Date : 20041122
Dossier : T-74-03
Référence : 2004 CF 1633
ENTRE :
PFIZER CANADA INC. et
PFIZER INC.
demanderesses
et
NOVOPHARM LIMITED et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
défendeurs
INTRODUCTION
[1] Par un avis de demande daté du 17 janvier 2003, Pfizer Canada Inc. (Pfizer Canada) et Pfizer Inc. (Pfizer É.-U.), collectivement appelées les demanderesses, cherchent à obtenir :
1) Une ordonnance en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)[1] (le Règlement) interdisant au ministre de la Santé de délivrer, avant l'expiration du brevet canadien no 1,314,876 (le brevet 876), un avis de conformité sous le régime de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues[2] à la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) relativement à des comprimés d'azithromycine de 250 mg à être administrés par voie orale;
2) Les dépens de la présente demande;
3) Toute autre mesure que la Cour estime juste.
[2] Pour ce qui est de la première mesure faisant l'objet de leur demande, les demanderesses indiquent dans leur mémoire des faits et du droit qu'à titre subsidiaire elles sollicitent une ordonnance accordant réparation au titre des « conséquences graves » .
[3] La demande a été introduite en réponse à l'avis d'allégation de Novopharm qui a, conformément à l'article 5 du Règlement, été communiqué à Pfizer Canada par lettre datée du 30 novembre 2002. Voici l'essentiel de l'avis d'allégation :
[traduction]
1.0 AVIS D'ALLÉGATION
À la demande de Pfizer, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a inscrit le brevet canadien no 1,314,876 (le brevet 876) au registre des brevets à l'égard des comprimés d'azithromycine ZITHROMAX® en doses de 250 mg et d'autres produits de Pfizer.
Conformément au sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement, Novopharm allègue que les revendications 1 et 5 relatives au brevet 876, qui concernent respectivement le produit et sa composition, ne seront pas contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de son produit.
Les revendications 2 à 4 concernant le brevet 876 ne peuvent être valablement inscrites au registre parce qu'elles sont relatives à un procédé.
L'énoncé qui suit fait état du droit et des faits sur lesquels s'appuie l'allégation.
2.0 ÉNONCÉ DÉTAILLÉ DU DROIT ET DES FAITS SUR LESQUELS S'APPUIE L'ALLÉGATION
Le brevet 876, qui a été délivré à Pfizer Inc. le 23 mars 1993, comporte cinq revendications visées par une demande déposée le 7 juillet 1988. Dans celle-ci, Pfizer Inc. sollicitait une date de priorité en se fondant sur la demande internationale de brevet no PCT/US87/01612 déposée le 9 juillet 1987. Par conséquent, le demandeur ne peut invoquer de date antérieure au 7 juillet 1987.
2.1 Sous-alinéa 5(1)b)(iv)
2.1.1 Revendications 2 à 4
Les revendications 2 à 4 du brevet 876 concernent des méthodes et des procédés. À ce titre, les revendications 2 à 4 ne peuvent faire l'objet d'une inscription au registre ou d'un recours prévu par le Règlement.
2.1.2. Revendications 1 à 5
Les revendications 1 et 5 concernent le produit et sa composition et portent respectivement sur le dihydrate d'azithromycine cristallisé et sur les compositions pharmaceutiques renfermant une quantité à activité antibiotique de dihydrate d'azithromycine sous forme cristallisée non hygroscopique.
Revendication 1
La revendication 1 porte sur le « dihydrate d'azithromycine cristallisé » .
Le produit de Novopharm ne contient pas de dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux. Plus précisément, l'azithromycine de Novopharm est du monohydrate d'azithromycine. Le produit de Novopharm est préparé avec l'azithromycine de Novopharm. Il contient donc du monohydrate d'azithromicyne, qui est stable et qui ne se transforme pas en dihydrate d'azithromycine. Puisqu'ils ne renferment pas de dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux, ni l'azithromycine de Novopharm ni le produit de Novopharm ne pourraient constituer une contrefaçon de la revendication 1.
Revendication 5
La revendication 5 porte sur une « composition pharmaceutique renfermant une quantité à activité antibiotique de dihydrate d'azithromycine cristallisé non hygroscopique mélangée avec un diluant ou un support pharmaceutiquement acceptable. »
Pour les raisons invoquées ci-dessus au regard de la revendication 1, le produit de Novopharm ne contrefait pas la revendication 5.
3.0 CONCLUSION
Pour conclure, Novopharm estime qu'il n'y a aucun motif raisonnable justifiant une demande d'interdiction sur le fondement de l'article 6 du Règlement.
Novopharm soutient, respectueusement, que l'énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels s'appuient les allégations remplit les exigences du paragraphe 5(3) du Règlement. Novopharm énonce aux présentes tous les faits sur lesquels s'appuient ses allégations, soumises conformément à l'alinéa 5(1)b) du Règlement, de manière à ce que Pfizer soit pleinement informée des raisons pour lesquelles Novopharm prétend que les revendications pour le médicament en soi, visées par le brevet 876, ne seront pas contrefaites.
Novopharm fournira des précisions additionnelles à l'appui des faits exposés dans l'énoncé détaillé ci-dessus si une demande d'interdiction est déposée devant la Cour fédérale sous le régime du Règlement. De plus, Novopharm fournira des précisions additionnelles concernant ses comprimés après le prononcé d'une ordonnance de confidentialité appropriée[3].
LES PARTIES
[4] Il appert de la demande introductive d'instance et de la copie certifiée du brevet 876 versée au dossier de demande des demanderesses que Pfizer É.-U. est le propriétaire du brevet 876. Cette dernière est partie à la demande comme l'exige le paragraphe 6(4) du Règlement.
[5] Le brevet 876 fait l'objet d'une inscription au registre des brevets, tenu par le ministre de la Santé en application du paragraphe 4(1) du Règlement, en ce qui concerne les avis de conformité déposés par Pfizer Canada relativement aux comprimés de dihydrate d'azithromycine en doses de 250 mg. Pfizer Canada commercialise ses comprimés de dihydrate d'azithromycine au Canada sous le nom ZITHROMAX® en vertu desdits avis de conformité[4] et, vraisemblablement, d'une licence octroyée par Pfizer É.-U. ou d'une entente équivalente conclue avec celle-ci.
[6] Bien qu'aucune preuve n'ait été produite à ce sujet, j'estime que Novopharm est un « fabricant générique » ou, autrement dit, un fabricant et un commerçant de médicaments au Canada qui, pour reprendre les propos du juge Nadon dans Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)[5] « _commercialis[e] une drogue sans avoir à établir, de façon distincte, la sécurité et l'efficacité de cette drogue [...] » . Comme je l'ai déjà signalé, Novopharm a sollicité un avis de conformité du ministre en vue de commercialiser ses propres comprimés d'azithromycine.
[7] Le ministre de la Santé est chargé de veiller à l'application du Règlement. En l'espèce, il n'a soumis aucune preuve à l'attention de la Cour et il n'était pas représenté à l'audience.
LE BREVET EN CAUSE
[8] Comme il est indiqué dans la portion de l'avis d'allégation de Novopharm citée plus haut, la demande qui a mené à l'obtention du brevet 876 a été déposée le 7 juillet 1988, la première date pertinente possible en l'occurrence, pour les besoins de la présente demande, étant le 7 juillet 1987. Le brevet 876 est intitulé « Dihydrate d'azithromycine » . Les premières phrases de la divulgation se lisent comme suit :
[TRADUCTION] La présente invention a trait à une nouvelle forme utile d'azithromycine (9-désoxo-9a-aza-9a-méthyl-9a-homoérythromycine A), c.-à-d. une forme de dihydrate d'azithromycine non hygroscopique.
L'azithromycine est l'U.S.A.N. (le nom générique) de la 9-désoxo-9a-aza-9a-méthyl-9a-homoérythromycine A, un composé antibactérien à large spectre dérivé de l'érythromycine A. [...]
[9] Le brevet ne comporte que cinq (5) revendications. Les revendications qui nous intéressent en l'occurrence sont les revendications 1 et 5. Elles se lisent comme suit :
[traduction]
1. Dihydrate d'azithromycine cristallisé.
...
5. Une composition pharmaceutique renfermant une quantité à activité antibiotique de dihydrate d'azithromycine cristallisé non hygroscopique mélangée avec un diluant ou un support pharmaceutiquement acceptable.
[10] La revendication 1 porte sur une composition et constitue une revendication relative au produit en soi qui englobe le dihydrate d'azithromycine cristallisé, peu importe son mode de fabrication.
[11] Dans son avis d'allégation Novopharm prétend que la revendication 5 vise une composition pharmaceutique. Dans le même document, les revendications 2, 3 et 4 sont décrites comme étant des [traduction] « _revendications relatives à un procédé_ » et Novopharm soutient qu'elles ne peuvent par conséquent « _être valablement inscrites au registre [des brevets] » tenu par le ministre.
LE PRODUIT DE NOVOPHARM
[12] De larges extraits de l'avis d'allégation ont déjà été cités. Par souci de commodité, un paragraphe est reproduit ci-dessous :
[traduction] Le produit de Novopharm ne contient pas de dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux. Plus précisément, l'azithromycine de Novopharm est du monohydrate d'azithromycine. Le produit de Novopharm est préparé avec l'azithromycine de Novopharm. Il contient donc du monohydrate d'azithromicyne, qui est stable et qui ne se transforme pas en dihydrate d'azithromycine. Puisqu'ils ne renferment pas de dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux, ni l'azithromycine de Novopharm ni le produit de Novopharm ne pourraient constituer une contrefaçon de la revendication 1.
Pour les mêmes raisons Novopharm soutient que son « _produit Novopharm_ » ne pourrait contrefaire la revendication 5.
[13] Les demanderesses contestent l'allégation de Novopharm portant que l'azithromycine [traduction] « ne contient pas de dihydrate d'azithromycine sous forme de cristaux_ » et qu'elle est « [...] stable et [...] ne se transforme pas en dihydrate d'azithromycine_ » . Les demanderesses soutiennent de plus que Novopharm a tout simplement fait défaut d'alléguer et d'établir que son produit d'azithromycine est fabriqué au Canada selon un procédé qui ne contrefait pas le brevet 876 ou que celui-ci ne serait pas contrefait par suite de l'importation de ce produit.
[14] Il ressort de la preuve que Novopharm n'a pas l'intention de fabriquer ou de faire fabriquer « _l'azithromycine Novopharm » au Canada, mais plutôt de l'importer en vrac et de préparer son « produit Novopharm_ » au Canada à partir du produit en vrac ainsi importé.
LA PREUVE SOUMISE À LA COUR
[15] Les demanderesses ont déposé l'affidavit d'un seul expert. Celui-ci a été contre-interrogé et les transcriptions des contre-interrogatoires dont il a fait l'objet ont été versées au dossier de la Cour. Les qualifications de l'expert des demanderesses sont décrites ci-dessous.
[16] Le Dr Eric Munson est titulaire d'un baccalauréat en chimie qu'il a obtenu en 1987 du Collège Augustana à Sioux Falls, Dakota du Sud. Il a obtenu un doctorat en 1993 de l'Université A & M du Texas. Il est professeur agrégé à l'Université du Kansas. Il a fait la déclaration suivante :
[TRADUCTION] Mes recherches portent entre autres sur la spectroscopie RMN en phase solide, la diffraction de rayons X sur poudres et d'autres techniques pour caractériser les produits pharmaceutiques solides. Parmi mes domaines de recherche particuliers figurent : l'étude de la structure et de la réactivité d'agents pharmaceutiques dans des matrices polymériques; la corrélation des déplacements chimiques à la RMN en phase solide avec la structure moléculaire; l'étude des transformations des formes cristallisées et amorphes de produits pharmaceutiques solides; l'effet de la transformation sur la structure et la stabilité des médicaments; l'étude de la stabilité des peptides et des protéines dans les formulations; et les effets de la lyophilisation sur la stabilité des médicaments.
Grâce à mon expérience et notamment à mon expertise en spectroscopie et dans d'autres techniques d'analyse et grâce à mes nombreuses collaborations avec des experts dans le domaine du polymorphisme, j'ai acquis une grande compétence dans l'analyse des ingrédients pharmaceutiques actifs. Plus précisément, je possède une expertise dans l'utilisation des techniques spectroscopiques et d'autres techniques d'analyse pour la différenciation et l'identification de différents polymorphes, hydrates, solvates et pseudopolymorphes d'un ingrédient pharmaceutique actif, ainsi que de produits formulés, notamment les comprimés formées à partir de tels ingrédients pharmaceutiques actifs. J'ai publié plus d'une douzaine d'articles sur l'analyse de différents polymorphes de composés pharmaceutiques au moyen de la RMN en phase solide.
J'ai également consulté plusieurs sociétés pharmaceutiques, productrices de médicaments d'origine ou de produits génériques, au sujet de la caractérisation en phase solide des produits pharmaceutiques et j'ai également aidé des sociétés productrices de médicaments de marque et de médicaments génériques dans des litiges concernant les changements de formes dans les composés pharmaceutiques solides[6].
[17] Il appert du dossier que la preuve relative aux qualifications de M. Munson n'a fait l'objet d'aucune contestation.
[18] Novopharm quant à elle s'est appuyée sur deux opinions d'expert, chacune consignées dans des affidavits, et sur le témoignage de l'un de ses employés, produit à titre de preuve supplémentaire. Les qualifications de ces témoins sont décrites brièvement ci-dessous.
[19] Le Dr Leslie Evans a obtenu son baccalauréat en chimie en 1967 de l'Université de Southampton, Angleterre. Il a terminé un doctorat en chimie des sols en 1974 au University College of Wales. Après avoir fait des recherches postdoctorales au University College, Dublin, Irlande, de 1973 à 1975, il a exercé successivement les fonctions de professeur adjoint, de professeur agrégé et de professeur à l'Université de Guelph (Ontario), où il occupe actuellement le poste de professeur au Département des ressources foncières. Le Dr Evans a de nombreuses publications à son actif et a présenté un grand nombre de communications lors de diverses conférences.
[20] Le Dr Evans déclare ce qui suit :
[TRADUCTION] Mes recherches portent entre autres sur la caractérisation minéralogique des sols et des sédiments et sur la modélisation informatique de la rétention et de la mobilité des métaux dans les sols, les sédiments et l'eau. Mes recherches m'amènent souvent à analyser les profils de diffraction des rayons X. J'ai ainsi une grande expertise en analyse des profils de diffraction des rayons X[7].
[21] La compétence du Dr Evans à titre d'expert dans l'analyse des profils de diffraction des rayons X n'a pas été contestée.
[22] Mme Valerie J. Robertson a obtenu son baccalauréat spécialisé en chimie de l'Université Dalhousie, Nouvelle-Écosse. De 1969 à 1993, elle a travaillé, tout d'abord comme opératrice et plus tard comme cadre, dans le domaine de la spectroscopie RMN. Depuis 1993, Mme Robertson travaille à l'Université de Guelph, Collège des sciences physiques et de génie, comme membre de la direction des Chemistry and Food & Soft Material NMR Centers de l'Université. Mme Robertson a présenté une série d'exposés dans son domaine d'expertise et compte de nombreuses publications à son actif. Elle déclare ce qui suit :
[TRADUCTION] J'utilise des spectromètres RMN et analyse les résultats de la spectroscopie RMN depuis plus de 30 ans. Au cours de cette période, j'ai publié de nombreux articles dans le domaine de la spectroscopie RMN et ai présenté un certain nombre d'exposés sur diverses questions dans ce domaine scientifique. [...]
Grâce à cette expérience, j'ai acquis une grande expertise dans le fonctionnement des spectromètres RMN et l'analyse des résultats de la spectroscopie RMN[8].
[23] La compétence de Mme Robertson à titre d'experte en spectroscopie RMN n'a pas été contestée.
[24] Au moment où il a souscrit l'affidavit qui a été soumis à la Cour dans la présente instance, le Dr François Chouinard était directeur du Développement pharmaceutique à Novopharm. Il atteste qu'à ce titre il est
[TRADUCTION] [...] chargé de superviser la mise au point de plus de 20 produits par année pour les marchés canadien et américain à toutes les phases de développement, allant du choix des projets à leur lancement.
Le Dr Chouinard a obtenu son baccalauréat en pharmacie de l'Université de Montréal en 1986. Il a terminé une maîtrise en sciences pharmaceutiques à la même université en 1989 et un doctorat en sciences pharmaceutiques, toujours à la même université, en 1993. Il a un large éventail de publications à son actif. Après avoir travaillé comme chercheur scientifique dans le domaine pharmaceutique, il a exercé les fonctions de directeur de la recherche pharmaceutique de 1993 à 2001. Il a obtenu le poste qu'il détenait au moment où il a souscrit son affidavit en 2002.
LA PREUVE SOUMISE PAR AFFIDAVIT
[25] L'avocat des demanderesses a demandé au Dr Munson d'effectuer des expériences pour déterminer si le dihydrate d'azithromicine était présent dans la poudre en vrac d'azithromycine et dans les comprimés. L'avocat lui a fourni de la poudre en vrac et des comprimés, étant entendu qu'il s'agissait dans chaque cas d'un échantillon fourni par Novopharm à l'appui de l'allégation de non-contrefaçon de cette dernière. On lui a également demandé
[TRADUCTION] [...] d'effectuer une étude de stabilité pour déterminer si la forme d'azithromycine dans le matériel fourni se transformait en tout ou en partie en dihydrate d'azithromycine avec le temps[9].
[26] Le Dr Munson a, dans son expérience, utilisé tant la spectroscopie RMN en phase solide que des techniques de diffraction des rayons X pour déterminer si du dihydrate d'azithromycine était ou non présent dans les échantillons qui lui ont été fournis. Il a effectué des études de stabilité accélérée sur les échantillons de poudre en vrac et de comprimés qu'on lui a fournis afin de déterminer si le matériel s'était transformé en tout ou en partie en dihydrate d'azithromycine avec le temps. À l'appui de sa décision d'utiliser des études de stabilité « accélérée » , il a écrit ce qui suit :
[TRADUCTION] À cause du peu de temps disponible, j'ai décidé d'effectuer des études de stabilité accélérée sur le comprimé et la poudre en vrac. Les lignes directrices [appropriées] semblent indiquer que le produit ne devrait pas échouer aux études de stabilité accélérée à l'intérieur d'une période de 6 mois[10].
[27] Le Dr Munson a détecté du dihydrate d'azithromycine dans l'échantillon de poudre en vrac qu'on lui a fourni. Il semble que ce soit le cas aussi pour les échantillons de comprimés qu'il a reçus. Au terme de ses études de stabilité, le Dr Munson est toutefois arrivé à une conclusion qui donne moins satisfaction à Novopharm :
[TRADUCTION] D'après mes résultats, il y a une transformation de la forme originale d'azithromycine présente dans les comprimés de Novopharm en dihydrate. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'une transformation ait été détectée dans les comprimés, mais il ne s'est pas produit de transformation dans la poudre en vrac. Plusieurs procédés interviennent durant la fabrication de comprimés, p. ex. broyage, compactage et compression, qui causeraient soit l'altération du réseau cristallin ou la formation d'azithromycine amorphe. L'azithromycine contenant un réseau cristallin altéré tout comme l'azithromycine amorphe auraient probablement plus tendance à se transformer en dihydrate d'azithromycine qu'une forme très cristallisée d'azithromycine. Nous avons observé dans mon laboratoire que la décomposition chimique de l'aspirine moulue est plus rapide que celle de l'aspirine non moulue. De plus, après mon examen de la formulation de Novopharm qui était établie dans la portion de la PADN fournie, il est clair que [...] et [...] sont présentes à des concentrations notables comme excipients dans la formulation. Ces deux excipients soit contiennent de l'eau soit sont aisément hygroscopiques et pourraient probablement favoriser la transformation en dihydrate d'azithromycine dans les comprimés.
D'après mes travaux initiaux, je crois fermement que la quantité de dihydrate d'azithromycine dans les comprimés continuera de croître avec le temps[11].
[28] De façon plus succincte, le Dr Munson conclut en ces termes :
[TRADUCTION] « Le produit de Novopharm n'est PAS stable, parce qu'il se transforme EFFECTIVEMENT en dihydrate d'azithromycine. Il est donc clair qu'il contrefait EFFECTIVEMENT la revendication 1, car l'examen de la formulation en comprimé, dans des conditions accélérées d'entreposage, montre bien qu'il y a une transformation en dihydrate[12].
[29] Ce qui est peut-être plus important en dernière analyse, compte tenu des données limitées dont le Dr Munson disposait, c'est son opinion relativement au procédé de fabrication du monohydrate d'arithromycine en vrac que Novopharm projette d'importer. Il affirme ce qui suit :
[TRADUCTION] J'ai examiné en outre les renseignements sur le procédé contenus dans la PADN. Le produit final recherché de l'étape finale de cristallisation est une forme cristallisée d'azithromycine qui contient de l'éthanol et de l'eau, c.-à-d. la forme décrite dans la demande de brevet [du fournisseur de Novopharm]. La synthèse de l'azithromycine brute à partir de la desméthylazithromycine comporte probablement cependant plusieurs étapes qui ne sont pas décrites dans la PADN. Plus précisément, il y a probablement une série d'étapes de recristallisation où l'azithromycine brute est purifiée. On ne sait pas clairement quels solvants sont utilisés durant les étapes de purification par recristallisation AVANT l'étape finale de recristallisation. Il est fort possible que du dihydrate d'azithromycine soit formé durant ces étapes de purification par recristallisation. Il se peut également que le dihydrate d'azithromycine soit la seule forme qui exclut adéquatement les impuretés du réseau cristallin produites durant le procédé de synthèse. Cette affirmation est corroborée par le brevet 426 [du fournisseur de Novopharm]. Si tel est le cas, le dihydrate d'azithromycine serait un intermédiaire essentiel dans ce procédé de synthèse.
Sans une meilleure compréhension de la synthèse et de la recristallisation et faute de matériel pour effectuer des tests après chaque purification par recristallisation, je ne peux écarter la possibilité que le dihydrate d'azithromycine joue un rôle important d'intermédiaire durant la synthèse et je ne serais pas en effet surpris si tel était le cas, compte tenu du fait que le dihydrate d'azithromycine est une forme stable et constituerait un bon point de départ pour fabriquer le produit final souhaité.
[...] On n'a pas fourni suffisamment d'information pour montrer qu'il n'y a pas de formation de dihydrate d'azithromycine dans les étapes intermédiaires de fabrication de l'azithromycine en vrac de Novopharm[13].
