Date : 20040908
Dossier : IMM-8386-03
Référence : 2004 CF 1226
ENTRE :
ALDO RENATO ROSSI YOKOTA
LILIANA MARIA CONTRERAS DE LA M.
ANTONELLA ENA ROSSI CONTRERAS
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Les demandeurs, un couple marié et leur enfant mineure, sont citoyens du Pérou. Ils demandent le statut de réfugiés au motif qu'ils craignent avec raison d'être persécutés par les agents de l'État au Pérou.
[2] Plus précisément, M. Rossi craint d'être persécuté par un groupe criminel composé de membres actuels et anciens des Forces navales du Pérou. Selon son Formulaire sur les renseignements personnels, cette organisation est formée de membres des Forces navales, tant actuels qu'à la retraite, qui ont utilisé leur influence et leurs ressources pour mener des activités illégales. M. Rossi précise que tous les membres formés au Centre technique de l'instruction navale faisaient partie des forces d'opération spéciales. Il a identifié l'un des individus impliqués dans l'incident dont il a été victime comme étant le neveu d'un ancien amiral. Il affirme également que les membres de cette organisation sont actifs dans tout le Pérou.
[3] La Section de la protection des réfugiés (le tribunal) n'a pas mis en doute la véracité des allégations de M. Rossi. Elle a plutôt rejeté la demande des demandeurs au motif qu'ils n'avaient pas réfuté la présomption que l'État pouvait leur accorder sa protection et qu'ils disposaient d'une possibilité de refuge intérieur. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé sur la question de la protection de l'État, il n'est pas nécessaire que j'examine celle de la possibilité d'un refuge intérieur.
[4] Nulle part dans sa décision le tribunal n'analyse les allégations des demandeurs relatives à la complicité de l'État. Le tribunal a plutôt fait une analyse de la question de la protection de l'État en supposant, sans pourtant avoir tiré une inférence sur cette question, que l'État n'était pas complice de la persécution exercée par les criminels qui avaient pris M. Rossi pour cible.
[5] Selon moi, le fait de ne pas avoir tiré d'inférence sur une question qui était au coeur de la demande constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Cette importante omission a été aggravée par une autre erreur de droit. Si les agents de persécution étaient effectivement des agents de l'État, le tribunal aurait dû se demander si la raison pour laquelle les demandeurs ne voulaient pas se réclamer de la protection de l'État s'expliquait par une crainte justifiée d'être persécutés, plutôt que de se demander si l'État était disposé ou capable de protéger les demandeurs. Dans Silva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1161 (QL) (1re inst.), le juge Denault a fait la déclaration suivante, à laquelle je souscris :
La question qui se pose n'est pas celle de savoir si l'État voudrait la protéger, mais plutôt celle de savoir si la requérante veut se réclamer de la protection de l'État. C'est le bien-fondé du point de vue des requérants au sujet des agissements de l'État qui est déterminant. Parce que la crainte, de la requérante était fondée sur les agissements de personnes qui, si elles n'étaient pas directement liées à l'État, étaient du moins identifiées au gouvernement au pouvoir, la Commission a commis une erreur en n'analysant pas leur revendication en tenant compte du fait qu'ils ne voulaient pas se réclamer de la protection de l'État.
[6] Bref, le tribunal ne pouvait pas accepter comme vraies les allégations des demandeurs et examiner la question de la protection de l'État sans tirer d'inférences quant à savoir si les agents de la persécution étaient en fait des agents de l'État. Le tribunal ne pouvait pas conclure que les demandeurs n'avaient pas établi que l'État était incapable de les protéger sans d'abord déterminer si les agents de persécution faisaient partie de l'exercice du pouvoir au Pérou.
[7] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour être entendue à nouveau. Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question grave de portée générale et aucune ne sera certifiée.
« Allan Lutfy »
Juge en chef
Ottawa (Ontario),
le 8 septembre 2004
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8386-03
INTITULÉ : ALDO RENATO ROSSI YOKOTA
LILIANA MARIA CONTRERAS DE LA M.
ANTONELLA ENA ROSSI CONTRERAS
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 31 AOÛT 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF
DATE DES MOTIFS : LE 8 SEPTEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Jeffrey Nadler POUR LES DEMANDEURS
Sherry Rafai Far POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jeffrey Nadler POUR LES DEMANDEURS
1350, rue Sherbrooke Ouest
Bureau 900
Montréal (Québec)
H3G 1J1
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Montréal (Québec)