Dossier : T-1005-05
Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited,
Cross-Canada Auto Body Supply (West) Limited et
At Pac West Auto Parts Enterprise Ltd.
(demanderesses)
et
Hyundai Auto Canada,
une division de Hyundai Motor America
(défenderesse)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le présent appel est interjeté à l'encontre d'une ordonnance par laquelle le protonotaire Lafrenière a accordé, en date du 10 août 2005, une prorogation de délai à la défenderesse pour lui permettre de déposer un avis de comparution, en omettant d'adjuger les dépens aux demanderesses.
[2] Les parties conviennent que la règle de droit applicable aux appels à l'encontre des décisions d'un protonotaire a été établie dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, et reformulée dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459, à savoir que :
on ne doit pas toucher à l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire à moins
a) qu'elle ne porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal ou
b) qu'elle ne soit manifestement erronée parce qu'elle est fondée sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.
Si l'une ou l'autre de ces conditions existe, la cour de révision exercera son pouvoir discrétionnaire de novo.
[3] Dans la présente affaire, les demanderesses s'appuient sur le second volet de l'arrêt Agua-Gem, précité, et allèguent que le protonotaire n'a pas appliqué convenablement le critère énoncé dans Canada (Procureur général) c. Hennelly, [1999] A.C.F. no 846, aux paragraphes 3 et 4 :
Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré :
1) une intention constante de poursuivre sa demande;
2) que la demande est bien-fondé;
3) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et
4) qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.
Pour décider si l'explication du demandeur justifie ou non que soit accordée la prorogation de délai nécessaire, il faut se fonder sur les faits de chaque affaire particulière.
[4] Les demanderesses font valoir que le protonotaire n'a pas établi les points 2 et 4 du critère énoncé dans Hennelly, précité.
[5] En ce qui concerne le point 2, les demanderesses soulignent que le protonotaire Lafrenière a simplement fait mention de l'affidavit de M. Bode, chef du contentieux de la défenderesse. Celui-ci comporte des affirmations mais le bien-fondé d'une défense n'y est aucunement « démontré » .
[6] Je ne peux souscrire à cette affirmation. Dans l'affidavit, M. Bode souligne qu'il y avait eu confusion en ce qui concerne la cession et le transfert entre Hyundai Auto Canada Inc. et sa remplaçante Hyundai Canada Auto. Si l'on se fie à l'affidavit, il s'agissait simplement d'une « question de gestion interne » qui devait être réglée. La question de savoir si cela constitue une défense valable demeure à voir, mais elle est certainement suffisante pour satisfaire à l'exigence du bien-fondé dans le critère de Hennelly, précité.
[7] En ce qui concerne le point 4 du critère Hennelly, précité, les demanderesses allèguent qu'une simple inattention ne suffit pas pour justifier de manière raisonnable le retard. Les demanderesses signalent le paragraphe 6 de l'arrêt Hennelly, précité, lequel est rédigé comme suit :
Dans la présente affaire, le juge des requêtes a conclu que l'inattention n'était pas une explication suffisante pour justifier le retard de l'appelant.
[8] De la même manière, dans Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1033, la juge Reed a affirmé ce qui suit aux paragraphes 8 et 9 :
Quels sont donc les motifs pour lesquels j'accorde une prolongation de délai. J'ai déjà indiqué que, en règle générale, je ne rends pas une décision favorable lorsque les demandes reposent uniquement sur la charge de travail de l'avocat. Lorsque je suis saisie d'une demande de prolongation de délai, je cherche un motif qui échappe au contrôle de l'avocat ou du requérant, par exemple, la maladie ou un autre événement inattendu ou imprévu.
En l'espèce, le retard ne découle pas d'un tel événement imprévu. Au moment du dépôt de la demande d'autorisation, l'avocate savait que le délai pour présenter celle-ci était de trente jours, que son client habitait à Campbell River et qu'elle assisterait au congrès du Barreau vers la fin du mois d'août. Elle était libre d'organiser son horaire en conséquence. Compte tenu des circonstances, il m'était donc difficile de justifier l'octroi d'une prolongation de délai.
[9] Je suis d'accord avec les demanderesses lorsqu'elles affirment qu'une simple inattention n'est pas suffisante. Toutefois, cette proposition ne s'applique pas dans la présente affaire où il y avait deux causes opposées : une action en contrefaçon intentée par la défenderesse contre les demanderesses et une demande présentée par les demanderesses en vue de faire radier certaines marques de commerce. Le chef du contentieux de la défenderesse a confondu les deux actions. De plus, un exemplaire de la demande de radiation a été signifié aux avocats de la défenderesse à titre gracieux et il y a eu échange de correspondance entre les avocats relativement à l'importance de cet exemplaire. Tout cela dépasse la simple inattention.
[10] Dans la présente affaire, l'avocat des demanderesses savait pertinemment qu'il y avait eu confusion du côté de Hyundai et il a essayé d'en tirer avantage. Moins d'un mois s'est écoulé entre le jour où l'avis de comparution aurait dû être déposé et le jour où la demande d'autorisation pour présenter l'avis de comparution a été déposée. Une cause de préjudice n'a donc pas été établie.
[11] Dans l'application du critère Hennelly, précité, le protonotaire a assez justement considéré les quatre conditions et il les a appréciées dans leur ensemble au lieu d'examiner mécaniquement s'il avait été satisfait pleinement et entièrement à chacune d'elles. Je ne vois aucune erreur dans la façon de procéder du protonotaire.
[12] Par conséquent, les demanderesses n'ont pas réussi à satisfaire au critère énoncé dans l'arrêt Aqua-Gem, précité, et le présent appel ne peut être accueilli.
[13] En ce qui a trait aux dépens, toutefois, je ne vois pas pourquoi le protonotaire a écarté le paragraphe 410(2) des Règles. La partie qui demande une prolongation de délai est normalement responsable des dépens afférents à la requête. Le fait que les demanderesses aient présenté une requête en jugement par défaut ne les prive pas du droit de recouvrer les dépens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que l'appel soit rejeté, sauf en ce qui a trait aux dépens. Les demanderesses ont droit à leurs dépens dans la présente affaire tant pour la requête entendue par le protonotaire Lafrenière que pour le présent appel.
« Konrad W. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1005-05
INTITULÉ : CROSS-CANADA AUTO BODY SUPPLY
(WINDSOR) LIMITED, CROSS-CANADA AUTO BODY SUPPLY (WEST) LIMITED et AT PAC WEST AUTO PARTS ENTERPRISE LTD.
c.
HYUNDAI AUTO CANADA,
UNE DIVISION DE HYUNDAI MOTOR AMERICA
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 12 SEPTEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 14 SEPTEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Kenneth D. McKay POUR LES DEMANDERESSES
Jeffrey Brown POUR LA DÉFENDERESSE
Scott Fairley
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kenneth D. McKay POUR LES DEMANDERESSES
Sim, Hughes, Ashton & McKay LLP
Toronto (Ontario)
Scott R. Fairley POUR LA DÉFENDERESSE
Purser, Dooley LLP
Barrie (Ontario)
Jeffrey A. Brown POUR LA DÉFENDERESSE
Theall & Associates
Toronto (Ontario)