Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU
ENTRE :
et
DU MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le 19 octobre 2005, cinq jours avant la date prévue pour l'ouverture de l'instruction de la présente affaire, le demandeur a adressé à la Cour, par l'intermédiaire de son avocate, une demande informelle de directives touchant la présentation par des voies exceptionnelles des dépositions de deux témoins résidant en Iran, soit son frère, Hassan Farzam, et sa mère, Razia Farzam (les témoins iraniens).
[2] Dans l'après-midi du vendredi 21 octobre 2005, vers 13 h 35, le demandeur a déposé, et signifié à la défenderesse, une requête formelle en autorisation de produire par téléconférence la preuve des témoins iraniens à l'instruction. La défenderesse fait opposition à cette requête, présentée à la Cour le 24 octobre 2005, à 9 h 30, à Ottawa.
[3] Le demandeur a formé la présente requête sous le régime de l'article 286 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS 98/106 (les Règles), ainsi libellé :
286. La Cour peut, avant l'instruction, ordonner que la preuve d'un fait particulier soit présentée à l'instruction de la manière précisée dans l'ordonnance, notamment :
a) par une déclaration sous serment de renseignements ou d'une croyance;
b) par la production de documents ou d'éléments matériels;
c) par la production de copies de documents;
d) dans le cas d'un fait notoire ou d'un fait connu dans un district particulier, par la production d'une publication particulière qui relate ce fait. |
|
286. The Court may, before trial, order that evidence of any fact be given at the trial in such a manner as may be specified in the order, including
(a) by statement on oath of information or belief;
(b) by the production of documents or other material;
(c) by the production of copies of documents; or
(d) in the case of a fact that is or was a matter of common knowledge either generally or in a particular district, by the production of a specified publication containing a statement of that fact. |
[4] La Cour a entendu les observations des avocats à Ottawa, le lundi 24 octobre 2005, à 9 h 30, avant l'ouverture de l'instruction.
[5] Les faits suivants ne sont pas contestés.
LE CONTEXTE FACTUEL
[6] Le demandeur a épousé Mme Esmat Mohiti en Iran, le 28 mars 1984. Il a habité dans le camp de réfugiés de Shomeli, en Irak, de 1984 à 1988. Il est entré au Canada le 26 octobre 1988 en vertu d'un permis ministériel. Cependant, il ne jouissait pas alors du statut de résident permanent. Il a obtenu le droit d'établissement le 5 novembre 1991.
[7] Le 30 juin 1992, la défenderesse a approuvé et envoyé à son bureau de Damas la demande de parrainage présentée par le demandeur pour sa femme, y compris l'engagement d'aide y afférent. Le bureau de Damas a reçu cette demande de parrainage le 29 juillet 1992. Néanmoins, le 4 juin 1993, ce même bureau a adressé à la femme du demandeur, Mme Mohiti, un télex portant que ce dernier n'avait pas présenté l'engagement d'aide.
[8] Mme Mohiti a apparemment divorcé d'avec le demandeur, en Iran, vers la fin de décembre 1993.
[9] Le 10 janvier 1994, l'ambassade du Canada à Damas a délivré à Mme Mohiti un permis ministériel l'autorisant à entrer au Canada.
LES PROCÉDURES ANTÉRIEURES
[10] Le 4 août 1995, le demandeur a déposé une déclaration auprès de la Division générale de la Cour de l'Ontario, sous le numéro de dossier 93311/95. Il y réclamait des dommages-intérêts en réparation de la négligence supposée de la défenderesse dans le traitement de son dossier d'immigration et de celui de son ex-femme. Le 17 novembre 1995, le juge Soublière a rendu une ordonnance portant suspension de l'instance sous le régime de l'article 106 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C‑43.
[11] Le 14 mars 1996, le demandeur a déposé auprès de la Section de première instance de la Cour fédérale (comme on la désignait alors) une déclaration par laquelle il réclamait des dommages-intérêts au motif de la négligence supposée de la défenderesse dans le traitement de son dossier d'immigration et de celui de son ex-femme. Le juge Hugessen est chargé de la gestion de l'instance depuis le 10 août 1999; il a été assisté dans cette tâche par la protonotaire Aronovitch.
[12] Le 16 septembre 2002, la défenderesse a déposé une requête en jugement sommaire où elle faisait valoir l'absence d'une véritable question litigieuse. Cette requête se fondait pour l'essentiel sur la thèse que l'action avait été intentée hors délai. Ladite requête a été accueillie en partie par le juge Hugessen, le 10 février 2003. Le 29 octobre 2003, la Cour d'appel fédérale a rejeté, à la suite d'un examen de l'état de l'instance, l'appel interjeté par le demandeur.
[13] Dans l'exposé des motifs de sa décision, le juge Hugessen a expliqué que l'action du demandeur pouvait, selon lui, se diviser en trois prétentions distinctes, mettant toutes en cause la négligence. La première était fondée sur de fausses déclarations que lui aurait faites un agent d'immigration à l'étranger, avant même qu'il ne vînt au Canada. La deuxième se fondait sur le fait qu'il aurait perdu des occasions d'emploi pour avoir été considéré comme un demandeur d'asile, statut qui lui interdisait de prendre un emploi sans autorisation. Et la troisième se rapportait à des dommages-intérêts que le demandeur réclamait au titre d'une rupture supposée de son mariage, qu'il attribuait à la négligence supposée de la défenderesse et qui aurait provoqué chez lui une dépression.
[14] L'ordonnance rendue par le juge Hugessen avait pour effet de limiter l'action du demandeur de la manière suivante : il a conclu que les deux premières prétentions de ce dernier avaient été présentées hors délai, mais qu'il pouvait encore faire valoir la troisième, dans la seule mesure toutefois où les dommages-intérêts réclamés seraient fondés sur des actes ou omissions d'agents de la défenderesse commis à l'étranger :
En ce qui concerne les prétentions du demandeur concernant les actes et les omissions de la défenderesse et de ses agents quant au traitement de la demande qu'il a présentée afin que sa femme soit autorisée à venir au Canada, la Cour dispose d'éléments de preuve lui permettant de conclure que le retard dans le traitement de cette demande était attribuable à la négligence du bureau de la défenderesse situé à Téhéran ou à Damas. Les agents de l'Immigration travaillant dans ces bureaux ne jouissent pas de la protection de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public quant aux actes ou aux omissions qu'ils commettent. Par conséquent, la prétention fondée sur la prétendue négligence des agents travaillant dans les bureaux d'outre-mer du ministère semble être faite en temps opportun et ne devrait pas être rejetée.
Toutefois, cette prétention doit être limitée aux actes ou aux omissions qui sont commis à l'étranger par des agents du ministère, de sorte qu'elle devrait être rejetée pour ce qui est des actes ou des omissions commis par des agents en Ontario.
[15] Mme la protonotaire Aronovitch a récapitulé, sur le fondement de l'ordonnance susdite du juge Hugessen, les questions de fait et de droit applicables à la présente espèce dans une ordonnance qu'elle a rendue le 1er février 2005 à la suite d'une conférence préparatoire à l'instruction. Ces questions sont les suivantes :
a) Vu les circonstances de l'affaire, y avait‑il envers le demandeur une obligation de diligence prima facie touchant le traitement de la demande de sa femme?
b) Les actes ou omissions des fonctionnaires de CIC agissant à l'étranger constituaient-ils un manquement à l'obligation de diligence applicable à l'administration et au traitement du dossier de Mme Mohiti?
c) Si la responsabilité peut être établie, quel est le montant approprié des dommages-intérêts?
d) La partie qui obtiendra gain de cause a‑t‑elle droit aux dépens et, dans l'affirmative, à quel montant?
[16] Les parties ayant déclaré qu'elles étaient prêtes à plaider dès qu'on pourrait leur réserver 12 jours, le juge en chef Lufty a rendu, le 16 mars 2005, une ordonnance fixant au 24 octobre 2005 la date de l'instruction, qui devait avoir lieu à Ottawa. Presque sept mois se sont écoulés depuis.
[17] Une conférence de gestion de l'instruction a été tenue à mon initiative, le 12 octobre 2005. L'avocate du demandeur a soulevé pour la première fois, et de manière informelle, le fait que les témoins iraniens pourraient ne pas être présents à l'instruction, dans une lettre en date du 3 octobre 2005 adressée à l'attention du juge en chef. Peu après, soit le 5 octobre 2005, j'ai donné les directives suivantes au greffier :
[TRADUCTION]
Demander aux avocats des parties de faire parvenir au plus tard le mardi 11 octobre 2005, à midi, leurs observations écrites touchant :
1) les aveux qui pourraient être formulés au sujet des faits sur lesquels les témoins iraniens sont susceptibles de déposer à l'instruction, pour le cas où les visas ne pourraient être délivrés avant l'ouverture de celle‑ci;
2) les autres solutions à envisager dans le cas où aucun aveu ne serait possible sur le contenu des témoignages;
3) toute requête en ajournement ou en report de l'instance dans le cas où les parties ne pourraient s'entendre sur une autre solution acceptable;
4) toutes autres questions de procédure ou de preuve qui nécessiteraient la formulation de directives par la Cour avant l'instruction.
[18] Le 12 octobre 2005, dans le contexte des observations écrites des parties, la Cour a été informée que le demandeur avait pris, le 25 juillet 2005, des dispositions pour que des interprètes soient présents à l'instruction. Il apparaît en outre que, le 5 août 2005, le demandeur avait signifié et déposé une requête par laquelle il demandait qu'il fût ordonné à l'Administrateur de délivrer des subpoena pour faciliter l'admission au Canada de membres de sa famille résidant en Iran. Le demandeur avait alors déclaré que ces témoins déposeraient vraisemblablement au sujet des motifs pour lesquels Mme Mohiti avait divorcé et s'était remariée. En fait, le 18 août 2005, la protonotaire Aronovitch a rendu une ordonnance de comparution des témoins iraniens, ainsi que de la sœur du demandeur, Mme Goulsom Farzam, également iranienne. Cependant, les agents d'immigration canadiens ont rejeté, le 3 octobre 2005, les demandes de visas des témoins iraniens. À la conférence, l'avocat du demandeur a exprimé le souhait de son client de faire ajourner l'instruction en attendant l'issue d'une éventuelle procédure de contrôle judiciaire visant à obliger le ministre à délivrer les visas demandés aux témoins iraniens. Par parenthèses, le demandeur n'a l'intention de citer comme témoins à l'instruction ni sa sœur, Mme Goulsom Farzam, ni Mme Mohiti. Les avocats ont informé la Cour que Mme Mohiti avait apparemment rompu tous rapports avec le demandeur et que son nouveau mari ne lui permettrait probablement pas de témoigner dans la présente affaire. Ils ont également informé la Cour que les parties étaient en train d'établir un dossier conjoint et de mettre la dernière main à un exposé conjoint des faits, déjà en retard. Quoi qu'il en soit, cet exposé, à la demande pressante de la défenderesse, ne contiendrait aucun aveu sur le contenu des dépositions des témoins iraniens. En outre, la défenderesse n'était pas disposée à admettre que Mme Mohiti eût divorcé d'avec le demandeur en 1993 en conséquence directe des lenteurs et des erreurs supposées des agents d'immigration travaillant à ses bureaux de Damas et de Téhéran. Étant donné tout ce qui précède, l'avocate du demandeur a demandé l'autorisation de présenter une requête en production d'éléments de preuve par des voies exceptionnelles.
[19]
Comme suite aux
observations présentées par les avocats le 12 octobre 2005, j'ai
formulé les directives suivantes :
[TRADUCTION] Les parties déposeront leur exposé conjoint des faits au plus tard le 12 octobre 2005, à 16 h. Les parties déposeront un dossier conjoint au plus tard le 13 octobre 2005, à 16 h. Le demandeur signifiera et déposera, le cas échéant, sa requête en ajournement de l'instruction de la présente action au plus tard le 13 octobre 2005, à 16 h. Cette requête sera présentée par écrit, et adressée à l'attention du juge en chef. La défenderesse signifiera et déposera son dossier de réponse à la requête au plus tard le 14 octobre 2005, à 16 h. Le demandeur signifiera et déposera sa réplique, le cas échéant, au plus tard le 17 octobre 2005, à 16 h. S'il souhaite présenter une requête en production d'éléments de preuve par des voies exceptionnelles, le demandeur la signifiera et la déposera dans le même délai que sa requête en ajournement de l'instruction.
[20] Le 13 octobre 2005, le demandeur a effectivement déposé le une requête en ajournement afin de demander l'autorisation d'un contrôle judiciaire des décisions par lesquelles les agents des visas avaient refusé de délivrer des visas aux témoins iraniens, ce qui devait permettre à ceux‑ci d'être présents à l'instruction ou de déposer par des voies exceptionnelles (la requête en ajournement). Simultanément, le demandeur a formé, sous le régime de l'article 286 des Règles, une autre requête, celle‑ci en production de deux documents apparemment rédigés par Mme Mohiti en 1993 et 1996, lesquels, selon lui, tendraient à établir la cause du divorce supposé que son ex-femme aurait demandé en Iran à la fin de décembre 1993 (la requête en production des déclarations de Mme Mohiti).
[21] En outre, le ou vers le 17 octobre 2005, les témoins iraniens, par l'intermédiaire de l'avocate du demandeur, ont signifié et déposé des demandes distinctes d'autorisation et de contrôle judiciaire sollicitant l'annulation des décisions par lesquelles les agents des visas, au motif qu'ils ne quitteraient vraisemblablement pas le Canada à la fin de leur séjour autorisé, avaient rejeté leurs demandes de visas de résidents temporaires (Hassan Farzam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-6269-05, et Razia Farzam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-6266-05).
[22] Le 18 octobre 2005, le juge en chef Lufty a rejeté la requête en ajournement et ordonné que toutes les autres questions, y compris celle des dépens de la requête, soient déférées au juge du fond. Le 21 octobre 2005, j'ai rejeté la requête en production des déclarations de Mme Mohiti, ayant conclu que ces éléments de preuve par ouï-dire ne remplissaient pas la double condition de la nécessité et de la fiabilité (Hussein c. Sa Majesté la Reine du chef du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 CF 1432).
LA PRÉSENTE PROCÉDURE
[23] Il est important, dès l'abord, d'insister sur le fait que la Cour, par directive en date du 12 octobre 2005, a expressément exigé du demandeur qu'il signifie et dépose au plus tard le 13 octobre 2005 sa [TRADUCTION] « requête en production d'éléments de preuve par des voies exceptionnelles » s'il souhaitait en former une. Le demandeur aurait pu alors déposer une requête formelle en production par des voies exceptionnelles de la preuve des témoins iraniens à l'instruction. Or, il s'est apparemment contenté de présenter une requête en ajournement de l'instruction et une requête en production des déclarations de Mme Mohiti. Ces deux requêtes ont été rejetées, ce qui nous amène à la présente requête, en production de la preuve des témoins iraniens à l'instruction par téléconférence, devant être rendue possible à l'ouverture de l'instruction le 24 octobre 2005. Je note que l'avis de requête et l'affidavit y afférent n'ont pas été signifiés et déposés au moins deux jours avant la date d'audition précisée dans cet avis, comme l'exige le paragraphe 362(1) des Règles. Qui plus est, le demandeur n'invoque pas l'urgence. La date de l'instruction de la présente action a été fixée il y a quelque sept mois déjà. Or, cette nouvelle requête en production d'éléments de preuve par des voies exceptionnelles, formée sous le régime de l'article 286 des Règles, est présentée le jour même où l'instruction est censée s'ouvrir. La Cour doit pouvoir maîtriser son fonctionnement et, à cette date tardive, elle a certainement le droit de refuser d'examiner la demande informelle de directives du demandeur et sa requête subséquente en production par téléconférence de la preuve des témoins iraniens à l'instruction. Étant donné le caractère tardif de ces démarches, il n'existe pas de circonstances particulières qui justifieraient que la Cour exerce, dans la présente espèce, le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 55 des Règles de s'écarter de celles‑ci ou de passer outre à l'observation d'une de leurs dispositions.
[24] Cela dit, l'avocate du demandeur m'exhorte vivement à instruire la présente requête dans l'intérêt de la justice, même si elle a été présentée [TRADUCTION] « à la onzième heure ». En outre, fait-elle valoir, le demandeur risque de ne pouvoir bénéficier d'un [TRADUCTION].« procès équitable » si les témoins iraniens ne sont pas autorisés à déposer à l'instruction par téléphone. Ayant examiné et pesé l'ensemble des facteurs pertinents, je déclare, dans le cadre de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, ne pas estimer établi que la solution juste et la plus expéditive et économique possible du présent litige exige que les témoins iraniens soient entendus par téléconférence à l'instruction.
[25] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, dans sa version modifiée, dispose ce qui suit :
53. (1) La déposition d'un témoin peut, par ordonnance de la Cour d'appel fédérale ou de la Cour fédérale, selon le cas, et sous réserve de toute règle ou ordonnance applicable en la matière, être recueillie soit par commission rogatoire, soit lors d'un interrogatoire, soit par affidavit. |
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53. (1) The evidence of any witness may by order of the Federal Court of Appeal or the Federal Court be taken, subject to any rule or order that may relate to the matter, on commission, on examination or by affidavit. |
[26] En règle générale, comme le prévoit le paragraphe 282(1) des Règles, « [s]auf ordonnance contraire de la Cour, les témoins à l'instruction sont interrogés oralement, en séance publique ». En outre, l'article 286 des mêmes Règles porte que « [l]a Cour peut, avant l'instruction, ordonner que la preuve d'un fait particulier soit présentée à l'instruction de la manière précisée dans l'ordonnance ». À ce propos, l'article 271 des Règles dispose que la Cour peut, sur requête, ordonner qu'une personne soit interrogée hors cours en vue de l'instruction, et l'article 272 porte que, lorsque l'interrogatoire visé à l'article 271 doit se faire à l'étranger, la Cour peut ordonner à cette fin la délivrance d'une commission rogatoire sous son sceau, de lettres rogatoires, d'une lettre de demande ou de tout autre document nécessaire.
[27] Cela dit, je note que l'article 32 des Règles, que le demandeur n'invoque pas, dispose que « [l]a Cour peut ordonner qu'une audience soit tenue en tout ou en partie par voie de conférence téléphonique ou de vidéoconférence ou par tout autre moyen de communication électronique » (non souligné dans l'original). S'il n'existe pas de lignes directrices particulières pour orienter l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour à cet égard, nous savons que, selon l'article 3 des Règles, l’article 32 doit être interprété et appliqué « de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Il est à noter que, en 1992 et en 1996, soit avant l'adoption des nouvelles Règles en 1998, la Cour avait publié la directive de pratique et circulaire no 5/96 concernant les conférences téléphoniques et les vidéoconférences. Il apparaît que les conférences téléphoniques ou les vidéoconférences peuvent constituer, dans les cas qui le justifient, une autre voie d'accès admissible aux audiences, propre à faciliter le progrès des instances, notamment lorsqu'il s'agit d'affaires urgentes ou que des distances considérables sont en jeu et qu'on peut ainsi faire gagner du temps et économiser des frais de déplacement aux plaideurs, aux juges et au personnel du greffe. L'expérience révèle que l'emploi de tels moyens exceptionnels a été autorisé pour l’audition de requêtes, les conférences d'établissement du calendrier des procédures, les conférences préparatoires à l'instruction et d'autres types de conférences. Dans ces cas, les éléments présentés à la Cour revêtaient habituellement la forme d'affidavits et de preuve documentaire en bonne et due forme, et les avocats formulaient leurs observations oralement à partir d'endroits différents. Cependant, à ma connaissance, la Cour n'a jamais eu recours aux conférences téléphoniques ou aux vidéoconférences à l'instruction pour remplacer l'audition des témoins en personne et en séance publique. Compte tenu du principe général formulé au paragraphe 282(1) des Règles, une telle façon de faire, si elle était autorisée à l'instruction par une ordonnance de la Cour, constituerait certainement un mode exceptionnel d'admission de preuve, analogue à la commission rogatoire.
[28] S'il n'est pas évident que le terme « audience » de l'article 32 des Règles comprenne l'« instruction » d'une action, il devrait être interprété de manière libérale. Je note que l'article 4 des Règles dispose que, « [e]n cas de silence des présentes règles ou des lois fédérales, la Cour peut, sur requête, déterminer la procédure applicable par analogie avec les présentes règles ou par renvoi à la pratique de la cour supérieure de la province qui est la plus pertinente en l'espèce ». Il apparaît clairement à la lecture de cet article que, lorsque la Cour adopte une pratique provinciale, ce doit être celle de la cour supérieure de la province pertinente. La présente action a été intentée en Ontario. À supposer, pour les besoins de la présente requête, qu'il soit nécessaire d'invoquer la règle dite « des lacunes » – question qu'il n'est pas nécessaire de régler catégoriquement –, c'est la pratique de la Cour supérieure de justice de l'Ontario qui semble la plus pertinente dans la présente espèce. Je note en outre, même si ce fait n'est pas directement applicable, que les dépositions de vive voix par téléphone ou par un moyen audiovisuel peuvent être considérées comme admissibles à l'instruction par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan et, dans le contexte d'un appel, par la Cour canadienne de l'impôt, qui est aussi une cour supérieure d'archives (voir l'article 3 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2).
