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     Date : 19981126

     Dossier : T-594-98

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 1998

En présence de Monsieur le juge Rouleau

Entre

     ALLAN TAYLOR,

     demandeur,

     - et -

     LE COMITÉ D'APPEL DE L'ÉLECTION PARTIELLE DE

     LE PREMIÈRE NATION KWANLIN DUN et JOHN EDZERZA,

     défendeurs

     ORDONNANCE

Le juge ROULEAU

[1]      La Cour fait droit à la demande. La décision du comité d'appel est annulé et M. Taylor réintégré dans ses fonctions de chef et conseil de la Première nation Kwanlin Dun, auxquelles il a été élu.

     Signé : P. Rouleau

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19981130

     Dossier : T-594-98

Entre

     ALLAN TAYLOR,

     demandeur,

     - et -

     LE COMITÉ D'APPEL DE L'ÉLECTION PARTIELLE DE

     LE PREMIÈRE NATION KWANLIN DUN et JOHN EDZERZA,

     défendeurs

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge ROULEAU

[1]      Il y a en l'espèce recours en ordonnance de certiorari pour annuler la décision en date du 30 janvier 1998 du défendeur qu'est le Comité d'appel de l'élection partielle de la première nation Kwanlin Dun.

[2]      Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit. Le 20 décembre 1997, la première nation Kwanlin Dun a tenu une élection partielle pour l'élection de son chef et conseil. Cette élection a été remportée par le demandeur Allan Taylor. Par lettre en date du 5 janvier 1998, le défendeur John Edzerza a contesté le résultat de cette élection partielle auprès du directeur général des élections. Subséquemment, au cours de la période allant du 5 au 21 janvier 1998, Joe Jack, agissant en qualité de chef de la première nation Kwanlin Dun, a nommé un comité d'appel pour s'occuper de l'affaire.

[3]      Le 21 janvier 1998, M. Taylor est informé que ce comité d'appel entendrait l'affaire le 23 janvier 1998, et qu'il aurait jusqu'au 22 janvier 1998 pour produire ses preuves en défense. Par décision en date du 30 janvier 1998, le comité d'appel a déclaré le demandeur inéligible, et le défendeur John Edzerza élu à sa place comme suite à l'élection partielle du 20 décembre 1997.

[4]      Le demandeur prie maintenant la Cour d'annuler cette décision au motif que le comité d'appel n'a pas été constitué conformément aux modalités prescrites par le Règlement électoral de la première nation Kwanlin Dun, que lui-même n'était pas prévenu suffisamment à l'avance de l'audience du comité d'appel pour être à même de s'y préparer convenablement, que le comité d'appel ne lui avait pas communiqué les informations pertinentes raisonnablement à l'avance et, enfin, que celui-ci ne lui permettait pas de contre-interroger les témoins à l'audience.

[5]      La Cour fait droit au recours par les motifs suivants. En tout premier lieu, la manifestation extérieure d'impartialité est un élément essentiel de l'équité procédurale. Les autorités qui ont au premier chef des fonctions juridictionnelles doivent observer une norme plus élevée en la matière, et leurs membres doivent être nommés et exercer leurs fonctions de façon qu'il ne puisse y avoir aucune crainte raisonnable de préjugé dans leur décision comme dans la manière dont ils parviennent à cette décision. Le critère, tel qu'il est défini par la Cour suprême du Canada dans Newfoundland Telephone Co. c. Newfoundland (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, se résout en la question de savoir si un observateur raisonnablement informé pourrait conclure au préjugé de la part de l'autorité juridictionnelle. En l'espèce, il est indubitable que le moment et les particularités de la nomination des membres du comité d'appel, ainsi que la procédure suivie par celui-ci, donnent lieu à une crainte raisonnable de préjugé.

[6]      En premier lieu, la première nation Kwanlin Dun est politiquement divisée en deux factions, l'une étant la Coalition for Democracy (la Coalition) dont fait partie le demandeur, et l'autre dirigée par Joe Jack, William Carlick et Colleen Williams. Le défendeur John Edzerza est affilié à cette dernière.

