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Date : 20000719


Dossier : IMM-4273-99

OTTAWA (Ontario), le 19 juillet 2000

EN PRÉSENCE DE : M. le juge Rouleau

ENTRE :

     JEMAL MOHAMMED TALKE

     demandeur

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     ORDONNANCE


[1]      La demande est rejetée.







P. ROULEAU


JUGE

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.





Date : 20000719


Dossier : IMM-4273-99



ENTRE :

     JEMAL MOHAMMED TALKE

     demandeur

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



[1]      Cette demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, vise une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, datée du 21 mai 1999, la Section du statut de réfugié a conclu que le demandeur, Jemal Mohammed Talke, n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est un citoyen de l'Érythrée. En 1990, il a rejoint les rangs du Front de libération du peuple érythréen (FLPE), un groupe de combattants dédié à l'indépendance de l'Érythrée, jusqu'alors partie de l'Éthiopie.

[3]      Le FLPE a assuré un gouvernement de transition en Érythrée de mai 1991 jusqu'au référendum de 1993, qui s'est prononcé en faveur de l'indépendance.

[4]      Le demandeur a accompli son service militaire obligatoire du 24 juin 1991 au 24 juin 1993, le FLPE formant alors le gouvernement. Il a été chargé de tâches administratives et il a commencé ses études à l'Université d'Asmara afin d'obtenir un baccalauréat ès arts.

[5]      Il n'y avait alors que 3 081 étudiants à l'université dans le pays.

[6]      Il a obtenu son baccalauréat ès arts en juin 1996 et s'est vu délivrer un passeport du ministère de l'Intérieur en mai 1996. Avec une bourse de la United States Agency for International Development (U.S. Aid), il est allé étudier à l'université en Caroline du Nord.

[7]      Le demandeur n'a pas terminé son programme et il semble avoir quitté l'université après une année d'études. Il est entré au Canada le 14 juillet 1997 et il a revendiqué le statut de réfugié peu de temps après.

[8]      La revendication du demandeur est fondée sur son statut de membre d'un groupe social, savoir les homosexuels.

[9]      La question que je dois trancher est celle de savoir si la Section du statut de réfugié a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas de crainte fondée de persécution, et qu'il manquait de crédibilité sur certaines questions.

[10]      Le demandeur soutient que bien que la Section du statut de réfugié ait le droit d'examiner tous les documents qui lui sont soumis, ceux-ci doivent avoir un lien direct avec la question à trancher. Il soutient qu'en l'instance, la Section du statut de réfugié s'est comportée de façon arbitraire et déraisonnable en faisant un rapprochement avec les politiques du gouvernement de l'Érythrée envers les femmes afin de déterminer quelles pourraient être les politiques de ce gouvernement envers les homosexuels. Selon le demandeur, le code pénal ne prévoit aucune sanction contre les femmes alors que c'est le cas pour les actes homosexuels. De plus, le demandeur soutient que la Section du statut de réfugié a commis une erreur en ne lui donnant pas un avis raisonnable de son intention d'examiner les documents portant sur les politiques du gouvernement de l'Érythrée envers les homosexuels.

[11]      Le demandeur soutient que la Section du statut de réfugié a commis une erreur en concluant qu'une condamnation à 10 jours de prison pour la commission d'un acte homosexuel ne constituait pas une persécution. Subsidiairement, il soutient que la Section du statut de réfugié a commis une erreur en s'appuyant sur la possibilité qu'une peine soit aussi peu sévère que 10 jours pour conclure qu'il n'existait pas de crainte fondée de persécution. Selon le demandeur, cette analyse n'examine pas la question de savoir s'il existe plus qu'une simple possibilité de persécution si le demandeur est renvoyé en Érythrée.

[12]      Le demandeur soutient que la Section du statut de réfugié a commis une erreur en considérant que l'homosexualité est une question de choix, un point de vue qui ne correspond pas à ses décisions précédentes. Selon le demandeur, il y a des normes universelles de droits de la personne auxquelles on doit se référer lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui constitue de la persécution au sens de la Convention relative au statut des réfugiés.

[13]      Le demandeur soutient que la Section du statut de réfugié a mal interprété les documents en déclarant que le code éthiopien était une législation dépassée aux yeux du gouvernement de l'Érythrée, qui ne l'appliquait plus. En fait, il soutient que les documents démontrent clairement que le code éthiopien est toujours utilisé par le gouvernement de l'Érythrée, jusqu'à ce que ce dernier rédige sa propre législation et l'adopte.

[14]      Le demandeur soutient que la Section du statut de réfugié a commis une erreur en concluant que comme il n'avait fait l'objet d'aucune accusation formelle après avoir été surpris dans la commission d'un acte homosexuel, on pouvait en déduire qu'on n'appliquait plus les dispositions du code pénal. Il soutient qu'en réalité il a été battu, emprisonné et exclu du service militaire actif à cause de son homosexualité. Finalement, le demandeur soutient que contrairement à ce qu'a conclu la Section du statut de réfugié, il serait vraisemblablement persécuté en tant qu'homosexuel s'il était renvoyé en Érythrée, ce que démontre les documents déposés en preuve en l'instance. De plus, il craignait que la divulgation de son dossier militaire étale au grand jour son activité homosexuelle.

[15]      Le défendeur soutient que la Section du statut de réfugié n'a tiré aucune conclusion au sujet des politiques du gouvernement de l'Érythrée en matière d'homosexualité en examinant ses politiques vis-à-vis des femmes. Il soutient qu'en faisant ce parallèle, la Section du statut de réfugié a voulu tout simplement montrer que le gouvernement de l'Érythrée faisait des efforts pour s'assurer que son action n'était pas fondée sur des préoccupations ou des préjugés de nature religieuse.

[16]      Le défendeur soutient que la Section du statut de réfugié n'a tiré aucune conclusion sur la question de la sentence. Il soutient aussi que les motifs de la Section du statut de réfugié démontrent clairement qu'elle avait une bonne connaissance des questions pertinentes et de la preuve et que, même si le demandeur pouvait se retrouver dans une société moins tolérante en Érythrée qu'au Canada, ses craintes n'équivalent pas à de la persécution au sens de la Convention.

[17]      Le défendeur soutient que la Section du statut de réfugié pouvait déclarer que les documents en preuve n'indiquent pas que les anciennes dispositions éthiopiennes sur l'homosexualité étaient toujours en vigueur dans la pratique. De plus, le défendeur soutient que la Section du statut de réfugié n'a pas commis d'erreur en concluant à l'absence d'une crainte fondée de persécution chez le demandeur. Selon lui, la Section du statut de réfugié a examiné la question de savoir s'il y avait une probabilité raisonnable ou une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté s'il était renvoyé en Érythrée.

[18]      Il est clair que les motifs de la décision en cause ici ne sont pas rédigés très clairement et qu'il peut sembler y avoir certaines incohérences dans le texte rédigé par le président de l'audience de la CISR. Toutefois, si on examine la preuve objectivement, la conclusion s'impose que le demandeur n'a pas convaincu la Commission qu'il serait soumis à une persécution s'il était renvoyé dans son pays d'origine.

[19]      L'acte homosexuel en cause s'est produit au cours de l'année 1990. Le demandeur a ensuite fait son service obligatoire de deux ans dans les forces armées. Étant donné l'incident en question, on lui a confié un travail de bureau. Il était responsable de maintenir les archives des anciens membres des forces armées. Durant son service dans les forces armées, on l'a autorisé à continuer ses études et il a obtenu un baccalauréat ès arts. Ayant terminé cette partie de ses études, il s'est vu délivrer un passeport par le gouvernement. Ce dernier, en coopération avec des agents extérieurs, lui a permis de continuer ses études aux États-Unis en vue d'obtenir une maîtrise. Approximativement une année après, il a abandonné ses études et est venu au Canada.

[20]      En vertu de quoi le demandeur peut-il soutenir qu'il ne désire pas retourner chez lui parce que son dossier militaire serait divulgué et que son activité homosexuelle le mettrait en danger auprès des autorités s'il retournait en Érythrée? Il est clair que le gouvernement était au courant de sa conduite durant les années de son service militaire, mais il lui a quand même permis de continuer ses études et lui a accordé un passeport pour qu'il puisse quitter le pays et poursuivre son éducation. Si les autorités étaient aussi rigoureuses et n'avaient pas l'intention de réformer le gouvernement et d'améliorer l'ancien code pénal, comment peut-on raisonnablement imaginer qu'elles ne savaient rien de son passé homosexuel et qu'elles ont fait preuve de générosité à son égard en lui permettant de continuer ses études à l'étranger?

[21]      La Section du statut de réfugié a exprimé des doutes quant à la crédibilité du demandeur au vu de ce qu'ils considéraient être des faits pertinents et je suis d'avis qu'ils sont arrivés à la bonne conclusion, savoir que le demandeur ne s'est pas déchargé du fardeau de convaincre le tribunal que sa crainte de persécution était fondée.

[22]      La demande est rejetée.





P. ROULEAU

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 19 juillet 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-4272-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          JEMAL MOHAMMED TALKE

                     c.

                     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 13 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              19 JUILLET 2000



ONT COMPARU

M. ROBERT HUGHES                  POUR LE DEMANDEUR

Mme PAULINE ANTHOINE                  POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


SMITH & HUGHES                      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)



M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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