Date : 20050407
Dossier : IMM-8197-04
Référence : 2005 CF 459
ENTRE :
SADIKI OUAFAE
Demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le Juge de MONTIGNY
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision d'un agent des visas à l'ambassade du Canada au Maroc. Selon cette décision rendue le 4 août 2004, la demande de permis de travail comme aide familiale résidant de la demanderesse ne répond pas aux exigences de l'article 112 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).
Faits
[2] Mme Ouafae Sadiki est citoyenne du Maroc. Elle a reçu une offre d'emploi comme aide familiale pour Abdel-Ilah Sadiki (l'employeur) qui réside à Gatineau. L'offre d'emploi a été confirmée par le Ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration du Québec (MRCI) et validée par le Ministère du Développement et des Ressources Humaines Canada (DRHC). La demanderesse a également reçu un certificat d'acceptation pour le Québec et elle a conclu le contrat d'emploi avec l'employeur.
[3] En juillet 2004, elle dépose une demande de permis de travail, qui a été refusée le 4 août 2004 par l'agent des visas.
Décision de l'agent des visas
[4] L'agent des visas en est arrivé à la conclusion que la demanderesse ne satisfaisait pas à toutes les exigences requises pour obtenir un permis de travail d'aide familial résidant. L'article 112 du Règlement prévoit en effet qu'un tel permis ne peut être délivré qu'à une personne pouvant notamment démontrer qu'elle a la formation ou l'expérience dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé. (Il convient de noter que l'agent a erronément référé à l'article 100 du Règlement dans la lettre qu'il adressait à la demanderesse pour lui faire part de sa décision; or, il n'est pas contesté qu'il s'agit là d'une simple erreur d'écriture et que la disposition en cause est bel et bien l'article 112).
[5] L'agent a précisé que la demanderesse avait déclaré lors de l'entrevue avoir travaillé comme institutrice depuis deux ans. Il en conclut qu'elle n'a pas pu démontrer avoir une expérience récente comme aide domestique. Par conséquent, l'agent n'était pas satisfait que la demanderesse était réellement une employée de maison.
[6] Par ailleurs, le fait que le frère de la demanderesse soit son futur employeur laissait croire à l'agent que la demande de permis « n'est faite que dans le but de faciliter votre entrée au Canada et je ne suis pas convaincu de votre retour au Maroc » . Par conséquent, il s'est dit d'avis que la demanderesse ne remplissait pas les exigences prévues par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27, et le Règlement.
Prétentions de la demanderesse
[7] La demanderesse a d'abord prétendu que la norme de contrôle à appliquer en l'espèce est la norme de la décision raisonnable simpliciter, puisqu'il s'agissait d'une question mixte de droit et de fait.
[8] La demanderesse fait valoir que l'agent des visas a commis des erreurs de droit puisqu'il a fondé son rejet sur les deux motifs suivants : l'absence d'expérience récente comme aide domestique et le fait que son employeur soit son frère.
[9] La demanderesse prétend qu'elle satisfait à tous les critères prévus à l'article 112 du Règlement. Plus particulièrement :
- elle a fait une demande avant d'entrer au Canada;
- elle détient un baccalauréat (équivalent à un diplôme collégial) et un diplôme d'institutrice;
- lors de l'obtention de ce diplôme d'institutrice, elle a passé plus de six mois en salle; à ce chapitre, elle soutient que le règlement n'exige pas que la formation porte spécifiquement sur le métier d'aide familiale, mais bien sur une catégorie d'emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé;
- elle possède 7 ans (et non 2 ans) d'expérience comme institutrice (auprès du Ministère de l'Éducation Nationale du Maroc); compte tenu de son expérience dans l'encadrement des enfants en bas âge, elle prétend avoir les qualifications nécessaires pour effectuer les tâches décrites au contrat (s'occuper des enfants, travaux ménagers, repas, faire les courses, conduire la voiture et apprendre l'arabe aux enfants);
- elle parle, lit et écrit parfaitement le français ;
- elle a un contrat d'emploi avec son futur employeur.
