Date : 20191126
Dossier : IMM-4284-18
Référence : 2019 CF 1507
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2019
En présence de monsieur le juge Lafrenière
ENTRE :
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JANEL TSHILUMBA
JESSE TSHILUMBA
JAINA TSHILUMBA
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Les faits
[1]
Les demandeurs, Janel Tshilumba, Jesse Tshilumba et Jaina Tshilumba, sont des citoyens de l’Afrique du Sud. Leur mère, Mafuta Karin Tsilumba, est quant à elle une citoyenne de la République démocratique du Congo et une résidente permanente de l’Afrique du Sud.
[2]
Le 18 septembre 2017, les demandeurs, leur mère et leur frère Jaden, né aux États‑Unis, se sont présentés au point d’entrée de Niagara Falls, en Ontario, en provenance des États‑Unis. Ils avaient l’intention de demander l’asile et d’entrer au Canada.
[3]
Les demandeurs n’ont pas été en mesure de convaincre l’agent au point d’entrée [l’agent de Niagara Falls] qu’un « membre de [leur] famille prêt à aider »
vivait au Canada. L’agent a établi que les demandes d’asile des demandeurs étaient irrecevables et ne pouvaient être renvoyées à la Section de la protection des réfugiés [la SPR] parce que ces derniers cherchaient à entrer au Canada depuis un « tiers pays sûr »
. Il a ensuite pris des mesures d’exclusion contre les demandeurs. Compte tenu de ces mesures d’exclusion, il était interdit aux demandeurs d’entrer au Canada pour une période d’un an. L’agent a également noté que la mère des demandeurs avait déjà obtenu l’asile en Afrique du Sud.
[4]
La mère des demandeurs a refusé de signer les documents requis parce qu’elle voulait rester au Canada. Elle a également refusé de signer les formulaires qui auraient permis de retirer la demande d’asile de Jaden qui, en tant que citoyen américain, avait le droit de présenter une demande d’asile au poste frontalier terrestre. L’agent de Niagara Falls a estimé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Jaden de rester avec sa mère et de retourner aux États‑Unis, puisqu’il était mineur et sous la garde de celle‑ci.
[5]
Un mois plus tard, soit en octobre 2017, les demandeurs, leur mère et Jaden sont entrés au Canada par un point d’entrée non autorisé près de Lacolle, au Québec. Après examen de leur cas par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] [l’agent de Lacolle], les demandeurs n’ont pas été autorisés à présenter des demandes d’asile parce qu’ils avaient déjà présenté des demandes d’asile ayant été jugées irrecevables auparavant, suivant l’alinéa 101(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. L’agent a remis aux demandeurs des formulaires de demande d’examen des risques avant renvoi, mais il a conclu que leurs demandes d’asile ne pouvaient être renvoyées à la SPR.
[6]
Quelque huit mois plus tard, après avoir retenu les services d’un avocat, les demandeurs ont présenté à l’ASFC une lettre dans laquelle ils demandaient que l’agent de Niagara Falls réexamine sa décision du 18 septembre 2017 et soutenaient que la documentation jointe à la lettre démontrait qu’un membre de leur famille prêt à aider vivait au Canada.
[7]
Le 8 août 2018, l’agent de Niagara Falls a rejeté la demande de réexamen et a déclaré que sa décision initiale était légale et correcte.
[8]
Au moyen de la présente demande, les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire du refus de l’agent de Niagara Falls de réexaminer sa décision. Ils soutiennent que la décision de refuser le réexamen est déraisonnable pour deux raisons : premièrement, parce que l’agent de Niagara Falls a commis une erreur en ne reconnaissant pas qu’il avait le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision initiale; et deuxièmement, parce qu’il a eu tort de ne pas procéder à un examen et à une analyse de la documentation soumise dans le cadre de la demande de réexamen. Les demandeurs prétendent que la documentation établit clairement qu’une tante — c’est-à-dire un membre de la famille prêt à aider — vit au Canada.
[9]
Je suis d’avis que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée, parce que les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer qu’une décision favorable de la Cour aurait des effets concrets sur leurs droits ou encore des conséquences accessoires pour eux.
[10]
Comme l’a reconnu l’avocat des demandeurs lors de l’instruction de la demande, ces derniers ont pour objectif ultime d’être autorisés à présenter leurs demandes d’asile à la SPR. Toutefois, ils ne peuvent plus se prévaloir d’un tel recours, compte tenu de la décision de l’agent de Lacolle.
[11]
C’est au moment où ils ont cherché à entrer au pays pour la première fois, le 18 septembre 2017, que les demandeurs devaient démontrer qu’un membre de leur famille prêt à aider vivait au Canada, comme le prévoient explicitement les dispositions de l’article 159.5 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. Or, ils n’ont rien démontré de tel lorsqu’ils se sont présentés au point d’entrée de Niagara Falls. Les demandeurs ne contestent pas que la décision de l’agent de Niagara Falls relativement à l’irrecevabilité de leurs demandes était correcte au moment où elle a été rendue.
[12]
Le Règlement prévoit un processus permettant à un demandeur de démontrer, au point d’entrée, qu’un membre de sa famille prêt à aider se trouve bel et bien au Canada. Cependant, aucun processus de ce genre n’est prévu pour un demandeur qui se trouve déjà au Canada.
[13]
Lorsque les demandeurs ont été frappés de mesures d’exclusion et que leurs demandes ont été jugées irrecevables, en septembre 2017, ils auraient pu soit demander un contrôle judiciaire, soit rassembler des éléments de preuve démontrant qu’un membre de leur famille prêt à aider se trouvait au Canada et, une fois cette preuve en main, demander le réexamen de la décision de l’agent de Niagara Falls. Ils ont plutôt choisi d’ignorer les mesures d’exclusion prises contre eux et de prendre eux‑mêmes la situation en main en entrant au Canada par un passage frontalier non autorisé.
[14]
À mon avis, le fait d’autoriser les demandeurs à s’y prendre progressivement pour contester une décision juridique parfaitement valide afin d’obtenir le résultat qu’ils souhaitent, sans toutefois y avoir droit, constituerait un abus de la LIPR et du Règlement. Je conviens avec le défendeur que si les demandeurs avaient voulu que leurs demandes d’asile soient renvoyées à la SPR et examinées par celle-ci, ils n’auraient pas dû se présenter au Canada avant que la décision relative à l’irrecevabilité de leurs demandes ait été annulée dans le cadre d’une procédure appropriée.
II.
Conclusion
[15]
Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[16]
Les parties n’ont proposé aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑4284‑18
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question n’est certifiée.
« Roger R. Lafrenière »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 29e jour de novembre 2019.
traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-4284-18
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INTITULÉ :
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JANEL TSHILUMBA ET AL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 6 NOVEMBRE 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE LAFRENIÈRE
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 26 NOVEMBRE 2019
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COMPARUTIONS :
Richard Wazana
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POUR LES DEMANDEURS
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Lorne McClenaghan
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WazanaLaw
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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