[29] Commençons par examiner la pratique provinciale suivie en Ontario. L'article 1.08 des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194, est ainsi libellé :
1.08 (1) Si des installations en vue de la tenue d’une conférence téléphonique ou d’une vidéoconférence sont disponibles au tribunal ou sont fournies par une partie, tout ou partie de l’une ou l’autre des instances ou étapes d’une instance suivantes peut être entendu ou mené par conférence téléphonique ou vidéoconférence comme le permettent les paragraphes (2) à (5) :
1. Une motion (Règle 37).
2. Une requête (Règle 38).
3. Une audience sur l’état de l’instance (règle 48.14).
4. Lors du procès, le témoignage oral d’un témoin et la plaidoirie.
5. Un renvoi (règle 55.02).
6. Un appel ou une motion en autorisation d’interjeter appel (Règles 61 et 62).
7. Une instance relative à la révision judiciaire.
8. Une conférence préparatoire au procès, une conférence relative à la cause, une conférence en vue d’une transaction ou une conférence de gestion du procès. Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2; Règl. de l’Ont. 24/00, art. 1.
(2) Si les parties consentent à une conférence téléphonique ou à une vidéoconférence et que le juge ou l’officier de justice qui préside l’autorise, l’une des parties prend les dispositions nécessaires. Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2.
(3) Si les parties ne donnent pas leur consentement, le tribunal peut, sur motion, rendre une ordonnance prescrivant la tenue d’une conférence téléphonique ou d’une vidéoconférence, à des conditions justes. Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2.
(4) Le juge ou l’officier de justice qui préside une instance ou une étape d’une instance peut annuler ou modifier une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (3). Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2. Facteurs à prendre en considération
(5) Lorsqu’il décide s’il doit autoriser ou ordonner la tenue d’une conférence téléphonique ou d’une vidéoconférence, le tribunal tient compte des facteurs suivants :
a) le principe général selon lequel les témoignages et les plaidoiries devraient être présentés oralement en audience publique;
b) l’importance des témoignages pour ce qui est de trancher les questions en litige dans la cause;
c) l’effet de la conférence téléphonique ou de la vidéoconférence sur la capacité du tribunal d’émettre des conclusions, y compris des décisions relatives à la crédibilité des témoins;
d) l’importance d’observer le comportement d’un témoin, compte tenu des circonstances de l’affaire;
e) la question de savoir si une partie, un témoin ou le procureur d’une partie ne peut se présenter pour cause d’infirmité, de maladie ou pour tout autre motif;
f) la prépondérance des inconvénients qu’il établit entre ceux que subirait la partie qui souhaite la tenue de la conférence téléphonique ou de la vidéoconférence et ceux que subiraient la ou les parties qui s’y opposent;
g) les autres questions pertinentes. Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2.
(6) Le tribunal qui autorise ou ordonne la tenue d’une conférence téléphonique ou d’une vidéoconférence peut enjoindre à une partie de prendre les dispositions nécessaires à cette fin et d’en donner avis aux autres parties et au tribunal. Règl. de l’Ont. 288/99, art. 2. |
1.08 (1) If facilities for a telephone or video conference are available at the court or are provided by a party, all or part of any of the following proceedings or steps in a proceeding may be heard or conducted by telephone or video conference as permitted by subrules (2) to (5):
1. A motion (Rule 37).
2. An application (Rule 38).
3. A status hearing (Rule 48.14).
4. At trial, the oral evidence of a witness and the argument.
5. A reference (Rule 55.02).
6. An appeal or a motion for leave to appeal (Rules 61 and 62).
7. A proceeding for judicial review.
8. A pre-trial conference, a case conference, a settlement conference or a trial management conference. O. Reg. 288/99, s. 2; O. Reg. 24/00, s. 1.
(2) If the parties consent to a telephone or video conference and if the presiding judge or officer permits it, one of the parties shall make the necessary arrangements. O. Reg. 288/99, s. 2. Order, No Consent
(3) If the parties do not consent, the court on motion may make an order directing a telephone or video conference on such terms as are just. O. Reg. 288/99, s. 2.
(4) The judge or officer presiding at a proceeding or step in a proceeding may set aside or vary an order made under subrule (3). O. Reg. 288/99, s. 2. Factors to Consider
(5) In deciding whether to permit or to direct a telephone or video conference, the court shall consider,
(a) the general principle that evidence and argument should be presented orally in open court;
(b) the importance of the evidence to the determination of the issues in the case;
(c) the effect of the telephone or video conference on the court’s ability to make findings, including determinations about the credibility of witnesses;
(d) the importance in the circumstances of the case of observing the demeanour of a witness;
(e) whether a party, witness or solicitor for a party is unable to attend because of infirmity, illness or any other reason;
(f) the balance of convenience between the party wishing the telephone or video conference and the party or parties opposing; and
(g) any other relevant matter. O. Reg. 288/99, s. 2.
(6) Where the court permits or directs a telephone or video conference, the court may direct a party to make the necessary arrangements and to give notice of those arrangements to the other parties and to the court. O. Reg. 288/99, s. 2. |
[30] Les avocats n'ont pu, à l'audience, faire état d'une jurisprudence pertinente sur la question que soulève la présente requête. Une courte recherche effectuée après l'audience m'a permis de trouver quelques décisions pertinentes que je vais maintenant examiner. La première de ces décisions est Pack All Manufacturing Inc. c. Triad Plastics Inc., [2001] O.T.C. 1022 (C. sup. Ont.), O.J. no 5822 (Q.L.). Dans cette affaire, le demandeur priait la Cour supérieure de justice de l'Ontario de rendre, sous le régime du paragraphe 1.08(3) des Règles de procédure civile de cette province, une ordonnance admettant la preuve d'un témoin qui travaillait et résidait en Virginie, afin d'éviter d'avoir à payer les frais de déplacement proprement dits de plus de 2 000 $ qu'eût exigés la présence de ce témoin à Ottawa. On estimait à environ une demi-heure la durée de l'interrogatoire principal de ce témoin. Aucun élément ne tendait à établir que le témoin en question, pour quelque raison que ce soit, se trouvât incapable de venir à Ottawa, ou aurait refusé de le faire à moins d'y être obligé, à supposer que toutes ses dépenses fussent payées. Son témoignage était important, et le coût de son déplacement n'était pas si élevé compte tenu de la somme que le procès mettait en jeu, qui s'inscrivait entre 80 000 et 105 000 $, y compris les réclamations des deux parties. Une déclaration résumant sa déclaration prévue avait déjà été communiquée à l'avocat du défendeur. Cet avocat, qui avait consenti à la production par voie de vidéoconférence des dépositions de certains autres témoins du demandeur, a fait opposition à la demande d'ordonnance au motif qu'il prévoyait que la déposition du témoin virginien ne concorderait pas avec celle d'un important témoin de son client; l'évaluation de la crédibilité du témoin virginien était donc très importante, faisait-il valoir, et il devait pour cette raison comparaître en personne devant le juge du fond. La requête du demandeur a été rejetée.
[31] Bien que les motifs exposés dans Pack All Manufacturing Inc., précitée, ne soient pas tous applicables à la présente espèce, le juge Rutherford a fait remarquer que le juge du fond peut voir et entendre très bien le témoin qui dépose par voie de vidéoconférence, et évaluer très exactement sa déposition, si les installations techniques sont satisfaisantes. Le passage suivant de son raisonnement paraît pertinent :
[TRADUCTION] D'après mon expérience, le juge du fond peut voir et entendre très bien le témoin qui dépose par voie de vidéoconférence, et évaluer très exactement sa déposition, si les installations techniques soient satisfaisantes. On peut soutenir qu'il est aussi souhaitable, ou même préférable, de voir le témoin de face et en couleurs parler à l'écran que de le voir obliquement, de profil, comme dans les salles d'audience traditionnelles de notre Palais de justice à Ottawa. La vidéoconférence permet d'observer le comportement du témoin, bien qu'on ne puisse pas nécessairement le voir de la tête aux pieds, mais on ne le pourra pas beaucoup mieux s'il est assis à la barre. En fait, je me demande souvent si l'on n'accorde pas une importance excessive à la possibilité d'apprécier la crédibilité d'une témoin d'après son apparence lorsqu'il dépose. Certes, les signes du « langage corporel », s'ils sont bien interprétés, peuvent enrichir l'ensemble des éléments qui permettent de porter un jugement sur la crédibilité d'un témoignage. Mais il faut aussi tenir compte du danger de mal interpréter le « langage corporel », de prendre par exemple la nervosité pour de l'incertitude ou un manque de sincérité, ou de voir une expression du doute dans la timidité et l'hésitation. L'aplomb et l'assurance peuvent donner l'impression de la franchise et d'une bonne connaissance des faits, alors qu'elles ne sont peut-être attribuables qu'à un art consommé de la persuasion. Il est beaucoup plus important de se demander si la substance d'un témoignage coïncide logiquement ou naturellement avec ce qui apparaît incontestable, qu'il s'agisse de faits prouvés ou de probabilités établies par déduction. Je ne suis pas du tout certain qu'on puisse, ou qu'on doive, accorder beaucoup de poids à l'avantage qu'est censé représenter pour le juge des faits la présence du témoin en personne à la barre par rapport à une image de bonne qualité sur un écran couleurs de taille acceptable. S'il y a peut-être lieu de présumer que la présence en personne du témoin comporte un certain avantage, on peut aussi soutenir que certains témoins s'acquitteront de leur tâche de manière plus compétente et se sentiront moins contraints s'ils déposent localement devant une caméra, entourés de moins d'inconnus et sans avoir à se déplacer.
[32] Cependant, même s'il y a beaucoup à dire en faveur de l'usage de la technologie contemporaine et du témoignage par voie de vidéoconférence, [TRADUCTION] « les parties, ajoute le juge Rutherford, ne peuvent revendiquer comme un droit le recours à cette méthode de présentation des dépositions. Sauf consentement de la partie adverse, la Cour doit effectuer une évaluation comparative des facteurs applicables et établir si les avantages de la vidéoconférence l'emportent sur le préjudice éventuel ». Autrement dit, dans de tels cas, il faut prendre en compte des facteurs opposés pour veiller à ce que les intérêts de la justice soient servis au mieux. Ce n'est certainement pas là une tâche facile pour nous, les enjeux étant considérables des deux côtés.
[33] La deuxième décision a été rendue en 1996 par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, à propos de la demande, formée sous le régime du paragraphe 284A(1) des Saskatchewan Queen’s Bench Rules, d'une ordonnance autorisant un médecin à déposer de vive voix par conférence téléphonique en faveur de la demanderesse. Cette disposition porte que la Cour peut ordonner qu'une déposition soit recueillie par téléconférence ou par une méthode audiovisuelle qu'elle autorise lorsque les parties y consentent ou que cela [TRADUCTION] « se révèle nécessaire aux fins de la justice ». En fait, dans cette affaire – Kapell c. Abel, [1996] Sask. R. 46, J. no 573 (QL) – , le défendeur n'avait pas consenti à ce que fussent admis en preuve à l'instruction les notes, rapports et dossiers médicaux d'un témoin expert qui résidait alors en Arizona. Ce témoin expert était important pour les moyens de la demanderesse, étant donné qu'il était un de ses physiothérapeutes; et il devait fournir à la Cour [TRADUCTION] « tous les renseignements médicaux pertinents pour l'évaluation juste et équitable des dommages-intérêts [dus à la demanderesse] ». La Cour a rejeté cette requête, n'étant pas convaincue que l'ordonnance demandée fût [TRADUCTION] « nécessaire aux fins de la justice ».
[34] Bien que la présente espèce comporte certaines caractéristiques différentes de l'affaire ayant donné lieu à la décision Kapell, précitée, l'armature du raisonnement du juge Geatros n'en est pas moins pertinente pour nous :
[TRADUCTION] Il y a ici en jeu des facteurs, analogues à ceux que le juge Halvorson avait à évaluer, qui militent contre l'agrément de la demande d'ordonnance. Il est à noter en particulier que c'est un témoignage d'expert qu'on veut voir recueillir par téléphone; or, il est évident que l'interrogatoire principal aussi bien que le contre-interrogatoire seront longs, et le défendeur subirait vraisemblablement un préjudice du fait de la difficulté de présenter des documents ou des pièces au témoin pendant le contre-interrogatoire. Le seul facteur, en fait, qui milite en faveur de l'agrément de la demande est que la présence du témoin à l'instruction coûterait cher et entraînerait du dérangement. Cette présence, selon moi, ne peut certainement pas être considérée comme « inutile », étant donné que la demanderesse elle-même déclare dans son affidavit que Monique Knipple est un témoin « important », dont la déposition est « nécessaire » pour qu'elle puisse faire valoir ses moyens, c'est‑à‑dire « afin que la Cour puisse disposer de tous les renseignements médicaux pertinents pour l'évaluation juste et équitable des dommages-intérêts [qui lui sont dus] ».
[35] Le juge Geatros fait référence à la page 160 de l'exposé des motifs du juge Halvorson dans Squires c. Fong [1983] 24 Sask. R. 59 S.J. no 147, (QL) :
[TRADUCTION] Il ne serait pas souhaitable d'essayer de formuler un ensemble de lignes directrices touchant le point de savoir quand la règle pourrait ou ne pourrait pas être invoquée avec succès. Ce sont les faits particuliers de l'espèce qui, dans l'application de cette règle, permettront d'établir si le témoignage par téléphone est « nécessaire aux fins de la justice ».
Il est à noter que cette règle a été édictée pour moderniser la procédure judiciaire et la rendre plus économique. Il ne faut pas l'édulcorer en lui donnant une interprétation indûment restrictive, mais il ne faut pas non plus l'interpréter de manière assez large pour ouvrir les vannes au témoignage par téléphone et ainsi priver tous les intéressés de la possibilité d'observer le comportement du témoin. Il faut trouver un compromis qui remplisse les objectifs de la règle sans priver inutilement le tribunal de l'avantage de voir le témoin.
[36] La troisième et dernière décision que nous examinerons à ce propos est Ramnarine c. Canada, [2001] D.T.C. 991, A.C.I. no 736 (QL). Dans cette affaire, la Cour canadienne de l'impôt avait à se prononcer sur la demande, formée par un contribuable résidant en Saskatchewan (M. Ramnarine), d'une ordonnance autorisant la production par voie d'affidavit ou de conférence téléphonique de la preuve de ses témoins qui ne résidaient pas dans cette province. Le ministre du Revenu national avait établi les cotisations de M. Ramnarine pour les années d'imposition 1994 et 1995 sur la base de ce qu'on appelait communément une évaluation de la valeur nette. Un des motifs de l'appel de M. Ramnarine était que le ministre n'avait pas tenu compte de l'argent qu'il avait reçu de la Guyana, où il avait auparavant habité. M. Ramnarine s'était installé en Saskatchewan en 1978, à l'âge de 45 ans, par suite de la détérioration du climat politique et économique de la Guyana. Il a déclaré que, en prévision de son départ, il avait aliéné des biens et converti des liquidités en devises, qu'il avait retirées graduellement et en secret sur plusieurs années. Il a affirmé avoir ainsi reçu de la Guyana la somme de 15 000 $ pendant chacune des années 1994 et 1995. Il souhaitait citer comme témoins deux résidents de l'Ontario qui avaient habité à la Guyana et connaissaient le climat politique et les tensions raciales qui y régnaient, ainsi que les diverses méthodes par lesquelles les résidents de la Guyana s'efforçaient de se procurer des devises et de les faire sortir du pays. Il voulait aussi citer un dénommé Sripal, homme d'affaire guyanien qui avait organisé l'envoi des sommes qu'il avait reçues en 1994 et 1995. En outre, il souhaitait citer trois résidents de la Guyana pour qu'ils déposent au sujet de son entreprise et de ses biens, et de leur valeur dans les années 1970. M. Ramnarine ne prévoyait pas que ces témoignages seraient compliqués ou mettraient en jeu des documents. Il vivait d'une pension de vieillesse et ne disposait pas, selon ses dires, de ressources suffisantes pour indemniser les témoins du déplacement nécessaire pour comparaître en Saskatchewan. La somme en litige était inférieure à ce qu'aurait coûté la présence des témoins dans la salle d'audience.
[37] La Cour canadienne de l'impôt a accueilli la demande en partie. Elle a autorisé les résidents de l'Ontario à déposer par voie de vidéoconférence. Il n'aurait pas été dans l'intérêt de la justice d'obliger M. Ramnarine à verser à ses témoins des indemnités de déplacement dont le total eût dépassé le montant des impôts en jeu. Les témoins ontariens avaient une preuve pertinente sous forme d'opinion à présenter, et la formule de la vidéoconférence donnait à la Cour la possibilité de les observer afin d'évaluer leur crédibilité. Pour ce qui concerne les témoins guyaniens, exception faite de M. Sripal, la mesure extraordinaire de la déposition par téléphone ne se justifiait pas. La preuve qu'ils présenteraient ne serait vraisemblablement pas pertinente. En effet, M. Ramnarine avait quitté la Guyana en 1978, et les éléments de preuve que ces témoins auraient pu proposer auraient vraisemblablement été périmés. La Cour a autorisé M. Sripal à déposer par voie de téléconférence. Son témoignage serait bref et ne nécessiterait pas qu'il soit fait référence à des documents. Le témoignage de M. Sripal était nécessaire parce qu'il concernait directement les virements de fonds au Canada effectués en 1994 et 1995. M. Stripal n'était pas un témoin expert, et la Couronne ne lui ferait pas subir un contre-interrogatoire approfondi. Il était tenu de prêter serment suivant les lois guyaniennes aussi bien que canadiennes, et un magistrat ou un avocat devait lui exposer les conséquences du parjure.
[38] Le juge Miller a récapitulé comme suit, dans la décision Ramnarine, les facteurs justifiant que fût rendue en l'espèce une ordonnance autorisant la déposition par voie de téléconférence :
Dans certains cas, l'intérêt de la justice à la Cour canadienne de l'impôt est mieux servi par une attitude pragmatique face à l'application des règles. L'affaire qui nous occupe représente l'un de ces cas. En consentant à rendre une ordonnance permettant un témoignage par conférence téléphonique, je n'ai pas l'intention de déclencher une avalanche de tels témoignages. Mon consentement est limité aux circonstances de cet appel en particulier, spécifiquement aux conditions suivantes :
(1) l'appel concerne ce qui a été décrit comme un instrument grossier : une cotisation fondée sur une évaluation de la valeur nette;
(2) le coût est élevé par rapport au montant de l'impôt en litige;
(3) les ressources financières de l'appelant sont à première vue limitées;
(4) le témoin réside hors de l'Amérique du Nord;
(5) le témoin n'est pas un expert;
(6) le témoin ne présentera pas de preuve documentaire;
(7) la portée du témoignage est limitée et celui‑ci devrait être de courte durée;
(8) le témoin doit faire sa déposition en présence d'un juge ou avocat du pays étranger après avoir prêté serment dans ce pays.
[39] Dans la présente espèce, il est évident que l'une des questions centrales de l'instruction sera celle de la cause du divorce supposé. Pour les besoins de la présente requête, je postulerai que Mme Mohiti a divorcé d'avec le demandeur à la fin de décembre 1993 et qu'elle s'est remariée en Iran quelques mois plus tard. Le demandeur n'a pas invoqué les circonstances précises du divorce supposé, et l'on ne sait pas exactement comment et pourquoi il a été demandé, obtenu ou, le cas échéant, prononcé par un tribunal iranien. Quoi qu'il en soit, ce que le demandeur souhaite établir à l'instruction au moyen des dépositions des témoins iraniens n'est pas le divorce en soi, mais, essentiellement, les motifs personnels qui ont incité Mme Mohiti à divorcer d'avec lui. C'est là l'une des questions les plus importantes qui seront examinées à l'instruction. La preuve nécessaire pour établir une intention est très différente de celle qu'il faut pour établir, par exemple, le fait d'un divorce. On peut s'attendre à ce que la cause du divorce supposé donne lieu à une vive contestation, étant donné que ce divorce serait l'aboutissement d'événements concrets et/ou d'expériences affectives de Mme Mohiti.
