une liaison avec les vêtements créés par Ralph Lauren. Comme dans le dossier T-189-93, le mot " polo " se trouve être l"élément commun entre les marques demandées, et celles de l"intimée. À mon avis, les marques de l"appelante ne ressemblent en rien à celles de l"intimée.
[45] En ce qui concerne la décision relative à l"appel T-1881-93, je conviens avec la Commission que l"idée suggérée par les marques 552,666 et 552,667, dont le dépôt est demandé par l"appelante, sont très ressemblantes. En outre, les marques se ressemblent beaucoup sur le plan visuel du fait qu"elles représentent un joueur de polo monté sur un cheval.
Conclusions
[46] Dans le dossier T-1881-93, je suis arrivé à la conclusion que, compte tenu de toutes les circonstances de l"espèce, l"appelante n"a pas réussi à prouver qu'il n'y a pas de risque vraisemblable de confusion. Par conséquent, elle n"a pas démontré que la Commission a commis une erreur de jugement en concluant comme elle l"a fait.
[47] Cependant, dans les dossiers T-189-96 et T-193-95, je suis d"avis que les décisions de la Commission ne peuvent pas être maintenues. Comme je l"ai indiqué précédemment, il n"y a pas de ressemblance visuelle entre les marques de l"appelante et celles de l"intimée, et le dénominateur commun entre ces marques est le mot " polo ", qui est un mot ordinaire, en français et en anglais. " Polo " désigne un sport aussi bien qu"un genre de col de chemise que portent les joueurs de polo. À mon avis, l"intimée ne peut pas s"approprier l"utilisation du mot "polo" au détriment des autres commerçants.
[48] À mon sens, la personne ordinaire, ou plutôt le consommateur moyen, ne serait pas, et ne sera pas, dérouté par les marques de l"appelante et porté ainsi à croire que les marchandises de l"appelante sont les mêmes que celles de l"intimée. Je suis d"avis qu"il distinguera sans difficulté les marques de l"appelante de celles de l"intimée. Prises ensemble, les marques de l"appelante ne créeront vraisemblablement aucune confusion. Bien qu"elles aient en commun le mot "polo", les marques ne suggèrent pas les mêmes idées. Celles de l"appelante évoquent le jeu de polo et, plus particulièrement, ce sport en relation avec la United States Polo Association. Les marques de l"intimée elles, n"évoquent pas une telle idée, mais plutôt celle des vêtements créés par un styliste de réputation mondiale, Ralph Lauren. L"avocat de l"appelante a soutenu que les marques de l"intimée étaient si connues qu"elles ne pouvaient être confondues avec celles de l"appelante. J"en conviens. Je dois supposer qu"en choisissant le mot "polo", l"intimée savait déjà qu"il existait un sport du même nom et que ce mot servait aussi à désigner un col de chemise. Elle ne pouvait pas s"attendre à ce que le mot "polo" soit dorénavant retiré de la circulation parce qu"elle avait arrêté son choix là-dessus. À cet égard, les propos de lord Simonds, s"exprimant au nom de la Chambre des lords dans Office Cleaning Services, Ld. v. Westminster Window and General Cleaners, Ld. , (1946) 63 C.P.C. sont pertinents. À la page 43, lord Simonds a dit ce qui suit :
[TRADUCTION] La conclusion est bien simple en fin de compte: lorsqu"un marchand utilise des mots communs pour en faire son nom commercial, le risque de confusion est inévitable. Mais c"est un risque à courir, à moins qu"on ne consente un monopole indu à celui qui s"en sert le premier. La Cour acceptera des différences comparativement négligeables comme étant suffisantes pour éviter la confusion. On peut faire confiance au public pour faire la distinction quand un nom commercial est composé en tout ou en partie de mots qui décrivent les marchandises ou les services en cause. |
[49] Je suis d"avis que l"appelante, dans les dossiers T-189-96 et T-193-95, n"a pas réussi à prouver que la confusion n"était pas vraisemblable entre ses marques et celles de l"intimée. Par conséquent, les appels T-189-96 et T-193-95 seront accueillis et l"appel T-1881-93 sera rejeté. Les dépens sont adjugés à l"appelante dans les dossiers T-189-96 et T-193-95 et à l"intimée dans le dossier T-1881-93.
"Marc Nadon"
Juge
Ottawa (Ontario)
8 mars 1999
Traduction certifiée conforme
C. Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NOS DU GREFFE T-189-96, T-193-95 et T-1181-93 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : UNITED STATES POLO ASSOCIATION C. POLO RALPH LAUREN CORPORATION et al |
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
19 et 20 JANVIER 1998 |
MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE NADON
EN DATE DU : 8 MARS 1999 |
ONT COMPARU :
RONALD DIMOCK
MICHELLE WASSENAAR POUR L"APPELANTE |
GLEN BLOOM
DIANE CORNISH POUR LES INTIMÉS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DIMOCK STRATTON CLARIZIO POUR L"APPELANTE
TORONTO (ONTARIO)
OSLER, OSKIN & HARCOURT POUR LES INTIMÉS |
OTTAWA (ONTARIO)