[30] Bien que M. Munson ait été longuement contre-interrogé, plus particulièrement en ce qui concerne les études qu'il a effectuées en matière d'accélération de la conversion, l'opinion qu'il exprime dans l'extrait qui précède n'a pas été contestée.
[31] Le Dr Evans déclare qu'on lui a remis une bouteille scellée de comprimés décrits comme étant le produit de Novopharm ainsi qu'une bouteille non scellée de comprimés d'azithromycine ZITHROMAXMD de Pfizer. L'avocat de Novopharm lui a demandé « [...] d'effectuer un test de diffraction des rayons X pour déterminer s'il y avait du dihydrate d'azithromycine dans la formulation des comprimés de Novopharm » . Le Dr Evans a demandé à un technicien principal de laboratoire, ayant beaucoup d'expérience dans le fonctionnement de spectromètres de diffraction des rayons X, d'effectuer des tests de diffraction des rayons X sur les deux (2) échantillons. Les résultats obtenus par le technicien principal de laboratoire ont été entrés par le Dr Evans dans leur logiciel et un « Form A Peak Profile » (Profil des pics) a été produit. Le Dr Evans a apparemment analysé le résultat. Il conclut ce qui suit :
[TRADUCTION] À la lumière de mon examen des profils de diffraction des rayons X, je conclus qu'il n'y a pas de quantités détectables de dihydrate dans la formulation des comprimés de Novopharm[14].
[32] Bien que le Dr Evans ait été assez longuement contre-interrogé sur son bref affidavit, une seule des questions qu'il a traitée a été portée à l'attention de la Cour par l'avocat des demanderesses, à savoir la comparaison entre les résultats des essais et des analyses qu'il a effectués et les résultats obtenus par Mme Robertson. Pendant le contre-interrogatoire, l'avocat des demanderesses a émis l'hypothèse que les échantillons fournis au Dr Evans et à Mme Robertson provenaient de lots de fabrication et de groupes d'échantillons différents. Voici un extrait des propos échangés par l'avocat des demanderesses et le Dr Evans :
[traduction]
[...]
R. Je ne connais pas la provenance des échantillons.
Q. Moi non plus. Voilà pourquoi je pose la question.
Si les échantillons proviennent de lots différents, il est sans aucun doute possible qu'il y ait des formes différentes.
R. C'est possible. Je le répète, on nous a fourni un ensemble d'échantillons provenant d'un lot de fabrication.
Q. Bon d'accord.
Il ne fait pas de doute que pour obtenir une identification certaine, le RMN C13 en phase solide et la diffraction des rayons X sur poudres donneront des résultats concordants si on utilise le même matériel dans les deux cas?
R. Les résultats devraient concorder[15].
[33] L'avocat des demanderesses a aussi établi en contre-interrogeant le Dr Evans qu'il existait au moins une possibilité, compte tenu des diffractogrammes des rayons X sur poudres, que le matériel en vrac fourni au Dr Munson soit différent du matériel en comprimés fourni au Dr Evans[16].
[34] Mme Robertson a été contre-interrogée à deux reprises, soit juste avant le contre-interrogatoire de M. Evans et deux mois plus tard, environ. Aucun passage de ses contre-interrogatoires n'a été porté à mon attention. Je note, toutefois, à la lecture de la transcription de son deuxième contre-interrogatoire que les allégations de Mme Robertson concernant le sort des comprimés ont été mises en doute.
[35] Le Dr Chouinard a été contre-interrogé à trois reprises, soit le 5 septembre 2003, le 18 février 2004 et le 29 mars 2004.
[36] Le Dr Chouinard reconnaît avoir peu contribué à la réalisation du « _projet_ » de Novopharm concernant l'azithromycine étant donné que ce « _projet_ » avait été entrepris depuis un certain temps déjà lorsqu'il s'est joint à la société et qu'il [traduction] « _avançait de manière satisfaisante » [17].
[37] Le Dr Chouinard prétend ne pas savoir si le dihydrate d'azithromycine pourrait être fabriqué en même temps que le produit en vrac utilisé pour fabriquer les comprimés de monohydrate d'azithromycine de Novopharm[18]. Il est demeuré inébranlable dans ses déclarations à ce sujet[19] à tel point, que l'avocat des demanderesses a estimé qu'il faisait preuve [traduction] « d'aveuglement volontaire_ » .
[38] Les demanderesses n'ont pas soumis de contre-preuve.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[39] Dans leur mémoire des faits et du droit, les demanderesses soutiennent que la présente demande soulève trois questions. Voici l'énoncé qu'elles en font :
[traduction]
Il s'agit de déteminer
a) si l'allégation de non-contrefaçon est justifiée sur le plan juridique et factuel compte tenu de l'allégation de Novopharm [c'est-à-dire son avis d'allégation];
b) S'il incombe à Novopharm de prouver que la fabrication de son produit d'azithromycine ne contrefera pas le brevet 876 et, dans l'affirmative, si Novopharm s'est acquittée du fardeau qui lui incombait;
c) Si les échantillons fournis par Novopharm sont représentatifs du produit qu'elle se propose de vendre compte tenu des irrégularités que comporte la preuve à cet égard[20].
[40] Explicitant l'exposé des questions et, plus particulièrement, l'allégation de non-contrefaçon de Novopharm, l'avocat des demanderesses a soutenu ce qui suit au paragraphe 11 de son mémoire des faits et du droit :
[TRADUCTION] Compte tenu de la preuve en l'espèce, il peut y avoir contrefaçon à un certain nombre d'étapes dans la fabrication, l'utilisation et la vente du produit de Novopharm, notamment :
a) si le dihydrate est produit durant le procédé de purification au cours de la fabrication de l'azithromycine en vrac;
b) si l'azithromycine en vrac utilisée par Novopharm pour la fabrication de ses comprimés contient, en tout ou en partie, du dihydrate;
c) si les comprimés d'azithromycine fabriqués ou vendus par Novopharm contiennent, en tout ou en partie, du dihydrate;
d) et si après la fabrication des comprimés, ceux-ci se transforment, en tout ou en partie, en dihydrate[21].
[41] L'avocat de Novopharm a exposé les questions en litige en termes quelque peu différents :
[TRADUCTION]
a) si la preuve établit que du dihydrate est formé durant le procédé de purification au cours de la fabrication de l'azithromycine en vrac;
b) si l'azithromycine en vrac utilisée par Novopharm dans la fabrication de ses comprimés contient, en tout ou en partie, du dihydrate;
c) si le comprimé d'azithromycine fabriqué ou vendu par Novopharm contient, en tout ou en partie, du dihydrate;
d) si après la fabrication des comprimés, ceux-ci se transforment en tout ou en partie en dihydrate[22].
[42] Tôt durant l'audition de la demande, Novopharm a abandonné certains éléments de son argumentation, que l'avocat des demanderesses lie au point a) de Novopharm, ce à quoi la Cour souscrit. Aux paragraphes 16 et 17 ainsi qu'à la dernière phrase du paragraphe 188 de son mémoire des faits et du droit, l'avocat déclare ce qui suit :
[TRADUCTION]
16. Comme la revendication 1concerne le produit lui-même, soit le dihydrate, il n'est pas pertinent de savoir si du dihydrate est formé ou utilisé durant la fabrication de l'azithromycine en vrac à l'étranger. Selon le témoignage de l'employé de Novopharm, le Dr Chouinard, Novopharm achètera son monohydrate d'azithromycine en vrac de [fournisseur de Novopharm][...]. Ce monohydrate d'azithromycine en vrac ne sera pas fabriqué au Canada. Par conséquent, si du dihydrate est utilisé ou formé durant la fabrication (ce que nie Novopharm), cela se produira à l'extérieur du Canada.
[...]