[10] L'agent des visas aurait commis une erreur en laissant entendre qu'une aide familiale peut être assimilée à une femme de ménage; il s'agirait là clairement d'une erreur, ce que confirmeraient les commentaires du Règlement apparaissant sur le site Web du Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il appert en effet de ces commentaires, dont l'objectif est d'éclairer le public sur le sens du Règlement, qu'une offre d'emploi de femme de ménage n'est pas acceptable dans le cadre du programme d'aide familiale.
[11] Deuxièmement, l'agent a conclu sans aucune preuve à cet effet, que la demanderesse ne retournera pas au Maroc parce que l'employeur est son frère. Or, rien n'interdit à un employeur d'embaucher une personne avec qui il a des liens familiaux. Au surplus, ce programme permet à des personnes ayant obtenu un tel permis de travail de demeurer au Canada par la suite et de faire une demande de résidence permanente. L'agent n'a donc pas à être convaincu du retour de la personne dans son pays à l'expiration de ce permis de travail, contrairement à ce qui est prévu pour d'autres types de permis de travail.
[12] Enfin, lors de l'audition, l'avocate de la demanderesse a fait valoir qu'il fallait évaluer la formation et l'expérience de la demanderesse au regard des fonctions principales de l'emploi tel que validé par le Ministère du Développement et des Ressources humaines, qui se trouve au code 6474 de la Classification nationale des professions (Gardien/gardiennes d'enfants, gouvernant/gouvernantes et aides aux parents).
Prétentions du défendeur
[13] Le défendeur prétend pour sa part que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable, puisque l'évaluation qu'il faut faire de l'expérience de la demanderesse constitue essentiellement une question de fait.
[14] Selon le défendeur, l'expérience d'institutrice de la demanderesse ne constitue pas de l'expérience de travail en tant qu'employée de maison. L'agent aurait donc correctement apprécié l'ensemble de son expérience de travail.
[15] D'autre part, le défendeur prétend que le commentaire de l'agent concernant le frère de la demanderesse est de nature « obiter » et ne mine pas le bien-fondé de la décision puisque le motif principal de rejet concernait les expériences de la demanderesse.
[16] Enfin, l'avocat de la défenderesse a plaidé que l'article 112 est formulé de façon négative et doit donc être interprété de façon restrictive. Selon le défendeur, il en résulte que seule l'expérience peut porter sur une « catégorie d'emploi liée au travail pour lequel le permis est demandé » ; la formation, en revanche, devrait porter spécifiquement sur le travail visé par le permis, en l'occurrence l'aide familiale. Par conséquent, la demanderesse ne se qualifierait pas.
[17] Lors de l'audition, l'avocat du Ministère a insisté longuement sur le fait qu'en vertu du programme d'aide familial, le candidat devait répondre aux exigences de la description que l'on trouve au code 6471 de la Classification nationale des professions (Aides familiaux/aides familiales, aides de maintien à domicile et personnel assimilé). Or, une évaluation objective ne permettrait pas de conclure qu'une institutrice a les compétences requises pour s'acquitter des fonctions principales décrites pour cette catégorie d'emploi.
Analyse
1) Norme de contrôle
[18] La norme de contrôle applicable dans le cadre des décisions prises par les agents des visas ne fait pas l'unanimité et semble avoir donné lieu à des décisions en apparence contradictoires. Dans certains cas, on a retenu la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir, entre autres, Yaghoubian c. Canada (M.C.I.), [2003] CFPI 615; Zheng c. Canada (M.C.I), IMM-3809-98; Lu c. Canada (M.C.I.), IMM-414-99). Dans d'autres décisions, on a plutôt opté pour la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir notamment Khouta c. Canada (M.C.I .), [2003] C.F. 893; Kalia c. Canada (M.C.I.), [2002] CFPI 731).
[19] Pourtant, si l'on y regarde de plus près, ces décisions ne sont pas irréconciliables. Si l'on en est arrivé à des conclusions différentes, c'est essentiellement parce que la nature de la décision faisant l'objet de révision par cette Cour peut varier selon le contexte. Ainsi, il va de soi que la norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d'un agent des visas appelé à évaluer l'expérience d'un immigrant éventuel au regard d'une profession sera celle de la décision manifestement déraisonnable. Dans la mesure où la décision de l'agent repose sur un examen des faits, cette Cour n'interviendra pas à moins que l'on puisse démontrer que cette décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.
