Date : 20041026
Dossier : IMM-1978-04
Référence : 2004 CF 1503
OTTAWA (ONTARIO), LE 26 OCTOBRE 2004
PRÉSENT : L'HONORABLE JUGE MARTINEAU
ENTRE :
AGNESH BORS HORVATH
et
RICHARD BORS
Demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
et
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
Défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
1 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de deux décisions rendues le 27 janvier 2004 par madame Hélène Dostie (l'agent ERAR), la première déterminant que la protection en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27, (la Loi) ne peut être accordée à la demanderesse et son fils Richard (la première décision) et, la deuxième refusant leur demande de visa pour considérations humanitaires (la deuxième décision).
2 Les demandeurs sont citoyens de la Hongrie. La demanderesse s'est mariée à Janos Bors en 1987. Richard, son fils, est né la même année. Les époux et leur fils sont arrivés ensembles au Canada en 2001 et ont revendiqué le statut de réfugié. Leur revendication était fondée sur les origines gitanes de l'époux de la demanderesse. Leur revendication a été rejetée le 5 avril 2002. La demanderesse invoque aujourd'hui des risques pour sa vie et sa sécurité et celle de son fils, de la part de son conjoint de qui elle s'est séparée en avril 2003. Ce dernier motif n'a pas été invoqué devant la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR). La demanderesse allègue une série d'agressions verbales et physiques de son conjoint tant en Hongrie qu'au Canada. Son époux a effectivement été condamné le 11 novembre 2003, à Montréal, par déclaration sommaire de culpabilité pour s'être livré à des voies de fait sur la demanderesse et pour avoir proféré des menaces de mort.
3 Dans la première décision, l'agent ERAR conclut que malgré le fait que le risque invoqué par la demanderesse soit vraisemblable, il existe néanmoins une possibilité raisonnable et accessible de refuge interne pour les demandeurs en Hongrie. L'agent ERAR conclut également que les demandeurs pourront aussi vraisemblablement obtenir la protection de l'État hongrois si cela s'avère nécessaire.
4 Dans la deuxième décision, l'agent ERAR dit avoir analysé le risque de façon plus générale que dans l'évaluation ERAR. N'empêche qu'elle arrive aux mêmes conclusions, à savoir qu'il existe une possibilité de refuge intérieur et que les demandeurs pourraient bénéficier de la protection de l'État hongrois. Considérant que la demande de dispense repose exclusivement sur le risque invoqué par la demanderesse, l'agent ERAR conclut que l'obligation pour les demandeurs de déposer une demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada tel qu'exigé par la Loi, ne constitue pas une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive dans les circonstances.
5 La crédibilité de la demanderesse n'est pas en cause. L'agent ERAR accepte que la demanderesse ait été victime de violence conjugale à l'époque où elle a vécu avec Janos Bors mais de qui elle est maintenant séparée. La preuve démontre par ailleurs qu'avant leur arrivée au Canada, la demanderesse et son époux ont demeuré dans la ville de Szigetvar, une localité de 11 400 habitants. Les parents de la demanderesse résident toujours dans la ville de Kastelyosdombo, une petite ville comptant 330 âmes. Tel qu'indiqué par l'agent ERAR, il est donc vraisemblable que la demanderesse puisse être retrouvée par son époux à Szigetvar ou Kastelyosdombo. Toutefois, l'agent ERAR en vient à la conclusion que la demanderesse peut vivre en toute sécurité à Budapest, la capitale hongroise. L'agent ERAR conclut qu'il est peu probable que le conjoint puisse retrouver la demanderesse dans une grande ville comme Budapest qui compte une population totale de 1,7 million d'habitants et dont l'agglomération globale comprend plus de 2,5 millions d'habitants. De plus, Budapest est une ville facilement accessible à la demanderesse. La Hongrie comprend en plus de la capitale, huit villes dont la population totale est supérieure à 100,000 habitants. D'autre part, l'agent ERAR note également qu'il n'y a pas d'éléments au dossier permettant de croire que le conjoint de la demanderesse aurait accès à des informations privilégiées lui permettant de retracer les demandeurs où que ce soit en Hongrie. Par ailleurs, l'agent ERAR est d'avis que sa formation à titre d'infirmière et ses années d'expérience dans le domaine permettront vraisemblablement à la demanderesse de se trouver un emploi en Hongrie et de subvenir à ses besoins et ceux de son fils. Elle pourra également compter sur l'assistance de sa famille et plus particulièrement sur celle d'un frère qui vit lui-même à Budapest.
6 Les demandeurs n'ont pas démontré que la conclusion de l'agent ERAR quant à la possibilité d'un refuge interne en Hongrie comporte une erreur révisable. La possibilité d'un refuge interne est essentiellement une détermination de nature factuelle. À mon avis, le raisonnement de l'agent ERAR à l'effet que les demandeurs seront en sécurité à Budapest et qu'il n'est pas déraisonnable d'y chercher refuge, s'appuie sur la preuve au dossier. L'approche suivie par l'agent ERAR respecte les critères jurisprudentiels applicables en l'espèce (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 et Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589). Les conclusions de l'agent ERAR ne sont pas déraisonnables dans les circonstances. Il incombait exclusivement à l'agent ERAR d'évaluer chacun des éléments de preuve soumis par la demanderesse à la lumière de la preuve documentaire au dossier. Le raisonnement de l'agent ERAR n'est pas arbitraire ou irrationnel. La Cour n'a pas à substituer ici son opinion personnelle à l'agent ERAR. En effet, la Cour ne peut substituer son opinion sur l'évaluation de la preuve à celle de l'agent ERAR si le demandeur ne démontre pas que la décision de l'agent ERAR était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir le motif de contrôle judiciaire prévu à l'alinéa 18.1(4) d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F-7).
7 La conclusion de l'agent ERAR à l'effet qu'il existe une possibilité de refuge interne en Hongrie a un caractère déterminant. En conséquence, il n'est pas nécessaire d'examiner la validité de l'autre conclusion de l'agent ERAR selon laquelle les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau d'établir de manière claire et convaincante que la protection de l'État hongrois ne pourrait raisonnablement leur être assurée dans les circonstances (Annan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 25, au paragr. 12; Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 652 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragr. 10; Corvera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 886 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragr. 9; Yokota c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2004] F.C.J. No. 1474 (F.C.T.D.) (QL), au paragr. 3).
8 La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée. Aucune question d'importance générale n'a été soulevée par les parties et aucune ne se soulève en l'espèce.
ORDONNANCE
La Cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit rejetée.
« Luc Martineau »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1978-04
INTITULÉ : AGNESH BORS HORVATH ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE : QUÉBEC (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 20 OCTOBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE MARTINEAU
DATE DES MOTIFS : LE 26 OCTOBRE 2004
COMPARUTIONS :
ME SERGE DUMAS POUR LES DEMANDEURS
ME MARIE-CLAUDE DEMERS POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
ME SERGE DUMAS POUR LES DEMANDEURS
SAINTE-FOY (QUÉBEC)
M. MORRIS ROSENBERG POUR LES DÉFENDEURS
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA