Date : 20020913
Dossier : T-1183-02
Référence neutre : 2002 CFPI 977
Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
CELESTE STRIKES WITH A GUN
demanderesse
et
LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN, LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE PEIGAN
et ALLAN PARD
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
i. La demanderesse est membre de la première nation de Peigan. Elle demande la délivrance d'une injonction interlocutoire pour suspendre la tenue d'un vote de ratification par les membres de la bande indienne de Peigan. Ce vote doit porter sur une entente proposée (l'entente) intervenue entre la bande de Peigan, le gouvernement du Canada et la province de l'Alberta.
ii. Cette requête est déposée suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision par le Conseil de la bande de Peigan de soumettre l'entente à un vote des membres de la bande.
iii. LES QUESTIONS EN LITIGE
1) La demanderesse satisfait-elle au critère permettant d'obtenir la délivrance d'une injonction interlocutoire?
2) La délivrance d'une injonction est-elle exclue par suite de l'immunité de la Couronne fédérale?
3) L'exigence d'un engagement de la demanderesse de se conformer à toute ordonnance concernant les dommages-intérêts [comme l'exige le paragraphe 373(2) des Règles de la Cour fédérale] peut-elle être écartée?
iv. Pour avoir gain de cause, la demanderesse doit démontrer qu'elle soulève une question sérieuse, qu'elle subirait un préjudice irréparable si le vote de ratification avait lieu comme prévu, et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur. [Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan (MTS) Stores Ltd., (1987) 38 D.L.R. (4th) 331; [1987] 1 R.C.S. 110.]
v. Une personne qui sollicite la délivrance d'une injonction interlocutoire doit démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger. La demanderesse soutient que la négociation, ainsi que les modes d'information qui ont mené au vote de ratification, étaient viciés et que les lignes directrices portant sur la ratification n'ont pas été établies dans le respect de la législation. Elle soutient que tout processus de négociation doit être conduit de façon raisonnable et juste, avec un processus décisionnel fondé sur une bonne information, alors que, selon elle, ces exigences n'étaient pas satisfaites dans le traitement de l'entente. La demanderesse soutient que les membres du Conseil de bande qui ont appuyé la ratification de l'entente ont fait preuve de partialité.
vi. La demanderesse n'a fait état d'aucune déficience particulière dans le processus de négociation, ni dans le processus d'information. Ses allégations générales de partialité et de fausses représentations, ainsi que sa déclaration au sujet de la nature complexe de l'entente, ne sont pas appuyées par des faits précis et ne suffisent pas à démontrer l'existence d'une question sérieuse. C'est la demanderesse qui a le fardeau de présenter la preuve à l'appui de sa prétention qu'il existe une question sérieuse à trancher dans la demande de contrôle. Sa contestation du processus d'information se fonde essentiellement sur de la spéculation et sur son opinion. La preuve ne fait état d'aucune déficience dans le cadre du processus de négociation. Au vu de la preuve qui m'est présentée, je constate qu'il n'y a pas de fondement qui me permettrait de conclure à l'existence d'une question sérieuse.
vii. Par conséquent, je suis d'avis que la demanderesse n'a pas démontré l'existence d'une question sérieuse à trancher dans sa demande de contrôle.
viii. Même si j'avais conclu à l'existence d'une question sérieuse à trancher, je ne suis pas convaincu que la demanderesse subirait un préjudice irréparable si je ne délivre pas l'injonction demandée. Afin d'avoir gain de cause, la demanderesse a le fardeau de démontrer par une preuve claire qu'elle subira un préjudice irréparable. Cette preuve ne peut être fondée sur des spéculations.
ix. Bien que la demanderesse ait déclaré qu'elle subira un préjudice irréparable si le vote a lieu, elle n'a pas précisé de quel préjudice il s'agissait et elle n'a pas non plus démontré qu'un tel préjudice se produirait.
x. Je suis aussi convaincu que si la demanderesse avait satisfait aux deux premiers volets du critère de l'arrêt Metropolitan Stores, précité, la demande devrait quand même être rejetée. Je suis convaincu que les défendeurs, ainsi que les intérêts publics qu'ils représentent, subiront un préjudice irréparable si je délivre l'injonction demandée. Étant donné ma conclusion que la demanderesse n'a pu me convaincre du préjudice qu'elle pourrait subir, je conclus qu'au vu de la prépondérance des inconvénients, il y lieu de rejeter la demande d'injonction.
xi. Étant donné que la demande est rejetée au fond, il n'est pas nécessaire que j'analyse la question de l'immunité de la Couronne.
xii. Étant donné que l'injonction ne sera pas délivrée, il n'est pas nécessaire que je m'arrête à la demande d'exemption de la demanderesse face aux exigences de présenter un engagement au sujet des dommages-intérêts, prévues au paragraphe 373(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tel que modifié. Nonobstant cette conclusion, je n'ai pas été persuadé qu'il y avait lieu d'accorder l'exception demandée de toute façon.
xiii. Comme il l'a demandé, le défendeur (le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) aura droit à ses dépens.
xiv. Pour les motifs énoncés, la requête est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La requête soit rejetée.
2. Le défendeur (le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) aura droit à ses dépens.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-1183-02
INTITULÉ : Celeste Strikes with a Gun c. Le ministre des Affaires indiennes
et du Nord canadien, etc.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 13 septembre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE M. LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : le 13 septembre 2002
ONT COMPARU :
Celeste Strikes with a Gun POUR LA DEMANDERESSE
Jolaine Antonio POUR LE MINISTRE DÉFENDEUR
Kenneth R. McLeod POUR LES DÉFENDEURS PEIGAN
et ALLAN PARD
Everett Bunnell/Aldo Argento POUR L'INTERVENANT ALBERTA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Celeste Strikes with a Gun POUR LA DEMANDERESSE
Brocket (Alberta)
Morris Rosenberg POUR LE MINISTRE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Ottawa (Ontario), K1A 0H8
Walsh Wilkins Creighton POUR PEIGAN ET PARD
Calgary (Alberta)
Le sous-procureur général de l'Alberta POUR L'INTERVENANT ALBERTA
Calgary (Alberta)