[40] Le demandeur a indirectement reconnu dans son affidavit que les témoins iraniens ne sont pas les plus aptes à déposer sur les raisons qui ont amené Mme Mohiti à divorcer d'avec lui. En fait, on ne trouve dans l'affidavit soumis par le demandeur à l'appui de la présente requête aucune déclaration selon laquelle les témoins iraniens auraient encouragé Mme Mohiti à divorcer ou, de quelque façon que ce soit, auraient joué un rôle direct dans la procédure de divorce qu'elle est censée avoir engagée en Iran ou y auraient directement participé. Étant donné que c'est Mme Mohiti qui a demandé le divorce, c'est elle qui serait le plus apte à déposer devant la Cour à ce sujet. Le problème est qu'elle réside en Iran. Dans la présente espèce, le demandeur a déclaré que Mme Mohiti ne pourrait être citée comme témoin au motif qu'elle n'était pas disposée à participer à la procédure de quelque manière que ce soit. Le demandeur donne à entendre que, même si elle avait été disposée à témoigner, son mari actuel ne lui permettrait pas de demander un visa ou un passeport pour venir au Canada à cette fin. Cependant, ces déclarations du demandeur ne sont pas étayées d'éléments de preuve crédibles. Il se contente d'affirmer que Mme Mohiti aurait consenti, en 1996, à l'aider au moyen d' [TRADUCTION] « une déclaration touchant ses efforts pour immigrer au Canada et la procédure de [leur] divorce ». Il précise que Mme Mohiti l'a informé que [TRADUCTION] « c'était là le plus qu'[elle était] disposée à faire pour [l'] aider dans [son] action ». Si le demandeur ou sa famille ont essayé ultérieurement, à quelque moment que ce soit, d'obtenir la coopération de Mme Mohiti ou de son nouveau mari dans la présente affaire, il n'en est pas fait mention dans l'affidavit du demandeur. Étant donné leur laconisme et le fait qu'elles sont fondées sur le ouï-dire, je n'accorde que très peu de poids aux explications générales suivantes proposées par le demandeur : [TRADUCTION] « [depuis 1996, le mari de Mme Mohiti] lui interdit de communiquer avec moi ou avec ma famille. Il a dit à celle‑ci qu'il appellerait la police si elle ne cessait pas d'essayer de se mettre en rapport avec Mme Mohiti. »
[41] Il est de fait que Mme Mohiti ne sera pas présente à l'instruction. Le demandeur connaît depuis très longtemps l'importance de la preuve relative à l'intention de Mme Mohiti de divorcer d'avec lui. La présente affaire est en gestion d'instance depuis au moins 1999. Or, le demandeur n'a jamais prié le juge ou la protonotaire chargé de la gestion de l'instance d'émettre des directives concernant la manière dont il aurait pu régler cette question. Le fait que Mme Mohiti refuse apparemment de venir témoigner et le rejet récent par l'Immigration canadienne des demandes de visas des témoins iraniens sont les deux principaux motifs sur lequels le demandeur s'appuie pour demander une ordonnance sous le régime de l'article 286 à l'ouverture de l'instruction.
[42] Dans la présente espèce, la crédibilité de la preuve des témoins iraniens est d'une importance cruciale. À mon avis, pour que les questions litigieuses à l'instruction, soit la cause ou les causes du divorce supposé, puissent être tranchées de manière « équitable », il faut que la défenderesse ait la possibilité de contre-interroger les témoins iraniens. Cependant, les faits de l'espèce montrent à l'évidence que la formule de la téléconférence ne me permettra pas d'observer le comportement de ces témoins.
[43] Le juge en chef Lamer a mis l'accent, dans l'arrêt R. c. B. (K. G.), [1993] 1 R.C.S. 740, à la page 792, 79 C.C.C. (3d) 257, sur la difficulté pour le juge des faits d'apprécier la crédibilité du déclarant dans de telles circontances :
Quand le témoin est à la barre, le juge des faits peut observer ses réactions aux questions, ses hésitations, il peut voir s'il est catégorique, etc. Fait plus important, qui subsume tous ces facteurs, le juge peut évaluer la relation entre celui qui pose les questions et le témoin, et mesurer dans quelle mesure le témoignage est le produit de l'interrogatoire.
[44] L'avocate du demandeur reconnaît volontiers que la formule de la vidéoconférence permettrait à la Cour d'observer le comportement des témoins iraniens. Cependant, son client a écarté cette solution. Elle fait valoir que l'application de la formule de la vidéoconférence à l'instruction coûterait trop cher; par exemple, pour deux jours, les frais seraient de plus de 22 000 $, somme qui dépasse les moyens de son client. Compte tenu du fait que le demandeur réclame à la défenderesse près de deux millions de dollars, des frais de vidéoconférence de 22 000 $ ne me paraissent pas disproportionnés.
[45] Dans sa demande de directives en date du 19 octobre 2005, l'avocate du demandeur propose, en premier choix, que les dépositions des témoins iraniens soient recueillies par téléphone. C'est là l'objet de la présente requête. Cependant, elle ajoute dans sa lettre qu' [TRADUCTION] « il semble y avoir des obstacles techniques, étant donné que l'Iran fait apparemment l'objet de restrictions en ce qui concerne les téléconférences ». Toutefois, il n'apparaît pas clairement à la lecture de l'affidavit et des autres documents présentés par le demandeur à l'appui de la présente requête si l'Iran fait oui ou non « l'objet de restrictions en ce qui concerne les téléconférences », pour reprendre les termes de son avocate. La simple affirmation générale du demandeur selon laquelle il [TRADUCTION] « croit possible » de recueillir les dépositions de Hassan et Razia Farzam par téléconférence ne suffit pas, vu les faits, à justifier que la Cour rende une ordonnance à ce sujet.
[46] Comme le demandeur a lui-même proposé la formule de la téléconférence, il lui incombait de présenter à la Cour des éléments de preuve propres à la convaincre que cette formule serait applicable, tant sur le plan juridique que du point de vue technique, dans le cadre chronologique d'une instruction de 12 jours devant s'ouvrir à Ottawa le 24 octobre 2005. Or, d'importantes questions restent à cet égard sans réponse. Par exemple, quelle entreprise fournira les services de téléconférence, à quel prix et suivant quelles conditions? À quelle heure, au Canada et en Iran, la téléconférence aura‑t‑elle lieu? Où seront les témoins iraniens? Comment seront coordonnées leurs dépositions par téléphone compte tenu du fait que les avocats ont déjà informé la Cour que les interrogatoires principaux et les contre-interrogatoires nécessiteront une traduction simultanée et pourraient exiger deux journées d'audience? Un représentant de la Cour sera‑t‑il présent? Comment la salle sera‑t‑elle aménagée, et comment le décorum de la Cour sera‑t‑il maintenu? Comment sera exécutée à l'instruction, dans les locaux iraniens, l'ordonnance d'exclusion des témoins s'il en est rendu une? Étant donné que les témoins iraniens doivent déposer en persan, quelles mesures devra prendre la Cour touchant la manière de recueillir les dépositions en Iran? Devrait‑on aussi prévoir la présence d'un sténographe en Iran pour faire en sorte que questions et réponses soient enregistrées avec exactitude? Des arrangements particuliers doivent‑ils être pris avec le prestataire de services de téléconférence, l'ambassade du Canada ou la défenderesse pour assurer la présence à Téhéran des témoins iraniens, ainsi que, le cas échéant, du ou des représentants de la défenderesse?
[47] Bien que le demandeur ait déjà fait des démarches auprès d'AVW TEL‑AV, une entreprise outaouaise de services audiovisuels, pour se renseigner sur la possibilité du recours à la vidéoconférence, son avocate a déclaré à l'audience qu'il n'avait pas eu le temps d'obtenir les renseignements nécessaires sur les conditions précises dans lesquelles la téléconférence maintenant proposée pourrait avoir lieu. Cependant, la Cour a demandé expressément aux parties, par directive orale en date du 5 octobre 2005, soit il y a trois semaines, de lui présenter des observations écrites touchant les autres moyens à envisager pour le cas où il ne serait pas possible d'établir des aveux sur le contenu des dépositions des témoins iraniens. Les observations écrites du demandeur en date du 11 octobre 2005 font bien mention de la possibilité du recours à la vidéoconférence ou à la commission rogatoire, mais il n'y est pas question de la conférence téléphonique, pas plus que cette possibilité n'a été évoquée à la conférence de gestion de l'instance que j'ai tenue le 12 octobre 2005.