17. En matière d'importation, un brevet canadien ne peut être contrefait sauf par des actes commis au Canada, et les droits conférés par la Loi sur les brevets ne s'applique qu'au territoire canadien. Une personne hors des frontières du Canada qui crée, construit, utilise ou vend l'invention ne viole pas de brevet canadien.
[...]
18. [...] Lorsqu'un procédé est exécuté à l'étranger, il n'est pas pertinent de déterminer si le composé revendiqué est fabriqué ou utilisé dans le cadre de ce procédé[23].
[43] L'avocat des demanderesses n'a pas fait valoir les arguments susmentionnés pendant l'audience. Ils seront néanmoins brièvement réfutés dans la partie « _analyse_ » qui suit.
[44] Pour procéder à l'analyse de cette affaire, je reprendrai pour l'essentiel les questions énoncées par les demanderesses, sauf dans la mesure où les deux premières questions seront traitées ensemble.
ANALYSE
a) Suffisance de l'avis d'allégation de Novopharm et fardeau de la preuve
[45] Comme je l'ai déjà signalé, l'avis d'allégation de Novopharm porte que les revendications 1 à 5 du brevet 876 se seront pas contrefaites advenant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente par Novopharm de son produit, à savoir des comprimés de 250 mg pour administration par voie orale. Dans l'avis d'allégation il n'est aucunement question de « _l'utilisation_ » par Novopharm du monohydrate d'azithromycine en vrac qu'elle va importer, utilisation qui est essentielle à la fabrication, la construction, l'utilisation et la vente du « _produit Novopharm_ » et qui risque, dans le processus de fabrication du produit, s'il a lieu au Canada, d'entraîner la contrefaçon du brevet 876. L' « énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels s'appuie l'allégation_ » compris dans l'avis d'allégation est également silencieux à ce sujet.
[46] L'avocat des demanderesses soutient que l'avis d'allégation de Novopharm ne permet pas de conclure que le brevet 876 ne sera pas contrefait. Pour ce faire, il aurait fallu qu'il y soit question de la fabrication du monohydrate d'azithromycine même s'il est fabriqué à l'étranger par une autre société. Pour étayer cette assertion, l'avocat s'appuie sur ce qu'il appelle la « doctrine de l'arrêt Saccharin_ » , une doctrine anglaise que l'arrêt American Cyanamide Co. c. Charles E Frosst & Co[24] a incorporé en droit canadien. Dans American Cyanamide, le juge Noël écrit aux pages 232 et 233 :
[traduction] [...] il semble qu'il soit permis de conclure à l'existence de contrefaçon si le produit utilisé dans le processus de fabrication est, comme en l'espèce, un élément essentiel. De fait, il en a été ainsi décidé dans Saccharin Corp. Ltd. c. Anglo-Continental Chemical Works, Ltd.[. ..], une affaire très analogue à celle dont nous sommes saisis et dans laquelle le juge Buckley s'exprime comme suit :
L'octroi d'un brevet confère à son titulaire le droit de fabriquer, d'exploiter, d'exécuter et de vendre une invention ainsi que le droit exclusif d'en tirer profit et avantage, et pour qu'il soit le seul à pouvoir exploiter et exécuter l'invention et en tirer profit, il est interdit aux autres personnes d'exploiter ou de mettre en pratique, directement ou indirectement, ladite invention ou partie de celle-ci, ou de quelque manière que ce soit de la copier.
Et plus loin, il ajoute :
La contrefaçon serait-elle inexistante du fait que l'article fabriqué et vendu soit fabriqué par suite de l'emploi d'un procédé breveté soumis à d'autres procédés? Une réponse négative s'impose selon moi. En vendant la saccharine produite au moyen du procédé breveté, l'importateur prive le titulaire du brevet d'une partie des profits et avantages globaux de l'invention, et se trouve à exploiter indirectement l'invention.
[citation omise]
[47] Dans Monsanto Canada Inc. et al c. Percy Schmeiser et al[25], la Cour suprême du Canada a récemment souscrit à la « _doctrine de l'arrêt Saccharin_ » . Au paragraphe [30] de cet arrêt, le Juge en chef et le juge Fish ont écrit ce qui suit au nom de la majorité :
La contrefaçon est généralement une question de fait [...] Dans la plupart des affaires de contrefaçon de brevet, les faits indiquent clairement s'il y a eu contrefaçon, une fois que la revendication a été interprétée : il suffit de comparer la chose fabriquée ou vendue par le défendeur avec les revendications interprétées. Les affaires de contrefaçon de brevet dans lesquelles il est question d' « exploitation_ » sont plus inhabituelles. Dans les rares cas, comme en l'espèce, où cette question se pose, il peut se révéler nécessaire d'interpréter judiciairement le verbe « exploiter_ » qui figure à l'art. 42 de la Loi [sur les brevets]. [citation omise]
[48] Le Juge en chef et le juge Fish procèdent à une analyse détaillée en vue de déterminer le sens du verbe « exploiter_ » qui figure à l'article 42 de la Loi sur les brevets. Ils citent en l'approuvant le passage suivant de l'ouvrage du Professeur D. Vaver intitulé Intellectual Property Law: Copyright, Patents, Trademarks (1997) :
[TRADUCTION] « Exploiter_ » s'applique à la fois aux produits et aux procédés brevetés, ainsi qu'à leurs dérivés. Un brevet qui protège une machine ou méthode servant àfabriquer des fermetures éclair s'applique également aux fermetures éclair que permet de fabriquer la machine ou la méthode en question. Chaque fermeture éclair vendue sans autorisation contrefait le brevet, même si les fermetures éclair elles-mêmes ne sont pas brevetées. Cette règle ayant une portée large n'est toutefois applicable que si le brevet joue un rôle important dans la production.
[49] Le juge en chef et le juge Fish ajoute ensuite :
Par analogie, la loi considère donc qu'un défendeur contrefait un brevet s'il fabrique, cherche àexploiter ou exploite un élément brevetécontenu dans une chose non brevetée, à condition que l'élément breveté soit important. En l'espèce, les gènes et cellules brevetés ne sont pas simplement un « _élément_ » de la plante; au contraire, les gènes brevetés sont présents dans toute la plante génétiquement modifiée, dont toute la structure physique est formée des cellules brevetées. C'est en ce sens que les cellules ressemblent quelque peu à des blocs Lego : si on alléguait que la construction d'une structure à l'aide de blocs Lego brevetés constitue une exploitation contrefaisante, le fait que seuls les blocs ont été brevetés et non toute la structure n'empêcherait pas de conclure à l'existence de contrefaçon. Au contraire, le fait que la structure Lego ne peut pas exister indépendamment des blocs brevetés renforcerait l'action, en faisant ressortir l'importance de l'invention brevetée pour l'ensemble du produit, de l'objet ou du procédé en cause.
Il peut donc y avoir contrefaçon par exploitation même dans le cas où l'invention brevetée fait partie ou est une composante d'une structure ou d'un procédé non brevetés plus vastes. Comme l'affirme le professeur Vaver, cette règle a une portée large. Elle est toutefois profondément enracinée dans le principe voulant que la protection par brevet ait principalement pour objet d'empêcher des tiers de priver l'inventeur, ne serait-ce qu'en partie ou indirectement, du monopole que la loi entend lui conférer : seul l'inventeur a droit, en vertu du brevet ou de la loi, à la pleine jouissance du monopole conféré.
Ainsi, dans l'arrêt Saccharin Corp. c. Anglo-Continental Chemical Works, Ld. [...], la cour affirme :
[TRADUCTION] En vendant la saccharine produite au moyen du procédé breveté, l'importateur prive le titulaire du brevet d'une partie des profits et avantages globaux de l'invention, et se trouve à exploiter indirectement l'invention.
Cet extrait confirme le caractère crucial de la question découlant de l'interprétation téléologique de la Loi sur les brevets : par ses actes ou sa conduite, le défendeur a-t-il privé l'inventeur, en tout ou en partie, directement ou indirectement, des avantages de l'invention brevetée?
[Souligné dans l'original, citation omise]
[50] Selon l'avocat des demanderesses, la question soulevée à la fin du dernier paragraphe précédemment cité se pose en l'espèce dans les termes suivants : si Novopharm est autorisée à commercialiser ses comprimés d'azithromycine, la société, par ses actions ou sa conduite, privera-t-elle les demanderesses, en tout ou en partie, des avantages du brevet 876? Les demanderesses soutiennent que cette question n'est tout simplement pas abordée dans l'avis d'allégation de Novopharm.
[51] Novopharm a été avisée de ce problème au nom des demanderesses lorsque, dans l'avis de demande qui a introduit la présente instance, on lui a indiqué ce qui suit :
[TRADUCTION] [...] l'exposé détaillé est incomplet : Novopharm n'a pas fourni de renseignements sur le procédé de cristallisation de l'azithromycine en vrac, [...]. Dans le cadre de ce procédé de purification, il est probable que du dihydrate d'azithromycine sera formé.
[...]
Le procédé de fabrication des formes de monohydrate peut entraîner la formation d'une certaine quantité de dihydrate. [...]
[...]
À cet égard, on a demandé à Novopharm [...] de fournir des renseignements tirés de sa PADN concernant le procédé de fabrication de son azithromycine. Jusqu'à présent, Novopharm n'a pas fourni de comprimés du produit proposé ni d'azithromycine non formulée en vrac. Novopharm doit posséder cette azithromycine en vrac et doit avoir produit des comprimés afin d'effectuer les études soumises dans le cadre de sa présentation de drogue.
[...]
En outre, Novopharm n'a pas [...] expliqué à Pfizer son procédé de fabrication, y compris le procédé de fabrication de son produit en vrac et en comprimés. En l'absence de ces informations, on doit présumer que ces renseignements révéleraient également la formation de dihydrate.
Par conséquent, l'allégation de Novopharm n'est pas justifiée en ce que l'entreprise n'a pas [...] démontré que du dihydrate n'était formé en aucun moment durant le procédé de fabrication [sic] et l'allégation de Novopharm concernant la non-contrefaçon des revendications 1 et 5 n'est pas fondée.
De plus, comme aucun détail n'a été fourni sur sa méthode de cristallisation, l'allégation de non-contrefaçon des revendications 2 à 4 n'est pas fondée. [...][26]
[52] Les paragraphes 25 à 27 de l'affidavit du Dr Munson, précités, étayent les prétentions susmentionnées. Dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc.[27], où la Cour était saisie d'une demande similaire concernant le brevet ici en cause, ma collègue la juge Snider a écrit ce qui suit au paragraphe [32] :
Pour évaluer le caractère suffisant de l'avis d'allégation, on peut se servir des indications suivantes tirées de nombreux arrêts de la Cour d'appel fédérale, dont Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) [...]; Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) [...];
- Une simple affirmation de non-contrefaçon ne suffit pas.
- Il est loisible à la seconde personne de retenir certains renseignements concernant sa formulation tant qu'une ordonnance de confidentialité n'est pas prononcée.
- L'avis d'allégation sera suffisant si d'autres détails sont donnés pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation de non-contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation. [citations omises]
[53] Au vu de l'avis d'allégation à l'origine de la présente instance, ou peut certes soutenir qu'il ne contient aucune affirmation, si simple soit-elle, portant que l'utilisation du monohydrate d'azithromycine en vrac de Novopharm fabriqué à l'étranger ne contreferait pas le brevet 876. À ce stade toutefois, je n'arrêterai pas ma décision en fonction de cette irrégularité, et tenant plutôt pour acquis que l'avis d'allégation contient implicitement une allégation à cet effet, je vais examiner les deuxième et troisième principes énoncés par la juge Snider.
[54] Il va sans dire qu'à l'époque où l'avis d'allégation a été signifié à Pfizer Canada, la Cour n'avait pas encore rendu d'ordonnance de confidentialité. Par conséquent, il était entièrement loisible à Novopharm de retenir des renseignements relatifs à la formulation de son monohydrate d'arithromycine et de son procédé de fabrication jusqu'au prononcé d'une telle ordonnance. Par la suite, une ordonnance de confidentialité a effectivement été rendue, mais Novopharm a maintenu son refus de fournir des renseignements concernant la fabrication de son monohydrate d'azithromycine à l'extérieur du Canada.
[55] Les demanderesses ont présenté une requête demandant à la Cour de rendre une ordonnance :
[...] enjoignant au Dr Francis Chouinard de comparaître de nouveau, à ses frais, pour être contre-interrogé sur l'affidavit qu'il a souscrit le 15 juillet 2003, et pour produire les extraits pertinents de la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) relative aux comprimés d'azithromycine de 250 mg, y compris les parties scellées de la fiche maîtresse du médicament déposée auprès du ministre de la Santé qui sont mentionnées dans la PADN et qui décrivent :
(i) le processus de fabrication de l'azithromycine en vrac; et
(ii) les pages X-X de la fiche maîtresse du médicament préparée par la société mère de Novopharm, Teva, fiche mentionnée et incorporée par renvoi dans la section relative à la substance médicamenteuse de la PADN déposée par Novopharm[28].
[56] La Cour a accordé la réparation demandée [traduction] « _de manière à ce que les demanderesses puissent déterminer si du dihydrate est utilisé ou s'il se forme pendant la fabrication du produit d'azythromycine de Novopharm[29]_ » .
[57] Au soutien de l'ordonnance de divulgation, le juge Martineau écrit ce qui suit au paragraphe [18] de ses motifs :
Je ne puis accepter, à ce stade, l'argument de Novopharm voulant que le processus de fabrication du produit en vrac par un tiers ayant des liens avec elle [...] n'ait aucune pertinence pour déterminer le bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon. Il s'agit de toute évidence d'un enjeu de la présente instance, et la Cour devra statuer sur le fond de cette question en tenant compte des principes de droit applicables [...]. J'accepte les arguments soumis par Pfizer. J'estime que les renseignements demandés sont nécessaires pour l'établissement de la preuve devant permettre à la Cour de se prononcer sur l'allégation de non-contrefaçon[30]. [citation omitted]
[58] Novopharm s'est conformée à l'ordonnance de la Cour lui enjoignant de verser au dossier les documents pertinents, mais, d'après le dossier, non sans réticence. Le Dr Chouinard a de nouveau été contre-interrogé concernant les documents ainsi produits. Il ressort de la transcription de son contre-interrogatoire qu'il ne connaissait pas le procédé utilisé par le fournisseur de Novopharm pour fabriquer le monohydrate d'azithromycine en vrac ou plutôt que toute tentative d'obtenir des renseignements à ce sujet a ou aurait échoué, selon le cas.
[59] Dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc.[31], ma collègue la juge Snider a écrit ce qui suit aux paragraphes [8] à [10] de ses motifs :
Il y a deux types de fardeau de la preuve dans le cadre des instances judiciaires [...] :
Le premier est communément appelé le « fardeau de persuasion » ou « fardeau ultime » . En matière civile, il s'agit de produire des éléments de preuve qui satisfont aux exigences de la norme de preuve civile. L'autre fardeau est couramment appelé le « fardeau de présentation » . Il s'agit de l'obligation de soulever une question. La partie assumant ce fardeau doit veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour établir l'existence ou l'inexistence d'un fait ou d'un point au dossier afin de remplir les conditions minimales en ce qui concerne ce fait ou ce point particulier [...].
