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T-1307-90

ENTRE :


LE GROUPE CSL INC. et la

CANADA STEAMSHIP LINES INC.,


demandeurs,

ET :

             SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA,

défenderesse.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON :

     Le 3 décembre 1996, j'ai rendu mon jugement en l'espèce, rejetant l'action des demandeurs contre la défenderesse, accordant à celle-ci les dépens. La défenderesse cherche à obtenir maintenant, au titre de la Règle 344(7)b) des Règles de la Cour fédérale, des directives sur les frais et dépens. Selon cette règle, toute partie peut, dans les trente (30) jours d'un prononcé de jugement, demander à la Cour des directives à l'officier taxateur à l'égard des questions visées par les Règles 344 et 346.

     La défenderesse cherche à obtenir des directives de la Cour concernant les dépens, visant en l'occurrence une majoration des sommes prévues au titre des frais d'avocat ainsi que l'intégralité des honoraires de son expert, l'ingénieur Fred E. Parkinson.

     À l'appui de sa requête, la défenderesse a déposé les affidavits de Peter J. Cullen, un des avocats la représentant en l'espèce. Dans son affidavit du 23 décembre 1996, Me Cullen déclare que la défenderesse ne sera pas correctement indemnisée des efforts et des dépenses qu'elle a consentis en réplique à l'action des demandeurs si la Cour ne lui accorde pas une majoration des sommes adjugées au titre des frais d'avocat par rapport à ce que prévoit le tarif de la Cour.

     M. Cullen avance plusieurs raisons pour justifier une majoration des sommes adjugées au titre des frais d'avocat. Il fait d'abord valoir que cette affaire allait fixer la jurisprudence applicable à treize autres affaires en instance. Il ajoute ensuite que [traduction] "la défenderesse a dû s'attacher les services de plusieurs conseillers juridiques" chargés de sa défense, de la préparation et de la conduite de l'instance. M. Cullen a ensuite évoqué la défense déposée par la défenderesse, un document de quinze pages exposant, avec force détail, les faits pertinents permettant de répliquer à la déclaration. M. Cullen précise que les quatorze actions visaient quelque 93 navires et qu'il avait fallu beaucoup de travail pour réunir des détails concernant toutes ces réclamations.

     M. Cullen fait également valoir que la préparation des affidavits relatifs aux documents de la défenderesse a exigé, de la part des avocats, des semaines de travail, car les documents devant être énumérés dans les affidavits consistaient aussi bien de documents émanant de la Garde côtière que du Conseil du Trésor.

     M. Cullen affirme également que, compte tenu des sommes réclamées par les demandeurs, les avocats avaient dû consacrer à cette affaire [traduction] "beaucoup de temps et d'effort". M. Cullen fait en outre valoir que pour assurer correctement sa défense la défenderesse avait dû faire appel à deux équipes d'avocats, l'une comportant des spécialistes du droit maritime canadien et l'autre des spécialistes du droit administratif et du droit du travail. M. Cullen achève son affidavit sur l'argument suivant :

             [traduction]
                         16.      La défenderesse a dû consacrer beaucoup d'efforts et engager des dépenses considérables en raison de l'action intentée par les demandeurs et du procès qui y a fait suite, efforts et dépenses qui ne pourront pas être compensés intégralement selon les montants prévus dans les tarifs de la Cour. Compte tenu des circonstances exposées ci-dessus, la défenderesse estime qu'une majoration des sommes adjugées au titre des frais d'avocat se justifie et que les honoraires des experts devraient être intégralement taxés.                 

