Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990119

     Dossier : IMM-200-99

Entre

     LUXMEDEVI PUVANESWARAN,

     demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeurs

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      La Cour est saisie d'une requête en injonction provisoire " pour surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi de l'appelant (demandeur) au Sri Lanka en attendant le jugement de son action ".

[2]      Il faut noter en premier lieu qu'il s'agit d'une femme et non d'un homme (voir l'affidavit de Marie-Claude Rigaud).

[3]      La demanderesse a déposé le 13 janvier 1999 auprès du greffe de la Cour fédérale une déclaration par laquelle elle conclut à ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     a)      Injonction provisoire, par voie d'ordonnance prévue à l'article 373 des Règles de la Cour fédérale (1998), pour interdire l'exécution de la mesure de renvoi du demandeur au Sri Lanka en attendant le jugement de son action; et         
     b)      Tout autre redressement que son avocat pourrait demander et que la Cour accorderait.         

[4]      La demanderesse est une Tamoule du Nord du Sri Lanka. Fuyant ce pays en février 1995, elle a revendiqué le statut de réfugié dès son arrivée au Canada le 26 février 1995. Sa revendication a été entendue le 8 septembre 1995, et rejetée par décision en date du 17 janvier 1996. Par la suite, elle a fait une demande à titre de demanderesse non reconnue du statut de réfugié (CDNRSR), laquelle a été rejetée par décision en date du 22 février 1997.

[5]      La demanderesse explique qu'elle n'a pas présenté d'observations à l'audition de la demande CDNRSR parce que " je ne savais pas que je pouvais présenter des observations et n'avais pas d'argent pour retenir les services d'un avocat à l'époque ".

[6]      Le 18 septembre 1998, c'est-à-dire quelque 19 mois après le rejet de la demande CDNRSR, elle a soumis une demande d'examen de sa situation pour des raisons d'ordre humanitaire fondée sur sa crainte de retourner au Sri Lanka et de sa conviction " que puisqu'il s'est écoulé trois ans depuis le rejet de ma demande et deux ans depuis la dernière révision par l'agent de révision des revendications refusées, il faut examiner mon dossier de nouveau ".

[7]      En effet, elle pense qu'une nouvelle évaluation du risque est nécessaire puisque la situation au Sri Lanka s'est détériorée depuis la dernière évaluation, ce qui fait qu'elle sera en danger si elle doit y retourner.

[8]      Au paragraphe 2 de son affidavit, elle fait valoir ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     J'estime, puisqu'il s'est écoulé trois ans depuis le rejet de ma demande et deux ans depuis que l'agent de révision des revendications refusées eut revu mon dossier en dernier lieu, qu'il faut réexaminer mon dossier de nouveau. Et ce d'autant plus qu'en janvier 1996, au moment où la section du statut se prononça sur mon cas, il y avait un certain espoir que la situation dans mon pays allait s'améliorer. En effet, une trêve a été conclue en janvier 1995 entre les Tamil Tigers et le gouvernement sri-lankais. Cette trêve a été cependant rompue le 19 avril 1995. Ci-joint, marqué pièce " E ", un article du numéro du 12 juin 1995 du journal Toronto Star qui confirme cette information. Cette situation explique que je n'aie pas été arrêtée durant mon séjour de janvier à février 1995 à Colombo, puisqu'il y avait à ce moment-là une trêve entre les Tamil Tigers et les forces gouvernementales. Ma crainte est d'autant plus réelle que mon père et mon frère ont été tués par des membres de la PLOTE. Ma mère qui avait voulu s'interposer a été aussi agressée et tailladée au point de perdre l'usage de sa main droite. Ci-joint, marquée pièce " F ", la lettre du Dr Gangam I. Devi qui confirme cette information. Bien que je n'aie soumis aucun document à l'appui de ma crainte d'être persécutée dans mon pays si j'y retourne, j'ai indiqué sans équivoque que je redoutais d'y revenir. De fait, j'avais l'intention de produire des preuves documentaires lors de l'entrevue. À cette date, aucune décision n'a été rendue au sujet de ma demande de réexamen pour raisons d'ordre humanitaire.         

[9]      Il est de droit constant que pour se faire délivrer une injonction provisoire, la demanderesse doit prouver, selon la norme de la probabilité la plus forte, qu'elle a une cause défendable, qu'elle subirait un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients est en sa faveur.

[10]      La preuve doit être faite de ces trois facteurs à la fois.

[11]      Après avoir entendu les observations de son avocat, je suis convaincu qu'il n'y a eu aucune nouvelle preuve montrant qu'elle court un plus grand risque aujourd'hui qu'au moment de l'audience de la section du statut ou de l'instruction de sa demande CDNRSR.

[12]      Dans un affidavit signé sous serment le 12 janvier 1999, Ricardo Max Aguirre affirme qu'il a pris connaissance le même jour du contenu de deux lettres émanant de Colombo (Sri Lanka) et déclare aux paragraphes 3 et 4 :

     [TRADUCTION]

     1.      La première lettre, datée du 6 janvier 1999, émane de S. K. Arumugam, juge de paix, qui confirme que le père et le frère de Mme Puvaneswaran ont été tués à coups d'arme à feu. Voir PIÈCE "A".         
     2.      La seconde lettre, datée du 9 janvier 1999, émane de N. Chelliah, avocat, qui confirme aussi ce qui est arrivé au père et au frère de Mme Puvaneswaran et fait savoir que celle-ci figure sur la liste des personnes recherchées par la PLOTE et les services de sécurité sri-lankais. Voir PIÈCE "B".         

[13]      On peut voir que ces deux lettres (marquées par les languettes 17 et 18 dans le dossier de la requête de la demanderesse), à part le fait qu'elles sont signées par deux personnes différentes et à des dates différentes, sont pratiquement la même.

[14]      Est-ce là une coïncidence? Je ne le pense pas. Je conclus qu'elles ont été fabriquées pour donner l'impression que la demanderesse courrait un plus grand risque si elle revenait maintenant au Sri Lanka.

[15]      J'ai lu la pièce A annexée à l'affidavit de Ron Edward, savoir un document daté d'octobre 1998 et intitulé " Sri Lanka : Les possibilités de fuite intérieure " de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à Ottawa, et en particulier, ce qui y est dit au sujet de Colombo : je ne vois guère de différence entre la situation qui régnait en 1995-1996 et celle qui prévaut à l'heure actuelle.

[16]      Je ne veux pas dire par là que la vie soit bien agréable pour une jeune Tamoule au Sri Lanka. Cependant, en l'espèce, il a été jugé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention et, à deux reprises par la suite, que sa vie ne serait pas en danger si elle devait rentrer au Sri Lanka où elle a la possibilité de se réfugier à Colombo.

[17]      Les preuves produites, les deux lettres susmentionnées et le document de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'indiquent pas que la demanderesse s'exposerait maintenant à un autre risque que celui invoqué devant la section du statut ou lors de l'audition de la demande CDNRSR ou, à tout le moins, à un plus grand risque.

[18]      Je ne vois pas pourquoi la demanderesse devrait faire l'objet d'une nouvelle évaluation du risque.

[19]      La demande en injonction provisoire pour surseoir à l'exécution de l'ordonnance de renvoi est rejetée.

     Signé : Max M. Teitelbaum

     ________________________________

     Juge

Toronto (Ontario),

le 19 janvier 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-200-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Luxmedevi Puvaneswaran

                     c.

                     Sa Majesté la Reine et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :      Lundi 18 janvier 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM

LE :                      Mardi 19 janvier 1999

ONT COMPARU :

M. Lorne Waldman                  pour la demanderesse

Mme Ann Margaret Oberst              pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman Waldman & Associates          pour la demanderesse

Avocats

281 avenue Eglington est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

Morris Rosenberg                  pour les défendeurs

Sous-procureur général

du Canada

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990119

     Dossier : IMM-200-99

Entre

LUXMEDEVI PUVANESWARAN,

     demanderesse,

     - et -

SA MAJESTÉ LA REINE et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeurs

     MOTIFS DU JUGEMENT


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.