Il est bien établi que, dans une poursuite en application du paragraphe 6(2) du Règlement, la partie qui doit poursuivre la procédure a la charge de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, qu'un avis d'allégation n'est pas fondé [...]. De plus, les faits exposés dans l'avis d'allégation et dans l'énoncé détaillé sont présumés vrais [...]. Pour ces motifs, il est clair que le fardeau ultime dans la présente instance incombe à Pfizer qui « ne saurait compter sur les déclarations de [la défenderesse] pour prouver ses propres prétentions » [...]. Pfizer soutient toutefois qu'elle peut obtenir gain de cause dans la présente instance si elle peut démontrer que par suite de son omission de fournir les échantillons, Apotex ne s'est pas acquittée du fardeau de présentation lui incombant.
Dans la décision Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) [...], le juge Strayer a statué que le fabricant de médicaments génériques intimé ou seconde personne a effectivement un fardeau de présentation dans une instance concernant un avis de conformité. Il a décrit ce fardeau de la manière suivante :
Le fabricant de médicaments génériques est tenu, conformément au paragraphe 5(1), de faire une allégation, et celle-ci doit être étayée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde. De cette façon, le titulaire du brevet est en mesure de déterminer s'il doit demander une ordonnance d'interdiction, soit parce que les faits exposés dans l'énoncé détaillé sont insuffisants, soit parce que la conclusion juridique concernant la non-contrefaçon n'est pas étayée par les faits. À cette étape, puisqu'il est impossible d'ordonner la production d'un nouvel énoncé plus détaillé, il y a lieu de souligner les questions qui se posent relativement à l'énoncé déjà produit. En outre, les motifs qui poussent le titulaire du brevet à contester l'avis d'allégation du fabricant de médicaments génériques devraient être énoncés dans l'avis de requête introductive d'instance qui est déposé en application du paragraphe 6(1) du Règlement. Cette approche découle des conditions énoncées dans les Règles de la Cour fédérale, à la partie V.1, et de la charge de persuasion qui incombe aux requérantes. Le titulaire du brevet doit également présenter des éléments de preuve pour appuyer ses motifs, que ceux-ci se fondent sur des faits, sur le droit, sur le droit et les faits, ou sur des témoignages d'opinion. Le fabricant de médicaments génériques peut ainsi être informé des motifs de l'opposition du titulaire du brevet et de la raison pour laquelle une ordonnance d'interdiction visant à empêcher la mise en marché de ses produits devrait être rendue. Initialement, c'est-à-dire devant le ministre, le fabricant de médicaments génériques a eu l'occasion de soulever la question de la non-contrefaçon. À l'étape actuelle, devant la Cour, le fabricant a maintenant la possibilité de produire des éléments de preuve appuyant son énoncé détaillé. Voilà, essentiellement, la charge de présentation qui incombe à la partie intimée.
Il est clair qu'il incombe à Apotex, en vertu du fardeau de présentation, de « soulever_ » la question de la non-contrefaçon en remettant un avis d'allégation et un énoncé détaillé à Pfizer et au ministre. [...] [citations omises]
[60] Pour paraphraser le dernier énoncé de la juge Snider, les faits de l'espèce indiquent clairement que Novopharm avait le fardeau de « _soulever_ » tous les aspects de la question de la non-contrefaçon dérivant de l'avis d'allégation avec énoncé détaillé signifié aux demanderesses et au ministre.
[61] Pour ce qui est de la question de la suffisance de l'avis d'allégation de Novopharm à l'origine de la présente instance, je conclus que les demanderesses doivent obtenir gain de cause. Je suis d'avis que l'avis d'allégation est manifestement irrégulier ou insuffisant. Il n'aborde tout simplement pas la question de la contrefaçon du brevet 876 par Novopharm par suite de l'utilisation du monohydrate d'azithromycine qui aurait pu être fabriqué suivant un procédés qui, s'il était réalisé au Canada, contreferait ledit brevet.
[62] Pour paraphraser certains extraits précités de l'arrêt Schmeiser[32], Novopharm cherche en l'espèce à exploiter ce qui peut fort bien être un élément breveté contenu dans une chose non brevetée, à savoir les comprimés de monohydrate d'azithromycine de 250 mg de Novopharm. Le monohydrate d'azithromycine en vrac que Novopharm projette d'importer et d'exploiter serait un élément important de son produit final, voire la principale composante de son produit. Si l'on permettait que cela se produise, et s'il y a formation de dihydrate d'azithromycine pendant le processus de fabrication de l'azithromycine en vrac de Novopharm, les demanderesses seraient indirectement privées du monopole que leur confère le brevet 876. La pleine jouissance de ce monopole qui est conféré à Pfizer É.-U. en tant que titulaire du brevet serait donc grandement compromise.
[63] De plus, si cette conclusion devait être jugée erronée, il reste que je suis aussi d'avis que Novopharm a tout simplement fait défaut de s'acquitter du « _fardeau de preuve_ » qui lui incombait de « soulever_ » la question de la non-contrefaçon dans le processus de fabrication à l'étranger du monohydrate d'azithromycine en vrac qu'elle se propose d'utiliser.
b) Caractère adéquat des échantillons fournis par Novopharm aux fins d'analyse et conclusions relatives à l'inclusion du dihydrate d'azithromycine et à la conversion
[64] L'avocat des demanderesses a souligné l'incertitude qui se dégage de la preuve soumise à la Cour concernant les échantillons de monohydrate d'azithromycine en vrac et les échantillons de comprimés que Novopharm a fournis pour la réalisation de tests par l'expert des demanderesses et concernant les échantillons fournis à ses propres experts. Après examen des diffractogrammes des rayons X du matériel en comprimé fourni au Dr Evans et du matériel en vrac fourni au Dr Munson, l'expert de Novopharm, le Dr Evans a reconnu en contre-interrogatoire que ce qui a été fourni au Dr Munson et aux experts de Novopharm était des matières différentes[33]. Cette admission, alliée au fait que les tests effectués par le Dr Munson pour vérifier la transformation avec le temps du matériel fourni ont fait appel à des études de stabilité accélérée sur le matériel en comprimé retiré de son emballage - méthode d'analyse qui était probablement la seule option possible pour le Dr Munson vu le moment où il a reçu les échantillons pour les tests -, sème le doute, à tout le moins dans l'esprit de la Cour, quant à la valeur probante des données d'analyse soumises en l'espèce.
[65] L'avocat des demanderesses soutient que, par la faute de Novopharm et de son fournisseur du produit en vrac, les analyses des échantillons ont peu de force probante et que, par conséquent, je devrais tirer une conclusion défavorable à Novopharm et rejeter son allégation de non-contrefaçon. Compte tenu des motifs déjà énoncés et ayant conclu qu'il n'y a pas lieu de déterminer aujourd'hui si les comprimés de Novopharm se convertiront avec le temps, en tout ou en partie, en dihydrate d'azithromycine, je m'abstiens de me prononcer sur cette question.
[66] Je reviens une fois encore aux motifs de ma collègue la juge Snider, dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc.[34], où elle écrit au paragraphe [71] :
En l'absence de preuve indiquant qu'Apotex a l'intention d'utiliser un type inférieur d'emballage pour son produit, on ne peut affirmer que Pfizer a établi, suivant la prépondérance de la preuve, qu'il y aura conversion lors de l'entreposage de l'azithromycine d'Apotex. À cet égard, je constate qu'Apotex, dans son énoncé détaillé du 4 décembre 2001, affirme que son produit devrait être entreposé dans des « contenants étanches » . L'affirmation par Pfizer que l'entreposage serait inapproprié n'est pas fondée.
[67] Bien que l'énoncé détaillé Novopharm ne contienne pas d'assertion à cet effet, le Dr Chouinard décrit en détail, dans son affidavit, l'emballage et les conditions d'entreposage des comprimés de monohydrate d'azithromycine. Il conclut ainsi au paragraphe 28 :
[traduction] Comme je l'ai déjà expliqué, l'emballage et les conditions dans lesquelles Novopharm projette d'entreposer son produit sont des facteurs qu'il importe de prendre en compte pour déterminer quelle quantité d'humidité, le cas échéant, pénétrera dans le contenant pendant la durée de conservation du produit et dans quelle mesure les comprimés seront en contact avec l'humidité. Par conséquent, l'emballage et les conditions prévues d'entreposage sont des éléments importants pour déterminer si le monohydrate que contient le produit se transformera en dihydrate[35].
[68] L'avocat des demanderesses fait valoir que si la Cour n'est pas prête à accueillir la demande compte tenu de la preuve concernant la conversion ou le risque de conversion, elle devrait néanmoins prononcer une ordonnance accordant réparation au titre des « _conséquences graves_ » pour Novopharm conformément à la décision SmithKline Beecham Inc. c. Apotex Inc.[36] où le juge McGillis écrit au paragraphe [40] :
J'arrive donc à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'empêcher Apotex de mettre en marché ses comprimés d'anhydre en raison de la transformation éventuelle de l'anhydre en semi-hydrate à un moment ultérieur indéterminé. Dans le cas où les comprimés d'anhydre d'Apotex se transformeraient en semi-hydrate, en totalité ou en partie, Apotex fera face alors à de « _très graves conséquences_ » [...]. [citations omises]
[69] Je m'abstiens de reprendre les propos du juge McGillis, qui vont de soi en l'espèce.
[70] Compte tenu de la preuve soumise à l'attention de la Cour, je conclus que l'allégation de Novopharm concernant le monhydrate d'azithromycine en vrac qu'il se propose d'utiliser doit être tenue pour avérée et que les demanderesses ne se sont pas acquittées de la charge ultime qui leur incombait de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que le monohydrate d'azithromycine en vrac se transforme, en tout ou en partie, en dihydrate d'azithromycine ou en contient.
[71] Je ne statue pas sur la question de savoir si, pendant la durée de conservation du produit, les comprimés de monohydrate d'azithromycine de Novopharm se transformeront, en tout ou en partie, en dihydrate d'azithromycine ou en contiendront. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas aujourd'hui que cette question doit être tranchée, si éventuellement elle doit l'être.
CONCLUSION
[72] En résumé, je suis d'avis que les demanderesses ont établi que l'avis d'allégation de Novopharm est irrégulier et qu'elles ont pleinement étayé cette question dans leur demande introductive d'instance. J'estime, de plus, que Novopharm ne pouvait dans le cadre de la présente instance « corriger » son avis d'allégation au moyen d'éléments de preuve et que de toute façon aucun élément « _correctif_ » n'a été mis en preuve. Par conséquent, je prononcerai une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Novopharm relativement à ses comprimés de monohydrate d'azithromycine en doses de 250 mg pour administration par voie orale, avant l'expiration du brevet canadien no 1,314,876.
[73] En ce qui concerne Novopharm et les demanderesses, ces dernières ont droit, sauf ordonnance contraire de la Cour, aux dépens calculés selon le tarif ordinaire. Si dans un délai de quatorze (14) jours suivant la date de la présente ordonnance, les demanderesses demandent à la Cour d'adjuger les dépens sur une base différente, Novopharm et les demanderesses pourront, respectivement, signifier et déposer une réponse et une réplique, et ce, conformément aux Règles de la Cour. Il pourra être statué sur la demande, le cas échéant, conformément à l'article 369 des Règles ou après audience aux date, heure et lieu convenant à la Cour et aux avocats.
[74] Aucuns dépens ne seront adjugés en faveur ou à l'encontre du ministre de la Santé.
____________________________
Juge C.F.
Ottawa (Ontario)
22 novembre 2004
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-74-03
INTITULÉ: PFIZER CANADA INC., et PFIZER INC. c. NOVOPHARM LIMITED et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : Les 22 et 23 septembre 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Gibson
DATE DES MOTIFS : Le novembre 2004
COMPARUTIONS :
Anthony Greber pour les demanderesses
Jennifer Wilkie
Robert Staley pour la défenderesse
Ruth Promislow
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling Lafleur Henderson LLP pour les demanderesses
Ottawa (Ontario)
Bennett Jones LLP pour la défenderesse
Toronto (Ontario)
[1] DORS/93-133.
[2] L.R.C., ch. 870.
[3] Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 74, pages 0969 à 0971.
[4] Voir, au même effet, Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., [2004] C.F. no 326 (C.F.) (Q.L.) au paragraphe 1; avis d'appel déposé le 7 mars 2004 (A-119-04).
[5] (1997), 74 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), à la page 314.
[6] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 3, pages 0023 et 0024.
[7] Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 18, page 0201.
[8] Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 25, pages 0225 et 0226.
[9] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 3, page 0025.
[10] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 12, page 0160.
[11] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 3, page 0030. L'avocat de Novopharm a eu l'occasion de formuler des commentaires concernant toute question de confidentialité associée à une version non signée des présents motifs. L'avocat a fourni les conseils suivants : [TRADUCTION] « [...] Les portions de l'affidavit d'Eric Munson qui sont citées aux paragraphes [27] et [29] des motifs d'ordonnance incluent des renseignements concernant le procédé de fabrication de Novopharm. Aux termes de l'ordonnance conservatoire, ces renseignements doivent être traités de façon confidentielle » . L'avocat a donc soutenu que les portions citées de l'affidavit du Dr Munson devraient être « gardées confidentielles » . Deux éléments ont été enlevés de la citation au paragraphe [27]. La Cour est convaincue qu'une fois ces deux passages enlevés, les citations ne contreviennent pas à l'ordonnance de confidentialité pertinente. Les citations reflètent plutôt les opinions du Dr Munson et ses hypothèses basées sur son expertise et sa connaissance des documents publiés.
[12] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 3, page 0031.
[13] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 3, pages 0031 et 0032.
[14] Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 18, page 0202.
[15] Dossier de demande des demanderesses, volume III, onglet 44, page 0397.
[16] Dossier de demande des demanderesses, volume III, onglet 44, pages 0408 à 0410.
[17] Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 61, page 0648.
[18] Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 61, pages 0684 et 0685.
[19] Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 64, page 0841 et onglet 72, pages 0955 à 0960.
[20] Dossier de demande des demanderesses, volume V, onglet 77, page 0997.
[21] Dossier de la demande des demanderesses, volume V, onglet 77, page 0999.
[22] Dossier de la demande de Novopharm, onglet 1, page 3.
[23] Dossier de la demande de Novopharm onglet 1, page 4.
[24] (1965), 47 C.P.R. 215 (Cour de l'échiquier).
[25] (2004), 31 C.P.R. (4th) 16; et 2004 CSC 34.
[26] Dossier de la demande des demanderesses, volume I, onglet 1, pages 0006 à 0008.
[27] Supra, note 4.
[28] Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 75, page 0973.
[29] Dossier de la demande des demanderesses, volume IV, onglet 75, page 0975.
[30] Dossier de la demande des demanderesses, volume IV, onglet 75, page 0986.
[31] Supra, note 4.
[32] Supra, note 25.
[33] Dossier de la demande des demanderesses, volume III, onglet 44, pages 0408 à 0410, questions 191 à 200.
[34] Supra, note 4.
[35] Dossier de demande des demanderesses, volume II, onglet 28, pages 0242 et 0243.
[36] (1999), 1 C.P.R. (4th) 99 (C.F. 1re inst.).