[20] Par contre, il en ira autrement si la décision de l'agent des visas comporte l'application de principes généraux découlant d'une loi ou d'un règlement à des circonstances précises. Lorsque la décision repose sur une question mixte de droit et de fait, la Cour fera preuve d'une moins grande retenue et voudra s'assurer que la décision est tout simplement raisonnable. C'est ce qu'a conclu mon collègue le juge O'Keefe dans l'arrêt Yin c. Canada (M.C.I.), [2002] CFPI 661, au terme de l'application qu'il a faite de l'approche pragmatique et fonctionnelle dont nous reproduisons l'extrait pertinent :
[19] Question 1
Quelle norme de contrôle doit-on appliquer à la décision de l'agent des visas?
Compte tenu de l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'immigration, [1999] 2 R.C.S. 817, je suis d'avis que la norme de contrôle qu'il faut appliquer à la décision de l'agent des visas est celle du caractère raisonnable simpliciter. Je fonde ma conclusion sur les éléments suivants :
1. Il n'y a pas de clause privative et il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire (voir le paragraphe 82.1(2) de la Loi et l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale). Ces faits tendent à indiquer que la Cour doit faire preuve d'une plus grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.
2. En l'espèce, l'auteur de la décision est un agent d'immigration qui a été désigné par le ministre en vertu du paragraphe 109(2) de la Loi. Comme l'agent d'immigration est, dans le cas qui nous occupe, postée à l'extérieur du Canada, elle est désignée sous l'appellation d'agent des visas. Les agents des visas examinent régulièrement des demandes de visa et possèdent de vastes connaissances spécialisées dans ce domaine. Ces facteurs tendent eux aussi à indiquer que la Cour doit faire preuve d'une plus grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.
3. Aux termes de l'article 11 et de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, l'agent des visas doit décider si le demandeur remplit les conditions requises pour obtenir un visa pour entrer au Canada. L'agent des visas dispose d'un large pouvoir discrétionnaire, mais il doit se guider sur l'annexe I. Il s'ensuit selon moi que la décision de l'agent des visas a droit à une plus grande retenue de la part de la Cour, mais pas à une retenue totale.
4. Le débat en l'espèce porte sur la constatation des faits et sur l'application de ces faits aux balises proposées par le Règlement. Ainsi, la question est une question mixte de droit et de fait et, pour cette raison, le degré de retenue judiciaire qu'il convient d'appliquer est celui du caractère raisonnable simpliciter.
Pour ces motifs, la norme de contrôle qui sera appliquée à la décision de l'agent des visas sera celle du caractère raisonnable simpliciter.
[21] Cette approche a également été retenue dans les arrêts Hao c. Canada (M.C.I.), (IMM-158-99) et Lu c. Canada (M.C.I.), [2001] CFPI 661, et c'est l'approche qui me semble devoir être appliquée dans la présente instance (même si depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en juin 2002, il faut obtenir une autorisation avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire d'une décision prise par un agent des visas). L'agent des visas ne devait pas simplement déterminer, sur la base des informations qui lui avaient été transmises, quelle expérience avait la demanderesse, mais il devait également se demander si cette expérience correspondait aux exigences formulées par l'article 112 du Règlement. Dans le cadre de cet exercice, il devait plus particulièrement se prononcer sur la question de savoir si l'expérience de la demanderesse en tant qu'institutrice constituait une expérience pertinente, « dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé » .
[22] Si la décision prise par l'agent des visas avait uniquement consisté à déterminer si la demanderesse avait effectivement travaillé comme institutrice au Maroc, je me serais senti lié par la jurisprudence établissant que cette Cour doit faire preuve de retenue lorsque la décision contestée est purement factuelle. Tel n'est pas le cas ici : nous sommes au contraire en présence d'une question mixte de droit et de fait, qui commande un degré de déférence moins élevé qu'une question de fait. Si l'on ajoute à cela le fait qu'il n'y a pas de clause privative dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et que l'agent des visas détermine les droits de la demanderesse plutôt que de traiter d'une question polycentrique, pour reprendre les termes du juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (M.C.I.) ([1998] 1 R.C.S. 982), il n'y a pas de doute que la norme applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter.