[48] En outre, le demandeur n'a jamais présenté à la Cour, ni apparemment à la défenderesse, de déclarations sous serment des témoins iraniens résumant les dépositions prévues. On a déjà informé la Cour que M. Hassan Farzam se serait rendu à l'ambassade du Canada à Téhéran, avec Mme Mohiti, à de nombreuses reprises. Cependant, il n'y a aucun moyen de savoir aujourd'hui quelles questions posera en fait l'avocate du demandeur. La preuve documentaire de la présente affaire est considérable. Pour l'instant, la Cour ignore si certains de ces documents seront présentés aux témoins iraniens. Quelles mesures prendra la Cour si cette éventualité se matérialise? La présente affaire comporte une autre difficulté, qui s'ajoute à l'obligation de traduire simultanément ces interrogatoires en anglais et en persan, soit le fait que des parties importantes des dépositions relèveront vraisemblablement du ouï-dire. À ce propos, on a déjà laissé entendre que Mme Razia Farzam pourrait avoir reçu des confidences de Mme Mohiti quand cette dernière était encore sa belle-fille. Le demandeur essaiera‑t‑il de faire admettre en preuve des déclarations que Mme Mohiti pourrait avoir faites? Dans l'affirmative, la défenderesse élèvera vraisemblablement de nombreuses objections. Or, il pourrait se révéler impossible au juge du fond de répondre immédiatement à toutes ces objections. En fait, étant donné le délai de transcription à craindre, le juge du fond pourrait être tenté de permettre certaines questions et de reporter sa décision sur les objections. La formule de la téléconférence appliquée dans de telles circonstances ne peut qu'allonger la présente instance et accroître ses coûts comme sa complexité.
[49] La dernière préoccupation que j'exprimerai touchant l'usage de la conférence téléphonique ou de la vidéoconférence pour recueillir les dépositions des témoins iraniens concerne la fiabilité de ces moyens. Dans la présente espèce, il n'a pas été produit d'éléments de preuve relatifs au droit iranien pour ce qui concerne l'assermentation et les éventuelles procédures d'exécution y afférentes. Il faut absolument que le témoin qui dépose à l'étranger le fasse sous serment, dans le cadre des lois canadiennes comme des lois du pays en question. Bien que l'avocate du demandeur fasse valoir que les témoins iraniens n'ont rien à gagner dans la présente affaire, je note que le demandeur réclame à la défenderesse des dommages-intérêts de l'ordre de deux millions de dollars. Il faut qu'il soit bien clair pour les témoins iraniens qu'ils ne pourraient échapper aux conséquences de leurs actions s'il leur venait à l'idée de déformer tant soit peu la vérité pour aider un membre de leur famille, le demandeur en l'occurrence. Cela étant, et à supposer qu'il soit par ailleurs envisageable de recueillir les dépositions des témoins iraniens par voie de conférence téléphonique ou de vidéoconférence, j'estime qu'un membre de l'appareil judiciaire iranien, juge ou avocat, devrait être présent dans les locaux de Téhéran pour assermenter ces témoins et leur exposer au préalable les conséquences du parjure. Malheureusement, rien n'indique dans l'affidavit et les autres documents présentés par le demandeur que cela serait encore possible à l'étape où nous en sommes, puisque l'instruction commencera dès après la communication de la présente ordonnance et de ses motifs.
[50] Pour ces motifs et vu l'ensemble des facteurs pertinents, je conclus que la preuve dont je dispose ne me convainc pas qu'il serait dans l'intérêt de la justice de rendre une ordonnance autorisant la présentation de la preuve des témoins iraniens par voie de conférence téléphonique, ni que, à cette date tardive et étant donné l'absence de plan détaillé, une telle formule permettrait d'apporter au présent litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.
[51] La seconde possibilité proposée dans la demande informelle de directives en date du 19 octobre 2005 est la délivrance, sous le régime de l'article 272 des Règles, d'une commission rogatoire ou d'un acte analogue. J'extrais à ce sujet le passage suivant de la lettre de l'avocate du demandeur en date du 19 octobre 2005 :
[TRADUCTION] […] nous n'envisageons pas que le demandeur et la défenderesse iraient en Iran. Cela coûterait très cher et dépasserait aussi les moyens du demandeur. Nous pensons plutôt que les témoignages pourraient être recueillis officiellement en Iran, par un avocat ou un notaire possédant les titres nécessaires, sur la base de questions écrites que la défenderesse aurait acceptées et que la Cour aurait approuvées. Cette méthode ne laisserait pas à la défenderesse la possibilité de contre-interroger les témoins. Cependant, les interrogatoires seraient transcrits ou enregistrés sur magnétoscope.
[52] À cette étape, l'avocate du demandeur se contente de déclarer ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous attendons confirmation de la possibilité d'appliquer ces méthodes en Iran et serions reconnaissants à la Cour de nous informer s'il serait opportun de lui présenter une requête à ce sujet dès maintenant ou s'il vaudrait mieux lui soumettre ces questions à l'ouverture de l'instruction. »
[53] La deuxième solution possible proposée par l'avocate du demandeur dans sa demande informelle de directives, soit la délivrance d'une commission rogatoire pour que les dépositions soient recueillies en Iran, n'est pas mentionnée dans l'avis de requête en production d'éléments de preuve par des voies exceptionnelles que le demandeur a déposée par la suite, pas plus qu'il n'en est question dans l'affidavit souscrit par le demandeur à l'appui de la présente requête, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme ayant été sérieusement soumise à la Cour. Qui plus est, le juge en chef Lufty a rejeté, le 18 octobre 2005, la requête en ajournement que le demandeur avait présentée aux fins de permettre subsidiairement l'application de cette formule. Quoi qu'il en soit, il paraît impossible que les dépositions soient recueillies par voie de commission rogatoire avant l'ouverture de l'instruction. L'application de cette formule exigerait vraisemblablement l'ajournement de l'instruction. En conséquence, la Cour refuse de rendre, sous le régime des articles 271 et 272 des Règles, toute ordonnance autorisant l'interrogatoire des témoins iraniens sous commission rogatoire.
CONCLUSION
[54]
Pour les motifs exposés ci‑dessus, la requête du
demandeur est rejetée. Vu la décision et l'ensemble des facteurs pertinents,
les dépens sont adjugés à la défenderesse.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que soit rejetée la requête du demandeur visant à obtenir une ordonnance qui l'autoriserait à produire par voie de téléconférence la preuve des témoins iraniens à l'instruction de la présente action, avec dépens à la défenderesse.
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-626-96
INTITULÉ : HUSSEIN FARZAM
c.
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 24 OCTOBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE MARTINEAU
DATE DES MOTIFS : LE 26 OCTOBRE 2005
COMPARUTIONS :
Silvia R. Maciunas
|
POUR LE DEMANDEUR |
Michael Roach |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Silvia R. Maciunas Montréal (Québec)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LA DÉFENDERESSE |