[7]      Après l'appel formé par M. Edzerza contre les résultats de l'élection partielle, un comité d'appel a été nommé par Joe Jack, William Carlick et Colleen Williams lors d'une soi-disant rencontre entre le Conseil et un groupe d'individus qui se disait Conseil des anciens. De fait, celui-ci avait précédemment nommé John Edzerza aux fonctions de chef intérimaire à l'été 1997. Cependant, Pat Joe, Jason Shorty et Helen Charlie, qui faisaient aussi partie du Conseil et mais qui, à l'instar du demandeur, étaient affiliés à la Coalition, n'étaient pas autorisés à participer à la nomination du comité d'appel.

[8]      Qui plus est, le Règlement électoral de la première nation Kwanlin Dun prévoit que le comité d'appel doit être institué 30 jours au moins avant toute élection. En l'espèce, il a été nommé près d'un mois après l'élection en question. La règle posant que le comité soit constitué avant l'élection vise à garantir que ses membres seront impartiaux, puisqu'ils sont nommés avant que les résultats de l'élection ne soient connus. Il s'agit donc d'un moyen d'éviter le cas qui s'est justement produit en l'espèce, c'est-à-dire un comité d'appel formé de membres gagnés à l'une des parties.

[9]      En ce qui concerne la procédure suivie à l'audience du comité d'appel, les preuves produites font ressortir un certain nombre de vices. Il est de droit constant que les personnes touchées par la décision d'une autorité administrative ont le droit d'être prévenus de l'audience afin qu'elles puissent y présenter leurs conclusions. L'avis doit être donné suffisamment à l'avance pour qu'elles soient à même de les présenter convenablement. Il y a eu certainement manquement à ce principe de justice naturelle en l'espèce. M. Taylor a reçu notification de l'audience le 21 janvier 1998 et a été informé qu'il aurait à produire ses preuves au 22 janvier au plus tard. L'audience a eu lieu le 23 janvier 1998 devant le comité d'appel. Ces délais ne sauraient constituer un avis " suffisant ".

[10]      À l'audience du 23 janvier 1998, le défendeur John Edzerza a soumis 11 dépositions écrites à l'examen du comité d'appel, en demandant que les noms des déposants ne soient pas révélés à M. Taylor, que celui-ci ne soit pas autorisé à examiner ces dépositions ou à contre-interroger les déposants, et que ces dépositions soient détruites immédiatement après l'audience. Le président du comité d'appel a accédé à toutes ces demandes.

[11]      Dans une audience judiciaire ou quasi judiciaire, le droit de contre-interrogatoire n'est pas reconnu d'office. Cependant, dans les cas comme celui qui nous occupe, où il y a administration de preuves nouvelles et où le contre-interrogatoire d'un témoin est essentiel pour permettre à la personne touchée de les réfuter ou de contester le contenu des documents invoqués, le refus de permettre le contre-interrogatoire vaut déni de justice naturelle. À mon avis, le défaut par le comité d'appel de révéler à M. Taylor les 11 dépositions qu'il prenait en compte et son refus de lui permettre d'entreprendre un contre-interrogatoire à ce sujet, sont une violation de la règle audi alteram partem, et dénient à M. Taylor une audition équitable et impartiale.

[12]      Étant donné les nombreux vices qui entachent la nomination du comité d'appel et la procédure qu'il appliquait, je conclus qu'il faut annuler sa décision. La Cour rendra une ordonnance de certiorari pour annuler la décision du comité et réintégrer M. Taylor dans les fonctions de chef et conseil de la première nation Kwanlin Dun, auxquelles il a été élu.

     Signé : P. Rouleau

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 30 novembre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              T-594-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Allan Taylor

                     c.

                     Le comité d'appel de l'élection partielle de la première nation Kwanlin Dun et John Edzerza

LIEU DE L'AUDIENCE :          Whitehorse (Territoire du Yukon)

DATE DE L'AUDIENCE :      2 octobre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

LE :                      26 novembre 1998

ONT COMPARU :

James R. Tucker                  pour le demandeur

Whitehorse (Yukon)

Leigh F. Gower                  pour le défendeur Comité d'appel de l'élection Whitehorse (Yukon)                  partielle de la première nation Kwanlin Dun

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anton Campion McDonald              pour le demandeur

Oyler Buchan

Whitehorse (Yukon)

Gower & Radke                  pour le défendeur Comité d'appel de l'élection Whitehorse (Yukon)                  partielle de la première nation Kwanlin Dun

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