     En ce qui concerne les honoraires de l'expert Fred Parkinson, le paragraphe pertinent de l'affidavit de M. Cullen en date du 23 décembre 1996 est le paragraphe 12, rédigé en ces termes :

             [traduction]
                         12.      Bien que les demandeurs aient indiqué tôt dans le courant de l'année 1996 qu'ils repensaient les allégations détaillées aux paragraphes 11 et 12 de leur Déclaration amendée (allégations concernant la compétence et l'action de la Garde côtière canadienne), ils n'ont accepté d'y renoncer qu'après que le procès eut été déjà bien entamé. Par conséquent, la défenderesse a recouru à l'expertise de M. Fred Parkinson, notamment sur la prévisibilité des températures et des conditions de glaciation enregistrées en novembre/décembre 1989. Il a fallu, avant l'audience, se réunir plusieurs fois avec M. Parkinson afin d'examiner avec lui ses opinions et son rapport sur la question, son rapport d'expert étant par la suite déposé au greffe et admis par la Cour. La défenderesse a dû également assurer, en vue du procès, la préparation de MM. Turner, Clavelle et Champagne, de la Garde côtière canadienne, ces trois messieurs ayant comparu à l'audience.                 

     Lors de l'audition de la requête, l'avocat de la défenderesse a présenté un document intitulé "Mémoire pro forma de frais" afin de montrer à la Cour les sommes auxquelles pourrait prétendre la défenderesse au titre de la Partie II du Tarif B si elle était autorisée à taxer ses débours de la colonne V avec un maximum d'unités. D'après l'avocat, cela donnerait, pour la défenderesse, un total de 62 150,00 $ de débours taxables.

     S'opposant à la requête de la défenderesse, les demandeurs ont déposé des affidavits signés par un de leurs avocats, Me David F.H. Marler. D'après M. Marler, le simple fait que la présente affaire ait été appelée à constituer un précédent est sans pertinence, car la conduite de l'instance [traduction] "n'a aucunement été affectée par l'existence des autres dossiers en instance".

     En ce qui concerne les conseillers juridiques auxquels a eu recours la défenderesse, M. Marler estime qu'il n'était pas nécessaire de retenir les services à la fois d'avocats du ministère de la Justice et d'avocats du cabinet de Me Cullen. D'après M. Marler, le cabinet de M. Cullen possédait toutes les ressources internes nécessaires pour piloter ce dossier sans les conseils d'avocats de l'extérieur.

     En ce qui concerne les faits de la cause, M. Marler déclare qu'ils n'étaient pas particulièrement compliqués et ne justifiaient guère la somme de travail que M. Cullen prétend avoir dû consacrer au dossier. En ce qui concerne les affidavits relatifs aux documents produits par la défenderesse, encore une fois M. Marler affirme que la préparation de ces affidavits n'exigeait aucun effort extraordinaire.

     En matière de taxation des dépens devant la Cour, le principe directeur est clairement énoncé par la Règle 344(1)1. Selon ce principe, le juge a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens. La Règle 344(4) prévoit que le juge peut fixer les dépens en tenant compte ou non du tarif B et qu'il peut adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

     En ce qui concerne la taxation au titre de la Partie II du tarif B, le juge peut charger l'officier taxateur de taxer les dépens sous une colonne précise ou sous une combinaison de colonnes de la Partie II du tarif B.

     Dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le juge peut charger l'officier taxateur d'autoriser, au titre des frais, des sommes dépassant les montants prévus au tarif B; le juge peut en outre charger l'officier taxateur de taxer des services et débours non prévus au tarif B; et, enfin, le juge peut charger l'officier taxateur de tenir compte de "facteurs" ne figurant pas dans la liste prévue aux Règles 346(1.1) et (1.2) qui prévoient que :

    

                         Règle 346. (1) Sous réserve de toute ordonnance et de toute directive de la Cour, tous les frais sont taxés selon la colonne III de la partie II du tarif B.                 
                         (1.1) Lorsqu'il taxe un service et lui attribue un nombre d'unités de l'intervalle prévu à la colonne applicable de la partie II du tarif B, l'officier taxateur doit prendre en considération :                 
                         a) les montants réclamés et les montants recouvrés;                 
                         b) l'importance des questions en litige;                 
                         c) la complexité des questions en litige;                 
                         d) la charge de travail;                 
                         e) toute autre question dont la Cour lui demande de tenir compte.                 
                         (1.2) Lorsqu'il taxe les dépens, l'officier taxateur doit tenir compte de tout refus de la Cour de donner une directive conformément aux Règles 344(6) et (7).                 

     La Règle 346(1) prévoit que, sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens doivent être taxés conformément à la colonne III de la Partie II du tarif B. Cela dit, en vertu de la Règle 344(7), les parties sont libres de demander à la Cour des directives en vue d'obtenir l'adjudication de dépens dépassant ce que prévoit la Colonne III du tarif B. Ainsi que je l'ai déjà rappelé, les parties peuvent demander que leurs débours et frais soient taxés en vertu d'une colonne autre que la Colonne III, peuvent demander que leurs frais et débours soient taxés sans tenir compte du Tarif B ou peuvent demander que leur soit adjugée une somme globale au lieu et en sus des dépens taxés. Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère la Règle 344, le juge peut tenir compte des facteurs suivants, ainsi que le prévoit la Règle 344(3) :

                         En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :                 
                              a) du résultat de l'instance;                 
                              b) des sommes réclamées et des sommes recouvrées;                 
                              c) de l'importance des questions en litige;                 
                              d) du partage de la responsabilité;                 
                              e) de toute confession de jugement faite en vertu de la Règle 405 et de la somme y afférente;                 
                              f) de toute consignation d'argent à la Cour en vertu des Règles 441 et suivantes et du montant de cette consignation;                 
                              g) de toute offre de règlement présentée par écrit;                 
                              h) de toute offre de contribution, faite en vertu de la Règle 1732, qui est portée à l'attention de la Cour par une partie exerçant un droit réservé à cette fin;                 
                              i) de la charge de travail;                 
                              j) de la complexité des questions en litige;                 
                              k) de la conduite d'une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l'instance;                 
                              l) de la dénégation d'un fait par une partie ou de sa négligence ou son refus de l'admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis;                 
                              m) de la question de savoir si une procédure :                 
                                  (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile, ou                 
                                  (ii) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;                 
                              n) de la question de savoir si on devrait accorder plus d'un mémoire de frais lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont séparé leur défense sans raison valable;                 
                              o) de la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé des instances distinctes sans raison valable; et                 
                              p) de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.                 

     Voilà donc les facteurs dont M. Cullen et M. Marler ont tenté de rendre compte dans leurs affidavits respectifs.

     Par les affidavits de M. Cullen, la défenderesse entend pour sa part me convaincre qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'une cause "ordinaire" afin que je l'autorise à taxer ses débours autrement que selon la Colonne III du tarif B. Par les affidavits de M. Muller, les demandeurs se sont attachés à relativiser les arguments au moyen desquels M. Cullen tentait de démontrer qu'il s'agissait d'une affaire complexe et difficile.

     Je ne m'attacherai pas à définir ce qu'on peut entendre par affaire "ordinaire". Ainsi que l'avait déclaré le juge Potter Stewart, de la Cour suprême des États-Unis, dans l'affaire Jacobellis v. Ohio , 378 U.S. 184 à la p. 197, même si c'était dans un tout autre contexte :

             [traduction]

             Mais je suis parfaitement capable de la reconnaître ...

     J'estime qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une affaire ordinaire. J'espère qu'il ressort clairement de mes motifs de jugement que la question de responsabilité revêtait en l'occurrence une assez grande complexité. En ce qui concerne les sommes en question, je souscris à l'avis exprimé par M. Cullen dans ses affidavits et selon lequel le nombre considérable de navires impliqués par les retards faisait qu'il était assez difficile de fixer le montant de la réclamation.


     Je n'ai pas à examiner davantage les détails de l'affaire. Il suffit de dire que, d'après moi, la défenderesse a droit à un montant supérieur à ce que prévoit la Colonne III de la Partie II du tarif B. Comme je l'ai déjà dit, la défenderesse a présenté un projet de Mémoire pro forma de frais basé sur la Colonne V. Il ne m'a été présenté aucune preuve concernant le nombre d'heures effectivement consacrées par l'avocat à la défense. Il m'est donc difficile de jauger l'affirmation figurant dans l'affidavit de M. Cullen du 23 décembre 1996, au paragraphe 16, et selon laquelle [traduction] "l'action intentée par les demandeurs a obligé la défenderesse à consacrer de grands efforts et de grosses dépenses, efforts et dépenses qui ne pourront être compensés intégralement selon les montants prévus dans les tarifs de la Cour.".

     Je ne doute cependant pas que les avocats aient envoyé à leur cliente un compte d'honoraires s'élevant à au moins 62 150,00 $. Le compte d'honoraires envoyé à la cliente dépasse probablement ce chiffre. C'est pourquoi, en l'espèce, je vais autoriser la défenderesse à taxer ses débours conformément à la Colonne V du tarif B avec un maximum d'unités pour chaque poste et je donnerai des instructions en ce sens à l'officier taxateur.

     Abordons maintenant la demande, présentée par la défenderesse, en vue de la taxation intégrale des honoraires de son expert M. Parkinson. En contrepartie de ses services, M. Parkinson a envoyé deux comptes d'honoraires : le premier, sous le numéro 96-1245, s'élevait à 25 804,89 $ et, le deuxième, sous le numéro 96-1291, portait sur la somme de 3 838,60 $, soit 29 643,49 $ au total.

     En réponse au paragraphe 12 de l'affidavit de M. Cullen, M. Marler, au paragraphe 9 de son affidavit du 11 juin 1997, écrit :

             [traduction]
                         9.      J'ai le regret de ne pas pouvoir souscrire à la première phrase du paragraphe 12 de l'affidavit de M. Cullen. Dès la lettre du 30 avril 1996 (voir la pièce "B" de cet affidavit), les demandeurs exposent (voir le bas de la page 1 et le haut de la page 2) les moyens qu'ils entendent invoquer, y compris une déclaration selon laquelle les allégations figurant aux paragraphes 11, 12 et 14 de la Déclaration amendée ne seraient pas reprises, et un exposé détaillé des fondements de la thèse de demandeurs dans lequel on ne trouvait aucune allusion à la moindre faute pouvant être alléguée à l'encontre d'une branche du gouvernement autre que le Conseil du Trésor. Les avocats de la défenderesse ont confirmé la manière dont ils interprètent le passage qui vient d'être évoqué, au troisième paragraphe de la page 2 de leur lettre du 23 juillet 1996 et, pour renforcer cela, les avocats des demandeurs confirment (cinquième paragraphe de la page 2 de leur lettre du 1er août 1996), que [traduction] "vous avez déjà reçu de ma part un engagement écrit que ces questions-là ne feront pas partie du dossier que nous allons plaider." Ainsi, les preuves, dans le dossier de la défenderesse, ne portaient que sur le montant de la réclamation et il n'y avait aucunement lieu de produire des preuves portant sur la responsabilité, étant donné que les questions de responsabilité étaient toutes couvertes par les "admissions", y compris une admission touchant l'ensemble des faits relatifs au dépôt tardif ainsi qu'à la grève. Les faits n'ayant pas été admis concernaient uniquement le montant de la réclamation, la défenderesse estimant que la cause des retards, et, partant, du préjudice subi par les demandeurs était moins la grève que les conditions météorologiques. Rappelons que le juge du procès a estimé que [traduction] "malgré les difficultés météorologiques... la navigation n'aurait subi qu'un minimum de retards", en l'absence de grève. Ainsi, et c'est notre argument, le témoignage du météorologue et des employés de la Garde côtière canadienne étaient fondés sur une hypothèse qui était fausse et qui a d'ailleurs été écartée par la suite. Le temps consacré avant et pendant l'instruction est en grande partie dû aux efforts de la défenderesse en vue de défendre son hypothèse, hypothèse qui a dû finalement être écartée. Autrement dit, l'affaire aurait pu être plaidée exactement dans le même sens sur le seul fondement des faits admis.                 

     On ne peut guère comprendre les observations auxquelles M. Cullen et M. Marler se livrent dans leurs affidavits sans rappeler les allégations exposées aux paragraphes 11 et 12 de la Déclaration amendée des demandeurs, sous la forme qui était la leur avant que les demandeurs décident, au cours de l'instruction, de renoncer à en faire état. Voici comment se lisent les paragraphes en question :

             [traduction]
                         11.      La défenderesse aurait pu, après que le Conseil du Trésor eut manqué de déposer à temps la liste désignée, prendre d'autres mesures afin d'assurer dans les chenaux en question la sécurité de la navigation, par exemple, en accordant des contrats à des entreprises privées pour assurer une grande partie du travail normalement assumé par les équipages de la Garde côtière et, en raison de l'inertie, des hésitations et de l'incompétence générale de l'administration de la Garde côtière et des autres employés de la défenderesse à qui il incombait d'assurer la sécurité de la navigation dans les eaux en question, aucune autre mesure n'a été prise afin d'assurer dans lesdites eaux la fluidité du trafic;               
                         12.      De plus, et en raison des agissements de la Garde côtière ou d'autres employés, la défenderesse aurait pu alors qu'elle était au courant de la grève qui se préparait, prendre un certain nombre de mesures avant le déclenchement de la grève afin d'améliorer les conditions survenues par la suite en demandant à la Garde côtière d'accomplir une partie de ses tâches avant la grève et, notamment, sans restreindre la portée générale de cette allégation, fait en sorte que, avant le début de la grève, les bouées d'été soient remplacées par des bouées d'hiver;               

     Ainsi que M. Cullen l'affirme au paragraphe 12 de son affidavit du 23 décembre 1996, la défenderesse estime que les services de M. Parkinson ont été retenus afin de pouvoir répondre aux allégations contenues dans les paragraphes 11 et 12 de la déclaration des demandeurs, déclaration qui avait déjà été amendée à l'époque. De manière plus précise, M. Cullen fait valoir que la défenderesse a fait appel à l'expertise de M. Parkinson sur la question de savoir si les températures et l'état des glaces tels que constatés en novembre et décembre 1989 pouvaient être prévus.

     Avant de trancher la question, il y a lieu de se reporter au rapport de M. Parkinson. Dans l'introduction de ce rapport en date du mois de juillet 1996, M. Parkinson explique de la manière suivante l'objet de son étude :

             [traduction]
                         ... D'abord, afin de donner un avis sur la question de savoir si le gel précoce des eaux en 1989 pouvait être prévu au cours des dix premiers jours du mois de novembre 1989 ou avant. Deuxièmement, afin de livrer une appréciation sur les décisions prises par la Garde côtière canadienne au cours de ces événements, dans l'optique de la glaciation entraînée par le débit de la rivière et les conditions météorologiques et de rendre un avis sur la question de savoir si ces décisions étaient opportunes et raisonnables. Troisièmement, de rendre un avis sur l'effet des conditions météorologiques hivernales sur l'ensemble de la navigation.               

     À la page 16 de son rapport, M. Parkinson livre ses conclusions :

             [traduction]
                         a)      Au début du mois de novembre 1989, les conditions météorologiques ne permettaient pas de prévoir la longue période de grand froid qui devait s'abattre soudainement sur la région. Cette période de grand froid était inhabituelle aussi bien en raison des basses températures qu'en raison de sa durée et était, de fait, imprévisible. Il n'était donc pas déraisonnable de prendre les décisions qui ont été prises concernant les bouées d'été et leur remplacement, pour l'hiver, par des boudins dans la perspective de conditions atmosphériques moyennes. Le calcul de cette moyenne confirme qu'on aurait dû avoir le temps de faire cela entre la fin novembre et le mois de décembre.               
                         b)      Quand on s'est rendu compte de la gravité de la glaciation, la Garde côtière canadienne a réagi avec rapidité et précision, en modifiant ses instructions à la navigation afin d'assurer la sécurité des navires. Ces décisions étaient fondées sur une connaissance précise et détaillée de la glaciation constatée tout au long de la rivière et il y a lieu de reconnaître auxdites décisions le mérite d'avoir permis d'éviter des situations qui auraient entraîné des dommages ou des pertes aux navires.               
                         c)      À supposer qu'il n'y ait pas eu de grève et que les bouées aient été remplacées, comme d'habitude, à partir du 17 novembre 1989, la navigation aurait tout de même subi des retards en raison d'une glaciation précoce, rapide et importante.               

     Selon la déposition de M. Parkinson, donc, même s'il n'y avait pas eu de grève, les navires auraient été retardés en raison des mauvaises conditions atmosphériques des mois de novembre et décembre 1989. M. Parkinson a également affirmé que ces conditions atmosphériques ne pouvaient pas être prévues par la Garde côtière canadienne et qu'on ne pouvait donc pas reprocher à celle-ci notamment de ne pas avoir remplacé les bouées d'été avant le coup de froid.

     J'estime qu'il y a lieu d'autoriser la défenderesse à taxer intégralement les services de M. Parkinson. D'abord, la défenderesse ne saurait se voir reprocher de s'être adressée à M. Parkinson afin de pouvoir répondre aux allégations exposées aux paragraphes 11 et 12 de la Déclaration amendée. Je répète que ces paragraphes n'ont été abandonnés qu'après le début de l'instruction. Deuxièmement, bien que j'aie conclu que, malgré les mauvaises conditions atmosphériques, les retards subis par la navigation auraient été réduits au minimum si les brise-glaces avaient fait leur travail, le témoignage de M. Parkinson était tout de même pertinent et, à mon avis, utile. En raison du témoignage de M. Parkinson, j'ai adjugé aux demandeurs 80 p. 100 du montant du préjudice invoqué. Je ne leur ai accordé que 80 p. 100 parce que j'estime qu'il y aurait eu en toute hypothèse des retards étant donné les conditions atmosphériques.


     Je vais donc charger l'officier taxateur de taxer les frais d'avocat de la défenderesse conformément à la Colonne V du tarif B en accordant, pour chaque poste de débours, un maximum d'unités. Je vais également charger l'officier taxateur de taxer l'intégralité des honoraires de M. Fred Parkinson, expert cité par la défenderesse.

     Il n'y aura aucune adjudication des dépens dans le cas de la présente requête.


(Signé) "Marc Nadon"

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 17 octobre 1997

Traduction certifiée conforme :     
                     François Blais, LL.L.

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ :                      LE GROUPE CSL GROUP INC. et CANADA
                         STEAMSHIP LINES INC.

                         - et -

                         SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA
NUMÉRO DU GREFFE :              T-1307-90
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 17 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON

en date du 17 octobre 1997

ONT COMPARU :     

     Me Andrew Deere                      pour les demandeurs
     Me Raymond Piché                      pour la défenderesse
     Me Peter Cullen                      pour l'agent de la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Le Cabinet d'avocats David F.H Marler          pour les demandeurs

     Montréal (Qc)

     Ministère de la Justice                  pour la défenderesse

     Montréal (Qc)

     Stikeman, Elliott                      pour l'agent de la défenderesse

     Montréal (Qc)

__________________

1      Règle 344(1) :
             La Cour a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance, pour en déterminer la somme, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les supporter.

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