Date : 20031001
Dossier : IMM-5157-02
Référence : 2003 CF 1133
ENTRE :
ISTVAN EGERESI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON (de vive voix):
[1] M. Egeresi, un citoyen de la Hongrie, âgé de 33 ans et homosexuel, allègue craindre avec raison d'être persécuté en raison de son orientation sexuelle. Dans une décision datée du 29 août 2002, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, et qu'il n'avait pas qualité de personne à protéger. M. Egeresi demande le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Les motifs de la SPR ne sont pas très étoffés. Elle s'exprime ainsi :
En ce qui concerne le préjudice que le demandeur d'asile craint de subir, le tribunal constate que celui-ci pourrait faire l'objet de discrimination et peut-être même être maltraité dans une certaine mesure s'il retournait dans son pays. Cependant, la preuve ne permet pas au tribunal de conclure que la discrimination et les mauvais traitements qu'il pourrait subir équivaudraient à de la persécution ou exposeraient le demandeur d'asile à une menace à sa vie ou risque d'être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités
[3] La Commission a ensuite dit qu'elle était « d'avis que plusieurs des affirmations du demandeur d'asile ne sont pas crédibles » . La Commission a conclu que le demandeur avait enjolivé et exagéré certains événements dans son récit. La Commission a cité trois exemples en particulier. L'un de ces exemples, soit celui concernant l'expérience du demandeur dans l'armée, ne constitue pas une conclusion sur la crédibilité. Il ressort de l'examen de la transcription de l'audition que les deux autres exemples ne sont pas appuyés par la preuve.
[4] De plus, la Commission a conclu que les exemples cités n'étaient pas les seuls aspects qui affaiblissaient la valeur probante du récit du demandeur. Elle a dit qu'il y avait des incohérences et des invraisemblances dans d'autres comptes rendus d'événements. La Commission n'a donné aucune précision quant à ces incohérences et invraisemblances.
[5] Les conclusions de la SPR sur la crédibilité et l'invraisemblance sont normalement à l'abri du contrôle judiciaire et ce, à juste titre. De telles conclusions sont du ressort exclusif du tribunal spécialisé. Toutefois, lorsque des conclusions défavorables sur la crédibilité sont tirées, elles doivent être énoncées en termes clairs et explicites : Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.), et elles doivent être appuyées par la preuve : Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.); Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).
[6] Bien que, à l'audience, les avocats se soient précisément penchés sur la question d'actes de harcèlement cumulatifs qui équivalent à de la persécution (dossier de la Cour à la page 166), la SPR ne s'est pas penchée sur cette question. Un tel manquement a été retenu comme constituant une erreur susceptible de contrôle : Madelat c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 49 (C.A.);Retnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 132 N.R. 53 (C.A.F.).
[7] Le ministre défendeur prétend que, même si l'on conclut à l'erreur susceptible de contrôle, la conclusion sur la protection de l'État est de toute manière décisive. En toute déférence, je conclus que l'analyse concernant la protection de l'État est fort incomplète. Elle renvoie à des mesures législatives et, de manière sélective, à de la preuve documentaire au soutien de la conclusion. Il n'y a aucune mention de la preuve documentaire considérable qui n'appuyait pas sa position, ni de mention des éléments de preuve fournis par le demandeur à ce sujet. Il est fort possible qu'il était loisible à la SPR de tirer cette conclusion, mais il doit clairement ressortir des motifs qu'elle a entrepris une analyse judicieuse au soutien de sa conclusion. La SPR a failli à cette tâche et, à mon avis, cela constitue une erreur susceptible de contrôle.
[8] En définitive, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour que celui-ci procède à une nouvelle audition et statue à nouveau sur l'affaire. Une ordonnance sera rendue en ce sens. Les avocats n'ont soulevé aucune question pour certification et je suis d'accord que la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.
« Carolyn Layden-Stevenson »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 1er octobre 2003
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5157-02
INTITULÉ : ISTVAN EGERESI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 1er OCTOBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE 1er OCTOBRE 2003
COMPARUTIONS:
Lorne Waldman POUR LE DEMANDEUR
Angela Marinos POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Waldman & associés POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE
Date : 20031001
Dossier : IMM-5157-02
ENTRE :
ISTVAN EGERESI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE