Date : 20191119
Dossier : IMM-5578-18
Référence : 2019 CF 1449
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2019
En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly
ENTRE :
|
FRANCIS GUEVARRA
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
En 2003, M. Francis Guevarra et son épouse, Mme Anariza Hidalgo, se sont mariés lors d’une cérémonie civile aux Philippines. Ils n’ont pas révélé leur mariage à leurs familles respectives. Madame Hidalgo a quitté les Philippines pour travailler comme aide familiale résidente au Canada, et elle est devenue résidente permanente en 2006. Elle n’a pas mentionné son mariage dans sa demande de résidence permanente parce qu’elle ne voulait pas que sa famille l’apprenne.
[2]
En 2007, Mme Hidalgo a donné naissance à un fils au Canada. Elle a alors commencé à essayer de parrainer M. Guevarra afin qu’il obtienne la résidence permanente. Sa demande a été refusée à deux reprises parce qu’elle avait omis auparavant de divulguer son mariage, ainsi que le prévoit l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227; voir l’annexe). Dans sa troisième demande, Mme Hidalgo a sollicité une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire en ce qui concerne principalement l’intérêt supérieur de son fils.
[3]
L’agent qui a examiné la troisième demande de parrainage a fait remarquer que Mme Hidalgo avait eu de nombreuses occasions de divulguer son mariage, mais ne l’avait pas fait. Il a également fait remarquer que l’alinéa 117(9)d) vise à faire en sorte que personne n’obtienne un avantage en dissimulant des renseignements, mais aussi à prévenir les fausses déclarations. En ce qui concerne l’enfant, l’agent a estimé qu’il serait dans son intérêt supérieur d’être avec ses deux parents. Toutefois, l’agent a également conclu que ces intérêts devaient être soupesés en fonction de la décision de Mme Hidalgo de cacher la vérité sur son état matrimonial. L’agent a ainsi rejeté la demande de Mme Hidalgo.
[4]
Monsieur Guevarra cherche à faire annuler la décision de l’agent. Il soutient que la réponse de l’agent à la non-communication de l’information concernée, de même que l’évaluation faite par celui-ci de l’intérêt supérieur de l’enfant, étaient toutes deux déraisonnables.
[5]
La Cour ne trouve aucun motif pour infirmer la décision de l’agent. Celui-ci a, à juste titre, pris en compte l’absence de communication de l’information par Mme Hidalgo ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant. Par conséquent, la Cour doit rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[6]
Il y a en l’espèce deux questions en litige :
L’examen par l’agent de la non-communication de l’information par Mme Hidalgo était‑il déraisonnable?
L’agent a-t-il évalué l’intérêt supérieur de l’enfant de façon déraisonnable?
II.
Première question – L’examen fait par l’agent de l’omission de Mme Hidalgo de communiquer l’information était‑il déraisonnable?
[7]
Monsieur Guevarra soutient que l’agent a accordé une attention indue à la non-communication de l’information par son épouse. Il souligne que celle-ci n’a rien gagné à ne pas divulguer son mariage, parce que cette information n’était pas pertinente pour sa demande de résidence permanente.
[8]
Je ne suis pas d’accord. L’agent a raisonnablement tenu compte de l’importance de la non-communication en cause. Si Mme Hidalgo avait révélé son état matrimonial, il y aurait pu y avoir eu des enquêtes à l’endroit de M. Guevarra et, éventuellement, une incidence sur sa demande. Elle a obtenu un avantage en évitant pareilles enquêtes. Bien qu’elle soutienne qu’aucun motif d’interdiction de territoire n’aurait été trouvé à l’égard de M. Guevarra, il ne s’agit pas là d’une raison valable pour la soustraire aux conséquences de la non-communication.
III.
Deuxième question – L’agent a-t-il évalué l’intérêt supérieur de l’enfant de façon déraisonnable?
[9]
Monsieur Guevarra soutient que l’agent a commis trois erreurs : il a appliqué le mauvais critère; a ignoré des éléments de preuve pertinents; et a [traduction] « fait porter à l’enfant les fautes de ses parents »
.
[10]
En ce qui concerne le premier point, M. Guevarra soutient que l’agent a mal évalué l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’il a appliqué le critère relatif aux difficultés. Je ne suis pas d’accord.
[11]
En réponse à la preuve ayant trait à la santé de l’enfant, l’agent a fait observer que des conditions moins favorables aux Philippines qu’au Canada n’équivalaient pas nécessairement à des difficultés ou à une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon mon interprétation des motifs de l’agent, on n’y exigeait pas de prouver l’existence de difficultés. L’agent avait déjà conclu que l’intérêt supérieur de l’enfant consistait à lui permettre de résider avec ses deux parents; il s’est ensuite penché sur l’incidence potentielle d’une décision défavorable quant à cet intérêt supérieur. L’approche adoptée par l’agent était raisonnable dans les circonstances.
[12]
Sur le second point, M. Guevarra soutient que l’officier a conclu, en dépit d’éléments prouvant le contraire, que son fils et lui pourraient être réunis aux Philippines. En réalité, selon ses dires, la preuve indique qu’il travaille sur des navires de croisière et qu’il n’a pas de liens étroits avec les Philippines. En conséquence, la famille n’a été réunie qu’à quelques reprises. Monsieur Guevarra affirme aussi que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve établissant que son fils souffre d’eczéma grave.
[13]
Je ne suis pas d’accord. L’agent a reconnu que l’enfant ne vivait pas aux Philippines, et il a tenu compte de la probabilité qu’il reste au Canada avec sa mère, en rendant visite à son père aux Philippines et en communiquant avec lui par des moyens technologiques. L’agent savait que M. Guevarra travaillait parfois sur des navires de croisière, mais il a souligné que la famille avait passé un mois ensemble aux Philippines en 2011. L’agent a également tenu compte de la preuve relative à la santé de l’enfant et de la preuve documentaire concernant les conditions aux Philippines. Il n’a négligé aucun élément de preuve.
[14]
S’agissant du troisième point, M. Guevarra laisse entendre que l’agent, après avoir conclu que l’intérêt de l’enfant serait mieux servi en lui permettant de résider avec ses deux parents, a ensuite refusé la dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au motif que Mme Hidalgo n’avait pas révélé son état matrimonial. Cela revient, selon M. Guevarra, à punir le fils pour l’omission de sa mère.
[15]
Je ne suis pas de cet avis. La non-communication de l’information par Mme Hidalgo était pertinente aux fins de l’évaluation, par l’agent, des considérations d’ordre humanitaire (Kisana c Canada (MCI), 2009 CAF 189, au par. 27). Le fait de tenir compte de ce facteur dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’équivaut pas à punir l’enfant. L’agent a insisté sur ce point en déclarant que [traduction] « l’enfant n’est en aucun cas responsable de ce qui s’est passé »
.
[16]
J’en conclus que l’analyse de l’agent n’était pas déraisonnable.
IV.
Conclusion et décision
[17]
Je conclus que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans son évaluation de la demande de dispense pour des considérations d’ordre humanitaire présentée par Mme Hidalgo. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire de M. Guevarra. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune question n’est énoncée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑5578‑18
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est énoncée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 26e jour de novembre 2019.
Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée
ANNEXE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-5578-18
|
INTITULÉ :
|
FRANCIS GUEVARRA c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 30 mai 2019
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE O’REILLY
|
DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :
|
LE 19 NOVEMBRE 2019
|
COMPARUTIONS :
Victor Ing
|
Pour le demandeur
|
Helen Park
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
SAS & ING IMMIGRATION LAW CENTRE
Avocats
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
Pour le demandeur
|
Sous-procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
|
Pour le défendeur
|