Dossier : T‑541‑10
Référence : 2019 CF 323
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 18 mars 2019
En présence de monsieur le juge Gascon
ENTRE :
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RÉGENT BOILY
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demandeur
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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défenderesse
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La Cour est saisie d’un appel interjeté par le demandeur, M. Régent Boily, en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [Règles], à l’encontre de l’ordonnance rendue le 7 août 2018 par la protonotaire Tabib [l’ordonnance]. Dans son ordonnance, la protonotaire Tabib a accueilli une requête présentée par la défenderesse, Sa Majesté la Reine, et a radié le second rapport d’expert du professeur Peter Rosenblum[second rapport Rosenblum] déposé par M. Boily à l’appui de son action en dommages‑intérêts. La protonotaire Tabib était d’avis que le dépôt du second rapport Rosenblum contrevenait à un jugement antérieur, rendu le 9 novembre 2017 par la juge Gagné, qui avait elle‑même rejeté une version antérieure du rapport [jugement Gagné].
[2]
Les questions en litige dans le présent appel sont de savoir si la protonotaire Tabib a commis une erreur dans son interprétation du jugement Gagné ainsi que dans sa décision de radier le second rapport Rosenblum, et si elle a commis une erreur en concluant que les agissements de M. Boily équivalaient à un abus de procédure.
[3]
Pour les motifs suivants, l’appel de M. Boily sera rejeté. À mon avis, la protonotaire Tabib n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en radiant le second rapport Rosenblum dans son intégralité, et je ne vois aucune raison d’interférer avec son ordonnance. La protonotaire Tabib n’a pas mal interprété le jugement Gagné, puisque celui‑ci radiait clairement la version initiale du rapport dans son intégralité, plutôt que seulement certaines parties, et elle a refusé d’accorder le remède subsidiaire sollicitée par M. Boily, à savoir d’être autorisé à déposer un rapport révisé, les passages inadmissibles étant omis. Si M. Boily n’était pas satisfait de cette décision ou d’une partie quelconque de celle‑ci, il aurait pu interjeter appel. M. Boily ne pouvait tout simplement pas choisir de faire fi de la décision et décider de déposer une version révisée du rapport qui était en grande partie similaire à sa première version, à l’exception du retrait de passages inadmissibles, puisque la juge Gagné avait expressément refusé d’accorder ce remède subsidiaire. En outre, je ne vois aucune erreur manifeste ou dominante dans la conclusion de la protonotaire Tabib selon laquelle, dans les circonstances, le dépôt du second rapport Rosenblum constituait un abus de procédure.
II.
Le contexte
A.
Le contexte factuel
[4]
M. Boily est un citoyen canadien qui a été extradé vers le Mexique, après que le Canada eut accepté les garanties diplomatiques du gouvernement du Mexique selon lesquelles sa sécurité physique serait protégée. Peu après son arrivée au Mexique, M. Boily a été emprisonné et torturé. Il a par la suite intenté une action en dommages‑intérêts pour le préjudice subi et la violation de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11, dans laquelle il allègue que la défenderesse n’avait pas effectué la préparation, la surveillance et les suivis nécessaires, ni pris quelque mesure que ce soit pour veiller à ce que le Mexique respecte ses garanties diplomatiques et s’assure de sa sécurité. Dans son action, M. Boily réclame notamment des dommages‑intérêts de 6 millions de dollars pour préjudice moral et physique, ainsi que les troubles et inconvénients résultant de mauvais traitements que lui auraient infligés les autorités carcérales mexicaines.
[5]
En février 2017, M. Boily a déposé en preuve un rapport d’expert du professeur Rosenblum [premier rapport Rosenblum] pour établir l’état actuel du droit international. Ce rapport traitait du problème posé par le fait que les États se fondaient sur des garanties diplomatiques lorsqu’ils extradaient des gens vers des pays qui présentaient un risque de torture, et il fournissait une explication des normes, qui avaient été élaborées par certains organismes juridiques nationaux et internationaux, y compris concernant les activités de surveillance et de suivi menées par les États d’origine. Le rapport faisait également état du cas particulier de M. Boily et décrivait la situation des droits de la personne au Mexique au moment de son extradition.
[6]
En mars 2017, la défenderesse a déposé un avis de requête en radiation du premier rapport Rosenblum, dans lequel elle prétendait que le rapport présentait un avis juridique sur le droit international et qu’il portait sur l’une des questions en litige, ce qui le rendait inadmissible. La défenderesse a également allégué que ce rapport d’expert retarderait indûment l’instance et occasionnerait des coûts injustifiés. Dans son dossier de réponse à la requête, M. Boily a fait valoir que l’expertise sur le droit international était admissible devant les tribunaux et que, de toute façon, non seulement le rapport traitait du contenu des obligations du Canada en matière de droit international, mais il fournissait également un contexte ainsi qu’une expertise factuelle au sujet de la situation des droits de la personne au Mexique.
[7]
En avril 2017, le protonotaire Morneau, qui agissait à l’époque en tant que juge responsable de la gestion de l’instance en l’espèce, a accueilli la requête de la défenderesse et a radié le premier rapport Rosenblum dans son intégralité, au motif qu’il contenait à la fois (i) une opinion inadmissible sur le droit international; (ii) un avis juridique inapproprié et inadmissible sur la situation particulière de M. Boily. M. Boily a interjeté appel de cette ordonnance; il a notamment demandé, à titre de remède subsidiaire, que seuls les passages fautifs du premier rapport Rosenblum soient radiés.
[8]
En novembre 2017, la juge Gagné a rejeté l’appel de M. Boily (Boily c Canada, 2017 CF 1021 (Boily)). Dans son jugement, la juge Gagné a statué que le protonotaire Morneau avait commis une erreur en concluant que la preuve d’opinion d’expert sur l’état du droit international était inadmissible. Toutefois, elle a refusé d’intervenir dans l’exercice par le protonotaire de son pouvoir discrétionnaire de radier plutôt que d’analyser le premier rapport Rosenblum, puisqu’elle a confirmé que certaines parties du rapport contenaient une opinion inadmissible au sujet de l’application des normes du droit international au cas de M. Boily.
[9]
M. Boily n’a pas porté le jugement Gagné en appel. En mars 2018, M. Boily a plutôt signifié et déposé une nouvelle version du rapport d’expert du professeur Rosenblum. Comme l’ont reconnu les avocates de M. Boily à l’audience devant la Cour, l’opinion d’expert figurant dans le second rapport Rosenblum est [traduction] « en grande partie similaire »
à celle contenue dans le premier rapport Rosenblum. En effet, elles sont quasiment identiques. Le second rapport Rosenblum comprend exactement la même section sur l’état du droit international en ce qui concerne les garanties diplomatiques, de même qu’une section légèrement étendue sur la situation des droits de la personne au Mexique au moment de l’extradition de M. Boily. Les passages inadmissibles précis du premier rapport Rosenblum, qui faisaient état du cas de M. Boily, étaient toutefois caviardés.
[10]
En mai 2018, la défenderesse a déposé une requête en radiation du second rapport Rosenblum, au motif qu’il s’agissait d’une répétition du premier rapport Rosenblum et qu’il violait le principe de la chose jugée. En août 2018, la protonotaire Tabib a rendu son ordonnance, laquelle est l’objet du présent appel.
B.
L’ordonnance de la protonotaire Tabib
[11]
Dans sa décision, la protonotaire Tabib a radié le second rapport Rosenblum dans son intégralité et elle a ordonné à M. Boily de payer sans délai un montant déterminé au titre des dépens.
[12]
La protonotaire Tabib a conclu que le second rapport Rosenblum contenait exactement les mêmes opinions sur l’état du droit international concernant les garanties diplomatiques que celles figurant dans le premier rapport Rosenblum, de même que les mêmes opinions au sujet de la situation des droits de la personne au Mexique, avec quelques commentaires plus détaillés sur le bilan du Mexique en matière de droits de la personne, mais sans les passages inappropriés qui faisaient état du cas de M. Boily.
[13]
En interprétant le jugement Gagné, la protonotaire Tabib a également fait remarquer que M. Boily aurait eu le droit de déposer ce second rapport Rosenblum si la juge Gagné avait accordé la conclusion subsidiaire que M. Boily avait sollicitée dans son appel de l’ordonnance du protonotaire Morneau, à savoir d’être autorisé à déposer un rapport révisé qui omettait les passages inadmissibles. Toutefois, la juge Gagné avait expressément refusé d’accorder ce remède et elle avait plutôt confirmé l’ordonnance du protonotaire Morneau qui radiait le premier rapport Rosenblum dans son intégralité, en soulignant le fait que la décision du protonotaire Morneau constituait un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire en tant que juge responsable de la gestion de l’instance. La protonotaire Tabib a conclu que le second rapport Rosenblum avait été déposé [traduction] « au mépris flagrant »
du jugement Gagné et qu’il constituait donc un abus de procédure.