2) L'agent des visas a-t-il erré en rejetant la demande de permis de la demanderesse?
[23] Il appert que le Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada a mis sur pied le Programme des aides familiaux résidants afin de combler une pénurie d'aides familiaux résidants sur le marché du travail au Canada tout en offrant aux participants la possibilité de travailler et, par la suite, de demander la résidence permanente au Canada. Le guide OP 14 précise qu'un aide familial résidant « est une personne qui fournit, dans une habitation privée au Canada dans laquelle elle vit, des soins à des enfants, des personnes âgées ou des personnes handicapées » .
[24] Pour plus de commodité, nous reproduisons ici l'extrait pertinent de ce guide :
5.4 Exigence relative à la formation et à l'expérience
Le candidat au Programme des aides familiaux résidants doit avoir terminé une formation reçue dans le cadre d'un programme d'études officiel dispensé par un établissement accrédité par les autorités locales. Toutefois, l'accréditation n'est pas nécessairement un critère de qualité. L'agent doit évaluer la qualité du programme suivi et déterminer s'il est suffisant pour permettre au requérant d'accomplir les tâches imposées par l'emploi éventuel. Dans le cas où les programmes de formation visent essentiellement à dispenser une formation en prestation de soins répondant à nos exigences, il est nécessaire de déterminer si ces programmes sont légitimes et si la formation est suffisante.
Le nombre total d'heures de cours doit égaler ou dépasser l'équivalent de six mois de formation à plein temps (consulter la Section 5.5, intitulée « Formation à plein temps » ).
La formation et l'expérience doivent se situer dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié à l'emploi recherché. Ainsi, l'aide familial résidant éventuel peut avoir une formation ou de l'expérience en éducation des jeunes enfants, en soins gériatriques ou pédiatriques, ou en premiers soins en pédiatrie ou en gériatrie. L'expérience de la prestation de soins dans une institution (garderie, orphelinat, hôpital, centre pour personnes âgées, etc.) doit être prise en considération lorsqu'on détermine si le requérant satisfait à l'exigence relative à l'expérience.
Normalement, l'expérience qu'un requérant aura acquise comme aide familial résidant à son domicile ne devrait pas le rendre admissible au programme, étant donné qu'il n'aurait pas occupé un emploi rémunéré. Toutefois, dans certaines circonstances, on pourra considérer comme valable l'expérience d'une personne qui a été embauchée comme aide familial résidant par un membre de sa famille. Il incombe au requérant de prouver à l'agent qu'il a bien été rémunéré pour son travail.
(C'est nous qui soulignons).
[25] C'est l'article 112 du Règlement qui énumère les conditions requises pour que l'étranger puisse obtenir un permis de travail dans la catégorie des aides familiaux :
112. Le permis de travail ne peut être délivré à l'étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l'étranger se conforme aux exigences suivantes :
a) il a fait une demande de permis de travail à titre d'aide familial avant d'entrer au Canada;
b) il a terminé avec succès des études d'un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;
c) il a la formation ou l'expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :
(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,
(ii) une année d'emploi rémunéré à temps plein - dont au moins six mois d'emploi continu auprès d'un même employeur - dans ce domaine ou cette catégorie d'emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;
d) il peut parler, lire et écouter l'anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;
e) il a conclu un contrat d'emploi avec son futur employeur. |
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112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they
(a) applied for a work permit as a live-in caregiver before entering Canada;
(b) have successfully completed a course of study that is equivalent to the successful completion of secondary school in Canada;
(c) have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely,
(i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, or
(ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in such a field or occupation within the three years immediately before the day on which they submit an application for a work permit;
(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting; and
(e) have an employment contract with their future employer.
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[26] Compte tenu de ce qui précède, deux conclusions s'imposent. D'abord, les mots « domaine ou catégorie d'emploi lié au travail » s'appliquent autant au mot « formation » qu'au mot « expérience » . La version anglaise est encore plus claire: "have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely" puisque les mots "in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought", sont entre virgules et qualifient les sujets: training or experience. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient le défendeur, tant la formation que l'expérience peuvent avoir été acquises "dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié au travail"
[27] D'autre part, l'alinéa (c) de l'article 112 du Règlement doit clairement s'interpréter de façon disjonctive : le requérant doit démontrer une formation ou une expérience pertinente, et non les deux. L'objectif était indéniablement de permettre aux requérants ayant de l'expérience mais sans formation officielle de présenter une demande.
