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     IMM-784-97

Entre :

     DORAISAMY PILLAI SELLADORAI,

     requérant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     Je requiers que la version révisée de la transcription des motifs que j'ai prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 22 octobre 1997, soit déposée pour satisfaire aux dispositions de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                             F.C. Muldoon

                        

                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 12 novembre 1997

     Date : 19971112

     Dossier : IMM-784-97

Entre :

     DORAISAMY PILLAI SELLADORAI,

     requérant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS

     (prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 22 octobre 1997)

LE JUGE MULDOON

[1]          M. LE JUGE : Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'une agente des visas qui a refusé au requérant un visa d'immigrant parce que, selon elle, il ne satisfaisait pas à la définition de "travailleur autonome". La décision a été communiquée au requérant le 24 janvier 1997 dans une lettre datée du 14 janvier 1997. Le requérant a déposé son avis de requête introductive d'instance le 24 février 1997.

[2]          L'agente des visas a signé sa lettre de décision au Haut-Commissariat à Colombo, dossier B034019355, en sa qualité de deuxième secrétaire.

[3]          Le requérant fonde sa demande d'annulation de cette décision dans la présente procédure de contrôle judiciaire sur les moyens suivants, qui sont repris de l'avis de requête introductive d'instance :

     [TRADUCTION]

     "A.      la décision de l'intimé constitue une erreur de droit,
     B.      l'intimé a fait obstacle à l'exercice de son pouvoir décisionnel en interprétant de façon erronée la définition de "travailleur autonome", ce qui l'a amené à conclure à tort que le requérant n'avait pas suffisamment d'expérience pour contribuer de manière significative à la vie économique du Canada, et
     C.      la décision de l'intimé se fonde sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire [...]".

Dans ses arguments, le requérant déclare que l'agente des visas a commis une erreur en interprétant mal la définition de "travailleur autonome" donnée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, en mettant l'accent sur la rentabilité de l'entreprise qu'exploitait à ce moment le requérant au lieu de tenir compte de son expérience d'homme d'affaires et de son projet d'entreprise au Canada. Le requérant fait aussi valoir que l'interprétation qu'a donnée l'agente des visas de cette définition et la décision qui a été prise dans le cas du requérant vont à l'encontre des objectifs de la politique canadienne en matière d'immigration, notamment des objectifs visant à promouvoir le développement de l'économie et à améliorer l'accès aux marchés étrangers.

[4]          Dans ses motifs, l'agente des visas a indiqué que le requérant a fourni des indices contradictoires concernant l'exploitation de ses deux entreprises. Il a fait un certain nombre de déclarations confuses et contradictoires qui ont amené l'agente des visas à se demander si le requérant connaissait bien ses entreprises ou s'il donnait à dessein des renseignements trompeurs. Dans son affidavit, l'agente des visas déclare qu'elle a aussi essayé d'avoir des précisions concernant l'entreprise du requérant. Au paragraphe 8 de son affidavit, auquel ont fait référence les deux avocats au cours de l'audience, elle déclare ceci :

     [TRADUCTION]         
     "[...] j'étais préoccupée par le fait que l'entreprise de M. Selldurai [sic] faisait des pertes; M. Selladurai m'a répondu que ces pertes ne visaient que des fins fiscales. Il a produit une balance de vérification qui indique un profit de 58 561 roupies; toutefois, plus tard au cours de l'entrevue, il a déclaré qu'il avait subi des pertes en 1996 parce qu'il avait acheté un camion en 1995. Je lui ai demandé de m'indiquer les renseignements concernant l'achat du camion dans ses états financiers. M. Selladurai m'a montré une référence à un "bail de location". Quand je lui ai posé des questions à ce sujet, il a répondu que le camion n'avait pas été acheté, mais qu'il en avait loué le huitième. En me basant sur ses réponses, j'en ai déduit que M. Selladurai ne connaissait pas son entreprise aussi bien qu'il le prétendait ou qu'il essayait de donner des réponses trompeuses. Je lui ai posé d'autres questions au sujet de la section des rapports financiers traitant des pertes, particulièrement au sujet du renvoi au terme "financier". M. Selladurai a répondu qu'il s'agissait d'une marge de crédit bancaire, dont les intérêts s'élevaient à plus de 700 000 roupies. Il a de plus déclaré qu'il pensait devoir vendre "Quality Steel" afin de rembourser ses dettes à la banque [...]".         

Quand l'agente des visas a questionné le requérant au sujet de son projet d'entreprise pour le Canada, celui-ci lui a remis une brochure d'une société de consultation, Ace Centre, qui l'aiderait à mettre sur pied son entreprise. Le requérant n'a pu fournir personnellement à l'agente des visas de renseignements sur son projet d'entreprise, ou à tout le moins un plan d'action, qui auraient pu indiquer que le requérant avait fait quelques recherches en vue du lancement de son entreprise au Canada. L'agente des visas a donc conclu que le requérant [TRADUCTION] "n'avait pas fait de recherches au sujet de la concurrence possible au Canada dans le secteur d'activité lié à son entreprise". Cette déclaration figure dans la lettre adressée au requérant en date du 14 janvier 1997. Il n'y a rien dans le dossier qui indique que l'agente des visas a commis une erreur à cet égard. Le requérant a été incapable, de son propre aveu, de fournir des données concrètes sur des études de marchés et des recherches sur les entreprises à l'exception de la brochure d'une société de consultation. Une copie de la brochure était jointe à l'affidavit du requérant, déposé à l'appui de sa requête sous la pièce B. Tous les éléments se rapportant aux conditions du marché ou des entreprises canadiennes sont tirés de cette brochure, ce qui n'est pas beaucoup, et reprennent les propos des auteurs de la brochure, mais ne sont pas le fruit des connaissances du requérant ou de son expérience. Il ne peut améliorer sa position en produisant la brochure d'un consultant.

[5]          Le paragraphe 9 de l'affidavit de l'agente des visas, qui figure à la page 2 du dossier de l'intimé, pourrait soulever quelques questions :

     [TRADUCTION]         
     "[...] j'ai posé à M. Selladurai des questions au sujet de son projet d'entreprise au Canada. Il a indiqué qu'il voulait établir une entreprise pour acheter les produits des usines d'acier. M. Selladurai a déclaré qu'il avait l'intention d'acheter des matériaux des grandes usines comme "Cooper Niles", mais il ne sait pas où cette société est située ni ce qu'elle produit exactement. Il n'a pu me fournir aucun document concernant ses plans. M. Selladurai a en fait indiqué qu'il pourrait demander l'appui d'un ami ou d'un service spécialisé pour l'aider à établir son entreprise mais il ne semblait pas avoir fait lui-même de recherches au sujet des problèmes que pourrait poser le lancement de cette entreprise. M. Selladurai n'était pas non plus au courant de la façon dont les produits des usines d'acier sont habituellement mis en marché au Canada. Il ne semblait pas connaître l'existence de quincailleries au Canada ni se préoccuper de la concurrence à laquelle il pourrait éventuellement faire face au Canada [...]".         

On peut conclure de cet extrait qu'il était futile de demander à M. Selladurai s'il connaissait la différence entre les salaires versés aux employés au Canada et au Sri Lanka, cette question ayant trait, bien entendu, à la rentabilité; son entreprise n'était déjà pas très rentable, ou peut-être pas du tout, même au Sri Lanka où les salaires sont probablement beaucoup plus bas.

[6]          Les formalités de sélection des "travailleurs autonomes" à titre d'immigrants sont énoncées au chapitre OP6 du Guide d'immigration Canada, "Traitement des demandes d'entrepreneurs et de travailleurs autonomes". La Cour hésite beaucoup à faire usage de ce guide parce qu'il renferme le genre de directives qui sont susceptibles de faire obstacle à l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui a été accordé aux agents des visas dans le règlement établi sous le régime de la loi. Quoi qu'il en soit, l'article 5.2, Critères de sélection, s'adresse aux agents des visas et indique ceci :

     [TRADUCTION]         
     "Si vous êtes convaincu qu'un requérant correspond à la définition d'un travailleur autonome, il faut l'évaluer en fonction d'une formule modifiée de points d'appréciation. Il faut tenir compte de huit des neuf facteurs prévus dans les critères de sélection énoncés dans l'Annexe I du Règlement . [...] Selon le R 11(3) [par. 11(3) du Règlement sur l'immigration] vous pouvez délivrer ou refuser de délivrer un visa d'immigrant quel que soit le nombre de points obtenus si, à votre avis, il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant et des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada, d'un point de vue économique [...]".

Ces directives, qui en fait peuvent fort bien constituer un obstacle à l'exercice du pouvoir discrétionnaire des agents des visas, indiquent clairement que les agents des visas ont une certaine latitude dans leurs décisions. Toutefois, comme on l'a indiqué, l'agent des visas doit être convaincu que le requérant correspond à la définition de "travailleur autonome" avant de pouvoir évaluer ce requérant en fonction d'une formule modifiée de points d'appréciation. L'agente des visas n'a pas été convaincue que le requérant répondait à cette définition, et ses motifs sont appuyés de façon adéquate par les documents dont elle était saisie et par le souvenir qu'elle a gardé de son entrevue avec le requérant. L'agente des visas avait le fardeau de déterminer si le requérant pouvait établir une entreprise florissante au Canada. À cause des dettes des entreprises du requérant, de l'instabilité de ses revenus et du caractère vague de ses réponses concernant ses entreprises, l'agente des visas a posé des questions sur la viabilité de son projet d'entreprise au Canada et cela indique qu'elle a donné au requérant toutes les possibilités d'améliorer sa position. Son dossier peu satisfaisant au niveau des affaires, sa dette importante et le manque de recherche et de connaissance des marchés canadiens ont mené à une conclusion inévitable. Dans les circonstances, il semble que la décision prise soit tout à fait raisonnable. Malheureusement pour le requérant, la Cour est d'avis qu'il n'a pas réussi à fournir des éléments de preuve établissant que l'agente des visas a commis une erreur.

[7]          Les tribunaux ont en général statué qu'un requérant doit démontrer qu'un agent des visas a soit agi de mauvaise foi, soit fondé sa décision sur des considérations non pertinentes pour qu'il soit justifié d'annuler cette décision dans une procédure de contrôle judiciaire.

[8]          Il convient de noter que l'alinéa 3h) de la Loi ne dispose pas qu'abstraction faite des erreurs de l'agent des visas, il faut accorder le droit d'établissement à un requérant. Ce n'est qu'aujourd'hui à l'audience que l'avocat du requérant, mais non M. Selladurai lui-même, ce n'est jamais lui qui parle, a


affirmé que sa connaissance de l'anglais était si déficiente qu'il n'avait pas compris l'agente des visas.

[9]          La Cour d'appel fédérale a décidé dans To c. Canada, auquel a fait référence l'avocat de l'intimé, A-172-93 (22 mai 1996), une affaire concernant la décision d'un agent des visas au sujet d'un requérant faisant partie de la catégorie des "entrepreneurs", qu'il faut faire preuve d'une très grande retenue judiciaire à l'égard des décisions des fonctionnaires, comme les agents des visas, prises en vertu du pouvoir discrétionnaire que leur confère la Loi. On pourrait également noter à cet égard les décisions Kuo-Ting c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration , IMM-1345-96 (7 mai 1997) et Tsai c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-3079-96 (2 octobre 1997), qui est très récente. M. le juge Stone, s'exprimant au nom de la Cour, a déclaré ceci :

     [TRADUCTION]         
     "[...] En l'espèce, l'agente d'immigration n'était pas convaincue que l'appelant avait soit le sens des affaires soit les ressources pécuniaires personnelles nécessaires pour établir une entreprise au pays. Nous sommes d'accord avec le juge en chef adjoint Jerome qu'il n'est pas justifié que la Cour intervienne. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre , [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, le juge McIntyre déclare ce qui suit au nom de la Cour :

         C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, la cour ne devrait pas modifier la décision [...]".

[10]          Le requérant et sa famille semblent tout à fait acceptables sur le plan personnel, même si le requérant ne respectait pas le critère applicable aux "travailleurs autonomes". L'agente des visas n'a pas commis d'erreur en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé par la loi et, par conséquent, sa décision ne doit pas être infirmée. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-784-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DORAISAMY PILLAI SELLADORAI c.
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 22 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

DATE :                  le 12 novembre 1997

ONT COMPARU :

Ian Wong                      POUR LE REQUÉRANT

Stephen Gold                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

White, Wong and Associates          POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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