[14]
Selon la protonotaire Tabib, la juge Gagné savait et avait clairement l’intention que les conséquences de sa décision privent M. Boily de la possibilité d’invoquer l’expertise qui était incluse dans le premier rapport Rosenblum, bien que cette expertise était autrement admissible. Par conséquent, a déclaré la protonotaire Tabib, le jugement Gagné [traduction] « mettait clairement un terme à la possibilité d’autoriser [M. Boily] à déposer, pour présentation à l’instruction, une expertise autrement admissible sur le droit international ou la situation des droits de la personne au Mexique au moment de l’extradition de [M. Boily] »
(ordonnance, aux pp 5 et 6).
[15]
Dans sa décision, la protonotaire Tabib a expressément fait référence aux paragraphes du jugement Gagné qui examinaient la demande de M. Boily, soit de radier uniquement les passages fautifs du premier rapport Rosenblum. La juge Gagné avait indiqué que, « [...] en présentant une opinion d’expert contenant une conclusion de droit sur le droit international tel qu’il s’applique aux faits de l’espèce, M. Boily a soumis une preuve d’expert irrecevable et, par conséquent, il a assumé le risque que le rapport soit radié dans son intégralité »
(Boily, au para 49). La protonotaire Tabib a également évoqué les remarques de la juge Gagné, qui reconnaissait qu’une fois qu’il eut déterminé que le premier rapport Rosenblum contenait des éléments de preuve d’expert inadmissibles, le protonotaire Morneau avait le pouvoir discrétionnaire de radier le rapport en entier ou en partie, ou de laisser cette décision au juge de procès (Boily, aux para 46 et 48).
C.
La norme d’intervention
[16]
Depuis l’arrêt de la Cour d’appel fédérale [CAF] dans l’affaire Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 [Hospira], il est bien établi que la norme d’intervention dans les appels des ordonnances discrétionnaires rendues par des protonotaires est la norme qu’a énoncée la Cour suprême du Canada [CSC] dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen]. Pour ce qui est des questions de droit, des questions de principe juridique ainsi que des questions mixtes de fait et de droit, les ordonnances des protonotaires sont assujetties à la norme de la décision correcte en présence de questions de droit ou de principe juridique isolables. Quant à toutes les autres questions, en particulier les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit ainsi que les inférences de fait, la Cour ne peut intervenir que si les protonotaires ont commis une « erreur manifeste et dominante »
(Maximova c Canada (Procureur général), 2017 CAF 230 [Maximova], au para 4; Hospira, aux para 64 à 66 et 79; Housen, aux para 19 à 37).
[17]
La CAF a affirmé à maintes reprises que la norme de l’« erreur manifeste et dominante »
était une [traduction] « norme exigeant une grande retenue »
(Figueroa c Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2019 FCA 12, au para 3; Montana c Canada (Revenu national), 2017 CAF 194, au para 3; 1395804 Ontario Ltd (Blacklock’s Reporter) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 185, au para 3; NOV Downhole Eurasia Limited c TLL Oilfield Consulting Ltd, 2017 CAF 32, au para 7; Revcon Oilfield Constructors Incorporated c Canada (Revenu national), 2017 CAF 22, au para 2). Comme l’a déclaré de façon métaphorique le juge Stratas dans Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub], et Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 [South Yukon], pour satisfaire à cette norme, « [...] on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier »
(Mahjoub, au para 61; South Yukon, au para 46). Décrivant ce que signifient les termes « manifeste »
et « dominante »
, le juge Stratas a ajouté ce qui suit dans l’arrêt Mahjoub :
[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la notion de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.
[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.
[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.
[18]
La CAF a aussi définit une erreur manifeste et dominante comme étant une erreur évidente et apparente, dont l’effet est de vicier l’intégrité des motifs (Madison Pacific Properties Inc c Canada, 2019 CAF 19, au para 26; Maximova, au para 5). Dans Groupe Maison Candiac Inc c Canada (Procureur général), 2017 CAF 216 [Candiac], la CAF a en outre fait remarquer que la norme de l’erreur manifeste et dominante était particulièrement difficile à respecter lorsque la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est d’ordre procédural (Candiac, au para 50).
[19]
La CSC a récemment fait écho à ces principes dans l’arrêt Salomon c Matte‑Thompson, 2019 CSC 14 [Salomon] : « [l]orsque la norme déférentielle de l’erreur manifeste et déterminante s’applique, les tribunaux d’appel ne peuvent intervenir que dans les cas où la décision de première instance est entachée d’une erreur évidente qui a déterminé l’issue de l’affaire »
(Salomon, au para 33, citant l’arrêt Benhaim c St‑Germain, 2016 CSC 48, au para 38). La CSC a également fait référence à une autre métaphore utilisée par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt JG c Nadeau, 2016 QCCA 167, au para 77, où cette dernière a affirmé qu’« une erreur manifeste et dominante tient, non pas de l’aiguille dans une botte de foin, mais de la poutre dans l’œil »
. En termes simples, par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente et apparente, alors qu’une erreur « dominante » fait référence à une erreur qui touche directement l’issue de l’affaire et qui a pour effet de changer le résultat (Maximova, au para 5; South Yukon, au para 46).
[20]
L’admissibilité d’une preuve par affidavit est une question de droit à laquelle il faut donc appliquer la norme de la décision correcte (O’Grady c Canada (Procureur général), 2016 CAF 221, au para 2). Toutefois, la décision de radier un affidavit ou un rapport d’expert est généralement susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, sauf lorsqu’il existe une question de droit isolable (CBS Canada Holdings Co c Canada, 2017 CAF 65, au para 15; Boily, au para 44). En l’espèce, la protonotaire Tabib n’a pas eu à tirer une conclusion de droit sur le second rapport Rosenblum et à examiner la question de savoir s’il était admissible selon les quatre critères établis par la CSC dans l’arrêt R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 [Mohan]. Elle devait plutôt décider si le second rapport Rosenblum était bel et bien conforme au jugement Gagné et s’il pouvait être accepté. Pour rendre une décision quant à savoir si la protonotaire Tabib a commis une erreur en radiant le second rapport Rosenblum, il faut donc analyser si elle a commis une erreur dans son interprétation du jugement Gagné et dans son application à ce rapport d’expert en particulier, si M. Boily a dans les faits respecté le jugement Gagné et si le principe de la chose jugée a été enfreint. Ces questions soulèvent des questions mixtes de fait et de droit, et ne peuvent donc être révisées par la Cour qu’en la présence d’une erreur manifeste et dominante.
[21]
De même, la question de savoir si M. Boily a commis un abus de procédure constitue une question mixte de fait et de droit qui doit être examinée selon la norme de l’« erreur manifeste et dominante »
, à moins qu’il n’y ait une question de droit ou principe juridique isolable (Hinse c Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, au para 180; Mahjoub, aux para 73 et 74). En l’espèce, la conclusion d’abus de procédure tirée par la protonotaire Tabib ne soulève aucune question de droit ou de principe juridique isolable et, à ce titre, la norme de l’« erreur manifeste et dominante »
s’applique.
[22]
Je m’arrête un instant pour ajouter que, à la suite de nombreux arrêts de la CAF, aucune distinction n’est nécessaire quant à la norme d’intervention applicable à la décision d’un protonotaire du simple fait qu’elle est discrétionnaire (Ader c Canada (Procureur général), 2018 CAF 105, au para 14; Canada (Procureur général) c Liang, 2018 CAF 39, au para 9; Bygrave c Canada, 2017 CAF 124, au para 10; Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25, au para 6; Barkley c Canada, 2017 CAF 7, au para 6; Hospira, au para 79). Dans tous les cas, la norme de l’« erreur manifeste et dominante »
s’applique. Je reconnais que, dans les affaires portant sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, les cours d’appel « doivent faire preuve d’un haut degré de déférence »
et s’abstenir d’intervenir si le pouvoir discrétionnaire n’a pas été exercé « de manière abusive, déraisonnable ou non judiciaire »
(Québec (Directeur des poursuites criminelles et pénales) c Jodoin, 2017 CSC 26 [Jodoin], au para 52). Toutefois, comme l’ont fait valoir à juste titre les avocates de M. Boily, l’arrêt Jodoin n’appuie pas la proposition selon laquelle une décision discrétionnaire d’un protonotaire commande une norme plus exigeante que la norme de l’erreur manifeste et dominante, laquelle appelle déjà à [traduction] « une grande retenue »
.
III.
Analyse
[23]
M. Boily soutient que l’ordonnance de la protonotaire Tabib doit être renversée pour trois raisons. Premièrement, il prétend que l’ordonnance est fondée sur une interprétation erronée du jugement Gagné qui n’est pas étayée par la décision même, les Règles ou le droit sur l’admissibilité de la preuve d’expert. Deuxièmement, M. Boily affirme que la protonotaire Tabib n’a pas tenu compte d’une partie de ses observations et que le principe de la chose jugée ne s’applique pas à son cas, puisque le jugement Gagné ne l’a pas privé de son droit de déposer un autre rapport d’expert. Troisièmement, M. Boily soutient qu’il n’a pas commis d’abus de procédure, puisqu’il a tenté de bonne foi de se conformer aux motifs du jugement Gagné avec le dépôt du second rapport Rosenblum.
[24]
J’examinerai ces divers arguments l’un après l’autre.
A.
Le jugement Gagné a clairement interdit à M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum
[25]
M. Boily prétend d’abord que l’ordonnance de la protonotaire Tabib s’appuie sur une interprétation du jugement Gagné qui n’est ni appuyée par le texte de ce jugement ni conforme aux Règles ou à l’état du droit sur l’admissibilité de la preuve d’expert. Selon M. Boily, la juge Gagné ne l’a pas empêché de déposer un rapport d’expert qui portait sur le droit international et sur la situation des droits de la personne au Mexique qui était conforme aux règles d’admissibilité de la preuve d’expert. La juge Gagné n’a pas non plus donné de directive quant au droit de M. Boily de déposer un autre rapport d’expert une fois que le premier rapport Rosenblum a été radié. M. Boily soutient que les conclusions tirées par la protonotaire Tabib ajoutent au jugement Gagné une conséquence notable que les motifs de la juge Gagné n’appuient pas.
[26]
Plus précisément, M. Boily prétend que la protonotaire Tabib a mal lu le paragraphe 48 du jugement Gagné, lorsqu’elle a conclu, à la page 5 de son ordonnance, que [traduction] « la juge savait et avait l’intention que les conséquences de sa décision privent M. Boily de la possibilité d’invoquer l’expertise qui était incluse dans le premier rapport Rosenblum et qui était autrement admissible »
. M. Boily prétend qu’en tirant cette conclusion, la protonotaire Tabib a interprété le jugement Gagné de façon à lui interdire de présenter toute opinion d’expert autrement admissible sur l’un ou l’autre des sujets contenus dans le premier rapport Rosenblum, peu importe l’expertise ou l’auteur. Selon M. Boily, il s’agit d’une erreur. M. Boily fait valoir que la protonotaire Tabib ne pouvait pas simplement inférer que la juge Gagné avait l’intention de le priver de la possibilité de présenter sa cause en produisant une preuve d’expert, un droit expressément prévu par les Règles : le droit de faire valoir ses arguments et de produire une preuve admissible constitue un pilier de l’équité procédurale avec lequel, bien qu’il ne soit pas illimité, il ne faut pas intervenir à la légère. (Porto Seguro Companhia De Seguros Gerais c Belcan SA, [1997] 3 RCS 1278, aux para 29 et 30). M. Boily ajoute que, dans la mesure où la Cour peut imposer une limite catégorique à l’utilisation par une partie de la preuve d’expert, une telle limite doit être énoncée dans les termes les plus clairs, ce qui n’est pas le cas dans le jugement Gagné.
[27]
De plus, M. Boily soutient que, contrairement aux motifs de la protonotaire Tabib, il ne s’est jamais vu refuser [traduction] « l’autorisation d’invoquer une version modifiée »
du premier rapport Rosenblum (ordonnance, à la p 6), puisque cette autorisation n’a jamais été demandée. Il fait valoir que, bien que la juge Gagné ait refusé de se mettre à la place du protonotaire Morneau pour analyser de façon indépendante le rapport d’expert qui était réputé contenir certains éléments de preuve inadmissibles, elle ne l’a pas empêché de compléter sa preuve en produisant des éléments de preuve admissibles sur des sujets contenus dans le rapport.
[28]
Les arguments de M. Boily ne me convainquent pas.
[29]
Le principal problème que posent les observations de M. Boily et les motifs d’appel qu’il invoque devant la Cour est qu’ils sont fondés sur une déformation fondamentale de l’ordonnance de la protonotaire Tabib et qu’ils donnent à maintes reprises une représentation erronée de la portée de cette décision. Sans ce fondement vicié qui, malheureusement, dénature la décision faisant l’objet de l’appel et embrouille l’analyse de M. Boily, toute apparence d’erreur susceptible de contrôle dans l’ordonnance de la protonotaire Tabib disparaît rapidement. La plainte récurrente de M. Boily est que la protonotaire Tabib a interprété le jugement Gagné comme s’il le privait de façon permanente de son droit fondamental de présenter sa cause en déposant une preuve d’expert pertinente et admissible à l’appui de sa demande, plus précisément sur le droit international en matière de garanties diplomatiques et sur la situation des droits de la personne au Mexique au moment de son extradition. En tout respect, ce n’est pas ce que dit l’ordonnance de la protonotaire Tabib.
[30]
Contrairement à ce que fait valoir M. Boily, l’ordonnance ne conclut pas que [traduction] « le droit de M. Boily de signifier et de déposer tout rapport d’expert sur le droit international en matière de garanties diplomatiques et sur la situation des droits de la personne au Mexique avait été “épuisé” en raison du jugement Gagné »
[souligné dans l’original] (prétentions écrites de M. Boily, au para 4). Ce n’est pas ce que la défenderesse a demandé à la protonotaire Tabib de faire dans sa requête en radiation sous‑jacente; ce n’est pas ce sur quoi elle devait se prononcer; et ce n’est pas ce qu’elle a effectivement décidé. Cette affaire ne se rapporte pas à tout rapport d’expert. Elle porte uniquement sur le second rapport Rosenblum que M. Boily a choisi de soumettre. L’ordonnance n’a pas conclu ni donné à penser qu’il était à jamais interdit à M. Boily [traduction] « de soumettre toute opinion d’expert autrement admissible sur l’un ou l’autre des sujets contenus dans le premier rapport Rosenblum, et ce, peu importe à quoi ressemble cette expertise ou qui en est l’auteur »
[souligné dans l’original] (prétentions écrites de M. Boily, au para 21). En effet, les conclusions de l’ordonnance de la protonotaire Tabib font strictement référence à la radiation du [traduction] « rapport d’expert de Peter Rosenblum daté du 13 mars 2018 »
. Rien de plus. Le mot «
any »
[« toute »
ou « l’un ou l’autre »
] n’apparaît même nulle part dans l’ordonnance faisant référence aux rapports d’expert; il s’agit d’un ajout fait par M. Boily qui renforce certainement ses arguments attaquant l’ordonnance, mais qui importe dans la décision, à tort et de manière inappropriée, un terme catégorique et une dimension qui en sont absents.
[31]
La question soumise à la protonotaire Tabib (et à la Cour) n’est pas de savoir si le jugement Gagné interdit le dépôt d’un nouveau rapport d’expert indéfini, mais plutôt de savoir si le jugement Gagné empêche le dépôt du second rapport Rosenblum. La protonotaire Tabib devait simplement trancher la question de savoir si la tentative de M. Boily de déposer ce second rapport Rosenblum allait à l’encontre des conclusions du jugement Gagné. En étendant la portée de l’ordonnance et en la décrivant comme une interdiction générale et permanente de son droit fondamental de déposer tout rapport d’expert sur le droit international et sur la situation des droits de la personne au Mexique, M. Boily a simplement mal interprété le contenu et les conclusions de l’ordonnance de la protonotaire Tabib.
[32]
Après avoir parcouru et examiné le second rapport Rosenblum à la lumière du jugement Gagné, je n’hésite pas à conclure qu’il était clairement interdit à M. Boily de le déposer et que la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur en le radiant.
(1)
Analyse comparative des deux rapports Rosenblum
[33]
L’ordonnance conclut d’abord que les deux versions du rapport Rosenblum sont semblables. Une analyse comparative des deux versions du rapport Rosenblum confirme que la protonotaire Tabib n’a commis aucune erreur en tirant cette importante conclusion de fait et en déterminant que le second rapport Rosenblum n’était qu’une version légèrement révisée du premier rapport. À toutes fins utiles, les deux rapports sont quasiment identiques.
[34]
Le premier rapport Rosenblum était divisé en quatre sections réparties sur 12 pages : 1) un survol de la qualification professionnelle de l’expert; 2) un aperçu de son opinion; 3) une section d’analyse comprenant quatre sous-sections portant sur les problèmes et les enjeux liés aux garanties diplomatiques et une cinquième sous-section intitulée [traduction] « Obligations accrues découlant des garanties »
; 4) une conclusion. La sous-section intitulée [traduction] « Obligations accrues découlant des garanties »
s’étend sur trois pages et aborde des éléments spécifiques du cas de M. Boily et de la situation des droits de la personne au Mexique au moment de son extradition. C’est cette section qui comportait les passages que le protonotaire Morneau et la juge Gagné avaient, à juste titre, jugés irrecevables en tant que preuve d’expert, puisqu’ils tiraient des conclusions juridiques sur des questions qui devaient être tranchées par la Cour.
[35]
Quant à lui, le second rapport Rosenblum conservait exactement la même structure et avait les mêmes quatre sections. Il comportait : 1) un survol de la qualification professionnelle du professeur Rosenblum; 2) un aperçu de son opinion; 3) une section d’analyse comprenant les mêmes quatre sous-sections portant sur les problèmes et les enjeux liés aux garanties diplomatiques et une cinquième sous-section désormais intitulée [traduction] « Appréciation des garanties à la lumière de rapports et de recherches crédibles sur les droits de la personne »
; et 4) une conclusion. La sous-section [traduction] « Appréciation des garanties à la lumière de rapports et de recherches crédibles sur les droits de la personne »
fait trois pages et traite de la situation des droits de la personne au Mexique, tout en omettant les passages fautifs faisant référence au cas de M. Boily. Le second rapport reprenait toutefois plusieurs passages du premier rapport Rosenblum concernant la situation des droits de la personne au Mexique, entrelacés avec de nouveaux commentaires plus détaillés sur les conditions qui prévalaient au Mexique au moment de l’extradition de M. Boily.
[36]
Les différences entre les rapports sont marginales. Celles‑ci sont résumées dans le tableau suivant
[1]
: [traduction]
Premier rapport Rosenblum
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Second rapport Rosenblum
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On m’a demandé de fournir une opinion sur les normes qui devraient être respectées par un État qui choisit de se fier aux garanties diplomatiques dans le cadre d’une extradition.
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On m’a demandé de fournir une opinion sur les normes qui, selon le droit international, devraient être respectées par un État qui choisit de se fier aux garanties diplomatiques dans le cadre d’une extradition ainsi que sur la situation des droits de la personne au Mexique, telle qu’elle était connue au sein de la communauté internationale dans les années 1990 et 2000.
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Je suis d’avis, comme je l’explique ci‑dessous, que les États d’origine qui se fient aux garanties diplomatiques ont de réelles obligations permanentes...
|
Je suis d’avis, comme je l’explique ci‑dessous, qu’en droit international, les États d’origine (c.‑à‑d. les États extradants) qui se fient aux garanties diplomatiques ont de réelles obligations permanentes...
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[…]
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[…]
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(ii) les États d’origine doivent prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les garanties sont respectées. Les dernières sections de l’opinion examinent certains doutes que soulèvent les garanties offertes par le gouvernement du Mexique dans le cas présent.
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(ii) les États d’origine doivent prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les garanties sont respectées. Les obligations internationales doivent être appréciées à la lumière des garanties particulières qui doivent, elles aussi, être appréciées en tenant compte des renseignements accessibles les plus crédibles. La dernière section de l’opinion traite de la situation des droits de la personne au Mexique, telle qu’elle était connue au sein de la communauté internationale dans les années 1990 et 2000, à la lumière de travaux de recherches largement accessibles et reconnus en matière de droits de la personne.
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[EN BLANC/BLANK]
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L’opinion ne comporte aucune conclusion sur la façon précise dont le droit international s’applique au cas de M. Boily.
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[Remarque : les sections a) à d) sont identiques.]
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[Remarque : les sections a) à d) sont identiques.]
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e) Obligations accrues découlant des garanties
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e) Appréciation des garanties à la lumière de rapports et de recherches crédibles sur les droits de la personne
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Les mesures de protection dont il a été question jusqu’à maintenant, y compris celles proposées par le professeur Van Boven, ne constituent qu’un [traduction] « cadre de référence » et un [traduction] « minimum » (A/59/324/paragraphe 41) et doivent être adaptées en fonction des circonstances. Ces circonstances comprennent les conditions qui prévalent dans le pays et les préoccupations particulières que pose la personne extradée.
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Les mesures de protection dont il a été question jusqu’à maintenant, y compris celles proposées par le professeur Van Boven, ne constituent qu’un [TRADUCTION] « cadre de référence » et un [TRADUCTION] « minimum » (A/59/324/paragraphe 41) et elles doivent être adaptées en fonction des circonstances. Ces circonstances comprennent : (i) les conditions qui prévalent dans l’État d’accueil et (ii) les préoccupations particulières que pose la personne extradée.
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[…]
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[EN BLANC/BLANK]
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[EN BLANC/BLANK]
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[Remarque : La section e) omet les avis juridiques concernant le cas de M. Boily et ajoute quelques détails sur la situation des droits de la personne au Mexique]
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Dans cette optique et d’après la jurisprudence susmentionnée, l’État d’origine est tenu de se conformer à des exigences de fond en matière de surveillance, y compris...
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Dans cette optique et d’après la jurisprudence susmentionnée, l’État d’origine est contraint par le droit international de se conformer à des exigences de fond en matière de surveillance, y compris...
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[…]
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[…]
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Selon la jurisprudence et les travaux du Rapporteur spécial sur la torture, l’État d’origine, en particulier s’il a le même niveau d’engagement que le Canada à l’égard des droits internationaux de la personne, serait conscient du fait que le risque de torture est plus élevé au début...
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Selon la jurisprudence et les travaux du Rapport spécial sur la torture, l’État d’origine serait conscient du fait que le risque de torture est plus élevé au début...
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[37]
Cette synthèse ne mène qu’à une seule conclusion : les deux rapports sont essentiellement identiques, à l’exception de la sous-section e) de la section [traduction] « Discussion »
de laquelle l’avis juridique inadmissible du professeur Rosenblum concernant le cas de M. Boily a été supprimé et de certains éléments portant sur la situation des droits de la personne au Mexique qui ont été ajoutés au second rapport Rosenblum, enrichissant ainsi ce qui avait déjà été abordé dans le premier rapport Rosenblum. L’opinion et la conclusion du professeur Rosenblum demeurent les mêmes dans les deux rapports. La section au complet portant sur les garanties diplomatiques est identique dans les deux rapports. Je fais en outre remarquer que les nouveaux commentaires plus détaillés sur la situation des droits de la personne au Mexique ne font pas l’objet d’un paragraphe distinct et ne sont pas isolés ou séparés des parties du premier rapport Rosenblum qui traitaient de cette question; ils y ont plutôt été intégrés afin de former une seule analyse. Il ressort donc clairement de cette synthèse qu’en déposant le second rapport Rosenblum, M. Boily n’a pas simplement tenté de déposer un autre rapport d’expert. Il a choisi de déposer ce qui était essentiellement le même rapport que le premier rapport Rosenblum que le protonotaire Morneau et la juge Gagné avaient examiné dans leur décision respective et radié dans son intégralité. Essentiellement, le second rapport Rosenblum traitait des mêmes sujets et reprenait la même expertise que le premier rapport Rosenblum.
[38]
Je souligne que le jugement Gagné ne s’est pas contenté de radier les commentaires jugés comme étant des avis juridiques irrecevables. Il a confirmé l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire Morneau de radier le premier rapport Rosenblum dans son intégralité, ce qui fait en sorte que les divers éléments d’expertise contenus dans le premier rapport Rosenblum avaient tous été retirés du dossier, qu’ils aient eu trait au droit international en matière de garanties diplomatiques, à l’avis juridique irrecevable traitant du cas de M. Boily ou à la situation des droits de la personne au Mexique. Il n’a pas été appelé de cette décision, et il y avait, par conséquent, chose jugée relativement à tous les éléments de cette décision.
[39]
À la lumière de ce qui précède, la protonotaire Tabib n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant que le second rapport Rosenblum était essentiellement une réincarnation du premier. Tout au long de ses observations, M. Boily perd de vue le contenu réel du second rapport Rosenblum et à quel point il est similaire au premier rapport Rosenblum radié par le jugement Gagné. Il était évident et manifeste que le second rapport Rosenblum n’était pas conforme au jugement Gagné, puisqu’il incorporait essentiellement les éléments et l’expertise même que la Cour avait déjà radiés.
(2)
Les conséquences liées au refus du remède subsidiaire
[40]
L’ordonnance a ensuite soulevé le fait que le second rapport Rosenblum, tel qu’il avait été rédigé, équivalait au remède subsidiaire refusé par le jugement Gagné. Là encore, je suis persuadé que la protonotaire Tabib n’a commis aucune erreur, encore moins une erreur manifeste et dominante, en analysant les effets du jugement Gagné et en concluant que le second rapport Rosenblum n’était rien de moins que le remède subsidiaire que M. Boily avait expressément sollicité dans le cadre de de son appel de l’ordonnance du protonotaire Morneau, que la juge Gagné a expressément examinée et puis, en fin de compte, refusé d’accorder. Une fois de plus, il s’agissait de la bonne interprétation du jugement Gagné.
[41]
Dans les observations présentées à la juge Gagné, M. Boily lui avait clairement demandé d’envisager, à titre subsidiaire, de ne radier que les passages inadmissibles du premier rapport Rosenblum, plutôt que de le radier au complet. Ce remède ne lui a pas été accordé, étant donné que le protonotaire Morneau et la juge Gagné ont décidé de radier l’intégralité du rapport. Il est utile de reproduire les paragraphes pertinents du jugement Gagné à cet égard. Voici ce que la juge Gagné a déclaré aux paragraphes 46, 49 et 50 de sa décision :
[46] Toutefois, cet argument interprète mal les décisions que le protonotaire Morneau devait rendre après avoir apprécié la requête en radiation présentée par la Couronne. Une fois que le protonotaire Morneau a tiré la conclusion de droit selon laquelle le rapport contenait une preuve d’expert inadmissible, il devait exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider de radier le rapport en entier, de le radier en partie ou laisser cette décision au juge de procès. Sa décision finale de radier le rapport au stade préliminaire avant le procès et dans son intégralité était un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire en sa qualité de responsable de la gestion de l’instance.
[…]
[49] À mon humble avis, si les pages 10 à 12 avaient été omises du rapport, le protonotaire Morneau aurait commis une erreur de droit en radiant le rapport. Toutefois, en présentant une opinion d’expert contenant une conclusion de droit sur le droit international tel qu’il s’applique aux faits de l’espèce, M. Boily a soumis une preuve d’expert irrecevable et, par conséquent, il a assumé le risque que le rapport soit radié dans son intégralité.
[50] M. Boily a avancé de solides arguments pour expliquer pourquoi le rapport devrait simplement être radié en partie ou pour expliquer pourquoi la décision sur l’admissibilité du rapport devrait revenir au juge de procès. Toutefois, la procédure devant la Cour est un appel de la décision d’un protonotaire, laquelle doit être contrôlée en fonction d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste et dominante quant aux conclusions de fait ou aux conclusions mixtes de fait et de droit. L’ordonnance du protonotaire Morneau ne contient aucune erreur de la sorte. Par conséquent, la requête en appel de M. Boily à l’encontre de l’ordonnance est rejetée.
[Je souligne.]
[42]
À la lumière de ces énoncés, je ne détecte aucune erreur dans la conclusion de la protonotaire Tabib selon laquelle le second rapport Rosenblum ne diffère pas du remède subsidiaire refusée à M. Boily dans le jugement Gagné : il s’agit du premier rapport Rosenblum dont les parties inadmissibles ont été supprimées et qui reproduit en fait la demande faite par M. Boily à la juge Gagné. Après avoir examiné les deux rapports Rosenblum, la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante, ou quelque erreur de droit que ce soit, en soulignant que le second rapport Rosenblum [traduction] « est ce que le demandeur aurait été en droit de signifier et déposer si la Cour lui avait accordé le remède subsidiaire sollicité dans le cadre de son appel de l’ordonnance [du protonotaire Morneau] : un rapport d’expert révisé du Dr Rosenblum, duquel les conclusions fautives ont été supprimées »
(ordonnance, aux pp 3 et 4). Je m’arrête un instant pour faire remarquer que les ajouts périphériques apportés à l’analyse relative à la situation des droits de la personne au Mexique n’étaient qu’une continuation et un prolongement de l’expertise déjà contenue dans le premier rapport Rosenblum sur ce sujet et radiée par le jugement Gagné.
[43]
Étant donné que le jugement Gagné a mis en évidence l’exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire du protonotaire Morneau de radier l’intégralité du rapport, y compris ses parties admissibles, afin de prévenir d’autres retards « pour une action qui traîne déjà en longueur depuis plusieurs années »
(Boily au para 48), nul ne peut affirmer que la protonotaire Tabib a mal interprété le texte du jugement Gagné, ou le contexte dans lequel il a été rédigé, lorsqu’elle a conclu que ce jugement empêchait M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum. Je suis prêt à reconnaître que le jugement Gagné n’interdit pas explicitement à M. Boily de déposer « tout »
nouveau rapport d’expert, mais, comme je l’ai déjà mentionné, ce n’était pas la question que la protonotaire Tabib avait à trancher ou sur laquelle elle s’est prononcée. Toutefois, la protonotaire Tabib a certainement interprété correctement le jugement Gagné en concluant qu’il empêchait M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum, puisque cela renvoyait à ce que la juge Gagné avait précisément refusé à titre de remède subsidiaire.
[44]
J’ajouterais que, lorsque la Cour ou la Cour d’appel fédérale juge un rapport d’expert inadmissible, au motif qu’il n’est pas conforme à un ou à plusieurs des quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Mohan, il n’est pas rare que le rapport soit radié dans son intégralité, sans que l’autorisation de déposer une version modifiée soit accordée. Par exemple, dans Canada (Bureau de régie interne) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 43, citée par la défenderesse, la CAF a infirmé une décision de la présente Cour confirmant celle d’un protonotaire de laisser au juge qui entendrait l’affaire sur le fond le soin de statuer sur la question de l’admissibilité. L’affidavit en cause, qui était considéré comme un affidavit d’expert, malgré le fait qu’il n’avait pas été déposé correctement en tant que rapport d’expert, a été entièrement radié par la CAF, au motif qu’il contenait un avis juridique irrecevable. Il n’est pas contesté qu’un juge responsable de la gestion de l’instance détient clairement le pouvoir discrétionnaire de radier un rapport d’expert en totalité, ou en partie, s’il ne satisfait pas aux critères de l’arrêt Mohan concernant l’admissibilité de la preuve d’expert. M. Boily n’a renvoyé la Cour à aucune décision en infirmant une autre qui radiait un rapport d’expert dans son intégralité, au motif que c’était injuste ou qu’il s’agissait d’un abus du pouvoir discrétionnaire (au lieu de simplement supprimer les parties problématiques).
[45]
Dans certains cas, cette mesure pourrait sembler draconienne. M. Boily aurait pu interjeter appel du jugement Gagné s’il n’était pas en accord avec la radiation du premier rapport Rosenblum dans son intégralité. Or, il s’est abstenu, et il doit vivre avec les conséquences de son choix ainsi que du fait que tous les éléments de l’expertise contenus dans le rapport ont maintenant été radiés du dossier et qu’ils ne peuvent pas y être réintégrés de façon indirecte ou détournée. Lorsqu’un protonotaire conclut qu’une partie « “contourn[e]” la procédure d’appel en tentant d’obtenir la même réparation que celle qu’elle demandait dans [une] autre instance »
, il ne commet pas d’erreur en refusant le rapport d’expert modifié (Apotex Inc c Abbott Laboratories Ltd, 2006 CAF 294, aux para 5 à 7).
(3)
La portée de l’ordonnance de la protonotaire Tabib
[46]
M. Boily s’oppose particulièrement à certaines déclarations contenues dans les motifs de la protonotaire Tabib qui, à son avis, donnent à penser que l’ordonnance allait au‑delà du second rapport Rosenblum et insinuait que tout rapport d’expert sur le droit international portant sur les garanties diplomatiques et sur la situation des droits de la personne au Mexique serait irrecevable. Plus précisément, M. Boily fait référence à deux passages où la protonotaire Tabib écrit que les conclusions de la juge Gagné [traduction] « mettent clairement un terme à la possibilité d’autoriser le demandeur à déposer, en vue du procès, une expertise autrement admissible sur le droit international ou la situation des droits de la personne au Mexique au moment de l’extradition du demandeur »
et que [traduction] « [l]e droit du demandeur de signifier et déposer un rapport d’expert dans la présente affaire est donc, en réalité, épuisé [...] »
[je souligne.]
[47]
Je ne partage pas l’interprétation de M. Boily de ces extraits de l’ordonnance ni ses préoccupations à leur égard. Premièrement, ces remarques doivent être interprétées dans le contexte de la décision de la protonotaire Tabib dans son ensemble. Ainsi, lorsque ces extraits sont dûment examinés dans leur contexte, je constate qu’ils n’ont pas la portée universelle que M. Boily tente vaillamment de leur attribuer. Je souligne de nouveau que les conclusions finales et l’ordonnance de la protonotaire Tabib ne vont pas au‑delà de ce que la défenderesse a demandé : elles se limitent expressément à radier le second rapport Rosenblum, et rien d’autre. De plus, je fais remarquer que le premier extrait cité par M. Boily était précédé des mots suivants : [traduction] « [d]ans le contexte où le demandeur a explicitement demandé le remède subsidiaire consistant à ne radier que certaines parties du premier rapport Rosenblum […] »
. Ainsi, [traduction] l’« expertise autrement admissible »
est évidemment liée au premier rapport Rosenblum. Quant au deuxième extrait, il faisait partie d’un paragraphe portant expressément sur le rapport d’expert produit par M. Boily et sur le fait que le recours à une version modifiée du rapport avait été refusé. Encore une fois, il est manifestement lié au premier rapport Rosenblum, et non à tout rapport non précisément défini.
[48]
Je concède que les motifs auraient pu être rédigés dans un vocabulaire plus précis, de manière à éviter la confusion apparemment créée par les mentions de [traduction] l’« expertise autrement admissible »
et [traduction] d’« un »
rapport d’expert, et qu’un choix de mots plus clair aurait peut‑être été préférable. Toutefois, compte tenu du contexte général de la décision et du fait que l’ordonnance en tant que telle se limite au second rapport Rosenblum, je suis convaincu que ces passages doivent être interprétés comme étant limités au premier rapport Rosenblum et à son contenu. À mon avis, l’ordonnance ne peut être interprétée comme comportant des conclusions allant au‑delà du second rapport Rosenblum ou comme si elle délimitait le droit général que peut encore avoir M. Boily de déposer un nouveau rapport d’expert qui différerait du premier rapport Rosenblum.
[49]
Deuxièmement, même si je devais supposer que l’ordonnance de la protonotaire s’appliquait à tous les rapports d’expert susceptibles d’être déposés, et non pas uniquement au second rapport Rosenblum, cela signifierait que la décision de la protonotaire Tabib aurait statué ultra petita et qu’elle aurait accordé plus que ce que la défenderesse avait demandé. Le principe interdisant de statuer ultra petita signifie qu’un tribunal ne doit pas accorder plus qu’il n’a été demandé par les parties (Planification‑Organisation‑Publications Systèmes (POPS) Ltée c 9054‑8181 Québec Inc, 2014 CAF 185 (POPS), au para 34; Société canadienne de perception de la copie privée c Canadian Storage Media Alliance, 2004 CAF 424, au para 173). Dans un tel cas, le tribunal pourrait « atténuer l’interprétation »
et réformer la décision, de façon à ne plus accorder plus que ce que les parties ont demandé (POPS, au para 35). De plus, comme les déclarations problématiques citées par M. Boily se trouvent dans les motifs de la protonotaire Tabib, mais qu’elles ne se reflètent pas dans les conclusions mêmes de son ordonnance, elles devraient plutôt être qualifiées de remarques incidentes non contraignantes plutôt que de remarques allant à l’encontre de l’interdiction de statuer ultra petita (Olymel – Société en commandite c Union internationale des travailleurs et travailleuses uni(e)s de l’alimentation et de commerce, [2002] RJQ 658 (CA QC), au para 48; Association patronale des entreprises en construction du Québec c Association de la construction du Québec, 2009 QCCS 3236, au para 92).
[50]
M. Boily reproche également à la protonotaire Tabib d’avoir déclaré que [traduction] « l’autorisation d’invoquer une version modifiée a été refusée »
, ce qu’il affirme être erroné. Encore une fois, cette déclaration doit être interprétée dans son contexte. Elle a été faite relativement au remède subsidiaire demandé par M. Boily et à laquelle renvoie l’ordonnance. M. Boily avait expressément demandé à la juge Gagné de ne radier que les paragraphes portant sur l’application des obligations internationales du Canada au cas de M. Boily, un remède qu’elle a ultimement refusé de lui accorder. Autrement dit, la juge Gagné n’a pas acquiescé à la demande d’autorisation de M. Boily de déposer un rapport d’expert révisé, duquel les éléments de preuve irrecevables seraient retirés. À mon avis, c’est ce à quoi la protonotaire Tabib faisait référence lorsqu’elle a mentionné le fait que [traduction] « l’autorisation d’invoquer une version modifiée »
du rapport a été refusée. Il ne s’agissait pas d’une autorisation de déposer un rapport d’expert modifié, comme l’a décrit M. Boily dans ses observations.
[51]
À la lumière de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la protonotaire Tabib a commis une erreur dans son interprétation du jugement Gagné et de ses effets sur le second rapport Rosenblum. Son interprétation est clairement appuyée par le texte de ce jugement, et aucune question concernant les Règles ou l’état du droit sur l’admissibilité d’une preuve d’expert ne se pose dans les circonstances. Une telle question se poserait seulement si l’ordonnance portait sur le droit plus général de M. Boily de déposer tout rapport d’expert. Ce n’était pas le cas.
B.
Le principe de la chose jugée interdit à M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum
[52]
Le deuxième motif d’appel que fait valoir M. Boily, et qui est étroitement lié au premier, est que le principe de la chose jugée ne s’applique pas de façon à l’empêcher de déposer le second rapport Rosenblum. Il soutient, en invoquant l’article 2848 du Code civil du Québec, que trois identités doivent exister entre le jugement en question et la matière contentieuse subséquente pour qu’un jugement ait l’effet de la chose jugée : 1) l’identité de cause; 2) l’identité des parties; et 3) l’identité d’objet, qui fait référence à l’avantage ou au droit que la partie ayant obtenu gain de cause dans le jugement existant souhaite conserver (Ungava Mineral Exploration Inc c Mullan, 2008 QCCA 1354 [Ungava], au paragraphe 77, citant Pesant c Langevin (1926), 41 BR 412, pp 421 et 422). M. Boily prétend qu’en l’espèce, l’objet fait allusion à la négation de son droit de déposer le premier rapport Rosenblum, au motif qu’il contenait des éléments de preuve inadmissibles, et non pas à tout rapport d’expert subséquent sur le droit international ou la situation des droits de la personne au Mexique au moment de son extradition.
[53]
Je ne souscris pas à la proposition de M. Boily selon laquelle le jugement Gagné et sa tentative de déposer le second rapport Rosenblum ne partagent pas, en quelque sorte, le même objet.
[54]
À la suite de mon analyse du second rapport Rosenblum et du principe de la chose jugée, je conclus qu’il y avait bel et bien chose jugée quant au second rapport Rosenblum et que la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur en le radiant. Là encore, je reconnais que le jugement Gagné n’empêchait peut‑être pas M. Boily de déposer toute preuve d’expert potentielle ayant trait au droit international ou à la situation des droits de la personne au Mexique, et que l’objet du jugement Gagné n’est pas le refus d’admettre toute preuve d’expert. Toutefois, le jugement Gagné a certainement radié le premier rapport Rosenblum dans son intégralité, et ce jugement avait tout aussi certainement pour objet de nier à M. Boily le droit de déposer le premier rapport Rosenblum, y compris tous les éléments de l’expertise qu’il contenait. L’avantage que la défenderesse a retenu du jugement Gagné est le fait d’empêcher que M. Boily dépose à nouveau, séparément ou dans un nouveau rapport révisé, tous les éléments constitutifs de l’expertise contenus dans le premier rapport Rosenblum. Comme il a déjà été mentionné, le jugement Gagné n’a pas uniquement radié les passages fautifs irrecevables; il a confirmé l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire Morneau de radier le premier rapport Rosenblum dans son intégralité, et il s’applique à tous les éléments et les sujets abordés et analysés dans le rapport.
[55]
Il s’agit exactement de ce que M. Boily a tenté de déposer à nouveau au moyen du second rapport Rosenblum, ce rapport révisé se résumant à une répétition du premier rapport Rosenblum. M. Boily aurait pu essayer de déposer un rapport d’expert distinct ou différent, excluant clairement l’ensemble des éléments du premier rapport Rosenblum que le jugement Gagné avait radiés. Dans un tel cas, il n’y aurait peut‑être pas eu d’identité d’objet. Toutefois, au lieu de recourir à cette possibilité, M. Boily a choisi de déposer le second rapport Rosenblum qui était quasiment identique au premier et qui reprenait mot pour mot ce qui avait été radié. Il y avait certainement chose jugée concernant les passages précis du second rapport Rosenblum qui portaient sur le droit international relatif aux garanties diplomatiques et concernant les commentaires formulés au sujet de la situation des droits de la personne au Mexique qui ont été ajoutés à des passages déjà radiés par le jugement Gagné. Autrement dit, le principe de la chose jugée s’appliquait bel et bien afin d’empêcher M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum dans la mesure où il était une copie quasiment conforme du premier rapport Rosenblum radié par le jugement Gagné.
[56]
Je suis d’accord avec M. Boily pour dire qu’en examinant la similarité de l’objet en fonction du principe de la chose jugée, la Cour doit tenir compte de l’objet du jugement, plutôt que de celui du rapport qui le sous‑tend. Étant donné que la décision de la juge Gagné a confirmé que le premier rapport Rosenblum était radié dans son intégralité, la meilleure façon de caractériser l’objet de ce jugement serait de parler de la négation du droit de M. Boily de déposer en preuve toutes les parties recevables et irrecevables de ce rapport d’expert. C’est ce droit qui a été nié dans le jugement Gagné. M. Boily a également tenté de présenter en preuve devant la protonotaire Tabib les parties autrement admissibles de l’expertise contenues dans le premier rapport Rosenblum. Le débat qui a eu lieu devant la protonotaire Tabib concernant le second rapport Rosenblum portait donc sur le même contenu et les mêmes questions qui avaient déjà fait l’objet d’un débat devant la juge Gagné relativement au premier rapport Rosenblum et au remède subsidiaire. Comme la Cour d’appel du Québec l’a déclaré dans l’arrêt Ungava, cela correspond sans aucun doute à l’identité d’objet et au principe de la chose jugée :
[…] En d’autres termes, si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l’accomplissement de la même obligation, entre les mêmes parties, il y a chose jugée.
(Ungava, au para 77)
[57]
Une fois de plus, le principal problème avec l’argument de M. Boily concernant le principe de la chose jugée relève du fait qu’il a interprété l’ordonnance comme si elle s’appliquait à tout rapport d’expert et qu’il fait fi de la très grande similarité entre les deux versions du rapport Rosenblum. Comme c’était le cas pour la protonotaire Tabib, cette Cour n’est pas appelée à se prononcer sur l’admissibilité de toute preuve d’expert en matière de droit international et de droit de la personne au Mexique; elle est plutôt appelée à se prononcer sur la question de savoir si la protonotaire Tabib a commis une erreur en concluant que le jugement Gagné interdisait expressément à M. Boily de déposer ce que la juge Gagné lui avait refusé à titre de remède subsidiaire, c’est‑à‑dire le même rapport, sans les passages contestés et irrecevables. La question de savoir si le jugement Gagné empêche M. Boily de déposer tout rapport d’expert sur les questions de droit international ou sur la situation des droits de la personne au Mexique n’est pas la question soulevée par le présent appel. Toutefois, il ne fait aucun doute que le jugement Gagné et le principe de la chose jugée empêchent M. Boily de déposer le second rapport Rosenblum, puisqu’il reprend la preuve d’expert déjà radiée par la Cour et qu’il tente de le déposer de nouveau au dossier, de manière détournée.
[58]
M. Boily soutient que des tribunaux du Québec et de l’ensemble du pays ont accepté que les parties puissent déposer de nouveaux rapports d’expert ou des versions révisées de ceux‑ci lorsque la version originale est radiée par le tribunal (Paillé c Lorcon Inc, [1985] RDJ 421 (CA QC) [Paillé]; Anderson v Canada (Attorney General), 2015 NLTD(G) 181 (NL SC) [Anderson]; Maras v Seemore Entertainment Ltd, 2014 BCSC 1109 [Maras]; Mitsui & Co (Point Aconi) Ltd v Jones Power Co Limited et al, 2001 NSSC 178 [Mitsui]). De même, il affirme que les parties sont autorisées à entamer une nouvelle instance s’il y a désistement ou rejet d’une instance précédente pour des motifs procéduraux, pourvu qu’il n’y ait pas d’autres obstacles tels qu’une période de prescription (Envireen Construction (1997) Inc c Canada, 2007 CF 70 [Envireen]; Arbutus Environmental Services v Stewart, 2000 BCCA 261; Automated Tank Manufacturing Inc c Bertelsen, 2012 CAF 307).
[59]
Il est facile de faire la distinction entre les affaires invoquées par M. Boily et la présente affaire, puisqu’elles traitent de situations où les tribunaux ont émis des directives particulières quant à la façon dont le rapport pourrait être modifié ou remplacé par un nouveau rapport. Aucune directive de ce genre n’existe dans le jugement Gagné et, en fait, la juge Gagné s’est expressément abstenue d’ordonner cela dans sa décision. Dans l’arrêt Paillé, la Cour d’appel du Québec a conclu qu’un rapport d’expert était une preuve admissible et que sa valeur probante devait être déterminée à l’audience. De toute évidence, la présente affaire ne concerne pas l’erreur qu’un juge de première instance aurait commise en ne faisant pas la distinction entre l’admissibilité de la preuve et la force probante qui doit y être accordée. L’affaire Anderson se distingue également du fait que les demandeurs se sont vus accorder le remède subsidiaire que M. Boily s’est vu expressément refuser dans le jugement Gagné, à savoir la possibilité de ne supprimer que les parties inadmissibles du rapport d’expert. Dans l’affaire Maras, la cour a explicitement donné l’occasion à une partie de déposer un rapport révisé, sous certaines conditions et directives particulières. De même, dans l’affaire Mitsui, le juge responsable de la gestion de l’instance a jugé que le rapport était irrecevable dans la forme dans laquelle il avait été rédigé; le juge a donc ordonné que le rapport soit modifié ou remplacé par un nouveau rapport. Rien du genre, que ce soit une autorisation ou une directive, prévoyant expressément le dépôt d’un autre rapport d’expert, ne se trouve expressément dans le jugement Gagné.
[60]
M. Boily se demande maintenant ce qu’il a le droit de déposer comme preuve d’expert, et ses avocates ont indiqué à l’audience qu’il se tournait vers la Cour pour obtenir des directives. En tout respect, ce n’est pas la question que j’ai à trancher en l’espèce. Je n’ai ni l’obligation ni, évidemment, le pouvoir de décider si M. Boily peut être autorisé à déposer un autre rapport d’expert qui, par exemple, ne reprendrait clairement pas l’expertise expressément radiée par suite du jugement Gagné. Il s’agit d’une question très factuelle dont la réponse dépendrait du contenu même de tout autre rapport d’expert que M. Boily pourrait essayer de soumettre. Il incomberait au juge responsable de la gestion de l’instance de trancher cette question dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, à la lumière du rapport d’expert particulier envisagé et du contexte procédural de l’instance à ce moment-là.
[61]
Cependant, une chose est claire. M. Boily ne pouvait pas déposer une preuve d’expert reprenant les éléments et le contenu expressément abordés dans le premier rapport Rosenblum. Avec le jugement Gagné et sa décision de ne pas interjeter appel, M. Boily a déjà joué ses cartes sur ce front et il a perdu l’occasion de déposer la preuve d’expert contenue dans le premier rapport Rosenblum. C’est ce que l’ordonnance de la protonotaire Tabib a confirmé et établi à juste titre en radiant le second rapport Rosenblum.
C.
Aucune erreur n’a été commise en concluant que M. Boily avait commis un abus de procédure
[62]
Comme troisième argument contre l’ordonnance, M. Boily soutient qu’il n’a pas commis d’abus de procédure en tentant, de bonne foi, de se conformer aux motifs du jugement Gagné. Il prétend que la notion d’abus de procédure, telle qu’elle est définie par la CSC, vise à prévenir les injustices fondamentales commises à l’encontre d’une partie dans un litige (Toronto (Ville) c SCFP, section locale 79, 2003 CSC 63 [Toronto (Ville)], au para 37), et que la protonotaire Tabib ne l’a pas appliquée correctement. Il concède qu’il peut être déclaré qu’une partie utilisant un mécanisme procédural pour ne pas prendre en compte ou pour contourner les conséquences d’une ordonnance judiciaire a abusé du processus judiciaire, mais il fait remarquer que, dans ces cas, c’est parce que cette conduite cause un préjudice à l’autre partie à l’instance (Jazz Air LP c Administration portuaire de Toronto, 2007 CF 624 [Jazz], aux para 35 et 36, conf. par 2007 CAF 304; Envireen, au para 14).
[63]
M. Boily fait donc valoir qu’en examinant la question de savoir s’il a commis un abus de procédure, la Cour devrait se concentrer sur celle de savoir s’il a tenté de contourner les conséquences réelles du jugement Gagné et si le dépôt du second rapport Rosenblum cause un préjudice à la défenderesse. M. Boily affirme que ce n’est pas le cas. Il prétend que, loin d’essayer de contourner les conséquences du jugement Gagné, il a plutôt tenté, de bonne foi, de s’assurer que le second rapport Rosenblum soit conforme à la décision de la Cour quant au contenu admissible et celui qui ne l’était pas. M. Boily ajoute que le dépôt du second rapport Rosenblum n’annule pas les effets réels du jugement Gagné : même s’il obtient gain de cause sur le fond, il a perdu le droit de réclamer les dépens associés au premier rapport Rosenblum et il a reçu l’ordre de payer les dépens pour la première requête en radiation, malgré le fait que la Cour avait rejeté l’argument principal de la défenderesse selon lequel la preuve d’expert sur le droit international était, à première vue, irrecevable. De plus, M. Boily a dû engager des coûts additionnels pour la préparation du second rapport Rosenblum.
[64]
Je ne suis pas convaincu par les arguments de M. Boily, pas plus que je ne suis persuadé que la protonotaire Tabib a commis une erreur manifeste et dominante en concluant à un abus de procédure dans les circonstances.
[65]
Le pouvoir d’un tribunal de radier des actes de procédure ou des éléments de preuve inadmissibles découle de sa compétence inhérente qui lui permet de mettre un terme à un litige en vue d’empêcher et de sanctionner les procédures abusives et les abus du processus judiciaire (Toronto (Ville), au para 35; Mazhero c Fox, 2014 CAF 219 [Mazhero], au para 34; Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50 [Compagnie d’assurance vie RBC], aux para 33 et 36). M. Boily fait valoir que la notion d’abus de procédure est axée sur la prévention d’une injustice fondamentale envers une partie dans un litige. C’est exact. Toutefois, cela ne décrit que partiellement la notion d’abus de procédure.
[66]
La notion de l’abus de procédure est une notion discrétionnaire et souple qui empêche notamment l’engagement d’une nouvelle instance à l’égard de questions déjà tranchées par les tribunaux, dans les cas où cela minerait le caractère définitif d’un jugement et déconsidérerait l’administration de la justice (Toronto (Ville), au para 37; Mancuso c Canada (Santé Nationale et Bien‑être Social), 2015 CAF 227, au para 40). Son objectif est d’éviter que les mêmes points soient débattus à nouveau et d’empêcher les situations irrégulières qui accompagnent les décisions incohérentes, lesquelles, pour leur part, porteraient atteinte aux principes du caractère définitif des instances et du respect de l’administration de la justice.
[67]
Comme la CSC l’a déclaré dans l’arrêt Toronto (Ville), « [...] les tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée [...] n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice »
(Toronto (Ville), au para 37; voir également Colombie‑Britannique (Workers’ Compensation Board) c Figliola, 2011 CSC 52, au para 33). En ce sens, elle peut être considérée comme une notion complémentaire ou auxiliaire à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et au principe de la chose jugée qui empêchent eux aussi la réouverture d’une affaire dans les circonstances appropriée, afin de préserver l’intégrité du processus judiciaire (Toronto (Ville), aux para 38 et 42). La CSC a également souligné que, pour une même question, si l’issue d’une instance subséquente diffère de la conclusion tirée dans la première, la différence nuira à la crédibilité de l’ensemble du processus judiciaire et diminuera ainsi son autorité, sa crédibilité et son caractère irrévocable : « il est donc évident que la remise en cause s’accompagne de graves effets préjudiciables et qu’il faut s’en garder à moins que des circonstances n’établissent qu’elle est, dans les faits, nécessaire à la crédibilité et à l’efficacité du processus juridictionnel dans son ensemble »
(Toronto (Ville), aux para 51 et 52). Autrement dit, la notion de l’abus de procédure concerne également l’intégrité du processus juridictionnel, et les intérêts et les intentions des parties ne constituent pas toujours ou nécessairement des facteurs décisifs (Toronto (Ville) aux para 45, 46 et 51).
[68]
Dans ce contexte, la décision d’un juge des requêtes qui statue sur la question de savoir si remise en cause de questions et de faits importants constitue un abus de procédure est de nature discrétionnaire (Toronto (Ville), au para 35).
[69]
De plus, il est reconnu que les tentatives de contourner une ordonnance procédurale peuvent constituer un abus de procédure (Jazz, aux para 24 et 35 à 37). Dans Mazhero, le juge Stratas a conclu que le non‑respect des ordonnances procédurales, dont la date à laquelle déposer les observations écrites et le contenu d’une table des matières, pourrait constituer un abus de procédure (Mazhero aux para 30, 32 et 34). De même, dans l’arrêt Compagnie d’assurance vie RBC, la CAF a confirmé la décision de la Cour d’annuler les autorisations précédemment obtenues par le ministre du Revenu national, pour la raison que le ministre avait commis un abus de procédure en omettant de faire une divulgation franche et complète des renseignements pertinents dans une demande ex parte (Compagnie d’assurance vie RBC, aux para 2, 3, 31 et 38). Plus précisément, il a également été reconnu qu’une violation du principe de la chose jugée peut constituer un abus de procédure (Beattie c Canada, 197 FTR 209, au para 19, conf par 2001 CAF 309). Comme l’a plaidé la défenderesse, contourner le principe de la chose jugée en entamant d’autres procédures est considéré comme étant contraire à l’intérêt de la justice (Brandt Plumbing Co Ltd c Nozetz, [1984] RDJ 219 (CA QC), aux para 12 et 15; 2625‑8277 Québec Inc c Henuset, [1995] RDJ 486 (CA QC), au para 16).
[70]
Je suis conscient du fait que la notion d’abus de procédure a été interprétée de façon restrictive et qu’elle ne doit être invoquée que dans les cas les plus évidents (Blencoe c Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, au para 120). Cela dit, il ne fait aucun doute en l’espèce que le contenu du second rapport Rosenblum reprenait essentiellement celui du premier rapport Rosenblum qui avait été radié dans son intégralité, et que ce rapport équivalait au remède subsidiaire que M. Boily avait demandé à la juge Gagné, qui avait refusé de le lui accorder, en plus d’aller à l’encontre du principe de la chose jugée. En l’espèce, il est manifeste que, en tentant de déposer le second rapport Rosenblum, M. Boily remettait essentiellement en litige ce qu’il avait plaidé devant la juge Gagné et ce qui avait été décidé dans le jugement Gagné. Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que M. Boily faisait indirectement ce qu’il lui était directement interdit de faire dans le jugement Gagné.
[71]
La conclusion d’abus de procédure de la protonotaire Tabib était ancrée dans sa conclusion selon laquelle l’affaire avait été tranchée et elle était étroitement liée à sa conclusion selon laquelle M. Boily avait fait fi du jugement Gagné et de ses effets. Dans le cas présent, la protonotaire Tabib avait le droit d’utiliser le pouvoir inhérent et discrétionnaire de la Cour pour sanctionner cette violation du principe de l’autorité de la chose jugée. À la lumière des principes énoncés par la CSC dans l’arrêt Toronto (Ville), nul ne peut affirmer que la protonotaire Tabib a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière abusive, déraisonnable ou non judiciaire, ou encore qu’elle a tiré une inférence inappropriée. Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante dans sa conclusion selon laquelle le fait de revenir à la charge avec le même rapport d’expert constituait un abus de procédure. Si un autre juge avait été responsable de la gestion de l’instance, il aurait peut‑être exercé son pouvoir discrétionnaire d’une autre façon et il n’aurait peut‑être pas qualifié les agissements de M. Boily de [traduction] « malhonnêtes ou fallacieux »
, mais il n’y a aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour. Dans les circonstances de la présente affaire, il était certainement loisible à la protonotaire Tabib, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de voir dans le second rapport Rosenblum une tentative de M. Boily de contourner les conséquences claires du jugement Gagné et de fermer les yeux à cet égard, puisque, à première vue, il contient et reprend l’expertise et les passages radiés par le protonotaire Morneau et la juge Gagné.
[72]
Je comprends que M. Boily a maintenant engagé des frais relativement aux deux requêtes en radiation et à la préparation des deux rapports Rosenblum. Malheureusement, cela fait partie des conséquences découlant du choix de déposer un rapport d’expert contenant des éléments de preuve inadmissibles.
IV.
Conclusion
[73]
Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel de M. Boily est rejeté. Si M. Boily n’était pas satisfait de la décision de la juge Gagné confirmant la radiation du premier rapport Rosenblum dans son intégralité, au lieu de supprimer seulement les parties inadmissibles, le recours approprié aurait été d’interjeter appel de ce jugement. La protonotaire Tabib n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en accueillant la requête de la défenderesse et en radiant le second rapport Rosenblum. Elle n’a pas non plus commis d’erreur manifeste ou dominante en concluant que, dans les circonstances, les agissements de M. Boily constituaient un abus de procédure.
JUGEMENT dans le dossier T‑541‑10
LA COUR STATUE QUE :
La requête du demandeur en appel de l’ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 7 août 2018 est rejetée;
Les dépens sont adjugés à la défenderesse.
« Denis Gascon »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 26e jour de juin 2019.
C. Laroche, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑541‑10
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INTITULÉ :
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RÉGENT BOILY c SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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MONTRÉAL (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 5 février 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE GASCON
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DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :
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Le 18 mars 2019
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COMPARUTIONS :
Audrey Boctor
Olga Redko
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POUR LE DEMANDEUR
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Jean‑Robert Noiseux
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POUR LA DÉFENDERESSE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
IMK S.E.N.C.R.L/IMK L.L.P. Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDERESSE
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[1]
Les extraits en caractères gras reflètent les passages inclus dans le premier rapport Rosenblum, mais supprimés du second rapport Rosenblum. Les extraits soulignés reflètent les passages inclus dans le second rapport Rosenblum, mais absents du premier rapport Rosenblum.