[28] Enfin, je suis également d'avis que les fonctions principales que devait considérer l'agent des visas pour déterminer la pertinence de l'expérience ou de la formation de la requérante étaient celles qui découlaient de l'emploi décrit au code 6474 de la Classification nationale des professions. Non seulement était-ce la catégorie d'emploi qui avait été validée par le Ministère du Développement et des Ressources humaines, suite à la demande de l'employeur, mais encore le Guide prévoit-il que c'est le code devant être utilisé pour désigner les permis de travail délivrés selon ce programme (paragraphe 8.5 du Guide OP 14).
[29] C'est évidemment à la demanderesse qu'il incombait d'établir qu'elle remplit tous les critères prévus par l'article 112 du Règlement. L'agent des visas a rejeté la demande de permis essentiellement parce que la demanderesse n'avait pas une expérience récente comme « aide domestique » et qu'elle n'était pas réellement une « employée de maison » . Compte tenu de la description des tâches que l'on trouve au code 6474 de la classification nationale des professions, et de la description que l'employeur lui-même a faite dans sa demande d'emploi, je suis d'avis que l'agent des visas a erronément conclu que la demanderesse ne se qualifiait pas
[30] Selon le guide du Ministère, la formation et l'expérience doivent se situer dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié à l'emploi recherché, et il précise que l'aide familial peut détenir une formation ou de l'expérience en éducation des jeunes enfants; ce qui est directement le cas de la demanderesse. Le guide reconnaît que la formation ou l'expérience en éducation des jeunes enfants est pertinente. La décision de l'agent des visas de ne pas tenir compte de cette expérience n'est donc pas raisonnable et n'est pas conforme à ce qui est prescrit par le guide.
[31] Par conséquent, à mon avis, la demanderesse remplit tous les critères. La preuve démontre qu'elle est institutrice avec des enfants d'âge primaire depuis 7 ans. Par conséquent, elle a fort probablement les aptitudes requises pour surveiller et prendre soin des enfants, les initier à l'hygiène personnelle et au développement social, veiller à leur bien-être émotif, les discipliner, organiser des activités pour les divertir, les accompagner à l'école, et veiller à créer un environnement sain à la maison (ce sont là quelques unes des fonctions principales des aides à la famille telles que décrites dans la classification nationale des professions).
[32] Pour ce qui est de la conclusion de l'agent sur le fait que le frère de la demanderesse est son employeur, ce qui le laisserait croire qu'elle ne reviendrait pas au Maroc, elle est sans fondement. Non seulement s'agit-il de pure spéculation, puisque rien dans la preuve ne permet de tirer une telle conclusion, mais au surplus, rien dans la loi ni dans le Règlement n'interdit des liens familiaux entre le futur employeur et l'employé. D'autre part, le programme pour les aides familiaux prévoit de façon spécifique que ces personnes peuvent demander le statut de résident permanent par la suite. Dans la mesure où un candidat n'a pas l'intention de faire une telle demande, il ne peut pas participer à ce programme (voir le point 5.2 du guide). Le Guide précise par ailleurs qu'il est difficile d'appliquer à ces candidats les exigences habituelles des permis de travail voulant que le résident temporaire quitte la Canada à la fin de la période autorisée (8.4 du guide). La conclusion de l'agent est donc clairement erronée; il n'a tout simplement pas tenu compte du type de programme en l'espèce.
[33] La demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et le dossier renvoyé à un autre agent des visas pour re-détermination.
(s) « Yves de Montigny »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER: IMM-8197-04
INTITULÉ: SADIKI OUAFAE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE: Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE: Le 14 mars 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE: le juge de Montigny
DATE DE L'ORDONNANCE: Le 7 avril 2005
COMPARUTIONS:
Me Nicole Goulet POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Alexander Gay POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Le Blanc, Doucet McBride
Gatineau (Québec) POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE